Bonjour,
Non, pas nécessairement. Vous pouvez tout à fait être hérétique en privé. Le problème survient lorsqu’il faut savoir quelle place réserver à cette hérésie dans l’espace public.
Un hérétique peut l'être en privé, mais une hérésie est forcément publique, sans quoi elle ne serait jamais connue et ses caractéristiques mises par écrit dans les livres apologétiques.
Je pense que vous vous trompez. Encore une fois, l’Église n’a jamais mis un garde derrière chaque fidèle pour voir s’il allait à la Messe. Et les pécheurs publics (hormis infraction envers la loi) étaient certes probablement marginalisés, mais non persécutés. Les évêques ne distribuaient pas de fatwa contre les mécréants vous savez.
Je n'ai jamais voulu dire qu'il y avait un garde derrière chaque fidèle! Et je ne parlais pas de pécheurs, mais d'apostats ou d'hérétiques. Ce n'est pas la même chose! (Et oui, il y avait des sortes de fatwa contre les non catholiques, puisque le terme fatwa signifie avis juridique, au sens large du terme).
Oui ou non pouvait-on apostasier sans danger dans l'AR? La réponse est non. Respectait-on donc la liberté de conscience/de culte? Non, tout au plus le pouvoir choisissait-il de ne pas réprimer les apostats, pour préserver la paix.
Quant à Frédéric II c’est un mauvais exemple. Car justement, par l’expression publique de ses erreurs, et avec les conséquences qui en découlaient (à cette époque, le peuple avait la même religion que son roi), il fallait que l’Église réagisse.
Mais justement, à l'époque, renier sa foi relevait toujours partiellement du public, puisque toute la société était religieuse.
La liberté de conscience telle que conçue par l’Église est indépendante des idéologies modernes. Lorsque les papes Alexandre II (XIème siècle) et Innocent III (XIIème siècle) interdisent de persécuter les juifs et de les laisser libres de pratiquer leur culte, ils ne cèdent pas à des idéologies modernes.
Mais justement, ces papes protégeaient-ils les juifs au nom de la liberté de conscience? C'est d'après moi un anachronisme que de le penser. Ils les défendaient parce que le Christ n'usait pas de la violence, pour préserver la paix sociale ou pour d'autres raisons encore. Il y a une grande différence entre penser que les non croyants ont un droit intrinsèque, conféré par Dieu, de pratiquer leur culte à l'égal des catholiques et penser qu'il faut simplement faire preuve de réalisme politique et de tolérance de l'erreur pour préserver la paix et le bon ordre social.
Et d'ailleurs, si la liberté de conscience telle que la défend l'Eglise n'est pas la fille du laïcisme et du sécularisme, comment expliquer que l'Eglise la défende après coup, au 20ème siècle seulement? Comment aurait-elle pu passer à côté de ces valeurs aujourd'hui si fondamentales pendant des siècles?
Je pense plutôt que l'Eglise a voulu donner un sens chrétien à ces valeurs modernes, essayer de redresser ces idées chrétiennes devenues folles, mais que cela ne semble guère marcher...
Comment pouvez-vous dire cela ? L’Église a poussé sa réflexion sur la liberté religieuse notamment pour affirmer le droit d’être chrétien, dans un monde où les États chrétiens disparaissaient. Autrement dit, le lien de causalité que vous formulez est inverse à la réalité. Ce n’est pas parce que l’Église a formulé sa doctrine en matière de liberté religieuse qu’il y a eu la laïcité telle qu’on la connaît. C’est parce que les États ont voulu se débarrasser du christianisme que l’Église a formulé plus clairement sa doctrine.
Dans les années soixante, le catholicisme était encore dominant dans maintes régions et pays. Ce sont les années 65-70 qui sont celles du véritable déclin accéléré du nombre de croyants. Comment donc pouvez-vous dire que j'inverse le lien de causalité, d'autant plus que l'Eglise a fait pression sur certains pays officiellement catholiques pour qu'ils suppriment la religion d'Etat?
Je ne dis pas non plus que c'est parce que l'Eglise a formulé sa doctrine en matière de liberté religieuse qu'il y a eu la laïcité. Cela serait anachronique. Néanmoins, à partir de ce moment, l'Eglise a encouragé les fidèles à adhérer aux valeurs modernes qu'elle dénonçait quelques décennies plus tôt. Après, on peut en penser ce que l'on veut. Je conçois bien que la question est complexe.
La perte de la foi est multifactorielle. Mais je ne vois pas en quoi la doctrine actuelle de l’Église sur la liberté religieuse – qui n’est absolument pas relativiste ni laïciste – serait un facteur explicatif.
Ce n'est certainement pas le facteur explicatif le plus déterminant, et de loin. Mais j'ai déjà donné mon avis à ce sujet sur ce fil, à la page 4 ou 5 (à vérifier).
Elle a choisi une autre voie : puisque l’Homme moderne ne veut plus du carcan religieux institutionnalisé à l’échelle de la Nation, elle réaffirme les fondamentaux de la dignité humaine.
L'homme moderne? Mais alors pourquoi nombre d'Occidentaux déboussolés se réfugient dans les cultes orientaux ou l'islam? Si l'homme moderne se trompe, l'Eglise ne doit pas le suivre et elle ne l'a longtemps pas fait (D'ailleurs, elle continue partiellement de ne pas le faire, heureusement!). L'islam ne se soumet pas aux valeurs modernes et il se porte bien mieux que nous! Sans rentrer dans la question des excès de cette religion, cela donne à réfléchir.
Mais jamais l’Église, dans sa doctrine, n’a dit qu’il n’était pas bon qu’un État soit chrétien. Jamais l’Église n’a enseigné que la séparation de l’Église de l’État était le modèle à suivre.
Pourtant, comme je l'écris plus haut, elle a demandé à certains dirigeants d'Etats catholiques de supprimer la religion d'Etat...au nom de la liberté de conscience et de culte?
Suliko