Suroît a écrit : ↑jeu. 17 oct. 2019, 0:00
On peut disinguer quatre manières de répondre au mal subi.
1) La vengeance brute, violente, qui produit une escalade de la violence.
2) Le ressentiment, qui est une vengeance déguisée en justice. Ici le juge punit le mal et son intention est focalisée sur l'idée de faire payer le criminel par l'administration du châtiment pour lui même. C'est un début de justice, qui a le mérite de contenir l'escalade de la violence, mais ne libère pas pour autant du sentiment de vengeance. C'est une vengeance canalisée, aux conséquences utilitaires (protéger la communauté), sans visée de réconciliation
3) La justice qui redresse. Le juge ici a pour intention l'amour de l'ordre et la volonté de réintégrer le criminel dans cet ordre juste. Le châtiment n'est pas une fin en soi, ni une protection utilitaire, mais un moyen en vue d'une rédemption, d'un dépassement du mal.
4) Le pardon. C'est l'histoire du fils prodigue. Dieu qui voit dans les coeurs intuitionne le pire des châtiments qui soit, celui qu'on s'administre à soi-même, et qui est la mauvaise conscience, le sentiment de sa propre indignité, la souffrance extrême de son égarement. Là, plus de sanction autre que cet "auto-châtiment" intérieur. Ainsi le père n'administre aucun châtiment, mais accueille immédiatement avec joie le coupable, qui devient pardonné. Le frère ainé resté au champ ne comprend pas cette justice, car il est resté entre le niveau 2 ou 3 de la justice. Il faut que son petit frère paye pour ce qu'il a fait.
Quelle est la justice de Dieu? C'est là la question en fonction des cas.
Sauf que cet ensemble de quatre options n'existe pas réellement, en fonction de la personne qui juge.
Si une personne isolément réagit au tort qui lui est fait, il sera peut-être concerné par vos points 1 et 4, qui forment deux extrêmes, entre lesquelles d'autres options, beaucoup plus courantes, seront possibles, comme par exemple le simple oubli, la peur de s'attaquer à plus fort que soi, ou de risquer des représailles, l'impuissance (face à une situation subie), la résignation, etc.
Si c'est un juge qui doit rendre un verdict, il ne fait qu'appliquer les lois existantes, et rend la justice au nom du peuple (ou en d'autres temps au nom du roi), et ne sera que partiellement concerné par vos points 2 et 3. Mais votre présentation me paraît discutable. L'objectif principal de la Justice est d'abord de préserver la paix de la Cité, et éviter que l'on s'entretue. Sans la Justice, il ne peut y avoir de civilisation. Elle est purement pragmatique, et n'a pas à s'encombrer de morale particulière. Il est immoral sur le plan absolu de contraindre physiquement un individu, de le retenir prisonnier, de lui administrer une amende. Et pourtant c'est nécessaire, car on ne connait pas de meilleure solution. Il n'est donc pas question de vengeance et de ressentiment. Quant à la rédemption, la réintégration, elle ne dépend pas du juge, mais des acteurs sociaux. Le pardon est hors-sujet.
La Justice de l'Église est représentée par vos points 3 et 4 lorsqu'il s'agit de donner le pardon de l'Église, et de fixer une pénitence. Parfois elle peut se montrer rigoureuse en cas d'excommunication.
Quant à la Justice de Dieu, je pense qu'elle nous échappe quelque peu. Elle s'exerce d'abord dans cette vie, sous le nom de Providence. Personne ne sait ce qu'il arrive réellement dans l'autre vie.