Bonjour MB,
MB a écrit :1° Je passe rapidement sur les notions d'"enfant-projet", etc. Il n'y a pas à en faire toute une histoire. Il faut bien être capable d'assumer un enfant, d'une part, donc d'un certain point de vue, il y a toujours un projet. Quant à la notion de "projet" que vous dénoncez, je pense qu'elle n'existe pas en réalité, qu'elle est une illusion des gars du type du planning familial ; car, en pratique, un enfant, même voulu, même désiré, même projeté, arrive toujours par surprise. Si je puis dire, en ces domaines, l'Esprit souffle où il veut ; on a déjà du mal à attraper un enfant quand il bouge dans tous les sens ; c'est vrai aussi avant sa naissance...
Tout le monde sait qu'un couple, même décidé fermement à avoir un enfant, peut mettre un temps fou à y parvenir, ou à l'inverse, l'a tout de suite. J'ai l'impression que la conception se fait presque indépendamment des circonstances physiologiques positives, et que d'une certaine manière, il y faut plus que la nature. C'est comme si chaque couple était appelé à vivre, de son côté et à sa manière, l'Annonciation. Corrigez-moi si je dis une énormité.
De fait. Jésus lui-même conseille à celui qui envisage de construire une tour de commencer par s'asseoir pour voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout. Le problème que peut soulever l'idée d'enfant-projet ne relève donc pas de la prévoyance. Simplement, cela peut conduire à des attitudes dommageables :
1) Par exemple, en cas de difficulté à concevoir, cela peut amener des conséquences très difficiles pour le couple, surtout si il commence à se tourner vers des méthodes de procréation artificielle. Il convient de conserver un certain détachement, en quelque sorte, par rapport au désir d'enfanter.
2) Autre exemple, les conséquences dommageables sur l'éducation de l'enfant. Un "projet" trop bien ficelé, trop pensé, peut poser problème. Les psys ont bien cerné ce problème.
D'autre part, il est certain que certains couples mettent plus de temps que d'autres. Conséquences néfastes d'une contraception chimique, trop grande implication psychologique entraînant une sorte de blocage, autres difficultés psychologiques, fécondité limitée ou mal ciblée... Les causes peuvent être nombreuses.
Cela dit, il ne me semble pas pertinent de dire qu'il y a faut plus que la nature. Notre psychologie fait partie intégrante de notre nature humaine, et il ne me semble pas juste de voir dans la conception d'un enfant une intervention divine autre que la seule création de l'âme (selon le cas général : naturellement Dieu peut toujours intervenir). Un enfant est certes un don de Dieu, mais en vertu de la causalité première.
MB a écrit :2° Revenons au sujet. En fait, je trouve que votre argumentation au sujet des méthodes "naturelles" est un peu tortueuse. D'un côté, elles sont les seules à ne pas être peccamineuses ; de l'autre, toute méthode de contraception est à éviter. J'aimerais y voir un peu plus clair. En fait, j'ai l'impression que vous passez, l'air de rien, d'une définition de la nature (dans le sens de "ce qui correspond à la nature profonde de l'homme") à une définition un peu "écologique" (les méthodes artificielles étant une "amputation" de l'union sexuelle). En quoi une contraception à la Billings amputerait-elle moins l'union sexuelle que l'utilisation d'un latex ou d'une pilule ?
D'une part, je crois utile de distinguer premièrement l'intention contraceptive, qui naturellement est toujours mauvaise. Et deuxièmement le moyen de différer une conception, dont la moralité dépend de sa capacité à atteindre l'objectif fixé tout en assurant à l'union des époux sa pleine vérité.
Les deux choses sont cumulatives : intention droite et moyen licite sont requis. De là que l'utilisation d'une méthode naturelle avec une intention contraceptive est problématique.
D'autre part, je ne passe aucunement d'une notion de la nature à une autre, sauf à m'exprimer maladroitement. J'affirme simplement que la nature "biologique", à savoir notre corps, son fonctionnement, fait partie intégrante de la nature humaine. Donc, que notre corps est à même de nous fournir, par son fonctionnement même, des pistes dans l'ordre de l'agir moral.
Ainsi on voit que biologiquement, les organes sexuels de la femme et de l'homme sont fait l'un pour l'autre, et que cette réunion a deux effets : elle peut contribuer à raffermir les liens entre les époux (c'est prouvé biologiquement, par la libération de je ne sais plus quelle hormone) et à concevoir un enfant.
Elargissant la perspective à la nature humaine dans sa globalité, donc y compris la nature biologique, nous apprenons que l'être humain est créé à l'image de Dieu, et qu'il est fait pour se donner comme Dieu se donne : sans restrictions aucune. Pour se donner avec tout ce qu'il est à tous points de vue.
Ce qui permet de conclure que la sexualité est, pour le couple, un des lieux de ce don de soi qui implique de façon particulière les corps, et que ce don est donc appelé à être total.
Vous voyez ? Je ne navigue pas entre deux conceptions antagonistes de la "nature". Si l'homme est à l'image de Dieu, c'est aussi par son corps. Ce n'est pas nous qui sommes à l'image des animaux, mais l'inverse : les animaux ont un corps parce que l'homme, selon le plan de Dieu devait avoir un corps. C'est l'homme qui détermine la Création par Dieu. Il en est le couronnement, le modèle, le prêtre. En lui, elle se récapitule. C'est le regard magnifique des Pères de l'Eglise, quelque peu voilé en Occident, mais que l'Orient a gardé vivace, et je ne serais pas étonné que Benoît XVI adopte un point de vue similaire dans sa prochaine encyclique, dont on nous dit qu'elle aura une forte implication environnementale.
Bref, la nature humaine, ce n'est pas uniquement une abstraction conceptuelle. C'est quelque chose qui s'enracine dans le biologique, qui inclut le biologique, mais qui ne se résume naturellement pas au biologique.
MB a écrit :Encore une fois, admettons un instant l'argumentation de Boris : si Billings est plus efficace que le latex, alors l'utilisation du latex laisse positivement plus de possibilité à la conception, et c'est alors Billings qui est peccamineux.
Ou alors on se fonde sur le caractère "naturel" de Billings et d'Ogino, mais on retombe dans l'aporie dénoncée plus haut (tout ce que fait l'homme étant à la fois naturel et artificiel).
Cet aspect de la question (l'efficacité de la méthode) n'a aucune incidence morale. Ce qui fait la valeur de Billings, c'est précisément qu'elle est "naturelle", étant entendu que ce terme naturel doit être compris comme je l'ai expliqué dans le paragraphe précédent.
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