Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Riou » ven. 03 avr. 2020, 19:15

Non, "Absolument moderne" est une phrase de ce même poète ("Il faut être absolument moderne") pour nommer son projet d'une poésie nouvelle. Le mot "moderne" n'est donc pas chronologique (l'auteur est mort depuis longtemps, et il n'a pas vécu au XXème siècle).
Je vous mets un autre texte du même recueil :

Il est l'amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuses et imprévue, et l'éternité : machine aimée des qualités fatales. Nous avons tous eu l'épouvante de sa concession et de la nôtre : ô jouissance de notre santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion pour lui, lui qui nous aime pour sa vie infinie...
Et nous nous le rappelons et il voyage... Et si l'Adoration s'en va, sonne, sa promesse sonne : « Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges. C'est cette époque-ci qui a sombré ! »

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Fée Violine » ven. 03 avr. 2020, 23:55

Eh bien, ça ne me dit rien du tout, je ne vois pas qui c'est :(


PS. Dans mon impatience de savoir la clé de l'énigme, j'ai cherché sur internet, et bien sûr j'ai trouvé.
Ça alors ! J'aurais dû y penser !
Bien sûr maintenant je suis hors jeu.

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » sam. 04 avr. 2020, 10:00

Si ce n'est pas un auteur du XXe siècle, c'est peut-être alors Paul Verlaine.
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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Riou » sam. 04 avr. 2020, 10:19

Non, ce n'est pas Verlaine, mais vous commencez à vous approchez sérieusement du poète en question.
Le dernier poème cité parle du Génie, qui concerne l'individu et la communauté.

« Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges. C'est cette époque-ci qui a sombré ! »

L'auteur a entretenu un rapport assez proche avec la Commune de Paris et ses promesses d'une vie nouvelle pour le peuple (de là à dire qu'il a été pleinement communard, c'est une autre affaire). Il voulait, entre autre, que sa création poétique soit le pendant de cet évènement collectif.

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » sam. 04 avr. 2020, 14:40

Cette fois il me semble qu'en effet c'est bien facile. Verlaine, la commune, l'absolument moderne du dix-neuvième siècle. Arthur Rimbaud!
Mais je ne me souviens pas des poèmes cités. Où cela se trouve-t-il? Ou bien, cher Riou, nous auriez-vous tendu un superbe piège?
"L'éternité, machine aimée des qualités fatales". Cela sonne effectivement comme du Rimbaud, bravo pour ce choix.
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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Riou » sam. 04 avr. 2020, 15:16

Bravo prodigal! C'est bien Arthur Rimbaud.

Le premier extrait (poème du "il y a"), est extrait des Illuminations, poème "Enfance" (deuxième partie).
Le deuxième extrait est également extrait des Illuminations, le poème s'intitulant "Génie".

Le piège, s'il y en a un, se trouve dans le fait que j'ai choisi des passages moins représentatifs de Rimbaud (surtout le premier extrait), alors même qu'ils sont tirés de ce qui constitue peut-être sa plus grande œuvre. Le second s'approche plus de la fameuse "Vigueur" un peu excentrique que recherchait Rimbaud à la fin de sa courte carrière. Il correspondait mieux à son manifeste poétique dont l'objectif était de s'émanciper de l'ordre poétique établi, à l'image de la Commune de Paris dans le domaine politique : "Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens" (lettre à Paul Demeny).
Le vers que vous citez est un bel exemple de la prose rimbaldienne rendue à sa maturité, de cette vigueur recherchée qui se laisse sensiblement sentir dans le mouvement des phrases, leur rythme et le rapprochement assez inhabituel de certains mots et de certains sons. Voici un petit commentaire qu'une professeur donne de ce vers, à l'aide d'Yves Bonnefoy :

"Pour Yves Bonnefoy, il s'agit là chez Rimbaud d'une réminiscence de la philosophie antique :

"la raison, la mesure, la machine aimée qui apparaissent dans ce poème évoquent une image du monde très définie, celle du cosmos de la pensée grecque, dans laquelle le Bien se révèle identique à la mesure, l'âme du monde à ma machinerie éternelle et rigoureuse des astres, et l'amour à la découverte, au profond du règne sensible, du concert infini des nombres et de l'universelle raison [...]. L'amour nommé dans 'Génie', n'est-ce pas 'l'amor que muove il sole e l'altre stelle' l'âme motrice de ce soleil et de ces astres qui, eux-mêmes, dans leur mouvement réglé, sont la raison suprême de tout, même de nos facultés et de nos destins — machine aimée des qualités fatales ?" (op. cit. p.150-151).

On remarquera dans cette conception harmonieuse du monde la réciprocité parfaite de l'amour : l'homme, en aimant le sort qui lui est fait par le destin (machine aimée des qualités fatales) s'acquitte, en quelque sorte, à l'égard du génie du monde, de l'amour qu'il a reçu de lui avec le don de la vie. Étiemble a probablement raison de voir dans cette formule une "transposition un peu tarabiscotée de l' 'amor fati'" (op. cit. p.81). La sagesse antique désignait ainsi (littéralement : 'amour du destin') la capacité d'approbation de l'existence, malgré les souffrances et le caractère tragique de la vie."

A vous prodigal.

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » dim. 05 avr. 2020, 10:06

M'étant consacré entièrement à l'étude de l'organisation de la société de l'avenir qui doit remplacer la nôtre (...), je suis arrivé à cette conviction que tous les créateurs de systèmes sociaux, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, ont été des rêveurs, des conteurs de sornettes, des sots, qui se contredisaient eux-mêmes et ne comprenaient rien aux sciences naturelles et à cet étrange animal qu'on appelle l'homme. Platon, Rousseau, Fourier ne sont que des colonnes d'aluminium. ils sont bons, tout au plus, pour les moineaux et non pour les hommes. Or comme les formes sociales de l'avenir doivent être fixées précisément maintenant, quand enfin nous sommes tous décidés à passer à l'action sans plus hésiter, je propose mon système d'organisation du monde. Le voici, déclara-t-il en frappant son cahier. Je voulais vous exposer mon livre aussi succinctement que possible ; mais je vois qu'il me faudra y joindre encore quantité d'explications verbales. Mon exposé exigera donc au moins dix soirées d'après le nombre de chapitres de mon livre. (Il y eut quelques rires.) De plus, je dois vous prévenir que mon système n'est pas complètement achevé. (Nouveaux rires). Je me suis embrouillé dans mes propres données et ma conclusion se trouve en contradiction directe avec l'idée fondamentale du système. Partant de la liberté illimitée, j'aboutis au despotisme illimité. J'ajoute à cela, cependant, qu'il ne peut y avoir d'autre solution du problème social que la mienne.
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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Riou » dim. 05 avr. 2020, 21:29

Sans hésiter, les Démons de Dostoïevski. Ce sens du paradoxe, de la raison qui déraisonne, cette atmosphère fiévreuse et ces tempéraments excentriques sont typiques de l'auteur russe. Ce passage m'avait marqué.
Ma seule marge d'erreur serait un piège consistant à prendre l'adaptation théâtrale de Camus que je n'ai pas lu et qui présente peut-être des passages similaires, mais ça m'étonnerait.

Je vous laisse la main, prodigal, pour choisir un autre texte ou offrir à un autre la possibilité de choisir un texte, puisque je viens de le faire avec Rimbaud et que je ne serai pas disponible les prochains jours.
Merci pour cette lecture.

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Fée Violine » dim. 05 avr. 2020, 23:40

Riou, si vous connaissiez le texte, vous ne deviez pas jouer car ça pénalise les autres joueurs.
Sauf bien sûr si vous vous êtes trompé dans votre diagnostic.
Mais si c'est bien Dostoievski, on n'a qu'à dire que ça ne compte pas, et Prodigal mettra un nouveau texte. Et ceux qui savent ne disent rien !

Je dois dire que j'ai relu les Démons il n'y a pas si longtemps, mais je ne me souviens pas de ce passage.

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » lun. 06 avr. 2020, 9:01

Bravo, c'est en effet Dostoïevski, un extrait des Démons (qu'on traduit aussi par les Possédés).
C'est un passage célèbre, encore fallait-il le connaître. C'est Chigalev, un personnage secondaire, qui parle. L'extrait est assez comique par certains côtés, mais il fait aussi froid dans le dos et semble prédire la montée des totalitarismes.
Je vais essayer d'en trouver un autre, qui sera plus difficile alors, bien fait pour vous! :diable:
Je vous demande juste un tout petit peu de patience, et à bientôt.
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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » lun. 06 avr. 2020, 9:45

Les six écoliers se retrouvèrent quelques pas plus loin, devant le bric-à-brac. C'était une boutique étroite, dont la peinture semblait avoir été grattée et qui ne portait aucune inscription. En revanche, il y avait dans l'étalage de nombreuses pancartes. La plus importante était ainsi rédigée : "Occasion pour connaisseurs". Une autre : "La maison ne fait crédit qu'aux gens riches". Chacun des objets en montre était accompagnée d'une référence historique des plus suspectes, tracée sur un rectangle de carton. "Bureau champêtre de la reine Hortense" désignait une petite table de cuisine en bois blanc, rongée par l'eau de Javel. Il y avait le moulin à café de la du Barry, le porte-savon de Marat, les charentaises de Berthe au grand pied, le chapeau melon de Félix Faure, le tuyau de pipe de la reine Pomaré, le stylographe du traité de Campo-Formio, et cent autres choses illustrées dans le même esprit - jusqu'à l'enveloppe de cuir d'un ballon de football qui était donnée comme un "faux semblant ayant appartenu à la papesse Jeanne". Les écoliers n'y entendaient pas malice et ne doutaient nullement que le marchand eût réuni dans son bric-à-brac les modestes dépouilles de l'histoire.
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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Jean-Mic » lun. 06 avr. 2020, 10:05

Certaines références (la reine Pomaré, le mot stylographe, ...) me semble trouver place au début du 20ème (avant la Grande Guerre, à la rigueur juste après).

Quelque part entre Louis Pergaud et Jules Romains ... :rire:
Dernière modification par Jean-Mic le lun. 06 avr. 2020, 14:50, modifié 1 fois.
Heureux ceux qui savent rire d'eux-mêmes. Ils n'ont pas fini de s'amuser !

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » lun. 06 avr. 2020, 10:22

Ce sera mon premier indice. Si j'en crois le classement adopté par mon dictionnaire des noms propres, notre auteur-mystère ne se situe pas entre Pergaud et Romains.
Il ne s'agit donc ni de Proust ni de Rabelais. :rire:
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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par Fée Violine » lun. 06 avr. 2020, 13:59

J'ai cherché des informations sur la date des différents objets et personnes mentionnés, d'où je conclus que ce texte n'a pas pu être écrit avant 1907, à cause du stylographe et de la charentaise.
Mais sans doute pas beaucoup plus tard, car je suppose qu'après la guerre de 14, les gens étaient un peu moins naïfs. Dommage que ce ne soit pas Louis Pergaud !

L'histoire se passe en France, car le chapeau de Félix Faure peut difficilement intéresser des étrangers.

Je note aussi un certain humour dans le texte, ce qui semble éliminer un certain nombre de romanciers lugubres et décadents des débuts du XXe siècle, genre Pierre Loti ou Anatole France.

On peut se demander si ces 6 écoliers sont des personnages importants de l'histoire. Peut-être le héros fait-il partie du groupe.

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Re: Jeu : le diagnostic littéraire à l'aveugle

Message non lu par prodigal » lun. 06 avr. 2020, 17:03

Le texte effectivement est postérieur à 1907, l'auteur n'en est pas Louis Pergaud, cela se passe en France, ce n'est pas vraiment du genre lugubre et décadent, et les six écoliers sont importants dans l'histoire, surtout l'un d'eux. En bref, c'est bien parti!
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