[align=justify]Bonjour Mikaël
Métazét a écrit :Il n'y a pas à banaliser le foeticide, car ce n'est pas banal, même si ce n'est pas forcément un crime. Je ne raisonne pas en noir et blanc. Il y a des niveaux de gris.
Pourtant, si l'on suit votre raisonnement, ce n'est pas plus grave que d'écraser une mouche, ou un taon. (Quelle belle image ! :-x )
Pour que cela soit clair une bonne fois pour toute :
Je considère qu'en règle générale, c'est un devoir moral que de respecter tout être vivant. Toutefois, certaines circonstances peuvent faire qu'il soit moralement possible ou un devoir moral de le tuer. Le poids des circonstances requises varie selon le degré de sensibilité et de conscience de soi de l'être vivant en question :
1) poid léger pour les êtres (presque) entièrement dénués de conscience de soi et de sensibilité : un taon me pique, je l'écrase, je ne fais pas là un acte profondément immoral ;
2) poid moyen pour les êtres chez lesquels une sensibilité et une conscience de soi s'affirme plus nettement : mon chien est malade, cela me fait de la peine, et j'essaye de le soigner au lieu de le faire piquer simplement ; mais si, roulant à vive allure, je vois un chien et un humain débouler devant moi, que je n'ai pas le temps de freiner, et que je dois nécessairement en faucher un, je considère qu'il est plus moralement acceptable de laisser la vie à l'humain.
3) poid lourd pour les êtres qui sont le siège d'une sensibilité et d'une conscience de soi intense : il faut qu'un être humain soit une menace directe, imminente et délibérée à ma vie ou à celle d'autres êtres humains pour qu'il soit justifié de le tuer, si je ne peux faire autrement.
Pouvez-vous fonder "rationnellement" ces principes qui me semblent être construits
a posteriori pour justifier vos positions ? C'est quoi une "sensibilité intense" ou une "conscience de soi intense" ? Pensez-vous que ce genre de casuistique soit à même de fonder une législation sur le droit de tuer des innocents ?
Sauf que je ne raisonne pas en noir et blanc mais c'est effectivement à peu près mon idée. Au-delà de quelques jours (en fait, vers le premier mois), cela devient plus délicat moralement car la sensibilité commence à entrer en ligne de compte. Toutefois, avec anesthésie pour éviter que l'embryon ne souffre, cela reste encore, à mon sens, possible, car la conscience de soi n'est pas encore là.
Une grossesse est rarement détectée dans le premiers jours. Au mieux, elle l'est après 3 semaines. Autant dire que la quasi-totalité des avortements pratiqués se font dans des conditions que vous qualifiez de "moralement délicates". Délicates, mais pas au point d'avoir besoin de recourir au principe de précaution pour éviter de commettre un homicide...
Je suis pour que les animaux destinés à la consommation soit traités avec le plus d'égard possible : sans stress et tué de la manière la moins douloureuse possible.
Mais on peut les tuer. De même, vous n'êtes sans doute pas contre l'euthanasie : il faut simplement que l'on tue sans stress et sans douleur ? Quelle haute conscience morale.
Ensuite, je n'ai jamais dit que la présence d'une sensibilité était une raison suffisante pour poser l'interdiction de le tuer, mais l'absence de cette sensibilité est une raison suffisante pour ne pas poser l'interdiction de le tuer (ou du moins pas une interdiction aussi importante car, comme je vous l'ai dit, je fonctionne dans la nuance).
Effectivement, beaucoup de "nuances" qui cachent difficilement une position incohérente et arbitraire (car construite
a posteriori).
Je le réaffirme : je considère que tuer un animal ayant une conscience de soi comparable à celle d'un enfant est un acte objectivement immoral. Maintenant, il est vrai que si j'étais contraint de tuer, ou bien un enfant, ou bien un animal de niveau de conscience équivalent, je tuerais sans hésiter ce dernier. Pourquoi ? Tout simplement parce que je suis moi-même un humain, et donc en tant qu'humain il est moral que je favorise ceux de mon espèce : les humains. Mais je comprendrais tout à fait que si cet animal était à ma place, et devait tuer, ou bien un de ses congénères, ou bien un des miens, qu'il choisisse de tuer un des miens. Il serait moral aussi pour lui de favoriser ceux de son espèce.
Qu'est-ce que la morale pour vous ? Une stratégie d'espèce dans le cadre de la sélection naturelle ?
Et bien si, parlons-en justement. Que reprochez-vous au libre-examen ?
C'est un autre débat qui serait ici hors sujet, sauf s'il s'agit d'expliquer comment des protestants peuvent être favorables à la légalisation du foeticide.
Fort bien, mais sur quels principes reposent cette interprétation ? (si ce n'est ni le libre-examen, ni le littéralisme)
Sur l'assistance du Saint-Esprit, conformément aux promesses que Notre Seigneur Jésus-Christ a faites à Son Eglise.
Pouvez-vous me parler de ces principes, que je vois s'ils sont bien objectifs ?
"
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second qui lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture, dans la Loi et les prophètes dépend de ces deux commandements. " (Matthieu 22, 36-40)
Bien, vous admettez donc la présence d'au moins un élément extra-rationnel au sein de la religion catholique. Cet élément est-il objectif ? S'il s'agit de la foi, permettez moi d'en douter. La foi, on l'a ou on ne l'a pas, mais si on ne l'a pas, je ne vois pas de "recette" pour l'acquérir.
J'admet et je revendique. Effectivement, la foi n'est pas de l'ordre de la raison : elle est "extra-rationnelle" comme vous écrivez, mais pas irrationnelle. Ne confondez pas la religion catholique, et la doctrine catholique - même si les deux ont bien sûr beaucoup à voir ensemble.
Avant le début de la différenciation cellulaire, je ne vois pas d'objection fondamentale à l'IVG. Ensuite, avec des mesures d'anesthésie, cela me paraît tolérable un certain temps, mais désolé, je n'ai pas de chiffres exacts et rigoureux à vous donner, cela dépend de nombreux facteurs : risque encouru par la mère, gravité de la maladie/malformation de l'embryon, etc.
Ce n'est pas très objectif, et encore moins rigoureux pour une question aussi grave que le meurtre d'un être humain... Mais puisque vous dîtes défendre une morale "absolue" dont la loi Veil serait l'illustration parfaite, je vous laisse seul face à Dieu et à votre conscience.
Pouvez-vous préciser votre pensée ? Le positivisme, il me semble (corrigez-moi si je me trompe) est un système philosophique qui rejette toute investigation métaphysique et voit dans l'achèvement du système des sciences, la condition de l'accès de l'humanité au bonheur.
Il me semble que le père du positivisme est aussi le fondateur d'une religion, non ? Je vous considère comme positiviste car vous me donnez à penser que - selon vous - la seule forme légitime de rationnalité serait celle de la rationnalité scientifique.
Vous voulez dire qu'elle ne respecte pas les autres religions ainsi que les autres systèmes philosophiques ?
Elle respecte la science. Elle respecte les personnes. Elle respecte les doctrines philosophiques qui sont conformes à la vérité et méprise les autres. Elle reconnaît dans les autres religions certains fragments de vérité.
Si l'Eglise ne respecte pas la laïcité, la laïcité ne respectera pas l'Eglise. Je pense que vous avez plus à y perdre que la laïcité et que la société ne s'en portera pas plus mal. Après tout, il existe d'autres religions.
Nous n'avons rien à perdre, car le Royaume de Dieu n'est pas de ce monde. Il existe d'autres religions devant lesquelles votre République se prostitue. C'est son droit, nous verrons bien si réellement "la société ne s'en portera pas plus mal"...
Comment un état qui fait de principes qui ne sont pas reconnu par tous le fondement de la vie de tous pourrait-il être aussi tolérant qu'un état laïque ? Que Dieu existe, c'est un article de foi, on y croit ou on n'y croit pas. Que la Terre soit ronde, que 2+2=4 et que le viol soit mal, ce sont des vérités objectives, montrables ou démontrables à partir de principes universellement reconnus.
La République a fait de la laïcité l'un de ses principes alors qu'il était loin d'être reconnus pas tous... mais il est vrai qu'elle ne fut pas un modèle de tolérance. Si vous pensez que la République laïque (ou n'importe quel autre régime humain) est basé sur des faits de nature scientifique, tel que la rotondité de la Terre ou l'équation 2+2=4, vous vous fourrez le doigt dans l'oeil. Quand au fait que le viol soit un mal, il faut admettre que - malheureusement - cela est loin d'être universellement reconnu. J'attends toujours une exemple de démonstration "objective et rationnelle" d'une vérité d'ordre moral...
Pourquoi associer "spirituel" avec Eglise Catholique ? Savez-vous que l'on peut tout à fait construire une spiritualité sur des principes laïques ?
C'est vous qui faite l'association, pas moi. J'ai associé laïcité et amnésie spirituelle. Quant à votre spiritualité laïque, c'est une vaste fumisterie. La laïcisme est une idéologie politique, pas une spiritualité.
Je suppose que la droiture de la raison se jauge selon les conclusions auxquelles elle aboutie... :roll: Sinon, il faudra me définir cette droiture, et m'expliquer pourquoi l'Eglise ne se contente pas de dire juste "la raison"...
J'ai lu, j'ai relu, j'ai pas compru.
Soit, mais cela prouve que ce n'est pas une invention de l'Eglise et que cela ne s'oppose en aucune façon à la rationnalité, même scientifique.
Il ne me semble pas avoir dit que c'était une invention de l'Eglise. J'ai du dire que c'était une interprétation théologique, ce qui est plus large.
Comme quoi, une interprétation théologique peut être conforme à la droite raison...
Ensuite, comme je l'ai déjà dit : cela ne s'oppose pas à la rationnalité, même scientifique, mais cela ne s'appuie pas sur la rationnalité, même non-scientifique. Il y a au moins un élément supplémentaire qui intervient. Sommes-nous d'accord là-dessus ?
Une théorie, c'est quoi ? Des prémices, un raisonnement, une conclusion. Rien de plus. Si le raisonnement est logique, c'est à dire qu'il conduit de façon certaine de prémisses vrais à une conclusion vraie, il est rationnel. Les raisonnements théologiques s'appuient exclusivement sur la rationnalité, mais les prémisses sont des vérités de foi, que n'acceptent pas les incroyants.
J'attend votre démonstration en ce cas...
Ce n'est pas une démonstration, c'est une explication que je vous offre : cf. ci-dessus.
Sauf qu'il n'y a pas que la sensibilité sensorielle à prendre en compte.
Par chance, l'anesthésie éteint aussi la conscience de soi en même temps que la sensibilité sensorielle. Donc, l'homicide est licite dès lors qu'on y met des gants ?
Donc je dois comprendre que l'Eglise Catholique étend le droit à la vie à tout être vivant et qu'aucun bon catholique ne tue de mouche ?
Allons, allons. Ne dîtes pas de bêtises, vous avez vous-même écrit que l'Eglise reconnaîssait à la personne humaine un statut spécifique qui se base sur autre chose que la sensibilité ou la conscience de soi : l'âme humaine. Un argument que vous avez jugé irrecevable car scientifiquement indémontré. Dès lors, c'est à vous de justifier le
distinguo que vous faîtes entre l'être humain et le reste du règne animal. Ou alors d'être cohérent et demander à ce que l'on traite nos trentes millions d'amis comme des personnes humaines ; ou les hommes comme des chiens.
PS : Christophe, vos interventions sont intéressantes. Même si je n'adhère pas à vos idées, certains de vos arguments m'ont parfois quelque peu destabilisé et m'ont incité à peaufiner les miens. J'ose espérer que cette discussion est également enrichissante pour vous.
En toute honnêté, Mikaël, je prends aussi peu de plaisir à débattre avec vous de la légalisation du foeticide que l'on peut en avoir à débattre avec les militants pour la légalisation de la pédophilie que vous avez évoqué dans un autre de vos messages...
Sinon, j'aime bien discuter épistémologie. ;-)
Bien à vous
Christophe[/align]