Licéité de la délation ?

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Christophe
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Licéité de la délation ?

Message non lu par Christophe » mar. 31 juil. 2007, 20:34

Bonsoir

Question que je me suis posé plusieurs fois, et dont je n'ai jamais trouvé la réponse :
Dénoncer est-il (parfois) licite ? A quelles conditions ?
Disons que mon voisin enfreint une loi, et que je suis au courant. Dois-je - ou même puis-je - le dénoncer ?

(NB : La question est purement théorique, et je ne suis pas confronté personnellement à ce dilemne...)

Peut-être un moraliste a-t-il déjà tenté de répondre à cette question.


Merci d'avance pour vos lumières.
Christophe
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Boris » mar. 31 juil. 2007, 20:53

Selon l'Ecclesiastique (il me semble), oui c'est licite : il faut dénoncer votre voisin à ... lui-même pour qu'il se corrige, sinon vous êtes responsables de sa déchéance.

Mais si après lui avoir fait reproche il ne se corrige pas, alors votre exemple de vie doit lui servir de dénonciation permanente.

Ensuite il y a la correction fraternelle : en vue de sauver l'âme d'un frère ou de votre voisin récalcitrant, alors vous devez le dénoncer pour que sa conduite soit rectifier et ainsi lui permettre d'être sauvé.

D'ailleurs le Cardinal Arinze compte sur nous pour dénoncer les abus liturgiques. (Cf. Redemptoris Sacramentum)
Pensez-vous qu'il nous pousse à pécher ?
UdP,
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Sapin » mer. 01 août 2007, 3:55

Bonsoir Christophe,

Pour savoir la moralité d’un acte à poser, il faut toujours utiliser les sources de la moralité d’un acte humain déjà énoncées sur un autre fil :

1- matière de l’acte (l’objet) un acte humain de par son objet est orienté ou non vers la moralité,

2- les circonstances : d’un acte peuvent le rendre moral ou immoral. Mais pour cela il faut que ces circonstances comportent un rapport avec la saine raison. La fin de la volonté va être l’élément essentiel qui donnera à l’acte toute sa tonalité morale.

3- la forme de l’acte (intention). L’élément formel de l’acte humain. C’est la fin visée par la volonté. La moralité de l’acte humain s’établit avant tout par la moralité de la fin voulue. Pour que cet acte soit bon il faut que la fin de la volonté (finis operantis) coïncide avec la destination elle-même de l’acte objectif (finis operis). Une intention bonne est incompatible avec un acte mauvais. Il faut une homogénéité entre la fin poursuivie et le moyen employé.

Donc pour que la dénonciation soit acte moralement bon, il faut que l’intention le soit aussi. Mais le rendra immoral si par exemple le fait de dénoncer quelqu’un met sa vie en danger.
Père Guy

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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Boris » mer. 01 août 2007, 11:08

Je pense que la question de Christophe est justement est-ce que la délation en tant que finis operis est un acte bon ?

Est-ce cela Christophe ?
UdP,
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christophe » mer. 01 août 2007, 13:01

Boris a écrit :Je pense que la question de Christophe est justement est-ce que la délation en tant que finis operis est un acte bon ?
Non, c'est sur la délation considérée comme "moyen" (ou cause efficiente) et non comme "fin" (ou cause finale) que portait la question. Evidemment, avec Judas, l'Ecriture nous montre qu'il est des cas la délation n'est - pour le moins - pas une bonne chose. D'un autre côté, si je sais que mon voisin séquestre des enfants, il me semble qu'une conscience droite n'hésitera pas à le dénoncer à l'autorité et cela même s'il risque la peine de mort civile.
Bref, il me semble qu'il faut effectivement examiner chaque cas particulier avec la méthode "casuistique" mais c'est une méthode que je ne connais pas bien, aussi si certains - comme Sapin a commencé de le faire - peuvent apporter leurs lumières, je les en remercie d'avance.

Que la Paix du Christ soit avec vous.
Christophe
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Hélène » mer. 01 août 2007, 13:32

Je suis loin d’être moraliste mais j’y vais du gros bon sens…si je peux me permettre.

Réponse à la question : Oui et non !

C’est du cas par cas.

Étude de cas no 1 : j’entends ma voisine se faire tabasser par son conjoint : j’appelle la police si je suis sûre de ce que j’entends.

Étude de cas no 2 : un prêtre reçoit la confession du boucher du coin avouant avec repentir qu’il a tranché sa belle-mère en mille morceaux pour en faire des pâtés… est-il tenu au secret de la confession ? Peut-être, mais ce serait terrible. Il peut, si le pécheur est vraiment repentant (et non pas seulement s’il regrette la sauce à spaghetti de sa belle-mère), tout en lui accordant le Pardon de Dieu, l’inviter en guise de pénitence à se livrer aux autorités civiles sous peine de dénoncer son crime. Mais je ne connais pas les formalités canoniques dans un cas comme celui-ci.

Étude de cas no 3 : je suis un jeune prêtre, nouvellement ordonné et j’omets une génuflexion par nervosité et/ou, sentant la pression des anciens paroissiens qui ont pris des mauvais plis avec l’ancien curé gogauchiste marxiste et, voulant faire comme le Seigneur demande par son Église, je mets un peu de temps, petit à petit pour rétablir la liturgie comme elle se doit en revenant à une pratique plus orthodoxe sur une échéance plus ou moins longue pour ne pas scandaliser ou perdre la horde de paroissiens qui avaient mis la main sur le comité de liturgie… non, on ne dénonce pas mais on fait confiance et/ou on s'informe de ses intentions avant de juger.

Nous ne connaissons pas les intentions profondes des prêtres ou des personnes. Le Seigneur avait défendu à sainte Catherine de Sienne de critiquer ses prêtres. Il lui demandait seulement de prier pour eux et d’espérer en eux.

Jésus n’a jamais été un délateur. L’Esprit Saint me révèle mon péché à la Lumière de la Sainteté de Dieu à laquelle Il m’expose plus j’ose m’avancer vers ce Feu purificateur.

Saint Benoît invite dans sa Règle à faire usage de discretio. C’est la vertu de prudence. De un, nous ne pouvons être absolument sûrs de ce que nous avons vu ou entendu. De deux, l’Accusateur et le Menteur peut nous faire miroiter bien des illusions sur les autres ou sur nous-mêmes selon nos blessures psychiques. C’est pourquoi la Bible invite toujours à être plusieurs témoins avant de traduire une cause au législateur. Évidemment, nous sommes aussi invités à prendre notre frère à part pour lui signaler son erreur… mais sans jugement ni condamnation en exerçant un ministère fraternel bienveillant.

Voilà, c'était l'opinion (un peu décousu) d'une simple mortelle...

Hélène
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christian » mer. 01 août 2007, 15:14

Bonjour Christophe,
:)

Vous posez un intéressant problème.

Vous vous en êtes aperçu, je ne suis pas kantien, et ma démarche dans toutes ces questions de société part de la victime.

En d’autres termes, je n’ai guère de sympathie pour les Suisses qui appellent la police de leur portable lorsqu’une voiture emprunte le couloir des autobus. Un règlement est violé, certes, mais qui est lésé ? L’argument que si tout le monde faisait la même chose, le trafic serait perturbé, ne tient pas puisque justement, ils manifestent par leur comportement qu’ils n’ont pas l’intention de faire la même chose.

En revanche, pour reprendre les exemples donnés plus haut, je n’utiliserai pas le terme de délation, mais celui d’assistance à personne en danger si j’interviens, avec l’aide de tiers qui sont donc mis au courant (voisins, travailleurs sociaux, flics), après avoir acquis et fait partager ma conviction que le gars d’au-dessus manufacture des bombes à retardement dans sa cuisine, ou brutalise sa partenaire ou ses enfants.

Deux cas sont plus tordus, et j’anticipe que — comme d’hab’ — les habitués de ce forum ne vont pas abonder dans mon sens :p

1.
Je découvre que la comptable de l’entreprise fauche dans la caisse. Peu importe que ce soit pour s’acheter des fringues, ou pour nourrir ses 5 lardons après que son vaurien de mari l’ait plaquée. Il existe une ou des victimes : les actionnaires de l’entreprise. J’essaierais de trouver une solution avec cette personne pour résoudre son problème financier, mais je la dénoncerais dans tous les cas si elle ne cessait pas sa malversation (et ne remboursait pas).

2.
Supposons encore — j’aggrave mon cas — que ce n’est pas une indélicatesse qu’a commise cette comptable, mais un meurtre. Elle a tué son amant, à la Tess d’Uberville, ou son mari, à la Thérèse Desqueyroux, ou euthanasié sa mère grabataire, etc. Il est évident pour moi qu’elle ne tuera plus jamais personne. Je veux bien user de délation pour prévenir un crime ou un délit et épargner ainsi une victime, mais je ne suis pas un justicier. Je dirai ce que je sais si l’on m’interroge (sans m’incriminer moi-même, puisque la loi rend la délation obligatoire dans ce cas), mais je ne prendrais pas l’initiative d’alerter la police. Je ne dénoncerais un meurtrier que si je pouvais penser qu’il frapperait encore. (En acceptant le risque de me tromper, et j’en assumerais alors la culpabilité en conscience).

Voilà des analyses théoriques, effectuées en chambre ; il n’est pas du tout certain qu’en face des personnes en chair en et os, avec tout le contexte de la vie réelle, ma réaction sera celle que j’expose ici (surtout dans le cas d’un meurtre). Je joue au philosophe.

Bien à vous

Christian



Ce qui importe à l'homme ce ne sont pas les événements survenus dans sa vie,
mais seulement la répercussion de ces événements dans sa conscience.

M. Agueev, Roman avec Cocaine
et c'est bien avec le poids de cette conscience que nous sommes condamnés à vivre.

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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christophe » jeu. 02 août 2007, 11:46

Merci à tous pour vos réponses.
Tout le monde s'accorde pour dire que le discernement doit s'effectuer "au cas par cas'. Et cela me semble exact, donc la délation n'est "en soi" ni intrinsèquement bonne ni intrinsèquement mauvaise et la moralité de cet acte dépendra donc essentiellement des circonstances et de la forme de l'acte, pour reprendre les mots de Sapin. De plus, il me semble qu'avant de d'en arriver à la délation, il y a parfois d'autres solutions à essayer prioritairement (par exemple, parler directement à la personne et faire preuve de correction fraternelle comme l'a évoqué Boris).

En fait, dans les cas "extrêmes", le discernement est relativement facile. Mais dans des cas plus limites, quel raisonnement faut-il tenir pour discerner la juste conduite à tenir ? Par exemple, un cas de conscience que j'ai eu il y a quelques années (finalement, nous n'avions rien dit) : un collègue, père de quatre enfants, trompait régulièrement sa femme qui était une connaissance de la mienne. Pouvait-on ou devait-on le dire ? En soi, ce n'est pas tellement la réponse à cette question qui me semble intéressant, que le raisonnement qui permet d'y conduire.

Christian, vous décidez de parler "d'assistance à personne en danger" plutôt que de délation. Mais si l'assistance à personne en danger est bien la fin poursuivie, la délation est bien le moyen retenue pour réaliser cette fin. Sur vos deux études de cas : dans le premier cas, vous êtes prêt à dénoncer la comptable si elle ne rembourse pas, même si elle offre les garanties de ne pas réitérer son acte ; dans le second cas, vous êtes prêt à ne pas dénoncer l'assassin du moment qu'il offre des garanties de ne pas réitérer son acte. Réparer un vol est donc plus important pour vous que réparer un meurtre, puisque c'est une condition que vous exigez du voleur pour ne pas le dénoncer alors que vous n'exigez rien de tel de l'assassin. Cela ne me semble pas le fruit d'une conscience morale droite...

Cordialement
Christophe
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christian » jeu. 02 août 2007, 14:41

Bonjour Christophe,
Réparer un vol est donc plus important pour vous que réparer un meurtre, puisque c'est une condition que vous exigez du voleur pour ne pas le dénoncer alors que vous n'exigez rien de tel de l'assassin.
Oui, car quelle forme pourrait prendre cette réparation en faveur d’un mort ?

Nous parlons de délation, et non pas de justice. Si j’étais chargé de rendre cette dernière, tel St Louis sous son chêne, je n’agirais nullement comme si le vol était plus grave que le meurtre. Mais je suis le quidam qui n’a pas mission de « faire des exemples » (tout juste peut-il offrir le sien), qui doit donc trouver un critère objectif, valable dans tous les circonstances, afin d’éclairer son discernement.

Juger « au cas par cas », ce n’est pas juger. C’est même tout le contraire. Car sans une norme, comment parler de jugement ? Les décisions ne sont rendues qu’en fonction des sympathies ou antipathies suscitées par tel ou tel délinquant et telle ou telle victime. Autant tirer au sort.

La norme que je propose, qui satisfait ma conscience, est la considération pour la victime. Mon intervention, y compris la délation ou la menace de délation, va-t-elle améliorer la position de la victime ?

Oui, évidemment, dans le cas des actionnaires de l’entreprise.
Non, dans le cas de la victime du meurtrier.

Peut-être, mais ce n’est pas certain, dans le cas des victimes accessoires du meurtrier que sont la famille et les proches de la victime. Il est possible que le procès, par les éclaircissements qu’il apporte sur les circonstances du crime et la condamnation du coupable, facilite le travail de deuil des survivants. Il est possible aussi que la révélation de l'identité du meurtrier éveille des sentiments négatifs de haine, voire une faim de vengeance. Le juge n'a pas à considérer ces conséquences (ou alors il ne rend pas la justice, mais fait oeuvre politique). Mais moi, dans votre cas de figure, je ne suis pas le juge.

On peut évidemment partir d’une autre norme : Justice doit être rendue, quel qu’en soit le coût. Peu importe les répercussions sur la famille : le mari adultère que vous avez connu doit être dénoncé. Ainsi le veut l’Ordre du monde. C’est la position des Juifs qui présentent à Jésus la pécheresse qu’ils veulent lapider. Vous remarquerez que le seul et unique personnage qui aurait son mot à dire selon moi dans l’affaire, car le seul qui a été trompé, est spectaculairement absent : le mari. Il est la seule victime, mais peu importe la victime. Peu importe les êtres humains. La Loi réclame un châtiment.

L’une de mes bêtes noires philosophiques, Kant, est le grand représentant de cette seconde école. Je préfère la mienne. Le débat n’est pas clos. L’essentiel est d’être cohérent.

Bien à vous

Christian



Ceux qui ont soif de justice auront toujours soif
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(ce qui ne contredit pas Mt 5:6, mais considère des temporalités différentes)

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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Hélène » jeu. 02 août 2007, 15:54

Christian a écrit :C’est la position des Juifs qui présentent à Jésus la pécheresse qu’ils veulent lapider. Vous remarquerez que le seul et unique personnage qui aurait son mot à dire selon moi dans l’affaire, car le seul qui a été trompé, est spectaculairement absent : le mari. Il est la seule victime, mais peu importe la victime. Peu importe les êtres humains. La Loi réclame un châtiment.
Moi ce qui m'étonne encore plus dans cette scène, dans ce cerle "d'hommes justes" qui renferment la femme adultère dans leur Loi en l'utilisant pour tuer, c'est l'homme adultère qui brille aussi de façon spectaculaire par son absence :/ .

Hélène
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christophe » jeu. 02 août 2007, 16:06

Cher Christian
Christian a écrit :
Réparer un vol est donc plus important pour vous que réparer un meurtre, puisque c'est une condition que vous exigez du voleur pour ne pas le dénoncer alors que vous n'exigez rien de tel de l'assassin.
Oui, car quelle forme pourrait prendre cette réparation en faveur d’un mort ?
[...]
L’essentiel est d’être cohérent.
Alors soyez cohérent avec ce que vous écriviez dans ce message et suivants...
Nous parlons de délation, et non pas de justice. Si j’étais chargé de rendre cette dernière, tel St Louis sous son chêne, je n’agirais nullement comme si le vol était plus grave que le meurtre. Mais je suis le quidam qui n’a pas mission de « faire des exemples » (tout juste peut-il offrir le sien), qui doit donc trouver un critère objectif, valable dans tous les circonstances, afin d’éclairer son discernement.

Juger « au cas par cas », ce n’est pas juger. C’est même tout le contraire. Car sans une norme, comment parler de jugement ? Les décisions ne sont rendues qu’en fonction des sympathies ou antipathies suscitées par tel ou tel délinquant et telle ou telle victime. Autant tirer au sort.
Alors expliquez nous votre norme, car je ne l'ai pas saisie : vous dénonceriez le voleur sauf si le tord était réparé ; vous dénonceriez le meutrier sauf s'il vous "donne à penser" qu'il ne pourrait frapper encore. Je ne saisi pas très bien la cohérence. Ou plutôt je saisi bien l'incohérence.
Juger « au cas par cas », ce n’est pas juger. C’est même tout le contraire. Car sans une norme, comment parler de jugement ? Les décisions ne sont rendues qu’en fonction des sympathies ou antipathies suscitées par tel ou tel délinquant et telle ou telle victime. Autant tirer au sort.
Rien n'est plus faux que d'écrire "Juger « au cas par cas », ce n’est pas juger." car juger, c'est précisément appliquer des normes juridiques générales (de droit naturel ou de droit positif) à un cas particulier. Sinon, nous n'aurions pas besoin de juges pour juger les affaires : une "pervenche" y suffirait.
La norme que je propose, qui satisfait ma conscience, est la considération pour la victime.
Je ne me prononcerai pas encore sur la validité de votre critère (j'attends les progrès de cette conversation), mais je me prononce déjà sur la cohérence entre cette norme et l'application aux cas que vous soumettez (cf. supra).
Mais moi, dans votre cas de figure, je ne suis pas le juge.
Et pourtant, vous jugez : vous jugez si la situation de la victime sera améliorée ou non. N'est-il pas étrange de penser que la situation de la victime puisse ne pas être améliorée par le fait que justice soit rendue ? Rendre justice à une victime n'est-ce pas précisément reconnaitre son "droit à réparation" comme vous l'écriviez par ailleurs ?
On peut évidemment partir d’une autre norme : Justice doit être rendue, quel qu’en soit le coût.
Ce serait effectivement un autre critère, sur la valeur duquel je ne me prononcerai pas davantage et d'ailleurs il me semble assez équivalent au premier.
Peu importe les répercussions sur la famille : le mari adultère que vous avez connu doit être dénoncé.
Comme vous l'avez lu, je ne l'ai pas fait. Je crois que cette femme savait que son mari n'était pas un parangon de fidèlité. Mais elle préférait ne pas chercher à en savoir davantage. Cela dit, la problématique aurait été la même dans le cas d'une épouse jalouse et je n'aurai pas davantage dénoncé le mari volage. La chose serait différente si la femme "cocufiée" avait était ma soeur, ou ma fille... il me semble que je me serai senti davantage le devoir de la desciller... alors que là, ma réaction a plutôt été de me dire "ce ne sont pas mes affaires, cela ne me regarde pas".
Le débat n’est pas clos.
Certes. ;)

Très cordialement
Christophe
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par patrick_mtl » jeu. 02 août 2007, 19:09

Salut!

Plusieurs cas ont été avancé. J'aimerais revenir à des exemples plus près de moi (de nous).

Par exemple, au travail. Nous pouvons dénoncer tous ceux qui sont paresseux ou font leur travail à moitié? Cela est-il utile? Dans la mesure ou cela ne m'empêche pas de bien faire mon travail et ne met la sécurité d'aucune autre personne mieux vaut se taire. Ce n'est plus de la délation mais de la médisance.
Saint Josémaria, Chemin, 449 a écrit :Cela s'appelle: cancan, médisance, bavardage, intrigue, potin, histoire, embûche..., ou calomnie? bassesse?

Il est difficile en tout cas que la critique de celui qui n'a pas à l'exercer ne tourne pas au commérage.
Par contre, il peut être pertinent - en tant que professionnel catholique - d'intervenir directement auprès d'un collègue pour l'inviter à réfléchir. Pour ce faire, j'aime cette réflexion de Saint Josémaria:
Chemin, 961 a écrit : Il n'est pas possible de faire des commentaires sur des faits ou des doctrines sans se référer à des personnes... que tu ne jugeras pas: "qui iudicat Dominus est" — c'est Dieu qui juge.

— Ne t'inquiète donc pas s'il arrive que tu te heurtes à un interlocuteur dépourvu d'une conscience droite et qui, dans sa mauvaise foi ou son manque de jugement, qualifie tes paroles de médisance.
Espérant le tout utile,

Patrick
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christian » jeu. 02 août 2007, 20:34

Hello Christophe,
Alors expliquez nous votre norme, car je ne l'ai pas saisie : vous dénonceriez le voleur sauf si le tord était réparé ; vous dénonceriez le meutrier sauf s'il vous "donne à penser" qu'il ne pourrait frapper encore.
Je pars de la victime.

La voleuse de mon exemple ayant remboursé son employeur et ses problèmes financiers étant réglés par d’autres moyens, je peux penser qu’elle ne lèsera plus personne. Pourquoi la dénoncer ?

Le meurtrier de mon exemple (supposons qu’il ne soit pas violent de nature) ne commettra vraisemblablement pas d’autre crime. Par définition, il ne peut réparer le tort causé à sa victime. La délation répondrait donc à un autre besoin : souci métaphysique de justice (l’argument kantien), dissuasion des imitateurs, vengeance… Ce sont de bonnes raisons d'appréhender un meurtrier, mais nous sortons du cadre de mon critère centré sur la victime.
Rien n'est plus faux que d'écrire "Juger « au cas par cas », ce n’est pas juger." car juger, c'est précisément appliquer des normes juridiques générales (de droit naturel ou de droit positif) à un cas particulier.
C’est la même norme qui est appliquée à TOUS les cas. Sinon nous tombons dans le pur arbitraire.

Dans le contexte de vos interventions, on peut croire que vous n’avez pas dégagé cette norme, et donc que vous vous réservez la faculté d’en appliquer une différente suivant les cas.

Ce qui n’est pas pratiquer la justice.

Bien à vous

Christian


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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Christophe » jeu. 02 août 2007, 23:58

Ave Christian !
Christian a écrit :Par définition, il ne peut réparer le tort causé à sa victime.
Il me semble que vous avez omis de répondre à mon objection principale : le manque de cohérence entre les propos que vous tenez aujourd'hui dans ce fil et les propos que vous avez tenu ailleurs sur ce forum, dans le message dont je vous ai donné l'adresse, et les suivants : http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 689#p21689
Dans le contexte de vos interventions, on peut croire que vous n’avez pas dégagé cette norme, et donc que vous vous réservez la faculté d’en appliquer une différente suivant les cas.

Précisément : je n'ai pour l'instant pas encore assimilé la façon de discerner correctement dans la matière qui nous intéresse sur ce fil. C'est d'ailleurs ce qui a motivé l'ouverture de cette discussion. J'ai bien compris le critère que vous retenez. J'ignore encore s'il est pertinent ou non. Mais son application dans les cas que vous avez proposés me semble problématique, et en particulier quand nous lisons ce que vous avez écrit dans le fil dont je vous ai donné le lien. Bref, une réponse sur ce point serait la bienvenue...
C’est la même norme qui est appliquée à TOUS les cas. Sinon nous tombons dans le pur arbitraire.
En fait, ce sont "LES mêmeS normeS" que nous appliquons à tous les cas. Les principes juridiques généraux "s'entremêlent" différemment dans chaque cas particulier, ce qui fait de chaque affaire une équation unique que le juge doit résoudre... Il y a une part d'arbitraire, parce que le jugement est humain ; mais il vise à établir le droit, qui lui est objectif. Mais je crois qu'en fait, nous sommes d'accord.

Cordialement
Christophe
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Re: Licéité de la délation ?

Message non lu par Sapin » ven. 03 août 2007, 5:29

Bonsoir Christophe,

Je ne comprends pas bien où vous avez de la difficulté à assimilez. Je vous donne un autre cas : Vous êtes à la maison, au salon en train de regarder la télé. Tout à coup, vous voyez par la fenêtre un individu s’approchant de l’épicerie du coin, il fracasse la vitrine du magasin et empoigne de la viande, des fruits et légumes et disparaît en fuyant. Vous avez reconnu l’individu, c’est un jeune père de famille, cinq enfants, habitant le quartier, veuf et vous savez qu’il a perdu son emploi dernièrement et qu’il vit dans la pauvreté. Les enfants n’ont pas mangé convenablement depuis 3 jours. Vous refusez de le dénoncer aux policiers. Est-ce moral ? Oui, parce que les circonstances sont venues affaiblir la responsabilité. Vous décidez le lendemain de rencontrer le père de famille, de lui dire que vous avez été témoin de la scène et vous lui offrez de l’aider et de trouver des solutions. Voilà une pleine responsabilité morale de votre part. Un moraliste pur et dur dirait volontiers qu’il y a du laxisme dans cet exemple, pcq la casuistique n’a pas toujours bonne figure, mais souvent utilisée dans le sacrement de réconciliation.

Concernant la peine de mort relatée dans certains cas plus haut, en moral fondamentale on ne peut légitimer le meurtre de l’injuste agresseur où la mort, d’une personne humaine est légitimée comme moyen en vue d’une fin bonne comme défendre l’ordre public pour la peine de mort. L’Église accepte la peine de mort dans des cas très restrictifs majeurs. Aujourd’hui, en plus, tous les pays occidentaux ont abolis la peine de mort sauf les États-unis et des pays sous la gouverne d’une dictature.

Pour les cas rapportés par Christian, tous les exemples semblent être une question de présupposés, de conditionnels frisant le chantage. Comment peut s’exprimer une conscience droite dans de tels cas ? Pour un meurtre, rien même si la circonstance est la légitime défense pourrait moralement justifier un refus de dénonciation.

Dans le cas que rapporte Hélène : «j’entends ma voisine se faire tabasser par son conjoint : j’appelle la police si je suis sûre de ce que j’entends.» la dénonciation ne fais aucun problème, c’est même une responsabilité morale.
Père Guy

"J'attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir".
credo

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