Brève analyse juridique du mariage homosexuel

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Théophane
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Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Théophane » lun. 28 janv. 2013, 15:14

Chers amis, je mets à votre disposition le texte que j'ai écrit pour la presse locale en tant que porte-parole dans l'Aude du collectif La Manif pour Tous. En espérant que cela pourra être utile ! ;)
en UdP,
Théophane

Le collectif « La manif pour tous » regroupe des citoyens d’horizons variés, qui ont en commun l’opposition au projet de loi visant à ouvrir le mariage civil à des couples homosexuels. Il est apolitique et non confessionnel.

De nombreuses raisons justifient l’opposition à ce projet de loi. En particulier des arguments juridiques. Le mariage est en effet, au regard du droit français, à la fois un contrat et une institution. Un contrat en ce qu’il consiste en un accord de volontés. Une institution, surtout, parce qu’il est l’acte fondateur de la famille et qu’il a été conçu comme son socle et le cadre dans lequel elle pourra bénéficier de diverses protections de nature juridique, sociale ou fiscale.
Pour preuve, le mariage n’est pas un simple événement intervenant dans l’intimité des deux époux, mais une cérémonie publique célébrée par un officier d’état civil.(1) Pour cette raison, l’ouverture du mariage civil aux personnes de même sexe intéresse l’ensemble des Français. Aussi, tout citoyen, quelles que soient ses opinions philosophiques, politiques ou religieuses, doit pouvoir s’exprimer sur ce sujet.
La liberté de se marier est un principe consacré à la fois par le droit international(2) et par le droit interne.(3) En France, il revêt une valeur constitutionnelle,(4) la Constitution se trouvant au sommet de la hiérarchie des normes juridiques.
La question suivante se pose alors : le mariage homosexuel doit-il être traité sur le terrain de la liberté et de l’égalité ? Aujourd’hui, la définition de l’égalité tend à s’estomper et à perdre toute objectivité au profit d’une conception purement subjective. Plus concrètement, la différence de traitement réservée aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels constitue-t-elle une discrimination à l’égard de ces derniers ? Pour répondre à cette question, il faut préciser deux choses. D’une part, l’égalité consiste à traiter de la même façon des situations identiques : or un couple hétérosexuel et un couple homosexuel se trouvent dans deux situations proches mais essentiellement différentes. D’autre part, l’égalité se conçoit-elle comme une égalité entre personnes ou une égalité entre couples ?
Nous voudrions ici attirer l’attention sur un problème de vocabulaire : le projet de loi désigne le mariage homosexuel sous le nom de « mariage pour tous ». Un tel pléonasme est révélateur du manque d’honnêteté des personnes à l’origine de cette réforme. Le mariage pour tous existe en France depuis 1804 : tout Français ayant atteint la majorité est libre de se marier.(5) Il le peut sous réserve de remplir les conditions posées par la loi. Si l’on suit la logique du gouvernement, l’ouverture du mariage civil aux personnes de même sexe ne constituerait toujours pas un mariage pour tous, d’autres prohibitions au mariage subsistant, notamment la polygamie(6) et le lien d’alliance ou de parenté.(7)
À cela il faut ajouter l’observation suivante : est-ce utile ? Si l’on affirme que le mariage a pour seul but d’offrir une reconnaissance publique à l’engagement stable de deux personnes, la réponse est naturellement affirmative. Si l’on estime, au contraire, que le mariage est intrinsèquement lié à la filiation et a pour objectif de protéger la famille, c’est plus discutable. En définitive, on veut se servir du mariage pour un but différent – aussi louable soit-il – de celui pour lequel il a été institué. Au final, la loi a-t-elle vocation à satisfaire les desiderata d’une partie de citoyens ?
Il faut donc aborder la question de la filiation. On s’aperçoit que le débat de société ne porte pas tant sur le mariage en lui-même que sur la place des enfants. S’il s’agissait seulement de garantir la protection du couple ou d’un de ses membres, le pacte civil de solidarité ainsi que d’autres dispositions législatives(8) suffiraient sans doute. Or, les revendications semblent tourner de plus en plus autour d’un prétendu « droit à l’enfant ».
Une telle revendication est au demeurant choquante. D’abord parce qu’une personne humaine ne saurait être un objet de droit. Ensuite, parce que dans toute procédure d’adoption, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit être pris en compte. Toutes les règles relatives à l’adoption répondent à cette finalité. La loi pose des conditions particulièrement strictes. Il revient au Tribunal de grande instance d’examiner si elles sont remplies.(9)
Il convient par ailleurs de préciser que l’institution de l’adoption n’a pas pour but de créer un enfant abandonné mais de donner une famille a un enfant qui n’en a pas. La Cour européenne des droits de l’Homme refuse ainsi d’admettre un droit à l’adoption.(10)
À ces considérations, il faut ajouter une constatation : chaque année, environ cinq mille adoptions ont lieu en France dont quatre mille venant de l’étranger. De nombreux États – comme le Brésil ou le Vietnam – se ferment à l’adoption internationale pour faire cesser tout « trafic d’enfants ». Est-il donc souhaitable de penser à confier des enfants à des couples homosexuels alors même que les couples hétérosexuels souhaitant adopter sont plus nombreux que les enfants adoptables ? Est-il également opportun d’imposer arbitrairement à l’enfant un mode d’éducation radicalement différent de celui réservé à la majorité de ses semblables ? Si l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut être établi, il ne reste que les revendications des adultes. Doit-on à tout prix les satisfaire ?
Cela nous conduit à nous interroger sur la procréation médicalement assistée et sur la gestation pour autrui. L’admission de cette dernière serait contraire à tous les principes jusqu’alors consacrés par le droit français.(11) En laissant alors subsister la prohibition de la gestation pour autrui, on en arrive à une situation bancale : un « mariage pour tous » avec d’un côté les couples de femmes pouvant avoir recours à une aide médicale à la procréation (à l’étranger) et de l’autre les couples d’hommes demeurant sans enfants.(12) À quoi servirait donc un mariage octroyé sans filiation, sinon à satisfaire une revendication militante ?
Au-delà de ces questions, un problème juridique majeur apparaît. L’adoption crée un lien de filiation qui se substitue à la filiation biologique et la fait disparaître.(13) Le couple adoptant prend la place des parents biologiques. Concrètement, l’adoption par des couples homosexuels reviendrait à désexualiser l’état civil, en y inscrivant qu’un enfant est né de deux personnes du même sexe. Cela n’est ni honnête ni acceptable, le droit ayant pour devoir de prendre acte du fonctionnement du monde pour l’organiser en accord avec sa nature.
Comme l’écrivait récemment un enseignant de l’Université de Paris, « le législateur ne peut pas tout lorsque l’inégalité ne résulte pas de la loi, mais des choses mêmes de la vie. »(14)




(1) Code civil, article 165
(2) Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, article 16 – Pacte international de New York du 19 décembre 1966, article 23 – Convention européenne des droits de l’homme, article 12
(3) Conseil d’Etat, 11 mars 1960 – Cour de cassation, chambre sociale, 7 février 1968
(4) Conseil constitutionnel, décision du 13 août 1993 et décision du 9 novembre 1999
(5) Code civil, article 144
(6) Code civil, article 147 – Code pénal, article 433-20
(7) Code civil, article 161
(8) Comme l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation.
(9) Code de procédure civile, article 1171
(10) Cour européenne des droits de l’Homme, 26 février 2002
(11) Code civil, article 16-7 – Code pénal, article 227-12 – Cour de cassation, assemblée plénière, 31 mai 1991
(12) La gestation pour autrui réalisée à l’étranger ne peut produire aucun effet juridique en France (Cour de cassation, première chambre civile, 6 avril 2011).
(13) Code civil, article 356
(14) Alexis Possez, « Le mariage pour tous, ou l’impossible égalité », Recueil Dalloz, 15 novembre 2012, n°39 p. 2616
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Fée Violine » lun. 28 janv. 2013, 15:20

Merci Théophane, c'est clair et bien résumé, je vais utiliser ce texte!

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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Théophane » lun. 28 janv. 2013, 15:31

Merci beaucoup. :)
J'ai essayé de synthétiser au maximum et de faire un texte accessible pour les non juristes. Pas facile ! :cool:
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Mac » lun. 28 janv. 2013, 15:52

Bonjour, :)

Très concis et concret Théophane.

J'espère que ce texte sera déclarer anticonstitutionnelle et dans le pire des cas que le collectif contre cette loi saisira la cour européenne.

Fraternellement en Jésus Christ. :ciao:

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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par mike.adoo » lun. 28 janv. 2013, 20:51

Bonjour Théophane

J'adhère à votre ce texte .

Vous écrivez : " Cela nous conduit à nous interroger sur la procréation médicalement assistée et sur la gestation pour autrui. L’admission de cette dernière serait contraire à tous les principes jusqu’alors consacrés par le droit français.(11) En laissant alors subsister la prohibition de la gestation pour autrui, on en arrive à une situation bancale : un « mariage pour tous » avec d’un côté les couples de femmes pouvant avoir recours à une aide médicale à la procréation (à l’étranger) et de l’autre les couples d’hommes demeurant sans enfants.(12) À quoi servirait donc un mariage octroyé sans filiation, sinon à satisfaire une revendication militante ? "

Voici ce qui m'inquiète à ce propos : Les enfants issus d'aide médicale à la procréation à l'étranger auront droit à connaître leurs géniteurs contrairement aux enfants des couples dont le mari est stérile et qui " bénéficient " de la P.M.A. en France car la loi française leur interdit l'accès à cette connaissance . La grande majorité des enfants issus de donneurs ( ils sont nombreux ) souffrent de cette situation . Où est le principe de l'égalité ?
Si les couples de femmes ont droit à la P.M.A. en France , le principe de l'anonymat des donneurs étant de mise , qui peut être sûr que les enfants issus de cette pratique ne souffriront pas de cet interdit ? Quelqu'un a-t-il le droit d'en décider ? Qui , parmi nous se fiche pas mal de savoir qui est son père ?

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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Teano » mar. 29 janv. 2013, 13:29

Cher Théophane,

Merci de votre article, très éclairant.
Malheureusement, les juristes n'ont visiblement pas eu voix au chapitre sur ce sujet...On les a peut-être encore moins entendu que les évêques et les autorités religieuses...c'est dire.

Est-ce que je peux vous demander votre analyse en ce qui concerne les droits des enfants (accès aux origines, vie de famille, état-civil...) ?
Il me semble aussi que dans les "familles homoparentales", certaines personnes sont lésées dans leurs droits familiaux : les enfants bien sûr, mais aussi l'un ou l'autre des parents biologiques et la famille naturelle de l'enfant.
Cela aussi on en parle peu mais il me semble que l'on va dépouiller certaines personnes de leurs droits fondamentaux et naturels au seul profit d'une parenté sociale, qui n'est rien d'autre qu'une parenté fictive.

N'y a-t-il pas en germe d'une terrible régression de la condition infantile ?

In Christo

Teano
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Menthe
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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Menthe » sam. 02 févr. 2013, 2:35

Bonsoir.

Je viens de lire deux articles de Maître Eolas, favorable au "mariage pour tous". Ils abordent les mêmes thèmes que l'article de Théophane.
Du mariage "pour tous" (1re partie)
Du mariage "pour tous" (2e partie)

"Mariage pour tous"

Le Gouvernement, conformément à une des promesses électorales du président Hollande, présente au Parlement un projet de loi dit “de mariage pour tous”, qui porte mal son nom puisqu’il n’oblige pas tout le monde à se marier. D’ailleurs ce n’est pas son nom officiel, c’est le nom que les communicants lui ont donné. Son vrai nom est projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, ce qui est l’avantage d’être plus clair puisque c’est exactement ce dont il s’agit.

Utilité du mariage

Pour tout résumer en une phrase, du point de vue du droit civil, le mariage ne sert que quand surviennent les ennuis [...] que ce soit la mésentente, le décès, la maladie ou autre. Le mariage est un statut complet, en perpétuelle évolution donc adaptée à la société contemporaine, qui est protecteur de l’époux le plus faible : le pauvre, le malade, le sénile, l’inconscient. [...]
Voilà où se situe encore aujourd’hui l’inégalité que ce projet de loi se propose de faire disparaitre : les homosexuels n’ont pas accès au régime le plus protecteur, celui du mariage. Ils ont le choix entre deux statuts, le concubinage (qui est plus une absence de statut) et le PaCS, mais pas le mariage et sa batterie de mesures de protection, dont ils auraient eu un cruel besoin dans les années 80-90. Les couples de sexe différent ont le choix entre trois statuts. Ce point est de plus en plus difficile à contester. Il est d’ailleurs frappant de constater que les opposants à ce projet de loi ont dès le début abandonné le terrain de la protection du mariage, au sol un peu trop meuble à force d’avoir été piétiné en 1999, pour se retrancher sur le terrain de la filiation et de l’adoption.


La deuxième partie parle justement assez longuement de l'adoption, je vous laisse lire le blog.

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Eschyle 49
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Trois mots pour éradiquer d'Europe le mariage homosexuel.

Message non lu par Eschyle 49 » mer. 10 avr. 2013, 22:04

Ayant, depuis un trimestre, adressé à toutes les autorités publiques françaises des centaines de lettres qui, toutes, ont fait l’objet d’un classement vertical, me suis-je résolu à saisir deux chefs d’État étrangers d’une brève requête.

En voici l’essentiel, anonymisé :

« La (présente) requête est afférente au projet de loi intitulé « mariage pour tous », déjà voté en première lecture à l’Assemblée nationale, et devant être débattu en première lecture au Sénat, à partir du 4 avril prochain.

J’annexe à la présente deux notes rédigées par mes soins, l’une, en 22 pages, intitulée « mariage pour tous, mariage pour personne ou le grand Noël du procédurier », l’autre, en 9 pages, intitulée « projet d’allocution pour la manifestation du 24 mars 2013 ».

En effet, je suis au regret de constater qu’en France, toute communication est radicalement impossible entre la société civile et ses élites, ce pourquoi je me trouve dans l’obligation de vous adresser, (en votre qualité), ce qu’il faut bien appeler un appel au secours, à l’effet de rétablir ce pont … entre les hommes eux-mêmes.

Je n’ai pas besoin de vous expliquer en quoi ce projet de loi, non seulement est mortifère, mais plus encore luciférien, comme entraînant, à terme, la désintégration de la religion judéo-chrétienne et de la civilisation gréco-romaine : vous savez infiniment mieux que moi ce que signifient les termes de Trilatérale, de Council for Foreign relations, de Bilderberg et de réseaux « Stay Behind ».

Cependant, non seulement pour le faire disparaître de France, mais encore et surtout pour faire disparaître des six pays de l’Union européenne cette réforme déjà advenue, vous suffit-il, (en votre qualité), de prononcer ou de faire prononcer ces trois mots : « contrôle de conventionnalité ».

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un terme juridique, et plus particulièrement d’une technique procédurale que je pratique depuis 1978, date de mon entrée dans la profession d’avoué à la Cour.

En effet, j’ai été stupéfait de constater, non seulement que les centaines de lettres que j’ai envoyées depuis un trimestre sont toutes parties à la poubelle, mais encore et surtout que, lors du grand show médiatique du 24 mars 2013, auquel ne manquaient que les éléphants et les jongleurs, les moyens juridiques que je propose inlassablement ont été survolés en trente-cinq secondes, dans une apothéose d’écarlate et d’hermine, galonnée jusqu’au porte-jarretelles.

De quoi s’agit-il ? D’un mécanisme constitutionnel tout simple, dont la logique s’imposerait même à un élève de l’école primaire.

Première règle : tout État de droit connaît la séparation des pouvoirs entre, d’abord, le pouvoir législatif (faire les lois), ensuite, le pouvoir exécutif (exécuter les lois), enfin, le pouvoir judiciaire (contrôler les lois).

Deuxième règle : tout État de droit connaît la hiérarchie des normes, avec son corollaire, à savoir qu’une norme inférieure ne peut pas être contraire à une norme supérieure : en France, l’on connaît quatre normes, à savoir, de haut en bas, la constitution, les conventions internationales, les lois, enfin les règlements.

Troisième règle, qui est la conséquence des deux précédentes : toute norme est contrôlée par le pouvoir judiciaire, selon une nomenclature qui lui est propre. En droit français, l’on a ainsi trois catégories judiciaires, à savoir :

- le juge constitutionnel (le Conseil constitutionnel), qui exerce le contrôle de constitutionnalité ;

- le juge administratif (les tribunaux administratifs ; les Cours administratives d’appel ; et le Conseil d’État), à savoir le juge qui règle les rapports entre les citoyens et l’État, juge qui exerce le contrôle de légalité ;

- le juge judiciaire (les tribunaux judiciaires, dont le tribunal de droit commun, à savoir le tribunal de grande instance ; les Cours d’appel ; et la Cour de Cassation), à savoir le juge qui règle les rapports entre les citoyens eux-mêmes, juge qui exerce le contrôle de conventionnalité.

Ces trois règles étant posées, il ne reste plus qu’à activer les mécanismes pour en tirer la conséquence s’imposant inéluctablement.

Ainsi, la constitution étant la norme suprême (ou norme de niveau 1), elle n’a pas besoin de juridiction pour la contrôler ; tout au plus peut-elle être modifiée par les deux mécanismes que sont le congrès ou le référendum, ce qui ne modifie pas le raisonnement infra.

Les conventions internationales étant les normes de niveau 2, elles ne peuvent intégrer le droit interne que par le biais d’une loi de ratification, ce qui nous renvoie à la loi elle-même, c’est-à-dire la norme de niveau 3.

Quant au règlement, il s’agit par conséquent de la norme de niveau 4.

En résumé, la norme de niveau 2 doit être conforme à la norme de niveau 1 ; la norme de niveau 3 doit être conforme aux normes de niveaux 1 et 2 ; enfin, la norme de niveau 4 doit être conforme aux normes de niveau 1, 2 et 3.

Ainsi, le contrôle de constitutionnalité consiste à vérifier si la norme de niveau 3 est conforme à la norme de niveau 1, c’est-à-dire si la loi (ordinaire ou de ratification d’une convention internationale) est conforme à la constitution : il est l’apanage du juge constitutionnel.

Le contrôle de légalité consiste à vérifier si la norme de niveau 4 est conforme à la norme de niveau 3, c’est-à-dire si le règlement est conforme à la loi : il est l’apanage du juge administratif ; ainsi, du président du tribunal administratif de Paris qui, dans son ordonnance du mercredi 21 mars 2013, a validé l’arrêté du préfet de police du lundi 19 mars 2013, interdisant au collectif « la manif pour tous » de défiler sur l’avenue des Champs-Élysées.

Enfin, le contrôle de conventionnalité consiste à vérifier si la norme de niveau 3 est conforme à la norme de niveau 2, c’est-à-dire si la loi est conforme à la convention internationale : il est l’apanage du juge judiciaire ; ainsi, du Conseil de prud’hommes de Longjumeau qui, dans son jugement du 28 avril 2006, a déclaré l’Ordonnance du 2 août 2005, instituant le Contrat nouvel embauches, contraire à la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail du 22 juin 1982.

En résumé, si, d’aventure, le projet de loi « mariage pour tous » était validé par le Conseil constitutionnel (ce qu’à mon sens il fera certainement, eu égard à sa précédente jurisprudence), il suffirait, à l’occasion d’un procès en divorce ou en séparation de corps, de saisir, à titre principal, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance, d’une demande en inconventionnalité, pour voir purement et simplement abroger la loi. Mécaniquement, avec 8355 juges et 241 000 mariages par an, si un seul juge ose dire le droit, la loi disparaît. Au pire, la quadruple demande (inconventionnalité, question préjudicielle de conventionnalité, saisine pour avis de la Cour de Cassation, demande en divorce ou en séparation de corps, avec réserve de se remarier sitôt l’abrogation de la loi) serait réitérée devant la Cour d’appel, puis devant la Cour de cassation. Ensuite, ce serait la voie royale devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Dès la publication du projet de loi, j’avais discerné cette anomalie. Mes soupçons ont été confirmés par la réaction de Monsieur Erwan BINET, député et Rapporteur du projet de loi, lors de l’audition, le matin du 13 décembre 2012, de Monsieur Dominique BAUDIS, lequel s’est borné à effleurer l’une des cinq conventions litigieuses, encore, non sur le fond, mais uniquement sur la méthode (étude d’impact).

En effet, aussitôt, Monsieur Erwan BINET, pris de panique, a purement et simplement fait disparaitre quatre documents, à savoir la version initiale du projet de loi, la moitié des enregistrements vidéo des auditions par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le second tome du Rapport de la Commission des lois (un pavé de 800 pages), enfin, le tiers de l’avis du Conseil d’Etat.
En résumé, c’est l’ensemble du gouvernement qui tremble de peur à l’idée qu’un élève d’école primaire ne trouve la faille dont est entaché le projet de loi.

Par conséquent, …, j’ai l’honneur de solliciter qu’il vous plaise bien vouloir prononcer ou faire prononcer ces trois mots : « contrôle de conventionnalité ».

Dans la foulée, vous sera-t-il loisible d’inviter (vos collaborateurs) à élaborer un avant-projet de Directive européenne sur le droit de la famille, conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cet avant-projet sera annexé à une pétition, soumise à la signature des 506 millions d’habitants de l’Union européenne, aux fins de transmission à la Commission des pétitions près le Parlement européen, ainsi qu’aux candidats aux élections du 25 mai 2014. De la sorte, si nous parvenons à réunir, tant la signature de la moitié des habitants, que l’engagement des candidats à soutenir cette pétition, il en résultera une Directive, ayant rang constitutionnel de convention internationale, et devant être transposée par chacun des Etats dans son droit national, sous délai de 12 à 18 mois.

Ainsi, les six Etats ayant déjà promulgué le mariage homosexuel seront contraints d’abroger leur législation, à peine, tant d’une « notification de manquement » à l’initiative de la Commission européenne, que d’une exception d’inconventionnalité de la part de tous les justiciables ».

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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Théophane » ven. 12 avr. 2013, 5:14

Matthew a écrit :Alors honnêtement, en tant que je juriste, je ne vois pas sur quoi vous vous appuyez pour dire qu'un tel mariage ne tient pas debout juridiquement.
C'est simple : le mariage est, comme l'affirmait Claire Neirinck, l'institution qui croise l'alliance et la filiation, le couple et la famille. En quelque sorte, on souhaite faire du mariage ce qu'il n'est pas, c'est-à-dire une protection du couple. Ce n'est pas conforme à sa physionomie, le mariage ayant vocation à être le socle sur lequel pourra s'épanouir la famille.
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par PaxetBonum » ven. 12 avr. 2013, 8:15

Théophane a écrit :Cela n’est ni honnête ni acceptable, le droit ayant pour devoir de prendre acte du fonctionnement du monde pour l’organiser en accord avec sa nature.
Bravo pour votre texte clair et précis.
Juste une question sur cette phrase : est-ce une définition officielle du droit ou la votre ?
Car il me semble que de nos jours le droit n'est là que pour entériner des faits de notre époque…
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Re: Brève analyse juridique du mariage homosexuel

Message non lu par Invité » ven. 12 avr. 2013, 18:41

Bah, c'est surtout que le législateur a le droit de changer la définition du droit (il le fait constamment, à chaque changement de loi quasiment), c'est son rôle. Donc rappeler SA définition ne sert strictement à rien, et la vision religieuse d'un mariage n'intéresse pas le mariage civil :siffle:

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