Dites, quel livre lisez-vous en ce moment ?

[Fée Violine]

Mes dernières lectures:

"La despélouquéro", de Gaston Chérau (1923), recueil de nouvelles, ou de contes comme on en raconte à la veillée, la despélouquéro étant l'épluchage du maïs dans les Landes. Ce sont des histoires pittoresques et bien écrites.

"Si je n'avais pas connu Nongache...", récit d'Hélène Mc Dougall (1981). Cette femme étonnante, d'origine française, a vécu enfant en Argentine dans une estancia, adolescente en France (étant cheftaine de louveteaux, elle a un jour joué au foot avec Teilhard de Chardin), puis elle a épousé un Ecossais et vécu longtemps en Afrique du sud où elle a dirigé une exploitation agricole en pleine nature, seule avec ses 3 enfants, son mari étant à la guerre. Puis, devenue veuve, elle est revenue en France où elle a fondé des foyers de personnes handicapées. C'est une pionnière, n'ayant peur de rien ni de personne, ayant vécu toutes sortes d'aventures. J'ai cherché sur internet, j'ai vu que ses foyers existent toujours et sont maintenant des ESAT. Mais je n'ai pas trouvé de nouvelles d'elle, rien après 1981.
Si quelqu'un pouvait me dire ce qu'elle est devenue, ce serait gentil ! Elle doit être morte depuis longtemps (née en 1911) mais a-t-elle pu retourner en Afrique du sud comme elle le prévoyait?
Au fait, le titre signifie que si elle n'avait pas connu Nongache (petite fille malade en Afrique du sud), elle aurait "sans doute terminé sa vie en jouant au bridge et en se plaignant de son cholestérol", au lieu de vivre dans une caravane dans une communauté.

"Voyageuses", de Paul Bourget (1897), six nouvelles, tristes ou gaies, concernant des femmes rencontrées lors de voyages. En lisant Paul Bourget, je comprends pourquoi Léon Bloy le détestait, c'est vraiment son opposé. Il en parle beaucoup dans "Le désespéré" et on dirait une caricature mais non, Bourget est vraiment comme Bloy le décrit, l'écrivain aimé des lectrices, qui fait de belles phrases bien peignées, l'écrivain qui ne cherche vraiment pas à renverser les castes sociales. Chez lui, les riches ont l'âme fine et délicate, les pauvres sont des rustres, les femmes sont de petites choses fragiles...

"Dieu est un enfant", d'André Stil (je ne sais plus l'année, peu après la guerre), un très joli roman que j'ai choisi à cause du titre, mais ça ne parle pas de Dieu et d'ailleurs ce n'est pas un roman, ce sont les souvenirs d'enfance de l'auteur, à peine romancés. Je ne connaissais pas cet auteur, mais il a été assez connu à une époque, et membre de l'académie Goncourt. C'est l'enfance heureuse et simple d'un fils d'ouvrier du Nord, une enfance à la fois libre et encadrée par de bons parents. Ensuite il est devenu professeur et journaliste.

édit. j'oubliais de parler des qualités littéraires du livre d'André Stil. Eh bien, il contredit l'idée que Paul Bourget se faisait des pauvres! Ce fils d'ouvrier, militant au PCF (il a été directeur de L'Humanité), on pourrait s'attendre à ce qu'il ait un style "art soviétique", mais pas du tout, il écrit avec une grande sensibilité, c'est très poétique et agréable à lire.

[Pacem]

Sans conviction, je lis quelques pages des Cahiers de Chiré "Pour une croisade du livre contrerévolutionnaire". Il y a des trucs pas mal à piocher, mais tout n'est pas excellent.

Et dans le même temps, je lis (plus attentivement cette fois) "Vivre en bonne santé dans un monde stressant" (Ed. J.R. Fleming).
Utile, mais tout n'est pas à prendre au pied de la lettre non-plus : j'y ai lu que nous sommes malheureux par choix. Or, c'est parfaitement faux. Même si dans les faits, nous sommes bien souvent l'auteur principal de nos malheurs, ça n'est pas un choix. "Tout le monde cherche le bonheur, même celui qui va se pendre." (je ne sais plus de qui c'est).
Ensuite, on y lit aussi que la méditation transcendantale, c'est très bien pour ceux qui peuvent s'y adonner (!), avant de proposer des méthodes de relaxation plus simples et plus accessibles (et plus saines aussi, j'avoue).

Ma parole, je racconte ma vie.

[Fée Violine]

J'ai relu "Le zéro et l'infini", d'Arthur Koestler, roman historique, très documenté, sur les procès staliniens. Ce n'est pas gai, mais au point de vue historique c'est intéressant. Et au point de vue philosophique, l'idée est très simple : pour le communisme, l'individu ne compte pas, mais le héros se rend compte peu à peu que l'individu a une valeur infinie.

Je suis en train de lire "Au temps où la Joconde parlait", de Jean Diwo (1992), roman historique sur les peintres italiens du Quattrocento.
C'est légèrement romancé, mais surtout très documenté là aussi, et on voit passer tous les grands peintres de l'époque.
Dans la première moitié du livre, le héros est Antonello da Messina, qu'on voit voyager de Naples à Bruges pour rencontrer Van Eyck pour apprendre de lui le secret de la peinture à l'huile, encore inconnue en Italie, puis il revient par Venise, Florence etc., ce qui lui donne l'occasion de rencontrer d'autres artistes (Fra Angelico, Giovanni Bellini, Mantegna, Piero della Francesca, Botticelli, Donatello etc.) .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Antonello_de_Messine
La deuxième moitié est sur Léonard de Vinci. Je n'ai pas fini, mais j'ai jeté un oeil sur la suite et il va rencontrer Raphaël, Michel-Ange et autres.
Bref, j'apprends beaucoup de choses, d'autant plus qu'à mesure que je lis, je cherche dans le dictionnaire des informations sur les peintres en question.

[Menthe]

Comme je sature un peu avec le christianisme, j'ai décidé d'aller voir du côté de l'hindouisme. Le Mahâbhârata est un récit "mythologique" qui raconte l'histoire de deux familles issues d'une même branche, les Pandava et les Kaurava, les premiers ayant l'avantage d'avoir Krishna de leur côté. On suit tous les évènements qui les amènent à se faire la guerre, les détails de cette guerre etc. Si j'ai bien compris, le texte original est en vers, ce qui n'est pas le cas dans cette version : l'essentiel du texte est en prose, Serge Demetrian introduit juste quelques vers quand il le juge approprié.
C'est très intéressant à lire.

Le prochain sur ma liste est La profondeur des sexes de Fabrice Hadjadj.

[Pacem]

C'est très intéressant à lire.

De quel point de vue ? Chrétien ? Culturel ?... Les deux ?

[Menthe]

Culturel. Et accessoirement, c'est plutôt bien écrit.
Je laisse les chrétiens décider si c'est intéressant de leur point de vue.

[Pacem]

Merci !

[Menthe]

J'ai fini il y a un moment La Profondeur des sexes : Pour une mystique de la chair de Fabrice Hadjadj, dont j'avais beaucoup aimé La foi des démons. Eh bien là, je n'ai pas aimé. J'ai eu l'impression de lire des pensées jetées ici et là un peu par hasard, sans squelette pour les relier les unes aux autres. Il y a des passages pas trop mal, mais l'ensemble est confus, et les longues digressions sur des sujets qui n'ont rien à voir avec la chair, le couple ou la sexualité ne sont pas forcément intéressantes. J'ai vraiment eu l'impression de lire un livre où l'auteur se regarde écrire. Dommage, le sujet est intéressant.

J'ai fait le plein de romans à une foire aux livres et j'ai notamment acheté La joie de Bernanos ( ) et Les 36 preuves de l'existence du diable d'André Frossard. J'ai commencé à lire ce dernier et je regrette déjà mon achat, l'auteur m'agace et je le trouve prétentieux.

[Silica]

La semaine dernière j'ai lu Palestine de Joe Sacco. Je connaissais cet auteur de (re)nom mais je n'avais jamais eu l'occasion de le lire.

Cette grosse BD raconte son séjour en Israël (Jérusalem, Nablus) et dans la bande de Gaza où il est surtout resté en compagnie de Palestiniens. Il a une formation de journaliste et il a entrepris cette démarche car il ne supportait plus la vision très orientée du discours américain quant au conflit israëlo-palestinien ; il a donc voulu aller voir par lui-même.

J'ai été très surprise par le graphisme qui est finalement assez proche de l'underground américain (alors que je m'attendais à quelque chose de très réaliste). Il y a des plongées et contre-plongées très fortes, des stylisation qui pourtant conservent moult détails... Ce n'est pas beau mais c'est précis et captant.
Il y a beaucoup de texte (parfois même plus que de dessin), alors c'est très informatif. Je connaissais déjà certains aspects de la situation mais tout est plus clair maintenant (même si ce bouquin commence à dater). Ce qu'il raconte est passionnant, déchirant, drôle, hallucinant.

Il n'est n'est pas religieux et n'avait pas d'avis vraiment arrêté avant de se rendre sur place. Son point de vue est à la fois personnel et documentaire.
Dans cette interview (en anglais non traduit, désolée ) il dit une chose très juste : "l'objectivité n'est pas l'honnêteté". Il ne prétend en effet nullement être objectif puisqu'il considère que c'est impossible. Il assume alors cet état de fait tout en cherchant à rester le plus intègre possible dans ses textes et ses propos rapportés.

https://www.youtube.com/watch?v=OcdIqdcDbMQ

Quelques extraits choisis :

[jeanbaptiste]

Bonsoir Menthe,

Je comprends ce que vous voulez dire au sujet de Hadjadj. Oui, on peut dire qu'il se "regarde" écrire car, justement, j'ai le sentiment qu'il "peint" ses livres plus qu'il ne les écrit

Je ne crois pas qu'il faille chercher dans ses ouvrages un développement précis et didactique de bout en bout. Il y a des lignes, des grandes et des petites, et il les fait ressortir par des couleurs chatoyantes de façons à ce que le message se "restructure" de lui même dans notre tête au fil de la lecture.

Paradoxalement, c'est la "Foi des démons" qui m'a déçu. Pourquoi ? Parce qu'il est plus simple justement, et que son approche s'épuise vite si la matière n'est pas riche.

La "foi des démons" est un beau livre, il y a de belles fulgurances et il introduit puissamment à un sujet souvent oublié aujourd'hui. Baudelaire le résumait en quelques mots : "le meilleur coup de Satan s'est de s'être fait oublier" (de mémoire, la citation n'est pas exacte).

Mais finalement, à la fin de la lecture, on a le sentiment d'avoir tourner autour du même sujet pendant 300 pages.

L'avantage c'est que l'idée entre bien en tête et ne nous lâche plus !

La "Profondeur des sexes" c'est au fond la même technique, mais le matériaux est plus riche : plus d'anecdotes, plus d'exemples, plus de variations. Manifestement le sexe l'inspire plus que Satan, et ça peut se comprendre ! Dès lors la structure, toujours traitée de la même manière que dans la "Foi des démons", est moins perceptible car il y a plus de couleurs.

Alors Hadjadj est aussi musicien et dramaturge, ce qui explique certaines choses.

Personnellement, j'aime beaucoup Fabrice Hadjadj. Ses pièces de théâtres sont belles.

[jeanbaptiste]

Pour ma part, pour le Carême, je relis la trilogie sur Jésus de Ratzinger.

Je jette aussi un œil sur le "Dictionnaire Tolkien" aux éditions du CNRS.

J'ai très envie de relire du Newmann en ce moment, je ne sais pas exactement pourquoi !

J'ai toujours au fond de moi cette certitude qu'il apporte des réponses essentielles à la modernité. Mais c'est un pressentiment très flou.

J'ai lu récemment l'interview de notre pape François à la revue jésuite. C'est pas vraiment une interview, c'est plutôt le témoignage d'une rencontre. C'est très intéressant, parfois beau, parfois touchant.

[Menthe]

Bonjour jeanbaptiste,

C'est très joli ce que vous dites à propos de Fabrice Hadjadj (les petites et grandes lignes qu'il fait ressortir avec des couleurs chatoyantes), c'est ce que j'ai aimé chez lui. Mais La Profondeur des sexes m'a donné l'impression d'un trop. Trop de couleurs, de variations et pas assez d'harmonie.
Je n'ai jamais lu ses pièces de théâtre, je ne savais pas qu'il en écrivait. Vous en avez une à me conseiller ?

En parlant de théâtre j'ai commencé La Reine morte de Montherlant. J'aime bien.

[jeanbaptiste]

J'ai peut-être une explication chère Menthe : la "Profondeur des sexes" fut le premier livre que j'ai lu de lui, puis est venu la "Foi des démons". Il semble que vous ayez fait le parcours inverse du mien mais que vous soyez arrivé aux mêmes conclusions. Alors, je me demande s'il ne s'agit pas simplement d'une lassitude ?

Pour ce qui est de ses pièces de théâtre j'ai lu Pasiphaé : ou comment l'on devient la mère du Minotaure. J'en garde un bon souvenir.

Je n'ai pas lu la Reine morte, mais vous me donnez une idée de lecture.

[prodigal]

Quand vous aurez fini La Reine morte, je vous conseille Le cardinal d'Espagne et Le Maître de Santiago, du même auteur. Ces trois pièces vont bien ensemble, je trouve, et sont à redécouvrir.

[Menthe]

Merci du conseil prodigal, j'ai lu les résumés et ça donne envie.