Le sado-masochisme est-il un péché ?

« Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu'il sache discerner le bien du mal » (1R 3.9)
Règles du forum
Forum de discussions entre chrétiens sur les questions morales et éthiques. Certaines discussions de ce forum peuvent heurter la sensibilité des jeunes lecteurs.
Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » sam. 15 mars 2014, 18:04

Jean-Baptiste,

La question que vous me renvoyez est passionnante à plus d'un titre. Et je suis bien obligé d'avouer mon incompétence dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle ma religion admet comme la vôtre, l'existence de mystères - dans les deux sens du terme, oserais-je dire.

"Pourquoi ce que je fais ne conspirerait-il pas à la gloire [de Dieu], même si je le fais uniquement pour moi-même, puisque de toute manière rien ne l'atteint et donc qu'Il se moque bien de savoir si ce que je fais, je le fais pour Lui ou pour moi-même ?"

Je pense que vous posez là une question capitale, question que je n'ai pas manqué de me poser le jour de mon départ de l'Église et où j'avais décidé, peut-être un peu rapidement, que le désir et le plaisir étaient l'objectif final - avoué ou non - de toute recherche spirituelle, et que donc, l'hédonisme pouvait, dans sa plus large acception, se hisser au rang de recherche spirituelle.

La pierre angulaire de ce débat, est la sempiternelle question de l'immanence contre la transcendance. Mais connaissez-vous le transthéisme ? Ce néologisme un peu sec de forme a été inventé par des anthropologues qui cherchaient à définir la position sur cette question, de religions telles que le jaïnisme, religion où les concepts de déisme et d'athéisme se télescopent littéralement, et sans pour autant tomber dans un panthéisme froid. Difficile ? Je ne sais pas. Je serai le dernier à clore cette question. D'abord parce que dans ma chapelle, j'ai suffisamment accusé mes anciens correligionnaires, de passer leur temps à faire des génuflexions devant une croix de bois où l'on peut voir une statue qui "a une bouche mais qui ne parle pas" et qui "a des oreilles mais qui n'entend pas". Et j'ai peut-être trop idolâtré les hommes tout en méprisant les idées. "Comment, me demandais-je, Dieu peut-il être incarné de manière complète, s'il reste un morceau de Lui hors du monde ? Comment, peut-il donner sa vie totalement, s'il sauve un peu de Lui de la mort, à travers des textes, une liturgie, des idées ?"

Je vous rassure. Changer de religion ne m'a pas aidé à répondre à ces questions. Cela m'a en revanche, permis d'être enfin moi-même tout en aimant mon Seigneur du mieux que je peux. Ou, du moins mal, si vous voulez. Maintenant, pourquoi moi, aujourd'hui, je continue à être torturé entre le désir d'une transcendance et le besoin de vivre de manière incarnée ? Il me semble que les chrétiens autant que moi qui ne le suis pas, nous continuons à nous poser cette même question. Quant à moi, je ne peux humainement qu'en prendre acte et me remettre à la portée de ce désir, de la manière la plus pragmatique qui soit. Mais je ne laisserai plus le moralisme de quelque paroisse que ce soit, revenir me torturer inutilement. Si Dieu m'aime comme je suis, je n'ai pas prévu de me changer dans cette vie. Ce serait d'ailleurs bien prétentieux de ma part.

Je veux bien ne pas convoquer saint Augustin à cette réflexion, mais je ne pense pas être le premier à lui faire dire ce que je veux. Ni sûrement, le dernier. Enfin, je vous le laisse. Il y a bien eu Pétrarque, Sade, les Parnassiens et Freud entre lui et moi. Et beaucoup d'eau et de sang sous les ponts.

En revanche, je ne peux pas vous concéder de retrait sur l'opposition nature/contre-nature. Votre argument situe la définition de ce qui est contre-nature, non dans la globalité mais dans les limites d'une espèce animale : celle des hommes. Soit. Mais de deux choses l'une. Si je peux considérer la nature de l'homme à travers les différences d'avec d'autres natures (ne lésinons pas ; utilisons un pluriel puisqu'on y arrive), pourquoi devrais-je m'arrêter en si bon chemin et ne pourrais-je pas établir des différences de nature entre les sociétés et peut-être même, entre les individus ? Qui peut être assez universel lui-même pour pouvoir en juger ? Le deuxième point est le suivant : si la nature humaine peut être définie en termes d'éthique universelle, comment et à partir de quand en a-t-on été réduit à construire un code éthique normatif plutôt que descriptif ? J'entends, si telle est ma nature, en quel honneur doit-on m'exhorter à m'y conformer puisque je devrais déjà y être ?

Ah ! J'oubliais. Le péché d'Adam ! qui pour moi, n'est ni historique, ni anthropologique. Il faut donc bien "croire" avant de comprendre. Si c'est le cas, ce mythe du péché originel ressemble étrangement à une pièce de puzzle faite sur mesure parce qu'on n'aurait pas les moyens de retrouver la vraie.

Vous vous référez à ma morale mais à aucun moment je n'ai parlé de morale. Sur ce point, je n'oserai pas affirmer que vous vous mélangez les pinceaux sur la définition de la morale car à vrai dire, vous ne faites que fossiliser le contresens traditionnel de l'Église à ce propos. Alors, pour ne pas nous battre sur de puériles questions de définition, je vais faire simple, en vous livrant ma propre et orgueilleuse définition de la morale et les différences mystérieuses qui la séparent du Bien absolu (que j'appellerai l'harmonie divine).

D'après mon dictionnaire étymologique, si je lis bien, la morale est à rapprocher des mœurs d'une société. Je conçois que même Voltaire ait utilisé ce mot dans son acception chrétienne, mais je vous supplie de prendre acte du fait que je ne crois pas en cette morale-là. La morale pour moi, est essentiellement une création humaine et non-universelle. Elle est et reste relative à une société dans un contexte culturel, temporel, démographique et géographique particulier. Faire d'une morale (qui, comme toutes les autres, est née dans un contexte qui la concerne) l'objet d'une éthique normative universelle, revient pour moi, à vouloir faire tourner le soleil autour de son propre nombril - et à défaut, autour de sa propre planète.

Si l'harmonie divine, qui échappe à la morale culturelle humaine, peut tout englober et tout accepter, doit-on se défaire de toute morale ? Ma réponse est : non. Si la nature dépasse la culture, elle ne lui est pas antithétique. Au contraire, la culture n'est pas extérieure à la nature. Si c'était le cas, nous n'aurions jamais créé aucune cité. Tant que nous vivons en société, la morale (locale et relative, indubitablement) reste nécessaire. À travers sa relativité, elle est peut-être même une incarnation de l'harmonie divine. Mais la fossiliser est selon moi, ridicule. Elle bouge, nécessairement. Elle diffère.

Vos exemples du meurtre, du viol, de la zoophilie ou de la nécrophagie me laissent pantois. Il ne manquait que la pédophilie et l'inceste. Vivez-vous sur la même planète que moi, pour comparer le rapport sadomasochiste entre adultes libres et consentants avec les crimes les plus odieux ? En tant que concitoyen, j'avoue que cette confusion me fait un peu peur. Que l'on s'entende bien. Dans ma société, dans mon époque et dans ma culture, je refuse qu'on autorise ces pratiques, sauf peut-être la zoophilie, si l'animal est consentant - mais je doute qu'on ait vraiment les moyens de le prouver ; le sujet m'intéresse peu. Globalement, c'est bien simple, pour moi, le mot "crime" ne recouvre pas ce que les chrétiens appellent le mal. Un crime est une action naturelle qui pourrait avoir sa place dans la jungle, mais que nous, humains, refusons dans l'enceinte de la cité pour des questions d'ordre essentiellement pragmatique. Nous avons passé un contrat social pour que chacun se sente dans une relative sécurité parmi d'autres homo sapiens de la même culture. Notez que le contrat ne s'applique pas hors de la cité car la guerre n'est pas un crime. On en vient peut-être à reconnaître des "crimes de guerre", là encore pour des raisons pratiques, mais la guerre en elle-même est constitutive de l'histoire humaine. Au risque de provoquer votre dédain, j'accepte la guerre mais je ne tue pas mon concitoyen, parce que le respect du contrat social est une forme de sacralité qui reste de mon niveau. Mais je connais de grands pacifistes universalistes qui ont juste un peu de mal à respecter les enfants des voisins.

Le rapport sexuel, psychique et spirituel d'inspiration sadomasochiste est libre en démocratie. Celui que je pratique est, à mon sens, respectueux des individus qui m'entourent et ne débouche sur aucun crime. Il est beau, fort, voluptueux et tend à la vénération de la beauté matérielle, signe de la Beauté de l'Esprit.

Pourquoi enfin, quitter l'Église pour un "jeu" ? La réponse est dans le post de Teano. Il s'agit, si vous voulez, plus que d'un jeu. Je veux bien croire que vous ignoriez tout des sentiments qui peuvent unir ces "jeux", à la spiritualité, que vous n'ayez jamais entendu parler ni de la méthode tantrique, ni du fétichisme, mais faites-nous seulement confiance si nous vous disons que nous aimons et vénérons de cette manière.

Je ne vous réponds pas pour argumenter, mon idée étant de dialoguer avec Antoine. Mais j'entends aussi vos questions et sans vouloir les remplir toutes de bonnes paroles à ma sauce, il faut bien que je vous montre, non la vérité, mais la réalité de gens comme moi, pour que vous compreniez. J'ai souvent entendu des gens d'Église se demander ce que sont devenus ces chrétiens de la première heure qui, sur la pointe des pieds, on fini par déserter les bancs des paroisses. Eh bien voilà : nous en sommes de parfaits représentants. Nous entendrez-vous ?

Fraternellement,

Ghulam e Akbar

jeanbaptiste
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 3085
Inscription : mer. 30 avr. 2008, 2:40

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par jeanbaptiste » sam. 15 mars 2014, 19:47

Bonsoir,

N'ayant pas beaucoup de temps, je vais me contenter de deux petites remarques. J'essayerai plus tard de revenir sur les problèmes que vous soulevez.

1) Quand je parlais du "jeu" je faisais référence aux propos d'Antoine, pas aux votre.

2) En ce qui concerne la "morale" il ne s'agissait pas pour moi de faire une équivalence entre pédophilie et sadomasochisme. Vous remarquez que mes listes incluaient également "hétérosexualité", "humilité" ou encore "naissance".

Non, je reprenais simplement ce que vous disiez :
Je ne crois pas en l'existence du péché car rien n'atteint Dieu. Toute pratique, tout sentiment, est indéniablement voulu par et dans la nature car tout ce qui existe a ses propres raisons d'exister. (...)Ce faisant, tout ce qui existe (donc le sadomasochisme compris) conspire à la gloire de Dieu
Et j'en tirais la conclusion immédiate : si tout est bon, si le péché n'existe pas, alors rien n'est mal, et donc le meurtre doit côtoyer la procréation dans le domaine des choses "bonnes".

Ne vous formalisez pas de mon usage du mot "morale", je n'ai pas cherché à utiliser ici le terme en son sens propre.

Je suis étonné que vous parliez de morale sociétale, de choses que l'on ne doit pas faire pour préserver le bien d'autrui. D'une certaine manière vous être trop prude ;) Ou alors vous n'acceptez pas réellement toutes les conséquences de votre conception du monde.

Si tout absolument tout est bon car participant de la nature qui est bonne, alors oui, le meurtre est bon. Il fait partie intégrante de l'harmonie divine, puisqu'elle est et que le meurtre est.

Mais peut-être vous ai-je mal lu. je vais donc essayer de me réserver un temps ce soir pour mieux vous comprendre, et reviendrai vous voir.

Cordialement.

Avatar de l’utilisateur
Teano
Prætor
Prætor
Messages : 2329
Inscription : sam. 30 avr. 2011, 18:07
Conviction : Catholique romaine

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Teano » sam. 15 mars 2014, 20:03

Ghulam e Akbar a écrit :Jean-Baptiste,

Le rapport sexuel, psychique et spirituel d'inspiration sadomasochiste est libre en démocratie. Celui que je pratique est, à mon sens, respectueux des individus qui m'entourent et ne débouche sur aucun crime. Il est beau, fort, voluptueux et tend à la vénération de la beauté matérielle, signe de la Beauté de l'Esprit.

Pourquoi enfin, quitter l'Église pour un "jeu" ? La réponse est dans le post de Teano. Il s'agit, si vous voulez, plus que d'un jeu. Je veux bien croire que vous ignoriez tout des sentiments qui peuvent unir ces "jeux", à la spiritualité, que vous n'ayez jamais entendu parler ni de la méthode tantrique, ni du fétichisme, mais faites-nous seulement confiance si nous vous disons que nous aimons et vénérons de cette manière.

Ghulam e Akbar
Bonsoir Ghulam e Akbar,

Mon post s'adressait initialement à antoine93 qui tentait de ramener ce type de sexualité à un jeu innocent et curieusement sans connotation sexuelle. Un peu comme des enfants qui font semblant de s'entre-tuer en jouant aux cow-boys et aux indiens avant de se relever en riant.

En fait de jeu, il faudrait plutôt parler de rite et le lien que vous établissez avec la spiritualité devient alors plus compréhensible. Mais cette spiritualité, quelle est-elle et à quoi conduit-elle ?

Je crois que les réponses qui ont été faites ici et là tendent à dire ceci : le sado-masochisme est l'expression d'une relation viciée à soi, à l'autre, à Dieu et le fait que des personnes s'y adonnent avec leur plein consentement n'y change rien. C'est d'ailleurs un argument dont l'indigence est évidente : oui, entre adultes consentants, nos lois civiles n'interdisent pas grand-chose mais le consentement mutuel des partenaires et les conventions qui existent entre eux ne suffisent pas à rendre cette sexualité acceptable, voire ouverte à la sainteté, il y a un pas que vous franchissez allègrement en disant "du moment que tout le monde est d'accord !".

Mais l'être humain n'est-il pas dépassé par sa propre dignité ? En est-il propriétaire au point de pouvoir en abdiquer ?

Ne vaudrait-il pas mieux se demander par quels mécanismes étranges du cœur et de l'esprit humains, le plaisir naitrait d'une humiliation acceptée, recherchée, infligée ou échangée pour essayer de réparer ce qui est blessé dans la capacité à entrer en relation avec soi, avec l'autre et avec Dieu ?

Que nous présentez-vous de votre témoignage ? Vous avez organisé votre vie autour du rapport sadomasochiste tel que vous le pratiquez : vos convictions philosophiques, religieuses, appelez-les comme vous voulez ont vocation à justifier ce que vous vivez et à vous y maintenir. Etes-vous bien sûr d'être aussi libre que cela ?

Dans la paix du Christ,

Teano
"« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu. Ne repousse pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous, Vierge glorieuse et bénie »"


Messages dans cette couleur (ou à peu près...) : modération du forum

Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » sam. 15 mars 2014, 20:09

Oui, relisez bien. Je n'ai jamais dit que le meurtre était contraire à l'harmonie divine. J'ai choisi de vivre en société, donc je refuse le meurtre - de manière circonstancielle et pour des raisons pratiques. Dans la jungle, je n'aurais aucun scrupule à déchiqueter mon adversaire ou ma proie potentielle.

Ghulam e Akbar

Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » sam. 15 mars 2014, 20:24

Je ne crois pas en la liberté complète d'un individu seul, Teano. Et je ne crois pas du tout être libre. Mais oui, je suis infiniment plus heureux depuis que je l'ai accepté au lieu de me rebeller contre "ma" nature.

Quant à la pratique, vous pouvez en effet, la nommer "rite" car c'est bien pour moi, ce dont il s'agit. Et ce rite ouvre à la vie. En tout cas, pour moi, tant que je le pratique selon des codes qui valent ce qu'ils valent, mais qui, dans ma propre faiblesse, m'ouvrent à cette part d'infini qui brûle de l'intérieur comme de la glace en flammes.

Mais ne me demandez pas de décrire ce que vous ne sauriez sentir avec moi. On l'a ou on ne l'a pas. Ou on en a un autre.

Ghulam e Akbar

Avatar de l’utilisateur
mike.adoo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1314
Inscription : sam. 08 mai 2010, 11:37

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par mike.adoo » sam. 15 mars 2014, 20:38

antoine93 a écrit : (petite précision : le SM n'est pas "sexuel" en soi, et peut très bien rester strictement platonique)
Le sado-masochisme platonique ... Un bon sujet de thèse ... ;)

jeanbaptiste
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 3085
Inscription : mer. 30 avr. 2008, 2:40

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par jeanbaptiste » sam. 15 mars 2014, 22:13

Oui, relisez bien. Je n'ai jamais dit que le meurtre était contraire à l'harmonie divine. J'ai choisi de vivre en société, donc je refuse le meurtre - de manière circonstancielle et pour des raisons pratiques. Dans la jungle, je n'aurais aucun scrupule à déchiqueter mon adversaire ou ma proie potentielle.
C'est bien ce que j'avais compris.

Donc si vous viviez dans un pays où le sadomasochisme est un crime, vous ne le pratiqueriez pas je suppose ?
Tant que nous vivons en société, la morale (locale et relative, indubitablement) reste nécessaire. À travers sa relativité, elle est peut-être même une incarnation de l'harmonie divine. Mais la fossiliser est selon moi, ridicule. Elle bouge, nécessairement. Elle diffère.
Pourquoi la "fossiliser" serait-il plus ridicule que de la faire bouger selon vos critères, puisque vous postulez que cette morale sociale est au fond relative, pratique, nécessaire et totalement circonstanciée à un lieu ? Quelle soit mouvante ou fossilisée ne change au fond rien tant qu'elle est utile à la société.

Je dois également comprendre que selon votre conception morale une société qui aide ses plus pauvres et une autre qui persécute une partie de sa population sur des critères raciaux/ethniques/idéologiques c'est, du point de vue de l'harmonie universel, égal ?

Je dois donc comprendre que vous refusez le meurtre ici en France, mais que si dans tel pays on permettait de tuer tous les gens de type "ethnique" X et que, par hasard, un de vos ennemis était de ce type, le tuer ne vous poserait aucun problème de conscience ?

Mais alors pourquoi sauter au plafond quand je parlais de zoophilie, de pédophilie et de nécrophilie ?

Si ces pratiques étaient légales en France, selon votre conception du monde, cela serait également bon.

Je vous cite :
Il ne manquait que la pédophilie et l'inceste. Vivez-vous sur la même planète que moi, pour comparer le rapport sadomasochiste entre adultes libres et consentants avec les crimes les plus odieux
Je dois bien avouer que c'est votre inconséquence qui me laisse pantois.

D'un côté vous parlez d'une harmonie universelle au sein de laquelle tout est bon et au sein de laquelle les morales sociales particulières ne sont que relatives à un lieu, avouant que vous déchiquèteriez votre ennemi sans scrupule dans une zone de non-droit.

De l'autre vous vous offusquez lorsque je tire les conclusions immédiates des propos que vous tenez et confirmez : si la nécrophilie est légale dans un pays X alors celle-ci est à mettre, selon votre conception, au même niveau que l'hétérophilie ou le sadomasochisme, c'est à dire tous bons.

En fait, ça n'est pas vrai. Je ne suis pas pantois devant cette inconséquence, je l'attendais même. La vérité, et vous le savez au fond de vous-même, c'est que n'ayant pu accepter de renoncer au sadomasochisme pour suivre le Christ vous vous êtes créé toute une conception du monde, au fond très simple : tout est bon, vous permettant de justifier à peu de frais tous vos désirs. Vous n'avez jamais sérieusement cherché à tirer toutes les conséquences (pourtant évidentes) de cette conception du monde, car au fond, ce qui vous intéresse, c'est d'avoir la conscience tranquille.

Il y a deux manières d'avoir au fond la conscience tranquille. La plupart se contenteront d'un : "je m'en moque, je ne fais de mal à personne, je fais ce que je veux".

Si on est peu intellectuel, ce que je crois sans trop me tromper que vous êtes, la tentation est de se construire un petit système de pensée permettant de ne pas avoir à remettre trop en question nos choix.

Et évidemment, c'est sur ce point même de la discussion que vous allez me reprocher de juger ce que je ne connais pas.

Et vous aurez peut-être raison de le faire. Car au fond, il y a peut-être quelque chose qui m'échappe totalement dans cette affaire. C'est possible. Mais justement, cela m'échappe. Alors soit nous restons sur ce désaccord, soit vous aurez la tâche difficile d'arriver à me faire saisir un schème de pensée qui m'est (ou me serait) totalement étranger. Ce qui est la chose la plus difficile à réaliser.

Bien à vous,

JB

Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » dim. 16 mars 2014, 5:27

Il n'y a plus rien à juger, Jean-Baptiste. Et nous en resterons sûrement là car vous n'avez aucun intérêt à essayer de me comprendre et je n'ai de toute façon aucune ambition à ce que vous me compreniez.

Non, je ne suis pas un intellectuel. Je pense les éléments de ma vie comme je les expérimente. Je ne vois pas de mal à ça. Si vous avez besoin de penser que j'intellectualise pour me donner bonne conscience, eh bien, croyez-le si vous voulez. J'ai fait ce que j'ai cru bon de faire. Je n'ai pas besoin d'avoir bonne conscience : je respecte mes concitoyens et leurs lois, uniquement parce que je sais que j'y ai intérêt. De même, lorsque je donne du temps à d'autres aujourd'hui, je sais que c'est pour mon propre bien. Et je pense avoir eu seulement le courage de me l'être avoué, au lieu de continuer à me prendre pour un sauveur du monde "gratuit" et "généreux".

Si j'étais citoyen d'un État où des pratiques telles que celles que j'admet ou pratique moi-même étaient interdites (type classique : l'Arabie Saoudite), je militerais peut-être politiquement pour qu'elles soient autorisées tant que je ne comprendrais pas en quoi elles posent un problème social. Ou alors, je me tairais et/ou changerais de pays, parce que je serais trop couard pour affronter la lapidation.

Sachez que j'ai récemment eu une conversation mouvementée avec un ami athée qui ne comprenait pas pourquoi certains hommes religieux optent pour le célibat consacré, alors qu'il est dans la "nature" des hommes de se marier et de procréer. Je n'ai pas non plus réussi à lui faire comprendre, qu'il est dans la nature de certains de préférer se faire eunuques pour le Royaume. Voyez, j'échoue autant avec les anti-cathos qu'avec vous ; je suis donc loin d'être un intellectuel. À moins que lui non plus, n'ait aucun intérêt à vouloir comprendre les mouvements du cœur des hommes de foi. Notamment lorsqu'il m'affirme que les "religieux" (sic) sont des gens qui essaient de donner sens à leurs tares psychologiques en intellectualisant toute une cosmogonie et une théologie qui les arrangent. Voyez encore, ce garçon nous juge vous et moi, comme vous venez de me juger.

Que le Plus Grand vous garde, enfant.

Ghulam e Akbar

Avatar de l’utilisateur
Teano
Prætor
Prætor
Messages : 2329
Inscription : sam. 30 avr. 2011, 18:07
Conviction : Catholique romaine

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Teano » dim. 16 mars 2014, 14:10

Ghulam e Akbar a écrit :Je ne crois pas en la liberté complète d'un individu seul, Teano. Et je ne crois pas du tout être libre. Mais oui, je suis infiniment plus heureux depuis que je l'ai accepté au lieu de me rebeller contre "ma" nature.

Ghulam e Akbar
Bonjour Ghulam e Akbar,

Il me semble que vous êtes comme un esclave qui se satisfait de sa condition : vous avez volontairement renoncé à votre liberté au profit d'une situation que vous trouvez confortable.

Est-ce ce genre d'homme que vous avez envie d'être ?

Dans la paix du Christ,

Teano
"« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu. Ne repousse pas nos prières quand nous sommes dans l’épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous, Vierge glorieuse et bénie »"


Messages dans cette couleur (ou à peu près...) : modération du forum

Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » dim. 16 mars 2014, 16:14

Teano,

Oui.

Bien à vous,

Ghulam e Akbar

jeanbaptiste
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 3085
Inscription : mer. 30 avr. 2008, 2:40

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par jeanbaptiste » dim. 16 mars 2014, 20:09

Ghulam e Akbar, je ne souhaitais pas vous "juger".

Si j'ai dis ce que je pensais de vos choix c'était par sincérité, pas pour vous condamner.

J'aurais effectivement pu ne rien dire, je serais resté avec cette idée en tête : "tout cela n'est au fond qu'une théorie bien montée pour justifier ses moindre désirs". Car c'est vraiment ce que je pense, "malgré moi" faute de mieux.

J'ai voulu vous dire le fond de ma pensée afin que vous puissiez y répondre si vous le vouliez, c'est tout.

Car, finalement, vous n'avez pas été capable de me dire comment vous pouvez concilier votre vision du monde avec le fait que vous refusiez que l'on mette à égalité la nécrophilie, le sadomasochisme, l'hétérosexualité etc.

Pour vous il semble que le simple : "ma pratique ne me semble pas poser de problème à la société", suffit.

Mais c'est vrai pour la nécrophilie, c'est vrai aussi pour la pédophilie. Beaucoup de pédophiles vous diront qu'ils ne pratiquent qu'avec des enfants ou jeunes ados "consentants". Alors pourquoi faire preuve de tant de conservatisme ?

Quand je disais que vous étiez "intellectuel", ce n'était pas un reproche. Je voulais simplement dire que vous avez une tendance naturelle (comme moi et bien d'autre ici) à penser et conceptualiser les choses que vous expérimentez. C'est tout. Ça n'est pas un mal.

Je voulais simplement dire que d'autres dans une situation égale à la votre auraient simplement répondu : "je fais ce qui me plait et tant que ça ne pose pas suffisamment de problèmes à autrui pour que l'on vienne me chercher j'estime que je suis dans mon bon droit".

Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » lun. 17 mars 2014, 5:30

Jean-Baptiste,

Si en tant que croyant, vous pouvez témoigner de votre foi en disant : "je fais ce qui me plaît et tant que ça ne pose pas suffisamment de problèmes à autrui pour que l'on vienne me chercher j'estime que je suis dans mon bon droit", ce n'est en revanche, pas mon cas. Si je n'avais pas en plus, l'assurance que mon désir de Dieu me tient dans tout ce que je fais et ce que je pense, je vous prie de croire que je n'aurais même pas pris la peine de dialoguer sur ce forum.

Quant à la question de la nécrophilie et celle de la pédophilie, je n'ai pas envie d'entrer dans les détails mais voici ce que je pense, rapidement. D'une part, un mort est rarement sans famille encore en vie, et y toucher revient à manquer de respect pour les familles encore en vie, avec qui du reste, on continue à partager les locaux de la cité. D'autre part, je ne crois pas qu'un enfant soit capable de savoir véritablement ce qu'il veut sexuellement jusqu'à un certain âge ; il reste facilement influençable et je doute qu'on puisse dire de lui qu'il est consentant - c'est bien évidemment subjectif mais il faut bien poser la barrière d'un âge ; je trouve d'ailleurs que la majorité sexuelle en France est un peu trop en avance, moi qui ne connaissais pas ma sexualité avant mes 17 ans, je la mettrais bien à 18 plutôt qu'à 16. Si des gens ont pu se persuader que l'enfant avec qui ils avaient eu un rapport sexuel, était consentant, tout dépend de l'âge et de la maturité de cet enfant, évidemment, mais ces gens ont peut-être un peu de mal à estimer ce que peut être un comportement libre, sans influence d'une autorité adulte ou pire, de son charisme simulant la confiance.

Concluons, Jean-Baptiste. Je me sens jugé mais il m'arrive que mon instinct me trompe. Encore une fois, ce n'est pas qu'une question de pratique qui ne fait de mal à personne. Il s'agit d'un rite, d'une prière, d'une contemplation. Ce que vous appelez "péché" est la voie d'action de nombreux êtres humains, qu'ils soient comme moi conscients de sa portée spirituelle, ou qu'ils la pratiquent dans l'instant et dans le corps sensible. Vous pouvez décider que les pratiques qui ne sont pas chrétiennes ne sont pas saintes. Votre église a jugé condamnables, avec plus ou moins de vigueur selon les siècles, des religions aussi différentes que le paganisme gréco-romain, l'orphisme, le néoplatonisme alexandrin (avant de le réintégrer mystérieusement, une fois qu'il était détruit), le manichéisme, le bogomilisme, le jansénisme, l'islam, le bouddhisme, le culte des morts chinois, le brahmanisme, la culture vaudoue et des animismes de toute sorte - toutes ces croyances et spiritualités, certaines plus "intellectualisées" que d'autres. Pourquoi en effet, ne jugeriez-vous pas condamnable, ma propre religion ? Elle ne fera pas exception.

Apprenez seulement qu'elle existe. C'était là mon seul propos.

Ghulam e Akbar

Mac
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3962
Inscription : lun. 09 févr. 2009, 23:40
Localisation : la Réunion

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Mac » lun. 17 mars 2014, 6:01

Ghulam e Akbar a écrit :Il s'agit d'un rite, d'une prière, d'une contemplation.
Mais de quoi vous parlez?
Si je n'avais pas en plus, l'assurance que mon désir de Dieu me tient dans tout ce que je fais et ce que je pense,
Il n'y a pas d'autre Dieu que Jésus Christ. C'est ça tout le problème pour vous.

Fraternellement en Jésus Christ. :coeur:

jeanbaptiste
Pater civitatis
Pater civitatis
Messages : 3085
Inscription : mer. 30 avr. 2008, 2:40

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par jeanbaptiste » lun. 17 mars 2014, 15:03

Je vous remercie Ghulam pour votre réponse, il reste que vous ne répondez pas du tout à mon interrogation qui ne portait pas sur vos pratiques sexuelles, mais sur ce que je perçois comme une incohérence profonde entre d'un côté votre idée selon laquelle tout ce qui se passe ici bas est bon (il n'y a pas de péché) et participe de l'harmonie universelle, et le fais que vous insistiez sur le fait qu'il y ait des choses mauvaise : faire des choses contre la volonté d'autrui.

D'un côté vous dites : rien absolument rien n'est mauvais, et la morale n'est au fond qu'un contrat social relatif aux sociétés et aux époques spécifiques. De l'autre vous continuez de mettre en avant des "valeurs" comme le droit de faire ce que l'on veut tant que cela ne blesse personne, et de l'autre, en négatif, celui de ne pas faire à autrui ce qui pourrait le blesser (ainsi la nécrophilie n'est pas souhaitable selon vous car elle blesse les familles).

Devant cette incohérence, ou cette apparente incohérence, je n'ai que deux alternatives : soit je n'ai rien compris, soit tout cela est un habile montage pour justifier autre chose.

Autre incohérence : vous parlez d'un Dieu inatteignable d'un côté (dès lors pas besoin de se poser la question de savoir si ce que l'on fait est bon ou mauvais à ses yeux) , et de l'autre vous avouez être habitez par un désir de Dieu qui meut chacune de vos actions. Mais pour qu'il y ait désir, il faut qu'il y ait espoir d'atteindre ce que l'on désir. Dieu se laisse-t-il atteindre, oui ou non ?

Ou alors ai-je encore manqué quelque chose ?

C'est cela ma question : pouvez-vous m'expliquer ce qui m'empêche de voir dans votre philosophie qu'un tissu d'incohérences profondes et essentielles qui ne semble qu'habiller une justification morale ?

En ce sens, non, je ne vous condamne pas, au contraire, j'ai espoir de croire que c'est moi qui n'ai pas compris. Mais tant que je ne comprends pas, je ne peux pas faire partir de mon esprit cette impression qu'il y a comme une auto-mystification.

Il reste que vous n'avez, bien sûr, aucune obligation morale à me répondre, et heureusement ! Et je puis comprendre tout à fait que vous ne le souhaitiez pas. Je ne vous en tiendrai pas rigueur, et croyez que je n'insisterai pas en moi-même à voir en vous quelqu'un qui se trompe. Mais je resterai sur un doute, une incompréhension. C'est un peu dommage, mais courant, et n'est pas grave au fond.

Bien à vous,

JB

Ghulam e Akbar
Civis
Civis
Messages : 9
Inscription : jeu. 13 mars 2014, 18:22

Re: Le sado-masochisme est-il un péché ?

Message non lu par Ghulam e Akbar » mar. 18 mars 2014, 13:42

Jean-Baptiste,

Je vous avoue que je commence à ressentir une certaine lassitude, mais je garde confiance dans votre bon vouloir. On peut toujours vouloir fortement ne pas comprendre quelque chose, et la rendre complexe pour feindre n'y voir que du brouillard, alors que la chose en question est toute simple. Mais je ne vous connais pas et vous accorde donc le bénéfice du doute. Vous êtes sûrement de bonne foi lorsque vous dites ne pas comprendre une chose dont j'ai déjà fait état plusieurs fois.

Pour commencer, essayez de modérer votre propension à tirer sans cesse la couverture vers l'art philosophique. Je ne parle pas de philosophie et j'en ignore les tenants et les aboutissants. La philosophie vous concerne peut-être, mais moi, je n'y entends rien. Je vous parle de ma religion. Cela n'a rien à voir. Je ne cherche pas la cohérence puisque, comme vous le dites si bien, mon propos est plein d'incohérences. C'est vrai. Mais si vous relisez mon premier ou mon deuxième message, vous verrez que je parlais déjà de mon incompétence à saisir les "mystères" de ma propre religion - et j'employais le terme de "mystère" à dessein. Entre vous et moi, il n'y a guère que vous qui cherchiez une quelconque logique. Et vous me faites visiblement le procès que vous n'arrivez pas à vous faire à vous-même. J'ai quelques amis catholiques qui ont fait un peu de philo et qui me paraissent aussi torturés de l'intérieur que moi.

Pour utiliser les termes du Concile et plus précisément, dans "Gaudium et Spes", j'entends bien avec vous que notre monde moderne a des difficultés à se faire une synthèse cohérente de toute la science que les siècles lui ont apportée. Mais jusqu'à maintenant, aucune de mes découvertes, ni ressenties ni apprises, n'est venue infirmer l'hypothèse que j'ai entendue de la bouche d'un pandit lorsque j'étais encore enfant. Toutefois, s'il ne s'agissait que d'une cosmogonie bien ficelée, je n'aurais jamais eu l'idée d'en discuter ici. Mais il se trouve que pour une raison qui m'échappe et qui m'échappera peut-être à jamais, j'ai fait une rencontre qui a donné un sens à tout ce que j'ai expérimenté. Il suffit d'être un peu psychiatre pour trouver une interprétation moins glorieuse à cette rencontre ; mais a priori, il en va de même pour n'importe quel croyant de n'importe quelle religion. Et c'est le pari de la foi que de ne pas signer les ricaneries des matérialistes sceptiques.

Aussi, ce n'est pas sur une logique à l'occidentale que je bâtis ma foi. Au contraire, j'ai tendance à fuir cette logique. Je m'étonne que vous vouliez sans cesse m'attirer vers ce genre de dialectique au lieu de m'interroger par exemple, sur mon ressenti. Vous semblez plus prompt à vouloir juger de la solidité d'un raisonnement qu'à entendre un témoignage. Or, vous venez de dévoiler votre propre incohérence, mais je la respecterai. En effet, dans un temps vous accusez mon propos d'incohérence. Dans l'autre, vous affirmez sentir que j'ai trop habilement ficelé mon discours pour qu'il n'y ait pas quelque chose d'artificiel et d'intellectualisé. Il me semble qu'il n'est pas non plus logique de m'accuser de deux crimes qui ne peuvent cohabiter.

De fait, il y a sûrement des incohérences. Mais c'est le lot de nombreuses religions, à commencer par la vôtre. Ce n'est pas une pensée systémique, c'est de croyance que nous parlons. Je pensais que si vous étiez chrétien, vous saviez suffisamment ce que signifie l'intelligence du cœur pour ne pas avoir à la remplacer par n'importe quel verbiage qui mépriserait l'expérience douloureuse des sentiments du haut de sa logique philosophique.

Persuadé que c'est l'imperfection de mon langage qui vous rend les choses obscures, et non une tentative de votre part de regarder partout sauf le lieu que désigne mon doigt, je vais ici vous faire un dernier résumé de ma religion - ou du moins, les parties qui concernent le sujet présent, car elle ne s'y réduit pas.

1. La nature, dans sa totalité, signe et manifestation de l'Absolu, ne possède aucun élément dont on puisse dire qu'il ne devrait pas exister. Tout est. Ce qui existe a sa raison d'exister par son existence elle-même. Et la croyance au bien et au mal absolu dans l'état de nature est une fable que ne reconnaît pas ma religion. Le mal est toujours relatif à un individu ou à une communauté. Ainsi les dents acérées du lion sont un mal pour la gazelle, mais un bien pour le roi de la savanne.

2. Ma religion reconnaît que les espèces puissent se regrouper par communautés et vouloir se protéger ou se défendre, moyennant le sacrifice de quelques instincts de domination individuelle. C'est le cas entre autres, de la ruche, de la colonie de fourmis ou de la société humaine. Des règles sont alors éditées, sur le papier ou dans l'évolution des instincts animaux, qui, bien que n'étant jamais absolues mais pouvant évoluer voire disparaître comme elles sont apparues sans que l'ordre du cosmos ne s'en trouve bouleversé, permettent dans l'instant, de mutualiser la protection et le développement des individus de la communauté. Cette protection et ce développement sont à la base, pour le cosmos, du champ de la diversité de la vie, point d'orgue de la nature en tant que proposition de réalisation sensible de l'Absolu. En tout cas, dans cette création-ci, et peut-être (ou pas) dans les autres créations, les univers précédents, parallèles ou futurs.

3. Enfin, ma religion considère qu'on ne peut pas se détourner de l'Absolu puisque sa réalisation sensible, la nature, emplit tout ce qu'il nous est donné de connaître. En revanche, on peut, sans pour autant se détourner de Lui, ne pas avoir conscience de l'Absolu. En effet, la nature ne se confond pas avec Lui. On peut Le chercher à travers elle, et développer des pratiques qui nous poussent à reconnaître la Beauté éternelle comme Esprit derrière la beauté éphémère de la nature. Mais cette reconnaissance ne constitue pas un salut. C'est une remontée vers la béatitude de la contemplation de Dieu, après laquelle du reste, un retour à la nature opaque est possible sans pour autant y voir, une dégradation. C'est une question de cycles. Que personnellement j'éprouve un désir de cette reconnaissance est pour moi de l'ordre du mystère. D'ailleurs, le désir qui pétrit toute existence est déjà un mystère. Toujours est-il que ma religion accepte la possibilité d'une telle béatitude à travers la prière, la méditation, la contemplation, la sexualité contemplative, le sport, les exercices psychiques, la danse extatique, pour ne parler que des pratiques qui sont les miennes.

Jean-Baptiste, je ne peux pas faire mieux. Prenez acte dans tout ceci qu'il s'agit d'une religion et non d'une philosophie. Et si elle vous paraît si exotique que vous ne pouvez lui accorder aucun respect, alors nous ne parlons pas la même langue. C'est un échec de ce que votre église appelle le "dialogue interreligieux". Mais, je n'en suis pas triste. La nature a prévu qu'on puisse ne pas se comprendre.

Ghulam e Akbar

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 229 invités