Relations Église-État

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
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prodigal
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Re: Relations Église-État

Message non lu par prodigal » jeu. 04 juin 2020, 19:19

Chère Suliko,
le texte que vous citez est précieux, puisqu'il est l'émanation de l'Eglise enseignante. Il est en partie clair, mais à mon sens en partie seulement.
Ce qui est clair, c'est que nul n'a le droit de contraindre quiconque à agir contre sa conscience en matière religieuse. Contraindre à transgresser un interdit alimentaire par exemple, ou bien empêcher quelqu'un de prier comme il l'a appris, rentrent très clairement dans cette définition.
Cependant figure la mention de "justes limites", dont il n'est pas dit si elles sont purement liées à l'ordre social (ainsi l'on pourrait interdire les prières de rue lorsqu'elles portent atteinte à la libre circulation par exemple, sans que ce soit entraver la liberté religieuse), ou si elles peuvent être aussi d'ordre spirituel. Ainsi se pose par exemple cette question : quel sort doit être réservé aux sectes? il me semble que l'expression "dans de justes limites" inclut la possibilité de lutter contre les sectes.
La fin de l'extrait que vous citez a deux mérites, selon moi : d'une part associer, à juste titre, la Parole divine et la raison comme fondatrices de la dignité humaine, d'autre part ce que vous-même rappeliez, à savoir ne pas séparer l'ordre spirituel et l'ordre politique, bien qu'ils soient distincts.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » jeu. 04 juin 2020, 19:56

Prodigal.

Vous savez bien ...


Nous venons maintenant à une cause, hélas ! trop féconde des maux déplorables qui affligent à présent l'Église. Nous voulons dire l'indifférentisme, ou cette opinion funeste répandue partout par la fourbe des méchants, qu'on peut, par une profession de foi quelconque, obtenir le salut éternel de l'âme, pourvu qu'on ait des moeurs conformes à la justice et à la probité. Mais dans une question si claire et si évidente, il vous sera sans doute facile d'arracher du milieu des peuples confiés à vos soins une erreur si pernicieuse. L'Apôtre nous en avertit : " Il n'y a qu'un Dieu, qu'une foi, qu'un baptême " (Ad Ephes. IV, 5) ; qu'ils tremblent donc ceux qui s'imaginent que toute religion conduit par une voie facile au port de la félicité ; qu'ils réfléchissent sérieusement sur le témoignage du Sauveur lui-même : " qu'ils sont contre le Christ dès lors qu'ils ne sont pas avec le Christ " (LUC. XI, 23) ; qu'ils dissipent misérablement par là même qu'ils n'amassent point avec lui, et que par conséquent, " ils périront éternellement, sans aucun doute, s'ils ne gardent pas la foi catholique et s'ils ne la conservent entière et sans altération " (Symb. S. Athanas.). Qu'ils écoutent saint Jérôme racontant lui-même, qu'à l'époque où l'Église était partagée en trois partis, il répétait sans cesse et avec une résolution inébranlable, à qui faisait effort pour l'attirer à lui : " Quiconque est uni à la chaire de Pierre est avec moi " (S. Hier. Ep. LVIII). En vain essayerait-on de se faire illusion en disant que soi-même aussi on a été régénéré dans l'eau, car saint Augustin répondrait précisément : " Il conserve aussi sa forme, le sarment séparé du cep ; mais que lui sert cette forme, s'il ne vit point de la racine ? " (S. Aug. in Psal. contra part. Donat.)

De cette source empoisonnée de l'indifférentisme, découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l'Église et de l'État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! " quelle mort plus funeste pour les âmes, que la liberté de l'erreur ! " disait saint Augustin (S. Aug. Ep. CLXVI). En voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu'ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mal, c'est en vérité que nous disons qu'il est ouvert ce " puits de l'abîme " (Apoc. IX, 3), d'où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre.

De là, en effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse ravager les États ; car l'expérience nous l'atteste et l'antiquité la plus reculée nous l'apprend : pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il n'a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations

(Grégoire XVI, Mirari Vos)




ou


Indifférentisme, Latitudinarisme.

[propositions condamnées par le pape ]

XV. Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison


XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n'importe quelle religion


XVII. Tout au moins doit-on avoir bonne confiance dans le salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Église du Christ


XVIII. Le protestantisme n'est pas autre chose qu'une forme diverse de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l'Église catholique

(Pie IX, Syllabus)


Il me semble "assez évident" que les documents de Vatican II ne se contentent pas de reformuler différemment des propositions semblables mais bel et bien de les annuler. Disons qu'au minimum l'on va trouver régulièrement des affirmations tendancieuses et bien faites pour agréer des idées contraires.

Dignitatis Humanae (Vatican II)

[...]

4. Liberté des groupes religieux

La liberté ou absence de toute contrainte en matière religieuse qui revient aux individus doit aussi leur être reconnue lorsqu’ils agissent ensemble. Des communautés religieuses, en effet, sont requises par la nature sociale tant de l’homme que de la religion elle-même.

Dès lors, donc, que les justes exigences de l’ordre public ne sont pas violées, ces communautés sont en droit de jouir de cette absence de contrainte afin de pouvoir se régir selon leurs propres normes, honorer d’un culte public la divinité suprême, aider leurs membres dans la pratique de leur vie religieuse et les sustenter par un enseignement, promouvoir enfin les institutions au sein desquelles leurs membres coopèrent à orienter leur vie propre selon leurs principes religieux.

Les communautés religieuses ont également le droit de ne pas être empêchées, par les moyens législatifs ou par une action administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de les former, de les nommer et de les déplacer, de communiquer avec les autorités ou communautés religieuses résidant dans d’autres parties du monde, de construire des édifices religieux, ainsi que d’acquérir et de gérer les biens dont ils ont besoin.

Les communautés religieuses ont aussi le droit de ne pas être empêchées d’enseigner et de manifester leur foi publiquement, de vive voix et par écrit. Mais, dans la propagation de la foi et l’introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s’abstenir de toute forme d’agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s’il s’agit de gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d’agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une atteinte au droit des autres.

La liberté religieuse demande, en outre, que les communautés ne soient pas empêchées de manifester librement l’efficacité singulière de leur doctrine pour organiser la société et vivifier toute l’activité humaine. La nature sociale de l’homme, enfin, ainsi que le caractère même de la religion, fondent le droit qu’ont les hommes, mus par leur sentiment religieux, de tenir librement des réunions ou de constituer des associations éducatives, culturelles, caritatives et sociales



Je relisais Gaudium et Spes dans un autre tantôt ...

Au point 26 qui parle du bien commun, on comprend que la liberté religieuse devrait être comprise comme un droit fondamental de tout individu, groupement humain.

"... mais en même temps grandit la conscience de l'éminente dignité de la personne humaine, supérieure à toutes choses et dont les droits et les devoirs sont universels et inviolables. Il faut donc rendre accessible à l'homme tout ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine ... [...] droit d'agir selon la règle droite de sa conscience ... [...] à une juste liberté, y compris en matière religieuse. (Gaudiun et Spes, 26)

Il faut que l'État (la magistrature, la société civile) puisse veiller en un mot à ce que des protestants/musulmans aient accès à leur temples protestants/mosquées, condition pour que le groupe protestant/musulman puisse y mener une vie vraiment humaine, conforme à sa règle, sa conscience. Il est une nécessité absolue qu'un protestant/ musulmanpuisse être un protestant/musulman et qu'Il puisse continuer de l'être. Sa dignité personnelle l'exigerait, etc. Le texte de Gaudium et Spes suggère que Grégoire XVI avait une conscience moins grande, moins bonne ou moins vive de l'éminente dignité des personnes humaines. Pie IX était moins bien éclairé assurément.

Au point 92 Le dialogue entre tous les hommes

"... notre pensée embrasse nos frères et leurs communautés, qui ne vivent pas encore en totale communion avec nous, mais auxquels nous sommes cependant unis par la confession du Père, du Fils et de l'Esprit Saint et par le lien de la charité. Nous nous souvenons aussi que l'unité des chrétiens est aujourd'hui attendue et désirée, même par un grand nombre de ceux qui ne croient pas au Christ. "

C'est faux. Ce n'est pas vrai que les catholiques seraient unis par un lien de charité avec les schismatiques ou les hérétiques. Pour avoir lu le cardinal Journet dans ses textes d'avant ce dernier concile de l'Église, j'y lisais "spécifiquement" que le lien de charité était détruit (détruit) par le schisme et les hérésies. C'est tous les grands théologiens de l'Église catholique du temps de la contre-réforme et après qui disaient cela. La charité dont il est question quand on parle de l'Église, c'est l'orientation dans le Christ et l'unité de direction (sous un seul chef; la communion avec l'évêque; "Il ne peut pas avoir Dieu pour Père qui n'a pas Marie pour mère", etc.)

Qui aura jamais parlé d'un tel besoin de réaliser l'unité entre des catholiques et des chrétiens dissidents (négateurs des dogmes de l'Église). Absurde.

L'unité ? Elle existe déjà. Elle n'est pas à faire. C'est l'unité de la foi catholique.



Lorsque Grégoire XVI parlait de "délire", Vatican II parle d'un droit fondamental.

Vous observerez que le texte de Dignitatis Humanae évoque comme un droit fondamental le droit des musulmans d'organiser la société française selon les règles de la charia. Dignitatis dit qu'une communauté musulmane en France peut se chercher des chefs religieux en Arabie saoudite. La communauté pourrait prier dans les rues, lancer l'appel du muezzin, se ballader en kami, etc.

C'est bien pourquoi l'Église catholique chez nous fait cause commune avec les communautaristes musulmans d'Afrique ou du Moyen-Orient, d'iran, du Turquie ou d'Arabie ... contre les Québécois (ex-catholiques ou catholiques peu importe).

:clap: :clap:

"Bravo, champion !", lancerait-on au porte-parole du Vatican. "Bravo pour votre angélisme".

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Altior » jeu. 04 juin 2020, 21:18

Cinci a écrit :
jeu. 04 juin 2020, 19:56

Il me semble "assez évident" que les documents de Vatican II ne se contentent pas de reformuler différemment des propositions semblables mais bel et bien de les annuler.
(...)
Lorsque Grégoire XVI parlait de "délire", Vatican II parle d'un droit fondamental.
Un réputé théologien allemand, par ailleurs préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, vous donne raison, cher Cinci:

Si l'on cherche un diagnostic global du texte (il s'agit de «Dignitatis Humanae», n.m,A.), on pourrait dire qu'il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus

et plus loin:

Contentons-nous ici de constater que le texte joue le rôle d'un contre-Syllabus, dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l'Eglise avec le monde, tel qu'il était devenu depuis 1789. (Joseph card Ratzinger: Principes de la théologie catholique, Tequi, Paris 1985).

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Suliko » jeu. 04 juin 2020, 21:52

Prodigal,
il me semble que l'expression "dans de justes limites" inclut la possibilité de lutter contre les sectes.
Non, elle ne l'inclut pas, puisque le texte est très clair sur le fait que tout homme ne doit pas être empêché d'agir en public, y compris en tant que groupe (associé à d'autres), selon sa religion. Une telle liberté est décrite comme un droit humain qui doit être reconnu dans l'ordre juridique. Avec une telle conception de la liberté, comment voulez-vous que l'Etat limite le prosélytisme des fausses religions, tant qu'il n'y a pas de perturbation de l'ordre public (appel au meurtre, à la violence, perturbation de la circulation par des prières de rue, etc...) ? Un tel Etat neutre pourra certes toujours agir contre certains groupes religieux fanatiques, mais il sera totalement impuissant face au prosélytisme des faux cultes, qui auront la voie totalement libre pour inciter de nombreux catholiques à faire naufrage dans la foi.
Penser que la vraie religion triomphera forcément dans un tel contexte "neutre", c'est faire preuve d'une grande naïveté. C'est faire comme si le péché originel n'existait pas, comme si l'homme, face à un Etat indifférent et à d'innombrables doctrines contradictoires, ne sera pas que trop incliné à choisir celle qui lui paraît la moins contraignante.
Et une fois n'est pas coutume, mais je finirai ce message avec Louis Veuillot :
Je dirais volontiers que le catholicisme libéral est une erreur de riche. Elle ne pouvait venir à l'esprit d'un homme qui aurait vécu parmi le peuple et qui verrait les difficultés sans nombre que la vérité, surtout aujourd'hui, éprouve à descendre et à se maintenir dans ces profondeurs où elle a besoin de toutes les protections, mais plus particulièrement de l'exemple d'en haut. Le peuple attache une idée de mérite intellectuel à la situation, à la force, au commandement. L'inférieur se laissera difficilement persuader qu'il doit être chrétien quand son supérieur ne l'est pas. Et le supérieur lui-même a quelque chose de cette idée, car l'élévation morale de son inférieur le désoblige, l'irrite et lui devient promptement odieuse.
De là le zèle non moins ardent qu'insensé et coupable avec lequel tant de misérables travaillent à détruire la religion dans l'âme de leurs subordonnés. Que l'État cesse de pratiquer officiellement le culte, qu'il rompe, qu'il cesse de prendre part aux cérémonies, que cela se dise et se voie : ce serait déjà une persécution, et il n'y en aurait pas de plus dangereuse, peut-être. On s'en apercevrait peu immédiatement dans les villes ; les riches, pendant un temps, ne s'en apercevraient pas du tout ; mais dans les campagnes ce serait un fait immense et désastreux. Je ne dis rien des autres conséquences de l'athéisme de l'État ; je me tiens aux seuls effets de l'exemple.
[...]
Le monde est en voie de perdre avec le Christ tout ce que le Christ lui avait donné. La Révolution dissipe ce royal héritage en se targuant de le conquérir. Tout va à la tyrannie, au mépris de l'homme, à l'immolation des faibles, et tout cela s'accomplit au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Conservons la liberté de proclamer que Dieu seul est Dieu, et qu'il faut n'adorer que lui et n'obéir qu'à lui, quels que soient les maîtres que son courroux laisse passer sur la terre. Conservons l'égalité, qui nous enseigne à ne plier nos âmes ni devant la force, ni devant les talents, ni devant les succès, mais devant la seule justice de Dieu. Conservons la fraternité, cette fraternité vraie qui n'existe et ne peut exister sur la terre que si nous y maintenons la paternité et la royauté du Christ.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Cinci » ven. 05 juin 2020, 2:28

Altior :
Un réputé théologien allemand, par ailleurs préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, vous donne raison, cher Cinci:
Oui, le cardinal Ratzinger admettait que deux siècles de valeurs libérales qui avaient été forgées en dehors de l'Église avaient fini par prendre place dans la vision du monde de l'Église.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » ven. 05 juin 2020, 3:59

Bonjour Cinci et à tous,
Cinci a écrit :
jeu. 04 juin 2020, 19:56
Vous observerez que le texte de Dignitatis Humanae évoque comme un droit fondamental le droit des musulmans d'organiser la société française selon les règles de la charia. Dignitatis dit qu'une communauté musulmane en France peut se chercher des chefs religieux en Arabie saoudite. La communauté pourrait prier dans les rues, lancer l'appel du muezzin, se ballader en kami, etc.
Vous observerez au passage que de tels cas sont des cas théoriques qui peuvent se produire et que ce n’est pas par une doctrine que nous l’empêcherons ! S’ils sont gênants c’est aussi quand et parce que d’une certaine façon notre doctrine ne les prévoit pas :
comment les vivre alors ?
Personnellement je ne l’ai jamais compris comme cela ce texte parce que à mes yeux la menace n’est pas tant celle-là (qui n’est pas encore une réalité), que de voir le droit des catholiques quand ils sont en minorité, bafoué par un gouvernement qui serait entre les mains d’une autre religion ou d’une laïcité. Ils ne pourraient alors se défendre en utilisant une théologie propre qui ne serait légitimement pas reconnue par la conscience des autres, mais ils le pourront en utilisant une philosophie dont la règle protectrice se présente comme étant universelle.
La situation serait la même, vous me direz, ce n’est que l’urgence qui a changé, mais elle est prise comme perpétuelle.

Or l’encyclique ne va pas jusque là précisément (la fin de votre extrait) parce que le concept de laïcité ou d’impartialité exige que la religion dominante ne fasse pas preuve de favoritisme au détriment des autres religions (cela, c’était notre doctrine et ce sera probablement celle d’autres religions et elle est ouf jugée aujourd’hui abusive d’un point de vu seulement basique et philosophique, universel).
Cela devient largement préférable à la prédominance d’une religion et donc d’une doctrine qui ne serait pas la nôtre !

Dès lors que le catholicisme n’est pas majoritaire, je ne vois pas où serait la différence entre l’ancienne et la nouvelle conception de l’Eglise, je trouve même que l’ancienne est à ce sujet très peu prolixe, car elle ne doit pas se contredire avec la justice et comment donc en traitait-elle la situation, j’aimerais bien le savoir !
En fait il y a une différence et la nouvelle nous est alors plus favorable (sauf que ce n’est pas nous qui avons la force brute pour nous défendre, sinon celle des médias et de la raison).
L’ancienne semblait ne considérer que la situation de notre supériorité numérique ou de pouvoir, ce qui suppose un maintien de sa prédominance par la force, donc elle était en contradiction avec l’interdiction de s’en servir (ne serait-ce que passivement) pour convertir les autres.
La nouvelle ne porte aucune contradiction en elle-même ni avec le sens de la justice ! Car prendre prétexte de celle que l’on doit rendre à Dieu pour opprimer d’autres personnes qui n’ont pas notre croyance, ce n’est pas juste.

Le christianisme n’a jamais été la religion des puissants, des riches, etc. mais plutôt des opprimés, (ce qui est logique pour une autre raison que la bonté de Dieu ou que les béatitudes, vu que l’on ne doit pas rechercher en premier les biens spirituels) donc lui donner une doctrine qui suppose d’en avoir les places, c’est en soi contradictoire - à moins que toutes les autres places soient prises !
Si donc il y a un choix à opérer entre l’ancienne et la nouvelle doctrine en ce qu’elles s’opposeraient, le choix juste pour un chrétien me paraît évident et il va dans le sens d’un progrès : ouf !

Ce qui pose la question de : « la tradition peut-elle s’être trompée provisoirement » ? Car y donner le non pour réponse devient le seul argument des partisans de l’ancienne, ce qui est faible !
Or n’est-ce pas le cas quand une hérésie sévit et avant qu’elle soit condamnée ? Il peut y avoir aussi une autre raison, et je vais pour cela l’aborder autrement, mais auparavant, il faut bien voir que cette nouvelle doctrine est aussi cohérente avec l’œcuménisme et que celui-ci respecte mieux l’instruction de se réconcilier avec son frère avant d’aller présenter son offrande, et elle démontrera aussi le contraire de ceci :
Cinci a écrit :
jeu. 04 juin 2020, 19:56
Ce n'est pas vrai que les catholiques seraient unis par un lien de charité avec les schismatiques ou les hérétiques.
Pour cela je vais reprendre l’intervention ci-dessous qui semble avoir obtenu un certain consensus et en extraite deux points qui méritent plus de réflexion :
Fernand Poisson a écrit :
jeu. 04 juin 2020, 11:54
- droit de Dieu à ce qu'on lui rende un culte juste, donc catholique ;
- droit que chacun a de connaître la vérité et d'être préservé de l'erreur, ce qui légitime des mesures coercitives envers l'expression publique des fausses religions (à cause de leur propagande).
1> Concernant le culte juste, dans l’ancien testament Dieu avait précisément déterminé en quoi il consistait. Dans le nouveau, pas du tout, ou de façon si sibylline (« en esprit et en vérité ») qu’elle peut se prêter à bien des interprétations. La perpétuation ordonnée de l’eucharistie n’a prescrit aucun rite particulier, ne nécessite que peu (du pain, du vin) et tous peuvent donc être recevables.
En a-t-elle limité le droit aux seuls présents et à ceux à qui ils l’autoriseront - dès lors que d’autres en apprendront la cause et l’origine, en verront la reproduction ?
Tout ce qui s’y ajoute ne vient pas de Dieu, mais d’une autorité qu’il a confiée à Pierre, et bien que son commandement s’adressait à chacun des apôtres au même titre qu’à lui (ou alors, il y aurait nécessité de les voir rassemblés pour célébrer, ou décréter).
En tout cas, le culte ne se limite pas non plus aux sacrements…
Un certain nombre de questions semblent avoir été résolues pour différentes raisons, ce n’est pas que je veuille en contester le résultat, mais est-ce une raison pour les oublier, et que leur réponse n’a pas été Divine en tant que telle ?

Ce qui fait la richesse de la tradition, c’est précisément qu’elle aurait pu être autre, et qu’à ce titre elle est, a été et sera une expression de notre liberté.
Exactement comme ce qui a déterminé la largeur de l’écartement des rails des chemins de fer (qui remonte à celui des roues des chars antiques). C’est à la fois une contrainte et une nécessité liée à notre liberté.
Si les litiges ne peuvent être réglés que par un seul, ce sera Pierre. Toute autre attitude, comme celle faisant l’objet du litige que nous traitons sur ce fil, relève d’une attitude orthodoxe (poussée au-delà, car celle-ci reconnaît au moins l’autorité des conciles œcuméniques !) et non catholique ! L’adopter en étant catholique est un paradoxe absolu ! Pierre prévaut sur la tradition parce que la tradition a quelque chose de non obligatoire par son contenu, mais d’obligatoire par son contenant et qui relève de notre humanité. La revendiquer autrement est un abus ! Ou expose à d’autres dérives insurmontables, qui détruiront l’unité. Il y a une part d’arbitraire inévitable et elle est supprimée en ce qu’elle peut avoir de nuisible pour l’unité par l’autorité donnée à Pierre et aux conciles.

Car si l’on met de côté les écarts doctrinaux, en quoi l’un (de culte) serait-il meilleur qu’un autre, dès lors que privé de la possibilité (par excommunication) de le partager, chacun a le droit de s’accorder un recours auprès de Dieu et que cela lui est même presque un devoir s’il est croyant ?
Je suis désolé, mais un vrai disciple du Christ n’a aucunement le droit de priver un chrétien de son culte, s’il lui interdit de participer au sien pour des raisons doctrinales !
Le devoir premier étant de se réconcilier avant de le rendre conjointement avec son frère, alors si cela n’est pas possible, la moindre des choses est de l’autoriser aussi à prier !
C’est là une question de justice à l’égard de Dieu lui-même, et d’humilité… Sans quoi c’est proclamer double peine, c’est se rendre responsable de la peine légitime de l’autre… qui peut-être bien et même à son insu crie vers le ciel !

Je gage que sans cela nous aurions déjà reçu la grâce d’une réconciliation…


2> Concernant les autres religions, qu’est-ce qu’une fausse religion ? Celles qui existaient avant le christianisme, qui ignoraient le judaïsme, ne sont pas toutes des religions au sens où elles contiendraient alors des superstitions, auraient des dieux, etc.
Le bouddhisme, le confusianisme, le taoïsme, et tant d’autres, ne sont (sauf dans certaines de leurs acceptions) que des philosophies, des sagesses, et que beaucoup de catholiques même ne considèrent pas comme incompatibles avec le christianisme si s’en excluent des formes particulières entâchées d’atteintes au premier commandement.
Sans la Révélation, reconnaître derrière certains phénomènes naturels une force spirituelle agissante, c’est un début de croyance chrétienne ! Et cela peut suffire à produire un culte « en esprit et en vérité », qui tienne compte de ce que l’orant connaît et de son expérience.
S’il appartient au christianisme de rassembler ces expériences et croyances sous sa houlette et de les conduire au Christ, ce n’est pas en les bannissant et sanctionnant qu’il y parviendra !
Il est par trop facile de se dire que vu l’ancienneté du christianisme et ses activités missionnaires, nul ne devrait ignorer le christianisme (le vrai, pas celui où des prêtres violent des enfants, où des populations sont exterminées, où se font des guerres pour des désaccords doctrinaux, des procès où certains jugent de la conscience d’un autre sans en avoir la compréhension, etc. etc. etc.) et que par conséquent et que qui le rejette sait parfaitement ce qu’il rejette !
S’il n’y a ne serait-ce qu’un soupçon de vérité dans l’une, par la prière d’un enfant faite en « esprit et vérité » en ce sein, de quel droit allons-nous la condamner sous le prétexte qu’elle n’est pas « toute » la vérité puisque c’est la seule qu’il ait ?

Je veux bien qu’il ne s’agisse là que de pédagogie, mais il en va d’une certaine pédagogie qu’elle n’est pas respectueuse de l’homme, œuvre de Dieu, et qu’elle ne doit pas être la nôtre.
Celle qui devrait être la nôtre est extrêmement difficile et délicate à mettre en oeuvre, il est plus facile de détruire pour rebâtir en imposant nos règles, que d’utiliser ce que Dieu et la nature qu’il a créée nous donnent et avec quoi il nous demande de composer en en prenant soin.
Je crois que c’est à cause de cette difficulté que beaucoup refusent le changement induit par Vatican II, qui a bien déterminé ce qu’il ne fallait plus faire, mais pas encore vraiment comment maintenant il fallait faire. Cela prendra du temps, or ce n’est pas en se désespérant et en revenant aux anciennes pratiques (parce qu’elles obtenaient un résultat mais n’en mesuraient pas les dégâts) qu’on y arrivera.
S’il y a contradiction, elle n’est pas sur le fond ni l’objectif, mais sur la forme. On peut le considérer ainsi car l’ancienne n’est qu’un cas particulier de la nouvelle, quand elle ne contient aucun mal en soi (et non extérieur)l, le contraire étant impossible (ce qui peut être vu comme une preuve de la supériorité de la nouvelle). Cette forme a de l’importance car elle relève de l’attitude à avoir au quotidien.

La dernière objection serait celle de Suliko avec les conséquences du péché originel : mais elle oublie la providence et la grâce ! Il ne nous appartient pas de tenir la place de Dieu !
Le diagnostic est pour moi e plus en plus clair : une hérésie larvée a été vaincue… qui s’est officiellement déclarée après avoir été condamnée et non avant, et c’est sa particularité. Il était bien temps qu’elle le soit ! En revanche il n’est pas exceptionnel qu’une hérésie ait été soutenue et soit montée si haut (à savoir jusque l'interprétation de textes bénéficiant de l'infaillibilité.

Enfin, à l’égard des autres religions, je n’ai pas poursuivi le raisonnement mais il est évident qu’il aboutirait à du favoritisme à l’égard de certaines, et que c’est au nom de la justice qu’il faut toutes les traiter pareillement d’un point de vu civil , en revanche d’un point de vu pédagogique, non, et cela reste à définir.
Il me semble que la priorité serait de lutter contre celles qui contiennent des superstitions car là c’est contraire à la raison. Ensuite c’est plus délicat, car plus elles sont proches de nous (monothéistes) plus elles sont aussi concurrentes… Donc il n’y a pas de priorité, mais une approche différentiée et adaptée à chacune.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par prodigal » ven. 05 juin 2020, 9:03

Cher cinci,
on ne peut pas tout lire en même temps, et il faut choisir, sinon j'ai peur que le poisson ne soit noyé sous l'avalanche des textes. Je sais bien que tous ces textes que vous citez existent, et que chacun mériterait une analyse.
Trois petites choses cependant, pour ne pas laisser sans réponse vos envois, qui méritent au contraire l'attention.
1) Le Syllabus (par exemple) et les textes officiels parus depuis le concile s'opposent, évidemment. Mais la question est de savoir s'ils se contredisent. Quelle différence? Ils s'opposent du point de vue de la sensibilité, de l'idéologie, et du contexte qui les a amenés à être produits. Mais si l'on fait abstraction de cela pour ne garder que le contenu doctrinal auquel tout catholique doit adhésion, je dis qu'il n'est pas du tout évident qu'ils se contredisent, puisqu'ils ne parlent pas de la même chose.
2) Grégoire XVI dit en effet une ânerie sans nom, sauf le respect que je lui dois, ou bien, autre hypothèse plus charitable et que je retiendrai, ce n'est pas de la liberté de conscience au sens strict qu'il parle, mais d'un prétendu droit à soutenir n'importe quelle opinion. A propos de quoi ce qu'il dit prend sens, en effet.
3) Je ne vois pas de raison d'accréditer votre interprétation de la liberté religieuse selon Dignitatis Humanae, qui me paraît tendancieuse. Mais il faudrait évidemment lever certaines ambiguïtés. Je reprends l'exemple de la secte. Pour dire, comme Suliko, que la liberté religieuse implique la liberté des sectes, il faut, c'est logique, considérer que religion et secte c'est la même chose. Or, justement, ce n'est pas la même chose. Mais voici la difficulté : chaque aspect de la question en entraîne un autre, qui contient la matière d'une très longue discussion. Il faudrait choisir le point précis dont nous voulons parler. A défaut, j'essaie de dire de mon mieux pourquoi selon moi rien ne nous oblige à dire qu'il faut choisir entre l'Eglise d'hier et celle d'aujourd'hui, même si, bien sûr, un travail critique est nécessaire.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » ven. 05 juin 2020, 9:54

Cinci a écrit :
jeu. 04 juin 2020, 19:56

Indifférentisme, Latitudinarisme.

[propositions condamnées par le pape ]

XV. Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison


XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n'importe quelle religion


XVII. Tout au moins doit-on avoir bonne confiance dans le salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Église du Christ


XVIII. Le protestantisme n'est pas autre chose qu'une forme diverse de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l'Église catholique

(Pie IX, Syllabus)


Il me semble "assez évident" que les documents de Vatican II ne se contentent pas de reformuler différemment des propositions semblables mais bel et bien de les annuler. Disons qu'au minimum l'on va trouver régulièrement des affirmations tendancieuses et bien faites pour agréer des idées contraires.
Bonjour Cinci,
j'ignore si vous trouverez mes considérations tendancieuses, mais il faut bien reconnaître qu'il y a un choix préférentiel à faire entre ces propositions et celles de Vatican II, et qu'ensuite seulement en quelque sorte on argumente, et, si on a la fibre traditionaliste, on essaye ou non de concilier.

Voilà donc comment j'y parviens pour ma part :

Dans la mesure où ici ce texte s'adresse à des chrétiens baptisés, cela revient seulement à condamner l'apostasie, ou, pour la dernière, l'hérésie.
Les cas décrits regroupent une population hétérogène au sein de laquelle ces affirmations ne sont pas vraies pour leur totalité, chacun pris isolément. Par conséquent, Il peut suffire qu'une seule personne y corresponde pour que cela justifie ces condamnations. Et il peut suffire qu'une seule etc... n'y corresponde pas pour dire le contraire.
Autrement dit, l'église a changé de supposition sur la proportionnalité (ou le réel !) et donc changé de façon de s'exprimer sans changer de postulat.
Car elle n'a jamais prétendu prendre la place de Jésus pour le jugement particulier de chacun.
La parole qui leur a été dite "ce que vous lierez.. etc" est majoritairement comprise dans le but de pardonner, non de condamner.
A supposer que si, pour la condamnation, c'est toujours sujet à revirement et sous réserve de bien avoir "saisi" le fors interne de la personne.
Donc peut-être que cette considération de fors interne est plus mis en avant, aussi, ce qui expliquerait encore le changement ou revirement.
Enfin, cette façon de dire ancienne incitait chacun à conserver "la pure doctrine". Tandis que la nouvelle se préoccupe de convenir au sens inné de la justice qui existe en chacun et s'est développé historiquement, si bien qu'elle cherche à ne pas rebuter et présenter un obstacle à la conversion de gens honnêtes en quête de sens et de vérité.
ETC. Vous voyez l'esprit et l'exercice...

Après, on peut chipoter…
Par exemple :
« Il est libre » : est-ce une liberté passive ou dynamique ?
« bonne confiance » : est-ce en la miséricorde du Christ ou par rapport à la nécessité d’intervenir pour une conversion chrétienne, ou par rapport aux vertus personnelle affichées, ou… ?
« aussi bien que dans l’Eglise catholique » est-ce à dire par rapport aux capacités de salut offertes par elle ou par rapport à la ferveur exprimée ?
Last but etc : La proposition XVI peut s’entendre comme le fait qu’on peut devenir catholique à partir de n’importe quelle religion qui aura servi d’intermédiaire et de tremplin ! Ce qui n’est pas condamnable, n’est-ce pas ?


Il y a un moment forcément où il faut arrêter de se poser ce genre de questions et aller de l’avant…

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Gaudens » ven. 05 juin 2020, 10:53

Cinci :vous êtes en passe de contourner et dépasser Altior et Suliko en en rajoutant dans l’intransigeantisme (pour ne pas employer un autre nom) :
« Qui aura jamais parlé d'un tel besoin de réaliser l'unité entre des catholiques et des chrétiens dissidents (négateurs des dogmes de l'Église) ».
Ce n’est pas du tout le sujet de ce fil mais je tiens rappeler à nouveau que c’est le Christ Lu même qui n’a pas introduit de limite ecclésiale quand Il demandait au Père »Qu’ils soient uns comme Nous sommes Un ».Et l’expression sans nunance « négateurs des dogmes de l’Eglise » met tout le monde dans le même sac ,ce qui n’est pas acceptable.
Par ailleurs, vous persistez à nous inonder , sans les remettre dans leur contexte, de citations d’encycliques des papes du XIXè siècle qui luttaient contre le libéralisme des « Lumières » et l’esprit de la Révolution (française ,pour commencer) mais à quoi cela sert-il pour éclairer notre jugement de catholiques du XXIè siècle , vivant dans un monde qui a à ce point changé ? Quelle boussole est-ce là ? D’autant que des encycliques d’un pape,surtout si elles ne touchent pas à la foi et à la morale n’entrent absolument pas dans le champ de l’infaillibilité . Certes il est du devoir du catholique d’y être attentif et de les introduire dans son exercice de discernement (et cela vaut aussi, cher Cinci, pour les encycliques du pape actuel mais cela ne nous oblige nullement à y conformer totalement notre jugement et notre action dans la situation qui est la nôtre.

Ce qui me permet de rebondir vers Cmoi qui écrit : »Il n’est pas exceptionnel qu’une hérésie ait été soutenue et soit montée si haut (à savoir jusque l'interprétation de textes bénéficiant de l'infaillibilité. »
Là encore ceci me parait hors sujet mais surtout inexact , à moins de penser que les encycliques entrent dans le champ de l ‘infaillibilité , ce qui n’est pas vrai. A moins que Cmoi ne nos explique ce qu’il entend par « interprétation »(par qui ? Dans quel contexte ?).

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 05 juin 2020, 12:18

Suliko a écrit :
jeu. 04 juin 2020, 16:43

Ferdinand Poisson,
L'État a le devoir d'être catholique et il a le devoir de chercher à réaliser la justice dans la mesure du possible étant donné les circonstances, en maintenant la paix civile. Puisque l'expression publique des fausses religions est une entrave (i) au droit de Dieu et (ii) au droit des hommes d'être préservé de l'erreur, alors l'État a le droit (voire l'obligation, selon une estimation prudentielle) de limiter cette expression. Dignitatis Humanae ne s'oppose pas à cette vérité.
Bien sûr que si qu'elle s'y oppose, puisqu'elle déclare expressément que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil..
Vous êtes en train de m'expliquer que la liberté de pratiquer n'importe quelle religion est un droit fondamental de l'être humain, mais qu'en même temps, l'Etat catholique doit interdire ou du moins limiter l'expression publique des fausses religions. Autrement dit, tout homme aurait le droit de pratiquer publiquement sa religion, sauf s'il ne s'agit pas de la vraie religion... Dans ce cas, on se demande bien en quoi il y aurait un véritable droit à la liberté de culte... Comment ne voyez-vous pas la contradiction ?
Il n'y pas contradiction au sens strict mais conflit de droits.
La liberté religieuse est le simple corollaire de l'obligation qu'a tout homme d'obéir à sa conscience, et plus particulièrement de rendre un culte à Dieu selon ce que sa conscience le lui en révèle. On le tire donc de la simple considération de la nature humaine, abstraction faite du droit de Dieu à un juste culte et du droit de l'homme à être préservé de l'erreur.
Ensuite, lorsqu'on quitte l'abstraction pour prendre en compte l'ensemble des droits, l'État doit rendre un arbitrage prudentiel en essayant dans la mesure du possible de tenir compte des droits de chacun.

De tels conflits de droits ne sont pas extraordinaires.
Prenons un exemple. Soit A et B deux malades en danger de mort. Tout homme a droit à des soins. Mais il n'y a pas assez de place à l'hôpital : il faut un arbitrage prudentiel, qui va trancher, mettons, en faveur de A (par exemple, parce que A est plus jeune). B meurt, faute de soin.
Mais le fait que l'arbitrage ait tranché en faveur de A ne veut pas dire que B ait perdu son droit à la vie.
De même, lorsque l'État arbitre en faveur de la liberté de culte de telle ou telle fausse religion, cela ne supprime pas le droit de Dieu à ce qu'on lui rende le juste culte. Inversement, lorsque l'État arbitre en faveur de la coercition, cela ne supprime pas le droit fondamental de tout homme à la liberté religieuse.
Les droits sont intangibles, la décision est affaire de circonstances.

Ce sur quoi Vatican II a attiré l'attention, c'est que lorsque l'État catholique tranche en faveur de la liberté religieuse, il ne le fait pas purement pour des raisons instrumentales de paix civile et de maintien de l'ordre, mais aussi parce qu'il reconnaît le droit qu'a l'homme de n'être pas empêché dans sa pratique religieuse.

C'est du moins ainsi que je comprends les choses, en l'état actuel de mes connaissances.

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 05 juin 2020, 12:33

Quelques citations en passant :

Dignitatis Humanae, préambule :
Or, puisque la liberté religieuse, que revendique l’homme dans l’accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu, concerne l’exemption de contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ.

Catéchisme :
2108 Le droit à la liberté religieuse n’est ni la permission morale d’adhérer à l’erreur (cf. Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum "), ni un droit supposé à l’erreur (cf. Pie XII, discours 6 décembre 1953), mais un droit naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure, dans de justes limites, en matière religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit naturel doit être reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle manière qu’il constitue un droit civil (cf. DH 2).

2109 Le droit à la liberté religieuse ne peut être de soi ni illimité (cf. Pie VI, bref " Quod aliquantum "), ni limité seulement par un " ordre public " conçu de manière positiviste ou naturaliste (cf. Pie IX, enc. " Quanta cura "). Les " justes limites " qui lui sont inhérentes doivent être déterminées pour chaque situation sociale par la prudence politique, selon les exigences du bien commun, et ratifiées par l’autorité civile selon des " règles juridiques conformes à l’ordre moral objectif " (DH 7).[/b]

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Re: Relations Église-État

Message non lu par cmoi » ven. 05 juin 2020, 13:22

Gaudens a écrit :
ven. 05 juin 2020, 10:53

Ce qui me permet de rebondir vers Cmoi qui écrit : »Il n’est pas exceptionnel qu’une hérésie ait été soutenue et soit montée si haut (à savoir jusque l'interprétation de textes bénéficiant de l'infaillibilité. »
Là encore ceci me parait hors sujet mais surtout inexact , à moins de penser que les encycliques entrent dans le champ de l ‘infaillibilité , ce qui n’est pas vrai. A moins que Cmoi ne nos explique ce qu’il entend par « interprétation »(par qui ? Dans quel contexte ?).
Bonjour Gaudens,

je vais préciser ma pensée et pour cela prendre en référence les tribunaux de notre beau pays.
Il y a la loi=le dogme=l'infaillibilité
*Et à cause des "trous dans la raquette", il y a la jurisprudence = entre autres mais beaucoup les encycliques
A noter qu'une jurisprudence se suffit, il est rare qu'elle devienne loi bien qu'elle en ait la valeur
A noter encore qu'il peut arriver qu'une jurisprudence change brusquement, mais c'est très rare.

Autrement dit, la jurisprudence= les encyliques :
c'est comme (je plagie la fin d'une chanson connue) une infaillibilité provisoire sans fin
A ceci prés qu'elle peut s'arrêter du jour au lendemain

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Suliko » ven. 05 juin 2020, 15:23

Bonjour Prodigal,
Le Syllabus (par exemple) et les textes officiels parus depuis le concile s'opposent, évidemment. Mais la question est de savoir s'ils se contredisent. Quelle différence? Ils s'opposent du point de vue de la sensibilité, de l'idéologie, et du contexte qui les a amenés à être produits. Mais si l'on fait abstraction de cela pour ne garder que le contenu doctrinal auquel tout catholique doit adhésion, je dis qu'il n'est pas du tout évident qu'ils se contredisent, puisqu'ils ne parlent pas de la même chose.
Mais où voyez-vous qu'ils ne parlent pas de la même chose ? Au contraire, la question traitée est la même : celle des liens entre les deux pouvoirs. Dans un extrait de Léon XIII que je citais précédemment (sur l'américanisme), il est bien précisé que la séparation des pouvoirs ne devait jamais être jugée comme un bien en soi. Et lorsque le même pape écrit ceci :
Dans cet accord et cette sorte d'harmonie ne se trouve pas seulement la meilleure condition pour les deux puissances, mais encore le moyen le plus opportun et le plus efficace de concourir au bien du genre humain en ce qui regarde la vie du temps et l'espérance du salut éternel. ... je ne vois pas comment on peut prétendre que la contradiction avec l'enseignement conciliaire ne serait qu'apparente.
Je reprends l'exemple de la secte. Pour dire, comme Suliko, que la liberté religieuse implique la liberté des sectes, il faut, c'est logique, considérer que religion et secte c'est la même chose. Or, justement, ce n'est pas la même chose.
Personne ne s'entend pour définir clairement ce qui relève de la secte et ce qui relève de la religion. Et de toute façon, même en admettant que certaines religions seraient en fait des sectes, tant qu'elles sont pacifiques, un Etat neutre ne peut pas en limiter la pratique publique et le prosélytisme envers les catholiques. C'est pourtant clair et c'est ce qui se passe actuellement.

Ferdinand Poisson,
La liberté religieuse est le simple corollaire de l'obligation qu'a tout homme d'obéir à sa conscience, et plus particulièrement de rendre un culte à Dieu selon ce que sa conscience le lui en révèle. On le tire donc de la simple considération de la nature humaine, abstraction faite du droit de Dieu à un juste culte et du droit de l'homme à être préservé de l'erreur.
Ensuite, lorsqu'on quitte l'abstraction pour prendre en compte l'ensemble des droits, l'État doit rendre un arbitrage prudentiel en essayant dans la mesure du possible de tenir compte des droits de chacun.

Ce sur quoi Vatican II a attiré l'attention, c'est que lorsque l'État catholique tranche en faveur de la liberté religieuse, il ne le fait pas purement pour des raisons instrumentales de paix civile et de maintien de l'ordre, mais aussi parce qu'il reconnaît le droit qu'a l'homme de n'être pas empêché dans sa pratique religieuse.
Le problème, c'est que l'Eglise n'a jamais enseigné qu'il existait un droit à pratiquer une fausse religion, mais qu'il existe un devoir de suivre ce que notre conscience nous ordonne. Autrement dit, ne pas agir selon sa conscience est un péché, mais agir selon sa conscience erronée peut l'être également (sauf cas d'ignorance non fautive). Et surtout, cela ne signifie en rien que le pouvoir spirituel ou même temporel doit tolérer des actes publiques accomplis selon une conscience erronée. Si un mormon est persuadé qu'il est de son devoir de faire du prosélytisme en terre catholique, l'Etat ne doit pas pour autant le lui permettre, qu'il soit de bonne foi ou non. Un tel refus n'est pas motivé par la volonté de forcer la conscience de cet homme, mais par celle de préserver la société catholique de l'erreur. Or, en déclarant que le droit de pratiquer publiquement la religion que l'on croit juste découle de l'essence même de l'homme, Dignitatis Humanae ne permet plus à l'Etat catholique de limiter la prolifération des faux cultes. A partir du moment où vous transformez une tolérance en un droit, il devient impossible d'harmoniser l'enseignement pré- et post-conciliaire. Il est tout à fait possible de demeurer dans une vision traditionnelle, pré-conciliaire, de la liberté religieuse et de faire preuve dans les faits de beaucoup de souplesse et de tolérance envers les fidèles des faux cultes, si les circonstances semblent l'exiger. Cependant, ce sera toujours bien différent de souffrir la pratique de fausses religions plutôt que de déclarer qu'il s'agit d'une liberté fondamentale.
Mais il me semble que le nœud du problème est que vous placez à un même niveau le devoir d'agir selon sa conscience et le devoir de l'Etat catholique de préserver la vraie foi. Pourtant, même pour des questions purement morales, le pouvoir temporel ne peut pas tout tolérer. Si une femme était autrefois persuadée de ne pas mal faire en avortant, l'Etat n'en devait pas moins punir son crime. On ne peut pas faire de la conscience de chacun la mesure de toute chose.
Et dans tous les cas, en admettant que votre interprétation de ce texte conciliaire soit la bonne, vous devez tout de même convenir que ce n'est pas du tout ainsi qu'il fut mis en pratique. Ce qui est enseigné actuellement par l'Eglise, c'est que tout homme a le droit de pratiquer la religion de son choix et que l'Etat ne doit pas l'en empêcher. Cela va bien plus loin qu'une simple adaptation pratique à une situation politique ou sociale difficile.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Gaudens » ven. 05 juin 2020, 16:12

Bonjour Cmoi et Suliko:

Deux brèves si vous me le permettez:
Cmoi:
je perçois maintenant ce que vous vouliez dire.
Vous ouvrez un intéressant (et hasardeux?) parallélisme entre d'un côté la loi et la jurisprudence et de l 'autre les définitions dogmatiques couvertes par l'infaillibilité(conciliaire ou pontificale mais dans les deux cas, dans un cadre bien délimité) et des manifestations de "moindre" nature telles les encycliques pontificales. Jusqu'où cette analogie est-elle valable ? Du côté de la loi civile,je crois me souvenir que la jurisprudence (parce que considérée comme conforme à la loi) est bien créatrice de droit . Mais en matière religieuse il me semble qu'il n'y a pas d'affirmation d'une telle continuité sinon tout finirait par ressortir de l'infaillibilité ,par capillarité en quelque sorte.
Nouveau hors sujet mais qui mériterait un fil à lui tout seul (à moins qu'il n'existe déjà dans les archives du site ).

Suliko:
Vous employez le terme "conscience erronée". Non, la conscience ne peut être erronnée si un être humain écoute vraiment la voix de sa conscience et lui obéit (il y a des gens qui refusent d'écouter la voix de leur conscience,évidemment). Ce que vous pouvez trouver erronné c'est le jugement des gens (après avoir écouté la voix de leur conscience) .Mais je ne vois vraement pas comment un Etat pourrait se donner le droit de juger la conscience d'aucun de ses sujets; il n'a pas à le faire, pas plus que je ne vois comment et à quel titre il pourrait décréter qu'un tel pratique un "faux culte" ou serait l'adepte d'une "fausse religion". L'Eglise peut le penser voire le dire, pas l'Etat. Evidemment les Etats islamiques se le permettent mais ce n'est vraiment pas un exemple !

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Re: Relations Église-État

Message non lu par Fernand Poisson » ven. 05 juin 2020, 17:05

Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 15:23
Le problème, c'est que l'Eglise n'a jamais enseigné qu'il existait un droit à pratiquer une fausse religion...
Elle ne l'a jamais enseigné solennellement (comme elle ne l'a pas fait pour l'Immaculée Conception ou l'Assomption avant la proclamation de ces dogmes), mais cet enseignement nouveau ne sort pas de nulle part non plus.
Par exemple, Grégoire le Grand, sur les Juifs :

Ceux qui, avec une intention droite, désirent amener des gens étrangers à la religion chrétienne, à la foi juste, doivent s'y efforcer par des paroles de bonté et non pas par des paroles dures, en sorte que l'inimitié ne repousse pas au loin ceux dont l'esprit aurait pu être mis en mouvement par l'indication d'une raison claire. Car tous ceux qui agissent autrement, et qui sous ce couvert veulent les éloigner de la pratique habituelle de leur rite, il s'avère qu'ils travaillent à leur propre cause plus qu'à celle de Dieu.

Des juifs en effet qui habitent Naples se sont plaints auprès de Nous en disant que certains s'efforçaient de façon irraisonnée de les empêcher d'accomplir certaines célébrations de leurs fêtes, en sorte qu'il ne leur soit plus permis d'accomplir les célébrations de leurs fêtes comme il leur était permis depuis longtemps, ainsi qu'à leurs parents, de les observer ou de les accomplir.

S'il en est vraiment ainsi, ces gens semblent mettre leurs efforts dans une entreprise vaine. Car quelle utilité y a-t-il à cela dès lors que, même si on le leur interdit au rebours d'un long usage, ils n'y trouvent aucun profit pour la foi et la conversion ? Ou pourquoi établissons-nous des règles pour les juifs quant à la manière dont ils doivent accomplir leurs cérémonies, si nous ne pouvons pas les gagner par là ? Il faut donc faire en sorte qu'encouragés plutôt par la raison et la douceur, ils veuillent nous suivre et non pas nous fuir, pour que, leur expliquant par les Écritures ce que nous disons, nous puissions avec l'aide de Dieu les convertir au sein de la Mère Église.

C'est pourquoi, que ta fraternité les enflamme à la conversion par des monitions, autant qu'elle le peut avec l'aide de Dieu, et qu'elle ne permette pas à nouveau qu'ils soient inquiétés à cause de leurs célébrations ; qu'ils aient au contraire une entière liberté d'observer et de célébrer leurs festivités et leurs fêtes, comme ils l'ont fait jusqu'ici.

(Grégoire le Grand, lettre Qui sincera à l'évêque Paschase)
... mais qu'il existe un devoir de suivre ce que notre conscience nous ordonne. Autrement dit, ne pas agir selon sa conscience est un péché, mais agir selon sa conscience erronée peut l'être également (sauf cas d'ignorance non fautive).
Oui, on peut être coupable par négligence... mais on n'en a pas moins le devoir de suivre sa conscience.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 15:23
Si un mormon est persuadé qu'il est de son devoir de faire du prosélytisme en terre catholique, l'Etat ne doit pas pour autant le lui permettre, qu'il soit de bonne foi ou non. Un tel refus n'est pas motivé par la volonté de forcer la conscience de cet homme, mais par celle de préserver la société catholique de l'erreur.
Je vous accorde que la question du prosélytisme est délicate, mais elle est distincte de celle du culte public.
Or, en déclarant que le droit de pratiquer publiquement la religion que l'on croit juste découle de l'essence même de l'homme, Dignitatis Humanae ne permet plus à l'Etat catholique de limiter la prolifération des faux cultes.
Si. Il est précisément question des limites de ce droit dans la déclaration conciliaire.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 15:23
A partir du moment où vous transformez une tolérance en un droit, il devient impossible d'harmoniser l'enseignement pré- et post-conciliaire. Il est tout à fait possible de demeurer dans une vision traditionnelle, pré-conciliaire, de la liberté religieuse et de faire preuve dans les faits de beaucoup de souplesse et de tolérance envers les fidèles des faux cultes, si les circonstances semblent l'exiger. Cependant, ce sera toujours bien différent de souffrir la pratique de fausses religions plutôt que de déclarer qu'il s'agit d'une liberté fondamentale.
L'enseignement s'est précisé et complété sur un mode harmonieux, en reconnaissant que la tolérance des faux cultes n'était pas seulement une affaire de circonstances mais aussi la considération d'une liberté fondamentale de l'homme de n'être pas empêché dans sa pratique religieuse. De la même manière que, par exemple, le dogme "Hors de l'Église, point de salut" a été précisé par la mise en lumière d'une ignorance invincible.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 15:23
Mais il me semble que le nœud du problème est que vous placez à un même niveau le devoir d'agir selon sa conscience et le devoir de l'Etat catholique de préserver la vraie foi. Pourtant, même pour des questions purement morales, le pouvoir temporel ne peut pas tout tolérer. Si une femme était autrefois persuadée de ne pas mal faire en avortant, l'Etat n'en devait pas moins punir son crime. On ne peut pas faire de la conscience de chacun la mesure de toute chose.
Le respect de la conscience des sujets a bien sûr ses limites, comme Dignitatis Humanae prend soin de le souligner.
Suliko a écrit :
ven. 05 juin 2020, 15:23
Et dans tous les cas, en admettant que votre interprétation de ce texte conciliaire soit la bonne, vous devez tout de même convenir que ce n'est pas du tout ainsi qu'il fut mis en pratique. Ce qui est enseigné actuellement par l'Eglise, c'est que tout homme a le droit de pratiquer la religion de son choix et que l'Etat ne doit pas l'en empêcher. Cela va bien plus loin qu'une simple adaptation pratique à une situation politique ou sociale difficile.
Dans quel texte faisant autorité, l'Église délivre-t-elle une telle doctrine ? Si vous pensez disposer d'un tel texte, êtes-vous sûr qu'on soit obligé de l'interpréter dans le sens libéral que vous suggérez ?
Le texte du Catéchisme que j'ai cité dans mon précédent message me paraît assez clair.


EDIT : Je précise, car à la relecture, mon message est un peu ambigu.
La liberté religieuse n'est pas un droit positif à pratiquer de fausses religions : ces religions n'ont aucun droit et ne devraient pas exister.
L'État catholique les tolère seulement, il ne les approuve pas.
Mais il les tolère notamment en vertu du droit (purement négatif) qu'a l'homme de n'être pas empêché de faire ce qu'il estime juste. Un droit qui n'est pas illimité. C'est cela que l'Église entend par "liberté religieuse".
Dernière modification par Fernand Poisson le ven. 05 juin 2020, 17:19, modifié 1 fois.

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