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par Cinci » dim. 22 sept. 2019, 4:09
Mais l'inédit pour moi ...
Ici :
Le vrai prodigue
J'aborde ici le mystère de Jésus qui s'est fait lui-même le fils prodigue à cause de nous. Il a quitté la maison de son Père céleste, est venu dans une terre étrangère, a sacrifié tout ce qu'il avait et est retourné dans la maison de son Père par sa croix. Tout cela, il l'a accompli non comme un fils révolté, mais comme le fils obéissant qui a été envoyé pour ramener à la maison tous les enfants perdus de Dieu. Jésus, qui a raconté cette histoire à ceux qui l'avaient critiqué parce qu'il fréquentait les pécheurs, a vécu lui-même le long et pénible voyage qu'il décrit.
Ce jeune homme brisé, agenouillé devant son père, n'est-il pas l'agneau de Dieu qui prend sur lui les péchés du monde ? N'est-ce pas lui l'innocent, qui s'est fait péché pour nous ? N'est-il pas celui qui n'a pas retenu le rang qui l'égalait à Dieu mais est devenu semblable aux hommes ?
Jésus est le fils prodigue du Père prodigue, qui a sacrifié tout ce que le Père lui avait confié, pour que je puisse devenir semblable à lui et revenir avec lui dans la maison de son Père.
Quand je regarde l'histoire du fils prodigue avec les yeux de la foi, le retour du prodigue devient le retour du Fils à Dieu qui a attiré tous les peuples à lui pour les conduire à la maison de son Père céleste. Le frère Pierre-Marie, fondateur de la Fraternité de Jérusalem, une communauté de moines vivant dans la ville parle, d'une façon très poétique et très biblique, de Jésus comme du fils prodigue.
Il écrit :
Lui qui est né, non de la race humaine ou du désir humain ou de la volonté humaine, mais de Dieu lui-même, il prit un jour avec lui tout ce qui était sous son piedestal et il partit avec son héritage, son titre de fils et toute la rançon exigée. Il quitta pour un pays lointain. [...] Comme une racine en terre aride, il grandit devant nous, il fut méprisé, le plus humble des hommes, devant qui on se couvre la face. Bientôt il connut l'exil, l'hostilité, la solitude [...] après avoir tout sacrifié d'une vie d'abondance, sa valeur, sa paix, sa lumière, sa vérité, sa vie ... après s'être perdu parmi les enfants perdus de la maison d'Israël, passant tout son temps avec les malades (et non les bien-portants), les pécheurs (et non les justes), et même avec les prostituées à qui il promettait l'entrée dans le Royaume de son Père; après avoir été traité de glouton et d'ivrogne, d'ami des collecteurs d'impôt et des pécheurs, traité de Samaritain, de possédé, de blasphémateur; après avoir tout donné, même son corps et son sang; après avoir éprouvé lui-même la tristesse, l'angoisse et l'inquiétude de l'âme, après avoir touché le fond du désespoir en se présentant comme celui qui est abandonné par son Père, loin de la source d'eau vive, il a crié du haut de la croix sur laquelle on l'avait cloué : "J'ai soif". On l'a déposé dans la poussière et l'ombre de la mort.
Et, là, le troisième jour, il est monté des profondeurs de l'enfer ou il était descendu, écrasé sous le poids de nos crimes, il a porté nos péchés, ce sont nos souffrances qu'il a portées. Debout, il a crié : "Oui, je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu". Et il est remonté aux cieux.
Alors, dans le silence, regardant son Fils et tous ses enfants, puisque son Fils était devenu tout en tous, le Père dit aux serviteurs : "Vite, apportez la plus belle robe et l'en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds; mangeons et festoyons ! Car mes enfants, comme vous le savez étaient morts et ils sont revenus à la vie; ils étaient perdus et ils ont été retrouvés. Mon Fils prodigue les a tous ramenés."
( Frère Pierre Marie "Les fils prodigues et le fils prodigue", Sources vives 13, Paris, mars 1987)
Quand je regarde à nouveau Le fils prodigue de Rembrandt, je le vois maintenant d'une façon nouvelle. Je le vois comme Jésus retournant vers son Père et mon Père, vers son Dieu et mon Dieu.
Il est peu probable que Rembrandt ait jamais pensé au fils prodigue de cette façon-là. Cette compréhension ne faisait pas partie de la prédication courante du temps, ni de la façon d'écrire. Néanmoins, voir dans ce jeune homme fatigué et brisé la personne de Jésus lui-même a quelque chose de réconfortant et très consolant. Le jeune homme embrassé par le Père n'est plus seulement un pécheur repentant, mais l'humanité entière qui revient vers Dieu. Le corps brisé du prodigue devient le corps brisé de l'humanité et la face du fils revenu devient la face de tous ceux qui souffrent et aspirent à entrer de nouveau dans le paradis perdu. Le tableau de Rembrandt devient ainsi plus que la simple représentation d'une parabole émouvante. Il devient la synthèse de l'histoire du salut. La lumière qui entoure le Père et le Fils parle maintenant de la gloire qui attend les enfants de Dieu. Cela rappelle les paroles de Jean :
dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est". (1 Jean 3,2)
p. 78
P.S. : Le retour du fils prodigue est l'un des derniers tableaux que Rembrandt va peindre peu avant sa mort. Avec Nouwen, j'apprends aussi que le tableau forme une très grande surface peinte.