Non, c'est inexact. Les anticléricaux aiment la laïcité, cela n'implique pas la réciproque, et d'ailleurs cet amour est suspect car comme certains l'ont fait remarquer ils ne l'appliquent pas toujours à eux-mêmes.
Ils ne l'appliquent pas à eux-mêmes parce que ce n'est pas le but! D'ailleurs, historiquement, je vois mal comment votre avis peut se justifier.
Vous m'écrivez que ce n'est pas parce que les anticléricaux défendent la laïcité que tous ceux qui la défendent sont anticléricaux. Certes, mais à l'époque des grandes luttes d'influence dont je vous parle, qui d'autre que les anticléricaux défendait la laïcité, l'école républicaine, la loi de séparation? En somme, ma pensée est que la laïcité a été historiquement si intimement liée à l'anticléricalisme républicain qu'il est impossible aujourd'hui de se débarrasser de cet héritage du passé. La laïcité restera à mes yeux toujours lié à l'anticléricalisme et les faits ne semblent pas s'opposer à mon point de vue.
Encore moins. C'est une vraie valeur, qu'il n'est pas interdit d'ailleurs de voir comme un héritage du christianisme.
Ce que je veux dire, c'est que dans le contexte de la fin du 19ème/début 20ème, lors des grandes luttes d'influence entre l'Eglise et les anticléricaux, la liberté de conscience fut utilisée par ces derniers comme une arme contre l'influence de l'Eglise et donc comme un moyen d'extirper des âmes la foi, considérée comme un frein au progrès et comme incompatible avec la nouvelle ère qui s'ouvrait.
Utilisée comme cela si vous voulez, comme toute valeur, mais pas inventée pour cela. Pensez à tous les crimes commis au nom de Dieu lui-même. Cela ne veut pas dire que l'idée de Dieu a été conçue pour pouvoir massacrer impunément des innocents.
Ce n'est pas comparable, parce que Dieu n'a pas été conçu et surtout parce qu'historiquement, on peut difficilement déclarer sérieusement que Dieu fut inventé pour la domination et le massacre d'une catégorie d'hommes sur une autre. Par contre, les anticléricaux ont clairement utilisé la liberté de conscience, l'école républicaine, la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat dans le but avoué de toucher l'Eglise et de la mettre à la marge de la société. Je ne vois pas vraiment les autres utilisations, positives, de ces valeurs des Lumières. Je ne nie pas qu'elles puissent exister, mais elles sont périphériques par rapport à la grande lutte contre l'influence de l'Eglise. On en a beaucoup moins conscience aujourd'hui, par ce que justement, ces valeurs sont proclamées essentiellement en rapport avec l'islam, dans le but de se préserver de certains comportements islamiques non compatibles avec les valeurs occidentales, pour créer des sociétés laïques en terre d'islam et aussi dans le but de mettre fin aux persécutions et discriminations contre les athées et les chrétiens (entre autres). Est-ce que cela marche? Pas vraiment, d'après ce que je constate...
D'ailleurs, cet accent mis sur la liberté de conscience, la liberté, la fraternité et l'égalité n'a pas empêché le communisme ou le fachisme, pas plus qu'il n'a engendré des générations de véritables chrétiens par choix (car bénéficiant de la liberté de conscience qui faisait défaut à leurs ancêtres dans la foi). Et en somme, je me demande sérieusement si l'on peut dire que le monde moderne est plus libre et plus égalitaire que la Chrétienté d'autrefois. Sous certains aspects il l'est, je ne le nie pas, mais en ce qui concerne la part la plus importante de notre être, càd la spiritualité, j'en doute fort.
Mais je m'égare du sujet. Veuillez m'excuser.
C'est le célèbre sophisme "post hoc ergo propter hoc" qui conclut de l'antériorité temporelle à la cause. La foi chrétienne a diminué, je reconnais ce fait. C'est à cause de la liberté de conscience, ceci n'est qu'une interprétation, dont les conséquences sont d'ailleurs très difficiles à assumer, ce qui en manifeste la fausseté. Il y a bien d'autres causes de la déchristianisation que celle-ci, qui n'est ordinairement revendiquée que par les anticléricaux fanatiques, ce qui est un comble.
Tout d'abord, c'est vous qui déclarez que laïcité=liberté de conscience. Je le répète: je rejette cette définition de la laïcité. Elle me semble erronée, pour les raisons décrites plus haut.
Deuxièmement, je ne pense par conséquent pas que c'est en soi la liberté de conscience qui a provoqué une déchristianisation sans précédent de notre continent, parce que justement, je n'en donne pas la même définition que vous, tout comme je n'interprète pas la laïcité de votre manière. En somme, ce que je pense, c'est que les idées issues des Lumières ont certes affaibli l'Eglise, mais que puisque c'est depuis les années 1965-1970 que les fidèles ont clairement diminué, l'explication serait la suivante: l'Eglise a accepté de rentrer dans la modernité, de se faire une place dans ce monde moderne dont elle a si longtemps refusé les valeurs. Cette acceptation a entraîné une dissolution des valeurs catholiques au sein même de l'Eglise.
Ensuite, il est clair que plusieurs questions peuvent venir à l'esprit. Par exemple: quel autre choix l'Eglise avait-elle? Ou alors: cette acceptation de nombre de valeurs modernes aurait-elle pu se faire sans les conséquences actuelles (càd la perte de la foi)? On peut naturellement débattre longtemps de tout cela, car la question est vraiment complexe!
Bien à vous!
Suliko