Le zombie : figure de déspiritualisation

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Cinci
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Le zombie : figure de déspiritualisation

Message non lu par Cinci » ven. 25 oct. 2019, 16:28

Une petite réflexion sur un genre cinématographique ...


Depuis toujours l'être humain est fasciné par sa propre mort et l'art sous toutes ses formes met en scène cette fascination. Presque dès le début du cinématographe, le film d'horreur se fait valoir et on présente la mort sous des formes horrifiantes. Plus particulièrement un pan de ce genre cinématographique se concentre sur les monstre meurtriers. Il est intéressant de remarquer que, malgré la cohabitation de tous les monstres dans la production contemporaine de chaque époque, des modes semblent dominer les moeurs, Dans les années 20-30, on se concentrait sur les esprits, les démons et autres manifestations de l'au-delà. Vers les années 30-50, on remarque une plus grande popularité des films de type Dracula, Frankenstein ou loup-garou. Dans les années 50-70, on remarque une p;us grande production relevant des ratés de la science. A la fin des années 60, le zombie revient avec Roméro pour nous offrir une nouvelle interprétation de ce monstre. Depuis ce temps malgré la multiplicité des sujets abordés, le zombie semble avoir une place significative avec près de 200 films recensés sur Wikipedia seulement en 2012.

Les premiers zombies classiques

A l'origine, le zombie n'est pas la menace, Il est plutôt la victime d'un shaman, d'un nécromancien adepte du vaudou, d'une religion autre, sauvage et obscure. Arrive Georges Romero, à la fin des années 60, qui révolutionne le cinéma d'horreur, avec Night of the Living Dead . Bien qu'elle vaille aussi comme horreur classique, grand public et efficace, l'oeuvre de Romero soulève quelques questions assez intéressantes. Remarquons d'abord que la source de la peur est le zombie, mais on semble nous faire comprendre que le zombie, bien qu'effrayant et menaçant n'a rien de particulièrement dangereux malgré tout. La mort dans le film n'est pas souvent apportée par le zombie en tant que tel, mais plutôt par les réactions pratiques ou émotives des êtres humains vivants. Dans la version de 1990, le tout se cristallise à la fin par un meurtre de sang-froid commis par l'héroïne du film ainsi que cette simple phrase : " We are them and they are us". Phrase empreinte de conscience sur la condition de l'être humain et l'angoisse profonde de la proximité et de la porosité de cette frontiuè;re qui sépare le vivant du mort-vivant.

Plus tard, le zombire devient un contaminé, métaphore évidente des peurs contemporaines du virus (particulièrement du sida) et de la pandémie. Malgré tout, ce vecteur de la condition de mort-vivant n'est qu'utilitaire pour expliquer, tout en allant puiser dans la peur sociale, la condition de mort-vivant.

Qui est le zombie ?

Le zombie est un être très simple, il se déplace dans le but de manger, mais n'a pas faim, il dévore et continue sans être rassasié. Il erre, mange quand cela est possible et de manière perpétuelle, jusqu'à l'arrêt de ses fonctions. C'est une machine, il n'est pas non plus animé par une rage meurtrière, mais par l'inéluctable besoin non motivé de consommer. Ce qui différencie donc l'être humain du zombie est cette capacité d'avoir une raison d'agir. L'être humain est doué d'une conscience de soi et donc, d'un minimum d'intellectualité dont l'apogée serait la spiritualité comme façon de transcender l'esprit humain, outil pratique, pour en faire une instance qui, on le remarque par les productions intellectuelles et artistiques, survit à la chair. Le zombie, en tant que machine à dévorer, est dépourvu de conscience, et donc à plus forte raison d'intellectualité (regard sur la conscience) ou de spiritualité (transcendance de l'intellectualité).

(à suivre)

Cinci
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Re: Le zombie : figure de déspiritualisation

Message non lu par Cinci » ven. 25 oct. 2019, 16:36

(suite)

Ainsi, quelle est la raison de vivre du zombie ? Il semble essayer d'assouvir un besoin contraignant, directement issu du Ça freudien, sans raison ni compréhension de la chose, il fait. Il n'est qu'une bouche toujours en recherche de chair. Il est intéressant de noter que ses actes se limitent à la tentative de consommer des êtres vivants de sa propre race. Le zombie se nourrit de ceux qui sont encore vivants, et donc encore doués de conscience, d'intellectualité et de spiritualité. On pourrait simplement parler de la vie, mais n'oublions pas que le zombie de manière traditionnelle cherche plus particulièrement le cerveau de sa victime. Serait-il en recherche de ces capacités dont il est dénué ? Lui-même ne le sait pas, il est simplement et irrémédiablement attiré vers cet objet de désir puisqu'il est même incapable de désir.

Malgré tout, le zombie n'est-il pas un être social ? Ne se tient-il pas toujours, ou presque, en groupe ? Remarquons que le zombie, être inconscient, ne semble pas remarquer la présence des autres. Pas plus de connivence donc que d'animosité par rapport à l'autre mort-vivant. Le zombie, malgré la horde ou la foule, est toujours un être solitaire, sans aucune interaction avec l'autre. Il est toujours seul dans la masse et agit avec un chacun pour soi aveugle à la présence de l'autre comme être, mais aussi comme obstacle qu'il ne tente pas nécessairement d'éviter, de contourner ou de dépasser. Finalement, le zombie erre vers son but, mais est complètement imperméable à la frustration de sa lenteur et de son incapacité et aussi indifférent face à son échec ou à sa réussite.



Le zombie nous révèle-t-il quelque chose sur nous-même ?

Le monde contemporain est en train de constater sa propre déspiritualisation ; sa capacité de plus en plus rare de faire plus que de simplement régler des problèmes pratiques. de manières plus large, les sonnettes d'alarme sont de plus en plus déclenchés face à l'incapacité d'apprécier l'art ou d'agir avec conscience dans la société. L'être humain, par son éducation dirigée, par sa culture de masse et sa propension à consommer dans le simple but de consommer commence peut-être à comprendre, à travers la figure du zombie, ce qu'il est en train de devenir soit une machine à fonctionner. Dans l'introduction de Shaun of the Dead , on expose d'emblée cette critique de la société occidentale contemporaine par la présentation de plusieurs personnages de la vie de tous les jours qui agissent machinalement , inconsciemment dans leurs activités quotidiennes. Shaun of the Dead marque la quintessence de l'autodérision et du questionnement de la société sur elle-même à travers la figure du zombie qui est, on le rappelle, à l'origine un être humain, mais qui aurait été dépossédé de sa spiritualité, de son intellect et de sa conscience.

On peut donc croire que la popularité du zombie contemporain vient en fait de cette peur plus ou moins latente et de cette angoisse de plus en plus présente qui vient avec la conscience de notre propre mécanisation depuis le début de l'ère industrielle. Hors du contexte du film d'horreur, il s'agirait simplement de la formule "métro-boulot-dodo" renvoyée à son extrême, peut-être aussi liée à ce désarroi qui hante une partie de la société contemporaine, c'est à dire se réveiller un jour à la retraite et se mettre à errer sans autre but dans la vie que de se maintenir en vie. Est-ce que les "zombie walks" ces marches populaires, ou les marcheurs se déguisent et agissent en zombie, ne sont pas aussi une dénonciation de ce mode de vie, autant par le fracassement du quotidien que par la critique d'une société génératrice de zombie vivants, en quête vaine mais vorace d'une conscience intellect spiritualité (qu'on pourrait peut-être extrapoler comme "âme") qu'ils ont perdu et qu'ils tenteront de reprendre par le seul moyen qui leur reste et qu'ils comprennent : l'ingestion.

Michel Alepine

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Re: Le zombie : figure de déspiritualisation

Message non lu par Lejardin » mar. 11 août 2020, 23:26

Bonsoir , j'apprécie beaucoup votre analyse sur le zombies.

Je pense qu'il s'agit justement d'une créature qui a traversé les époques artistiques pour prendre les angoisses existentielle d'une époque et les magnifier dans la suivante.

Le zombies actuelle est un concentré de nos peurs les plus profondes a tout les niveaux.
Il est a la fois un monstre mangeur d'hommes, mais aussi une condition de non humanité , la représentation de l'humain ayant perdu tout objectif si ce n'est de tuer.

Mais les zombies actuelles est aussi un phénomène , une chose qui apparaît comme une épidémie et détruit notre société , renverse le quotidien dévasté parfois même le monde nous retranchant dans un état ou finalement nous ne sommes guerre plus reluisant que les zonzon.

Le zombie est vraiment la cristallisation de nos angoisses moderne sur la sécurité et le destin de notre civilisation.

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