Émeutes dans les banlieues françaises (Analyses)

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
MB
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 960
Inscription : lun. 26 juil. 2004, 0:03

Message non lu par MB » mer. 16 nov. 2005, 1:00

Cher Bajulans, ne nous fâchons pas...

D'abord, une ou deux choses à écarter : je ne vous accuse de rien, et certainement pas de vous donner en spectacle.
Ensuite, je n'accepte pas votre accusation de racisme (je reviens dessus plus loin). Je pourrais d'ailleurs vous accuser à votre tour de sortir une sorte de vulgate rousseauiste (l'homme est naturellement doux... ça n'est pas très loin du bon J-J).
Enfin, il n'est pas question de remettre en cause ce que vous avez vu et entendu au sujet du monde des cités et de l'immigration en général.

Revenons sur les "ressorts de l'âme humaine", que vous dites universels par nature. Je crois, tout comme vous, en l'universalité du bien, du christianisme et de ce qu'il prône. Je crois qu'il est nécessaire de vouloir les répandre partout dans le monde. Sont-elles naturelles ? Si vous entendez par mot "naturel" que ces valeurs sont constatables chez tout être humain, ne serait-ce que sous forme embryonnaire, là je vous dis non, parce qu'il y a tout simplement des cas où ça ne marche pas (chez les Romains, ça ne marche pas, et quand ça marche, la dimension du "bien" n'a pas de valeur cardinale). Si en revanche, par le terme de "nature" vous parlez de vraie nature de l'homme, là nous sommes d'accord. Tout homme est capable d'accepter et de comprendre le Christ ; ce dernier le rend à sa véritable nature, mais cette nature-ci ne se définit que par rapport au contenu de la Révélation (= nous sommes enfants de Dieu). Mais pour parvenir à cette véritable nature, il faut le vouloir, or précisément il y a des sociétés, aujourd'hui comme hier, qui ne sont pas prêtes à le vouloir spontanément (parlez du message chrétien au Romain moyen de l'époque d'Auguste, vous le ferez rigoler) ; ce qui ne veut pas dire qu'il faille les laisser dans leur état ; c'est nous qui devons, par la persuasion, les amener à le vouloir.

Si vous refusez par principe de lire des bouquins de sciences sociales, c'est dommage pour vous. Je le dis sans me vanter, car moi-même, j'ai encore de gros manques. En tout cas, je peux vous dire ceci... il y en a qui tentent de décrire les sociétés étudiées en les comprenant de l'intérieur ; c'est ce qu'on attend d'un bon ethnologue. Il peut s'agir de tous types de sociétés, de Nambikwara comme de malades psychiatriques, de Nuer comme de populations déshéritées d'un bidonville francilien - ou tout simplement des jeunes filles des Bals de débutantes. Peu importe la société, ce qui compte, c'est de voir comment des hommes, en cohabitant, inventent les solutions qui leur permettent de se confronter et d'être ensemble. C'est de voir comment ça marche. Il est donc nécessaire, pour bien faire son travail, d'avoir un minimum de sympathie envers les gens qu'on étudie ; et quand un ethnologue étudie une société aux ressorts moraux radicalement différents des nôtres, cela ne signifie pas qu'il les approuve, cela signifie tout simplement qu'il essaie de voir comment, à partir de ces critères, une société donnée peut fonctionner, se perpétuer, et se donner du sens.
Dire que des gens sont différents, ce n'est pas les approuver ; c'est constater qu'ils sont différents, et que la constitution humaine, la nature humaine si vous voulez, contient cette différence et ce qui la construit, dans ses virtualités. Après, on peut être tout à fait opposé à ces valeurs. On peut aussi essayer de convaincre les gens de les abandonner si elles sont mauvaises ; mais cette démarche, à laquelle je souscris à fond, suppose une possibilité de compréhension mutuelle, donc l'absence de ce racisme que vous me reprochez à tort. Bien sûr on pourra reprocher à un ethnologue de ne pas prêcher la bonne parole chez, mettons, les exciseurs : mais ce n'est pas son travail d'ethnologue, c'est son devoir d'être humain. Cette discussion a déjà eu lieu dans un autre fil, je crois.

Si donc vous me dites que vous refusez de lire cette littérature, en arguant que "ils me semblent viciés à la base d'une idée fausse : les hommes sont foncièrement différents les uns des autres", vous faites la même erreur que ceux qui refusent de lire de la socio parce qu'ils croient que cette science se réduit à Bourdieu. Tout simplement, vous avouez une insuffisance intellectuelle, et c'est dommage, car bien des discussions que nous avons ici supposent une connaissance minimale des concepts issus de ces sciences - qu'il nous arrive très souvent d'utiliser sans le savoir.
Ce qui est excitant dans une science humaine et sociale, c'est justement de montrer ce qu'il y a de différent chez les autres, et comment cette différence n'en réussit pas moins à organiser tout un monde. Autrement, quel intérêt, sinon celui de se regarder narcissiquement en l'autre comme dans un miroir ?
Mais chacun ses soucis - moi, j'ai de graves lacunes en théologie...

Allez, à bientôt :cool:
MB

bajulans
Quæstor
Quæstor
Messages : 223
Inscription : lun. 18 avr. 2005, 9:51
Localisation : provence

précisions

Message non lu par bajulans » mer. 16 nov. 2005, 8:17

Cher MB,

Ne vous inquiétez pas, je ne me fâche pas.

Bien sûr je ne vous ai pas traité de raciste, car ce terme est chargé chez nous d'une profonde connotation péjorative. Je vous ai seulement mis en garde.

Si vous me lisez bien, vous verrez que je n'ai pas dit que l'homme était naturellement bon, mais qu'il était naturellement doux. C'est l'angoisse, l'ignorance, l'oppression, la maltraitance, l'orgueil collectif ou individuel etc. qui le rendent agressif. Je ne nie pas non plus le péché originel et je sais que l'homme est facilement menteur, hypocrite et peut devenir violent, mais sa nature, tel qu'il est sorti des mains de Dieu, si vous me passez l'expression, c'est d'être doux. Il n'a ni dent, ni griffe, il n'est pas taillé pour tuer ou pour blesser, il est fait pour embrasser, pour caresser, pour consoler, pour protéger. Cette idée, je l'ai trouvée dans l'ouvrage du Cal Antoniano sur l'Education Chrétienne, ce n'est pas dans Rousseau.

Nietzsche qui dit expressément l'inverse n'a rien compris à ce qu'était un homme.

Qu'il y ait des différences de mentalité, je ne le conteste pas, c'est une évidence. Que ces différences de mentalités se rencontrent dans les divers groupes ethniques ou religieux, je ne le conteste pas non plus, c'est une évidence. Qu'il faille étudier les différences, c'est un objet tout à fait digne d'étude et je ne conteste pas. Mais ces différences n'empêchent pas l'unité profonde de la nature humaine, c'est une vérité à garder constamment à l'esprit en menant ces études sociologiques, c'est pourquoi, il me semblait que Christian allait trop loin et que son discours s'éloignait dangereusement de la réalité, en raison de l'application absolue d'une idée particulière, juste cependant, cette idée, si son application reste adéquate à l'infinie variété de la réalité, donc reste limitée dans son extension.

Si je ne lis pas les livres dont vous me parlez, ce n'est pas par mépris, mais parce que je n'ai pas le temps et ce n'est pas ma spécialité, la sociologie. Par profession, je dois déjà lire beaucoup. Ensuite si nous vivons en société, et plus spécialement si nous sommes sur ce forum, c'est justement pour pouvoir nous entre aider, donc si vous les avez lus, que vous m'en faites un compte rendu, je vous dis merci, je tiens compte de vos comptes rendus et je vous livre mes réflexions.

De profession, je suis juriste et donc je m'intéresse au droit, à la science juridique, donc à la philosophie et à la morale et à la religion qui sont intimement liées au droit. Je ne suis pas théologien, mais je suis catholique et donc cela éclaire toute ma vie, y compris ma vie intellectuelle.

Dernière idée, en réponse : je ne suis pas vexé que vous me disiez que je me mets en scène, mais comme cela ne correspondait pas à mon intention (il aurait été ridicule, vous le comprenez, de vous dire, je n'ai jamais aucune tentation et que mon seul mobile est de faire le bien), je me permets de rectifier, c'est plutôt parce que, bien que non rousseauiste, j'ai la profonde conviction que l'être humain agit pratiquement toujours parce qu'il croit, à tort ou à raison, qu'il fait le bien. L'être humain n'est pas bon à la façon de Rousseau, mais il est meilleur que ce que l'on croit souvent.

Amicalement.

Bajulans
Loué soit Jésus-Christ

Charles
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1642
Inscription : mer. 14 juil. 2004, 16:44

Message non lu par Charles » mer. 16 nov. 2005, 19:50

Chers amis,

avez-vous remarqué comme nombre d'analyses et de propositions ici exprimées sont reprises par des députés et des ministres de l'actuelle majorité ? Pour les anciens, qui se souviennent du site du FRS créé à l'occasion de la lettre de mission de Jean-Pierre Raffarin sur le suicide, la misère et l'isolement, on peut avoir l'impression que les propositions du catholicisme social font leur chemin et apparaissent petit à petit comme les seules réalistes. Service civil, agence de l'intégration, question du regroupement familial, importance du tissu associatif, etc. etc. on retrouve aujourd'hui dans le discours de la droite des solutions dont la synthèse est simple : propositions du site du FRS (de l'époque moins le DU) + propositions de Cité-catholique.org.

Charles
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1642
Inscription : mer. 14 juil. 2004, 16:44

Message non lu par Charles » mer. 16 nov. 2005, 19:55

Il devient de plus en plus manifeste que c'est dans le catholicisme social que la droite peut trouver les analyses les plus pertinentes et les propositions efficientes pour traiter des questions sociales.

Si jamais la droite "gouvernementale" voulait apporter de vraies et efficaces solutions aux problèmes sociaux d'aujourd'hui, il lui suffirait de recruter de ces experts : cadres d'entreprises, responsables associatifs... de la trempe de Rodolphe Clauteaux ou Xavier Lemoine, et il y en a un vivier conséquent, pour griller complètement les socialistes empêtrés dans leurs impossible désidéologisation... ;-)

La droite n'a pas encore très bien perçu le potentiel d'expertise en matière sociale qu'elle a à sa disposition. :roll:
Dernière modification par Charles le jeu. 17 nov. 2005, 14:43, modifié 1 fois.

elisseievna
Rector provinciæ
Rector provinciæ
Messages : 547
Inscription : ven. 08 oct. 2004, 3:08

Message non lu par elisseievna » mer. 16 nov. 2005, 23:38

"Service civil, agence de l'intégration, question du regroupement familial, importance du tissu associatif, etc. etc"

C'est a dire ?
Roublev, peintre de genie, chretien ou pas.

elisseievna
Rector provinciæ
Rector provinciæ
Messages : 547
Inscription : ven. 08 oct. 2004, 3:08

Message non lu par elisseievna » ven. 25 nov. 2005, 11:58

Interview de Finkielkraut en entier,
à vous de juger


en anglais :

http://www.haaretz.com/hasen/spages/646938.html

Alain Finkielkraut. "When an Arab torches a school, it's rebellion. When a white guy does it, it's fascism. I'm 'color blind.' Evil is evil, no matter what color it is. And this evil, for the Jew that I am, is completely intolerable." (Hannah/Opale)

en français :

http://www.upjf.org/actualitees-upjf/ar ... aretz.html
Roublev, peintre de genie, chretien ou pas.

Charles
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1642
Inscription : mer. 14 juil. 2004, 16:44

Finkelkraut

Message non lu par Charles » sam. 03 déc. 2005, 17:02

Quelques remarques percutantes de Finkelkraut :

"En France, on voudrait bien réduire ces émeutes à leur dimension sociale, les considérer comme une révolte de jeunes des banlieues contre leur situation, la discrimination dont ils sont l’objet, le chômage. Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou Arabes et ont une identité musulmane. Vous savez, il y a aussi, en France, d’autres immigrants en situation difficile - Chinois, Vietnamiens, Portugais -, et ils ne participent pas aux émeutes. Il est donc clair qu’il s’agit d’une révolte à caractère ethnico-religieux."

"Imaginez un instant qu’ils soient blancs, comme à Rostock, en Allemagne. On dirait immédiatement : "le fascisme ne passera pas". Quand un Arabe incendie une école, c’est une révolte. Quand c’est un blanc qui le fait, c’est du fascisme. Je suis 'daltonien' : le mal est le mal, quelle que soit sa couleur. Et ce mal-là, pour le Juif que je suis, est totalement inacceptable.
Pire, il y a là une contradiction. Parce que si ces banlieues étaient vraiment dans une situation d’abandon total, il n’y aurait pas de salles de sport à incendier, il n’y aurait pas d’écoles, ni d’autobus. S’il y a des gymnases, des écoles et des autobus, c’est parce que quelqu’un a fait un effort. Peut-être insuffisant, mais un effort tout de même."

"Et ces gens qui détruisent des écoles, que disent-ils, en fait ? Leur message n’est pas un appel à l’aide, ou une exigence de plus d’écoles ou de meilleures écoles. C’est la volonté de liquider les intermédiaires entre eux et les objets de leurs désirs. Et quels sont les objets de leurs désirs ? C’est simple : l’argent, les marques, parfois les filles. Et c’est quelque chose dont notre société est, sans conteste, responsable. Parce qu’ils veulent tout immédiatement, et ce qu’ils veulent, n’est que l’idéal de la société de consommation."

"Mais, s’ils ont une carte d’identité française, ils sont Français et s’ils n’en ont pas, ils ont le droit de s’en aller. Ils disent : "Je ne suis pas Français, je vis en France et, de plus, je suis dans une situation économique difficile". Personne ne les retient de force ici. Et c’est précisément là que commence le mensonge. Parce que, s’ils étaient victimes de l’exclusion et de la pauvreté, ils iraient ailleurs. Mais ils savent très bien que, partout ailleurs, et en particulier dans les pays d’où ils sont venus, leur situation serait encore pire, en matière de droits et d’opportunités."

MB
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 960
Inscription : lun. 26 juil. 2004, 0:03

Message non lu par MB » lun. 05 déc. 2005, 2:25

Tu as bien fait, Charles, de citer Finkie. Le pire, maintenant, c'est le procès qui lui est fait : le voici pris en plein dans la tourmente du terrorisme intellectuel.
Cf. le dernier numéro du Nouvel Obs, une vraie honte, pas d'autre mot, avec sa une sur les "néo-réacs", au premier rang desquels le phhilosophe. C'est curieux, cette manie, dans cette revue, de faire des listes noires... Joffrin = Maccarthy de gauche ?

Larmorencourt
Censor
Censor
Messages : 171
Inscription : dim. 09 oct. 2005, 23:59

Message non lu par Larmorencourt » jeu. 08 déc. 2005, 12:19

Je lisais dernièrement un article dans « Le Monde » traitant de la discrimination des femmes immigrées, l’article arborait fièrement une photo de femmes voilées. Je lisais la phrase suivante :

« Femmes et issues de l'immigration : à double titre, elles se heurtent au "plafond de verre", cette barrière invisible des discriminations qui les empêche de prendre toute leur place dans la société »

Puis plus loin:

« une des difficultés principales dans la lutte pour l'amélioration de la situation des femmes immigrées et issues de l'immigration réside dans leur invisibilité , celles-ci n'étant pas représentées dans les instances dirigeantes, les syndicats, les associations et les partis".

Je ne nie pas qu’elles puissent subir des discriminations de la part des français. Cependant, nous qui subissons la discrimination de la pensée, n’avons-nous pas envie d’hurler à travers le plafond de verre que le prêt-à-penser ambiant dresse au-dessus nous : « Elle est pourtant visible la solution, ouvrez les yeux, elle se trouve devant vos yeux !!! Rendons ces voiles et autres Burkas invisibles, et ces femmes deviendront visibles ».

Il y a un film américain qui relate l’histoire de deux jumeaux, l’un est noir et l’autre est blanc, pourtant quand on révèle au blanc que les tests ADN contredisent leur consanguinité, le blanc ne peut se résoudre à y croire, son frère noir lui ressemble trop. Voilà l’état de la presse fonctionnarisée et de la France Artificielle : « N’est invisible qu’à ceux qui sont aveugles »

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 32 invités