Cher Métazét,
Metazet :
Vous êtes adepte du libéralisme politique, incontestablement, mais pas de ce que Ruwen Ogien appelle (enfin, est-il le seul, ça je n'en sais rien...) le libéralisme moral (auquel le même Ruwen Ogien est également adepte).
Je ne connais de Ruwen Ogier que deux interventions qu’il a faites sur France Culture. Comme il n’est pas un vrai libéral en politique, je crains que son « libéralisme moral » ne soit qu’une nième apologie du
relativisme. Pas ma tasse de thé.
J'ai du mal à comprendre comment on peut, de manière parfaitement cohérente, souscrire au libéralisme politique sans en venir à souscrire au libéralisme moral.
Juste pour éviter la confusion, cette affirmation, placée en citation ci-dessus, est la vôtre, pas la mienne.
En fait, je ne vois pas bien comment le libéral politique qui serait antilibéral moral pourrait juger que tel comportement privé est mauvais, si les personnes qui le pratiquent :
- expriment leur satisfaction et montrent tous les signes de l'épanouissement,
- ne sont manifestement pas réduites dans leur liberté et leurs capacités physiques et mentales (voire sont grandies),
- semblent savoir de quoi elles parlent, y avoir réfléchi, et avoir du vécu dans d'autres styles de vie,
- ne semblent aucunement avoir été forcées, et semblent au contraire avoir pleinement consentie, sans regret, et pas seulement faute de mieux.
Vous décrivez un comportement irréprochable. Dans un monde libéral, toutes les relations humaines seraient de cette nature. Cependant, il pourrait leur manquer quelque chose, et je repère ce « quelque chose » dans les mots très subjectifs de « épanouissement » et « grandies » que vous utilisez. Le libéralisme, théorie juridique, n’apporte aucune transcendance, puisque les mouvements de l’âme ne relèvent pas de contrats, encore moins de décrets ministériels. Je pense donc — c’est ma foi qui me l’inspire — que les personnes dont vous parlez connaîtraient
plus d’épanouissement, sortiraient
plus grandies de leurs échanges si ceux-ci étaient illuminés par l’amour de Jésus-Christ.
Il s’agirait là d’une expérience très profonde de vie. Je laisse d’autres plus avancés que moi sur ce chemin en parler.
la même personne peut rajouter : "certes, je ne vois pas de motifs objectifs et rationnels de condamner moralement l'acte X et si je n'avais pas la foi, je ne le condamnerais pas moralement, mais puisque je crois en Dieu, je crois que l'acte X est mauvais, même si je ne comprends pas pourquoi il l'est".
Excusez-moi, je m’inscris en faux contre cette vision.
X, pour reprendre votre exemple, peut désigner deux actions : une pure pratique religieuse (la messe dominicale), ou n’importe quel autre acte (l’adultère, dont nous avons parlé).
Je ne condamne pas moralement un quidam qui ne pratique pas ma religion. Cela n’aurait aucun sens. L’athéisme, le bouddhisme, etc., sont des pensées fausses, mais pas « immorales ». Si je me sens une vocation de prosélyte, je témoignerai de mon catholicisme, voir si la grâce d’une conversion m’est accordée. Peut-être. Ce qui serait totalement immoral, en revanche, contraire à l’enseignement de l’Eglise, et
sacrilège, serait de
forcer des gens à se convertir. Saint-Simon (le mémorialiste) a une page magnifique dans laquelle il foudroie les « dévots » après la Révocation de l’Edit de Nantes, qui ont obligé les protestants à abjurer sous peine de dragonnades, et ces derniers mâchouillent un bout de pain à la communion dans lequel ils ne voient nullement le Corps du Christ.
En revanche, l’Eglise nous donne des « motifs objectifs et rationnels de condamner moralement l’acte X », et
si elle ne le faisait pas, je ne suivrais pas son enseignement. Car Dieu nous a créés capables de jugement rationnel, et ce serait aller contre le plan de Dieu, ce serait Lui faire injure dans Sa création, que de nous imposer des pratiques indéfendables en raison.
Je l’ai écrit sur un autre fil, ce qui m’a valu une volée de réprimandes,
Dieu nous veut heureux, dans cette vie. La morale chrétienne n’a de sens que si elle est LE chemin vers ce bonheur. Comme nous sommes doués de raison, aucune morale ne pourrait nous rendre heureux en atrophiant notre intelligence et notre capacité de jugement.
Et donc, derrière chaque injonction morale de l’Eglise, il s’agit de discerner le
pourquoi (la cause) et le
pour quoi (le but recherché). Celui qui obéirait, bête et discipliné, ne ferait guère le plan de Dieu, m’est avis.
Bien à vous
Christian
Un théologien a le droit d’affirmer comment Dieu juge une hérésie,
pas comment Il juge ceux qui professent cette hérésie
François Mauriac