Le prêt à intérêt : licite ou pas?

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Riou
Barbarus
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Re: Le prêt à intérêt : licite ou pas?

Message non lu par Riou » mer. 10 nov. 2021, 17:55

mikesss a écrit :
mer. 10 nov. 2021, 13:15
Bonjour à tous,

Ayant un peu étudié le sujet de l'économie capitaliste et de l'économie catholique, je me permets d'intervenir sur ce fil afin d'expliquer ce que j'ai compris sur la moralité des pratiques usuraires.

[...]

L'argent n'étant qu'un moyen d'échange.
Bonjour,

Je crois que le problème se situe précisément ici : l'argent, dans ce qu'Aristote et Saint Thomas nomment "chrématistique", n'est pas un simple moyen d'échange où se pose la question éthique du "juste prix", mais une fin en soi qui produit un désir illimité d'acquisition à travers un art expressément consacré à cette fin.
Et si nous considérons le capitalisme et son économie, force est de constater que le système financier repose intégralement sur cette chrématistique et toutes les formes d'usures impliquées par elle ( y compris celle dont parle Cinci plus haut). Or, c'est ce capitalisme financier qui étrangle les Etats en imposant ses lois et ses mœurs à toute une société en vue de satisfaire aux exigences de cet art chrématistique dans lequel l'argent n'est plus un moyen d'échange, mais la finalité - ce qui donne la cupidité et qui nous éloigne du juste prix.
Combien de travailleurs ne voient-ils jamais le juste prix de leur travail? Combien de locataires paient une somme exorbitante pour un cachot? Quelles sont les intentions du prêteur et de l'employeur ici? Le juste prix ou l'argent recherché comme une fin en soi?
Il me semble donc que dans l'usure, Saint Thomas d'Aquin considère aussi l'intention de l'usurier en prenant en compte la finalité de l'acquisition.
Ce qui est certain, c'est que pour Saint Thomas, l'économique n'est pas séparable du politique et d'une réflexion sur la justice. Or, cette unité est niée par beaucoup de capitalistes, qui déclarent que leur système est amoral et qu'il devrait subir le moins possible les régulations politiques des gouvernements.

Yohan
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Re: Censure pour antisémitisme !

Message non lu par Yohan » jeu. 11 nov. 2021, 3:11

PaxetBonum a écrit :
ven. 13 août 2021, 23:42
dire qu'il était légitime de condamner les juifs pour leur pratique de l'usure n'est pas de l'antisémitisme mais une référence historique de l'enseignement de l'Eglise qui devrait remettre cela à jour et aujourd'hui cela ne condamnerait pas que les juifs (donc pas de crainte d'antisémitisme selon vos critères).
Les juifs pratiquaient l'usure, mais c'était considéré de manière très négative, car l'usure était alors moralement inacceptable dans la société. Mais les choses ont changé avec l'apparition du protestantisme. Calvin fut le premier à autoriser l'usure. Ce sont les protestants qui ont permis l'essor de l'usure et du capitalisme. C'est le protestantisme qui a fait émerger l'esprit du capitalisme.

Ombiace
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Re: Le prêt à intérêt : licite ou pas?

Message non lu par Ombiace » jeu. 11 nov. 2021, 5:30

Bonjour,

Il me semble qu'un obstacle non négligeable peut retenir d'infléchir le comportement usurier.

Notamment, si l'on considère Matthieu 18, le débiteur impitoyable, on peut supposer que le roi qui y règle ses comptes avec ses serviteurs a prêté avec une largesse royale envers ses emprunteurs.

Or, le souci d'un roi, qui est peut-être aussi celui d'un usurier, c'est de se montrer juste.

Au regard de la remise de dette.. :
Si l'usurier remet une dette de 1000 sous à celui qui en a emprunté 1000, doit il remettre une dette de 1000 sous à celui qui en a emprunté 10000, ou remettre la totalité des 10000 à ce dernier ?

Si on considère le prêt, au moment où il a été consenti,
pèse également déjà dans l'équation, comme certains l'ont évoqué, le souci pour l'usurier de se montrer juste, neutre, équitable, etc.., au regard du montant du prêt.

Comment, avec quels critères s'y prend donc l'usurier pour consentir un prêt, remettre une dette avec ces critères logiques de justesse ?

mikesss
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Re: Le prêt à intérêt : licite ou pas?

Message non lu par mikesss » lun. 15 nov. 2021, 10:19

Riou a écrit :
mer. 10 nov. 2021, 17:55
mikesss a écrit :
mer. 10 nov. 2021, 13:15
Bonjour à tous,

Ayant un peu étudié le sujet de l'économie capitaliste et de l'économie catholique, je me permets d'intervenir sur ce fil afin d'expliquer ce que j'ai compris sur la moralité des pratiques usuraires.

[...]

L'argent n'étant qu'un moyen d'échange.
Bonjour,

Je crois que le problème se situe précisément ici : l'argent, dans ce qu'Aristote et Saint Thomas nomment "chrématistique", n'est pas un simple moyen d'échange où se pose la question éthique du "juste prix", mais une fin en soi qui produit un désir illimité d'acquisition à travers un art expressément consacré à cette fin.
Et si nous considérons le capitalisme et son économie, force est de constater que le système financier repose intégralement sur cette chrématistique et toutes les formes d'usures impliquées par elle ( y compris celle dont parle Cinci plus haut). Or, c'est ce capitalisme financier qui étrangle les Etats en imposant ses lois et ses mœurs à toute une société en vue de satisfaire aux exigences de cet art chrématistique dans lequel l'argent n'est plus un moyen d'échange, mais la finalité - ce qui donne la cupidité et qui nous éloigne du juste prix.
Combien de travailleurs ne voient-ils jamais le juste prix de leur travail? Combien de locataires paient une somme exorbitante pour un cachot? Quelles sont les intentions du prêteur et de l'employeur ici? Le juste prix ou l'argent recherché comme une fin en soi?
Il me semble donc que dans l'usure, Saint Thomas d'Aquin considère aussi l'intention de l'usurier en prenant en compte la finalité de l'acquisition.
Ce qui est certain, c'est que pour Saint Thomas, l'économique n'est pas séparable du politique et d'une réflexion sur la justice. Or, cette unité est niée par beaucoup de capitalistes, qui déclarent que leur système est amoral et qu'il devrait subir le moins possible les régulations politiques des gouvernements.
Bonjour Riou,

Tout à fait d'accord avec vous, c'est bien là l'un des fondements du capitalisme, la recherche de richesse pour elle-même et non plus pour l'usage qu'on peut en faire. De la même façon que la révolution française a retourné les valeurs (l'homme au centre à la place de Dieu), le capitalisme a fait d'un simple moyen une fin en elle-même, ce qui conduit forcement à des problèmes, l'ordre de la nature n'étant pas respecté. Et celà se traduit par une multitude d'application concrètes: le prêt à intérêt, la spéculation en bourse, les hausses des prix dans tous les domaines, la baisse des salaires... et dans l'industrie en elle-même, alors que dans un système normal on devrait produire ce dont on a besoin ( donc avoir une production limitée par notre consommation), on raisonne maintenant à l'inverse, puisque c'est la production qui enrichit: on va hausser la consommation des gens pour pouvoir produire plus...

Concernant St Thomas, je ne pense pas qu'il prenne tant que ça en compte l'intention du préteur pour juger de la moralité du prêt à interet, car celui-ci est absolument immoral, c'est à dire quelques soient les circonstances (ce qui ne veut pas dire qu'il y ait forcement faute de la part du prêteur, car effectivement, l'intention est essentiel pour caractériser un péché).
Je pense effectivement comme vous que l'économie n'est pas dissociable du politique sur certains domaines, mais je pense surtout que le problème est l'amoralité proclamée par certains (et là on tombe dans le relativisme) cette prétendue amoralité vient en fait du fait que comme le monde nous répète sans cesse chacun sa morale (en gros, plus de morale objective), il est impossible de pour eux de définir une morale globale (ce qui, soit-dit en passant, est surtout une bonne excuse pour faire ce qui nous chante).

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