"Suis-je le gardien de mon frère?"

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Ombiace
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Re: "Suis-je le gardien de mon frère?"

Message non lu par Ombiace » jeu. 17 oct. 2019, 19:10

Suroît a écrit :
jeu. 17 oct. 2019, 16:46
Cette question éthique reste ouverte. Caïn, le bâtisseur des villes, a choisi. Et vous?
Bonjour Suroit,
je mettrais en avant mon appartenance au Christ.
Il y a forcément interférence avec la liberté du frère, dès lors qu'on cherche à lui épargner quelque chose de désagréable. Cela peut aller du comportement directif, avec ses décisions unilatérales (empêcher physiquement un enfant de jouer avec une prise de courant, ..), option que Jésus choisira à ma connaissance uniquement avec les marchands du temple, au simple bon exemple que l'on peut donner à ce frère (à mes yeux le moins intrusif, encore que..), option quasi permanente de Jésus, me semble -t-il ( les marchands chassés du temple sont forcément également un exemple, peut-être pas à suivre, mais assurément à méditer)..En passant par la correction fraternelle, etc..

Cela pose la question morale de la marge de manoeuvre ménagée à ce frère pour lui effectuer son cheminement
Suroît a écrit :
jeu. 17 oct. 2019, 16:46
dis-moi comment tu comprends cette phrase, et je te dirais quelle éthique tu suis (et donc qui tu es)
J' ai rempli ma part du contrat..

Et vous?

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Carhaix
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Re: "Suis-je le gardien de mon frère?"

Message non lu par Carhaix » jeu. 17 oct. 2019, 20:09

Suroît,

D'abord je vous remercie d'avoir prêté attention à mon sujet sur les substances hallucinogènes. J'ai lu votre commentaire avec intérêt. Pour le moment je n'ai pas tellement le temps d'y réfléchir, mais c'est un sujet qui me préoccupe beaucoup, en lien avec un certain nombre de choses fondamentales pour la foi. Je ne peux en dire plus, car le sujet me paraît explosif.

Dans la parabole du Samaritain, il faut s'intéresser à une très grande subtilité dans la présentation qu'en fait le Christ. Le scribe qui l'interrogeait disait : Qui est mon prochain ? Question qui fait étrangement penser à celle de Caïn (c'est toujours l'impression qu'elle m'a donnée en tout cas), car on sent une certaine réserve : "je veux bien servir Dieu, mais aimer mon prochain, voilà qui me rend perplexe", semble-t-il se dire. Et très curieusement, après avoir raconté l'histoire du Samaritain, le Christ inverse la question : de qui cet homme a-t-il été le prochain ? Sous-entendu : toi qui veux savoir qui est ton prochain, demande-toi plutôt de qui tu es le prochain. Et cette inversion entraîne une reconfiguration complète du rapport à l'autre : il ne s'agit pas seulement d'aimer l'autre et de le secourir, mais aussi d'admettre que cet autre peut m'aimer et me secourir, alors que peut-être j'estime être au-dessus de lui, et n'avoir pas besoin de lui.

Pour revenir à Caïn : suis-je le gardien de mon frère peut signifier précisément le rejet du bien qu'il aurait pu recevoir de lui. En effet, Caïn est un sédentaire, un agriculteur, un fondateur de cité, le père des Arts et de l'industrie. Qu'est-ce qu'Abel en comparaison, ce pâtre, ce simple berger, ce nomade ? Caïn pourrait-il avoir besoin d'Abel ? D'où la colère de le voir agréer à sa place, lui, l'aîné. En réalité, qui est vraiment un "gardien" entre les deux ? N'est-ce pas Abel, le "pasteur" de troupeaux ?

Cette histoire est loin d'être gratuite, car elle préfigure tout le récit de la Genèse. Lorsque les Hébreux vivent sur la terre de Gessen, en Egypte, les Egyptiens les haïssent, parce précisément ils sont un peuple de nomades, de pasteurs de troupeaux, tandis que les Egyptiens sont des agriculteurs, des fondateurs de cités, et de civilisation. Abraham avait un peu le même rapport avec les gens de Ur, puis de Haran. On voit bien la confrontation entre les civilisations sédentaires de Mésopotamie et d'Égypte, et la lignée des patriarches voyageurs et sans terre.

De plus, les Hébreux sont en abomination aux yeux des Egyptiens à cause de leurs sacrifices d'animaux. Et c'est un autre parallèle avec Abel et Caïn.

Suis-je le gardien de mon frère prend alors tout son sens : l'Égypte a gardé prisonnier le peuple Hébreu, lui interdisant de sacrifier à son Dieu, alors qu'elle avait reçu de lui de grands bienfaits depuis le temps de Joseph. Ces grands bienfaits venus en réalité de Dieu sont favorisés par le rôle d'intercesseur d'Israël entre Dieu et les peuples qui l'accueillent.

J'en viens au point final : le véritable "gardien", ou "pasteur", au sens sacerdotal, c'est bien le peuple de Dieu, le peuple Hébreu, qui préfigure l'Église. Suis-je le gardien de mon frère ? Non, mais Abel préfigure le Bon Pasteur chargé de veiller sur mon âme. Je n'en ai pas voulu car je veux me diriger moi-même, et je l'ai tué, parce que je ne veux point de Dieu. Voilà peut-être en filigrane ce que l'on peut comprendre de cette parole énigmatique, qui procède par inversion, l'inversion du sens étant un moyen de faire ironie, comme le Christ avait procédé avec la question "Qui est mon prochain", et dont la réponse est : Toi-même.

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