Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » jeu. 02 oct. 2008, 10:44

(Merci Christophe ; merci Christian !)

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, l'expression SABLER LE CHAMPAGNE.

19. SABLER LE CHAMPAGNE

On me demande souvent s’il convient de sabler ou de sabrer le champagne.
Certes, au XIXème siècle, les officiers de cavalerie un peu éméchés offraient
le champagne aux pensionnaires de certaines maisons en sabrant le col des
bouteilles …

Image

Mais laissons cela aux nostalgiques de la Belle Epoque. Nous, nous sablons
le champagne ! Le verbe sabler possède plusieurs sens, tous dérivés de
sable. Par exemple : répandre du sable ; on sable une autoroute gelée ...
Dans le vocabulaire de la fonderie, sabler signifie verser du métal en fusion
dans un moule fait de sable.

Image

On comprend que du sens de "verser promptement un liquide", on soit passé,
dès le XVIIème siècle, à celui de "boire d’un trait".

Cet emploi est des plus courants au XVIIIème siècle. J’ai relevé dans Jacques
le Fataliste
de Diderot, ce passage : Tout en balbutiant, Jacques, en chemise
et pieds nus, avait sablé quelques rasades
.

De bon matin, Jacques le fataliste boit du champagne, car - et le fait est curieux -
dès cette époque, sabler au sens de boire, semble se restreindre au champagne.
C’est d’ailleurs l’usage actuel qui s’est précisé. On sable le champagne en compagnie
à l’occasion d’une réjouissance. Le coté festif a remplacé la rapidité, voire l’abondance
de la consommation.

Le fait, je l’ai dit, est curieux : pourquoi sabler s’est-il restreint au champagne ?
Hé bien, je n’en sais rien ! :)

A demain ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » ven. 03 oct. 2008, 13:40

Bonjour ! :ciao:

Ajourd'hui, le mot DIVAN.

20. DIVAN

Quand je sors de chez moi, à Paris, j’aperçois un établissement célèbre
curieusement nommé Le divan du monde. J’ignore si les clients sont déçus
de ne pas s’y allonger sur des divans …

Il s’agit en fait d’un cabaret fondé au XIXème siècle à l’époque où divan
désignait couramment un café parisien meublé à l’orientale.

Le persan diwan dérivé de dibir ("l’écrivain") désignait un registre, un recueil
de textes. Il a été emprunté par le turc divan qui nommait ainsi un bureau
de l’administration. C’est le sens du terme, tel qu’il apparaît en français au
XVIème siècle.

Il désigne alors un conseil de notables et particulièrement le conseil du Grand Turc.
Par extension, le terme a désigné le gouvernement turc lui-même. Victor Hugo écrit
à propos de Napoléon : Il régit le Conclave, il commande au Divan.

Cette salle était meublée à la turque, c'est-à-dire de sièges bas et de coussins,
ce qui explique qu’à partir du XVIIIème siècle, le terme ait pris le sens du meuble
qu’on y rencontrait. Divan désigne aujourd’hui un siège allongé placé contre
le mur et garni de coussins.

Image

Et si le divan, on le sait, est fondamental en psychanalyse, ce fut par pur hasard !
Freud raconta qu'à l'origine, il s'était réservé le divan car il craignait que les longues
séances ne le fatiguassent. C’est un fauteuil qu’il comptait proposer à ses patients.
Or, lorsque se présenta le premier patient, celui-ci choisit spontanément de s’installer
sur le divan ; les patients qui suivirent firent de même. Freud dut se contenter
du fauteuil, mais sans aucun enthousiasme !

Image

Observons que dans l’histoire de ce mot, nous croisons l’écriture et le pouvoir.
Beau sujet de méditation, n’est-ce pas, pour les disciples de Sigmund Freud. :)

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Fée Violine » ven. 03 oct. 2008, 19:00

Balade a écrit : Bonjour Fée Violine, :)

Merci de vos précisions et de votre intérêt pour ce fil. Cela fait plaisir
de voir que d'autres personnes partagent ma passion pour l'étymologie! :)

Je tiens à rappeler que ce ne sont pas mes interprétations personnelles
que je publie dans cette rubrique. Je ne suis pas linguiste, et même si je
possède quelques connaissances en la matière, je ne me serais pas permis
de créer une chronique et d'y publier mes explications de dilettante, par
crainte d'erreurs ou d'inexactitudes.

Aussi ai-je choisi, comme je l'ai précisé au début de ce fil, de baser cette
rubrique sur les études de l'éminent linguiste Bernard Cerquiglini. Ce sont
les commentaires de ce spécialiste renommé de la langue française que je
publie ici, sans aucune intervention ou interférence de ma part.

Voilà. :) Les commentaires des lecteurs sont les bienvenus ! Ils sont
toujours très enrichissants. Aussi, amis lecteurs, n'hésitez pas, comme
Fée Violine, à apporter votre contribution à ce fil ou à donner votre avis ! :)

oui, je sais que votre chronique est tirée d'un livre, mais apparemment le savant linguiste ne sait pas tout. Moi non plus, assurément !
J'ai toujours eu une passion pour l'étymologie, depuis l'enfance, bien avant d'être prof !
Mais si vous avez des connaissances, pourquoi ne pas nous en faire profiter ?

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Message non lu par Balade » ven. 03 oct. 2008, 19:49

Parce que je suis moins érudite que le professeur Cerquiglini. :)

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » dim. 05 oct. 2008, 14:21

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, l'expression EN BAVER DES RONDS DE CHAPEAU.

21. EN BAVER DES RONDS DE CHAPEAU

On me demande souvent l’origine de la curieuse expression « en baver des
ronds de chapeau » ... L’explication n’est pas des plus faciles.

Le verbe « baver » a toujours eu des emplois figurés : calomnier (Il ne cesse
de baver sur tout le monde
) et bien sûr, souffrir (on en bave). Si vous me
permettez, dans quel cas bave-t-on ? Tout d’abord, quand on tire la langue, ce
qui est un signe de souffrance, d’où le sens de l’expression « en baver ». Ensuite,
quand on est bouche ouverte (bouche bée) d’étonnement ou d’admiration :
on en bave des ronds de citron ou bien des ronds de chapeau. Ces deux
expressions, jusqu’au XXème siècle, avaient pour seul sens "exprimer son
étonnement".

Mais qu’est-ce donc qu’un rond de chapeau ?

On ne sait plus aujourd’hui qu’on fabriquait un chapeau en adaptant le feutre
distendu par la vapeur sur une tête de bois et qu’on se servait d’un cercle
pour en maintenir la forme. Ce cercle était de plomb (on disait souvent
d’ailleurs "un rond de plomb"), il était donc lourd. C’est là sans doute qu’il
faut chercher l’origine du sens moderne de l’expression.

Photo ci-dessous : gravure ancienne représentant l’atelier d’un chapeautier.

Image

En baver des ronds de chapeau désigne aujourd’hui la souffrance, d’une
part à cause du pronom en, qui renvoie à « en baver », d’autre part, à
cause de la lourdeur du rond de chapeau de plomb qui fait tirer la langue.
On utilise cette locution désormais pour signifier que l’on endure une peine
physique ou morale.

Comme vous le voyez, afin d’expliquer cette expression, eh bien, on en bave !

A demain ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » lun. 06 oct. 2008, 19:58

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, ON ET L'ON.

22. ON ET L’ON

Faut-il dire : « C’est en automne qu’on plante les tulipes »
ou bien : « C’est en automne que l’on plante les tulipes » ?

Les deux sont corrects ; on va voir ce qui les distingue.

Le pronom indéfini on présente plusieurs particularités. Tout d’abord, sémantique :
il peut ne pas être indéfini, mais seulement indéterminé : « Si on me cherche, je
suis dans mon bureau ». Il peut également être parfaitement défini... Depuis plus
d’un siècle et au grand dam des puristes, il remplace le pronom nous.

Particulatité morphologique, ensuite : c’est le seul pronom à pouvoir être précédé
d’un article, l’on, car c’est bien un article.

Au XVIIème siècle, les grammairiens y ont vu un usage euphonique (= harmonie
de sons, de mots) destiné à éviter un hiatus (= succession immédiate de deux
voyelles sonores). Ils l’ont, par suite, recommandé après et, , qui, que, quoi,
si. Ces recommandations ont été peu suivies des faits. On entend aujourd’hui
aussi bien si on veut que si l’on veut.

L’explication en est simple.

L’usage de ce pronom l’on n’a rien à voir avec l’euphonie. C’est un reste de
l’ancienne langue. En effet, on est l’affaiblissement phonétique du mot latin
homo qui signifie ... « l’homme ». Eh oui ! De homo, on a fait successivement
home, hom, om, on … Ce pronom est en fait un nom ! Comme tel, il peut
prendre l’article. Il le faisait normalement dans l’ancienne langue.

L’on est donc un archaïsme employé et apprécié comme tel. Il est la marque
d’une langue soutenue, littéraire, presque solennelle. L’on est un on en habit
du dimanche, si j’ose dire. :)

A demain ! :ciao:

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mar. 07 oct. 2008, 19:06

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot LUSTRE.

23. LUSTRE

J’ai décidé de donner un peu de lustre à cette chronique, et justement,
en expliquant le terme !

Le latin lustrum désignait un sacrifice pratiqué à Rome tous les cinq ans,
lors du recensement. Le mot est passé en français de deux façons :

Directement, tout d’abord : non pas au sens de sacrifice, mais à celui de
période de cinq ans : un lustre. Par extension, le mot désigne, au pluriel,
une période approximative mais assez longue : "Un papier jauni depuis
des lustres" …

Indirectement ensuite : le latin lustrum (sacrifice) avait donné le verbe lustrare,
("faire un sacrifice"), et par suite, "nettoyer", "éclaircir", "éclairer". Il a donné le
verbe italien lustrare (éclairé, illuminé), et le nom italien lustro (l’éclat).

A la Renaissance, le français l’a empruté comme tel. Le lustre désigne donc
d’abord l’éclat, naturel ou artificiel (le lustre de l’argenterie), d’où l’expression
donner du lustre qui signifie "faire briller".

Mais à partir du XVIIe siècle, et revenant à l’idée d’illumination, lustre s’est
mis à désigner un appareil d’éclairage à plusieurs branches et suspendu au
plafond. C’est un élément d’apparat ("un lustre de cristal").

Image

Ces trois sens du mot lustre (la période, l’éclat, la lampe), se sont disjoints.
Pour preuve, je peux dire : "Ce salon manque de lustre ... Il est vrai que l’on
n’a pas lustré le lustre depuis des lustres ! :)

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mer. 08 oct. 2008, 16:59

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, l'expression PILE OU FACE.

24. PILE OU FACE

Jadis, les seigneurs avaient le droit de battre monnaie, mais seul le roi avait le
privilège de faire frapper des pièces d'or et d'argent. Pour distinguer cette monnaie
royale, il y avait sur l’avers des pièces, une croix, symbole de la chrétienté, et
sur le revers, des piliers. Ainsi les côtés des monnaies ont longtemps été appelés
“croix” et “pile”.

Jusqu’au XIXème siècle, on jouait à croix ou pile, et n’avoir ni croix ni pile signifiait
être sans argent.

Image

A partir du XVIème siècle, les rois décidèrent de fabriquer des pièces à leur effigie :
leur “face” était imprimée sur le recto de la pièce, et leurs armes et la valeur de la
monnaie, sur le verso. Ce n’est que depuis le XIXème siècle que face a remplacé
croix pour désigner le côté de la pièce qui porte la figure, et que l’on a commencé
à employer l’expresion jouer à pile ou face.

Image

Le revers de la pièce s’est toujours appelé « la pile ». L’origine en est obscure.
Le mot est probablement issu du latin pila (“colonne, pilier d’un pont”). Cette
origine est suggérée par le fait que pile a longtemps désigné le morceau de fer
acéré qui servait à imprimer les devises. Par la suite, ce mot a désigné le revers
d’une pièce de monnaie ainsi que le coin qui servait à les frapper sur l’envers.

Toujours est-il que pile, au sens de revers d’une pièce de monnaie, a formé
bon nombre de locutions : Tomber pile a pendant lontemps signifié "tomber à
la renverse". Il signifie aujourd’hui "tomber bien", à plat, sans bouger, comme
une pièce de monnaie.

On a avec pile l’idée d’un arrêt immédiat, presque brutal, après un mouvement :
tomber pile, s’arrêter pile, freiner pile ou piler ; la notion de but atteint :
arriver pile, et même celle d’exactitude : partir à cinq heures pile.

Pile, c’est donc aujourd’hui la convenance parfaite et immédiate. La langue
populaire a croisé pile avec au quart de poil, pour donner le délicieux
pile poil, c’est-à-dire "qui convient parfaitement".

Eh bien, j’espère que mon explication a fait de même ! :)

A demain ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » jeu. 09 oct. 2008, 18:02

Bonjour !

Aujourd'hui, le mot VOYOU.

25. VOYOU

Le mot "racaille" et sa variante en verlan "caillera", que l’on a beaucoup entendu
récemment, m’ont donné une crainte : que disparaisse le bon vieux mot voyou !

Son histoire est intéressante. Il est formé sur le mot voie (le chemin). Le voyou,
c’est d’abord celui qui court les routes, le vagabond, le chemineau. C’est ensuite
celui qui court les rues, et particulièrement celles de Paris.

Image

C’est ainsi que le terme est attesté vers 1830. Dans une lettre, Charles Nodier écrit :
Je ne sais si vous savez ce qu’est un voyou, car l’Académie ne l’a pas dit. C’est ce
que nous appellerions plus élégamment à Paris, un gamin de bas étage
.

Image

Comme c’est souvent le cas, malheureusement, on passe aisément de la description
sociale aux connotations critiques. Le voyou, gamin de Paris, est vite devenu un
vaurien, un chenapan. Adulte, c’est un homme sans moralité.
A la fin du XIXe siècle, voyou est un synonyme d’arsouille, de gouape, d’apache
(l’accent des voyous de Paris). Aujourd’hui, voyou est un synonyme de crapule,
de fripouille ("c’est une conduite de voyou").

Image

Il est certain que le mot est démodé, mais il n’est pas mort ! J’ai constaté avec plaisir
que pour traduire l’expression américaine de politique internationale « A rogue state »,
la langue française n’a pas hésité ; elle a dit : un Etat voyou !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » ven. 10 oct. 2008, 8:32

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot CHIC.

26. CHIC

Les termes familiers ont leur mode, lesquels sont cycliques. Prenez le mot chic.

Issu sans doute d’un allemand du sud, schick (l’habileté, le savoir-faire), il apparaît
en français au début du XIXème siècle dans le langage des peintres. C’est de l’argot
de rapin (= peintre médiocre ; élève peintre), du jargon d’atelier : dessiner de chic,
c’est-à-dire de mémoire et sans modèle ; attraper le chic ; avoir le chic pour
croquer une silhouette


Cette habileté peut-être artificielle et affectée. Baudelaire dénonçait le chic contraire
à la vérité et à l’inspiration ; le chic devient alors du chiqué.
A la fin du XIXème siècle, l’habileté le cède à l’élégance : les Parisiennes ont du chic.
Mais cette élégance peut être également affectée : c’est du faux chic, c’est-à-dire
du vrai toc.

Dans la première moitié du XXème siècle, il semble qu’un emploi vaguement
appréciatif, domine. C’est l’époque des chic types, de Ça, c’est vraiment chic!
Chic devient une interjection que détrône bien vite chouette, super, génial.

Depuis quelque temps, il me paraît que l’emploi de chic pour désigner l’élégance,
fait retour, non pas en bonne part, mais de façon parodique : BCBG (bon chic,
bon genre) se moque gentiment du français parlé entre Neuilly, Auteuil et Passy.

La mode juvénile des santiags et des restaurants Tex-Mex a créé ce pur joyau :
chicos !

A bientôt ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » lun. 13 oct. 2008, 7:07

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot BOUGRE.

27. BOUGRE

Au chauffeur de taxi qui me conduisait à un rendez-vous et qui venait de traiter
de bougre d’âne un automobiliste hésitant, j’ai dit : Ah, cela tombe bien, nous
venons de passer devant l’ambassade de Bulgarie !


Dans le rétroviseur, il m’a regardé d’un air inquiet.

En effet, bougre provient de bulgarus, c’est-à-dire de bulgare. Et j’en demande
pardon à nos amis d’Europe orientale, c’est, dans l’ancienne langue, un mot terrible !

En effet, à cause des farouches hérétiques bulgares, les Bogomiles, bougre signifie
d’abord "hérétique, païen, démon". Mais comme on prêtait aux Bogomiles des moeurs
coupables, il signifie surtout "homosexuel", à une époque où cela vous conduisait au bûcher.

Image

C’est donc un mot terrible. La bougrerie, c’est la sodomie, et l’adverbe bougrement
qualifie des pratiques dites contre-nature. Quand nos grand-mères s’exclamaient
bigre!, elles ignoraient qu’elles atténuaient l’interjection bougre!, l’exact équivalent
de foutre.

Bougre et foutre, on les a beaucoup entendus pendant la Révolution française ;
c’était du langage de Sans-culotte. Aujourd’hui, on parle d’un pauvre bougre,
ou même, par gentillesse, d’un brave bougre.

Convenons que le sens du terme, depuis, s’est ... bigrement rabougri. :)

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mar. 14 oct. 2008, 19:49

Bonjour ! :ciao:

Ajourd'hui, le mot TALENT.

28. TALENT

Certains mots ont une destinée singulière. Ainsi, le mot talent.

Très courant en ancien français, il signifie jusqu’au XVIème siècle "le désir",
"la volonté". Il est issu du latin talentum qui désigne une masse métallique,
un poids, et qui provient lui-même du talanton, le plateau de la balance.
Ce poids fait pencher le plateau. Talent signifie donc proprement "l’inclination".

Image

Mais d’où vient le sens moderne, tout autre ?

L’histoire en est curieuse. Le latin talentum (poids) désignait également une masse
d’argent, par suite une monnaie, "le talent". Ce mot a été utilisé par le latin d’église
à propos de la fameuse parabole évangélique des talents : un maître partant en
voyage confie des talents à ses trois serviteurs. L’un, par prudence, les enfouit dans
le jardin ; les deux autres les font fructifier. Ce sont les bons serviteurs que le maître
félicite à son retour …

Image

Cette parabole du Christ sur la foi qu’il faut faire fructifier (que les Chrétiens
Protestants interpréteront plus tard comme l’apologie du capitalisme) fut si
souvent racontée au moyen âge quetalentum puis talent prirent le sens de
"Ce que la nature vous a confié et que vous avez su développer". En d’autres
termes, les dons et aptitudes naturelles.

C’est donc un récit évangélique qui a changé la signification du mot talent.
Le sens monétaire accompagné d’une conception dynamique de l’investissement
et de son évaluation morale positive, est devenue hégémonique (= suprématie ).

Ce talent, si j’ose dire, a fait fortune !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » mer. 15 oct. 2008, 7:00

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot DIMANCHE.

29. DIMANCHE

Quand, selon vous, la semaine commence-t-elle ? La réponse est bien évidente,
vous savez combien elle est douloureuse : elle commence le lundi.

Eh bien, jusqu’au XVIIIe siècle, la semaine commençait le dimanche et elle s’achevait
le samedi soir. Et quand l’Académie française, au XVIIème siècle, publie la première
édition de son dictionnaire, elle définit lundi comme le deuxième jour de la semaine.

Dimanche est donc intéréssant. Il a trois caractères : d’abord sa formation, bizarre :
en effet, on a lundi, mardi mercredi, etc. … mais dimanche. Ensuite son étymologie :
c’est le seul mot dont l’origine soit chrétienne :

- Lundi est le jour de la lune
- Mardi, le jour de Mars
- Mercredi, le jour de Mercure
- Jeudi, le jour de Jupiter
- Vendredi, le jour de Vénus
- Et samedi, c’est le jour du sabbat

Dimanche, lui, c’est le dies domenica, c’est-à-dire, "le jour du Seigneur". D’où son
ambiguïté historique, car soit il est le jour du Seigneur, qui donc ouvre religieusement
la nouvelle semaine, soit il est, comme maintenant, le jour du repos qui la conclut.
Jour du Seigneur devenu jour du repos, c’est ce qu’on appelle sans doute une société
déchristianisée.

Image

Et puisque l’on parle des jours de la semaine, connaissez-vous l’expression "la
semaine des quatre jeudis" ? Elle désigne une semaine idéale mais imaginaire.
Eh bien, à l'origine, le jeudi était pour les Chrétiens un "jour gras", c'est-à-dire un
jour où l’on pouvait manger en grande quantité tout ce qu'on voulait. Le lendemain,
vendredi, jour de la mort du Christ, on jeûnait ou on ne mangeait que des aliments
maigres, comme le poisson.

Le jeudi était donc jour de fête et on aurait souhaité qu'il y ait plus d'un jeudi par
semaine ! L'expression se renforça plus tard quand le jour de repos de la semaine
scolaire fut fixé le jeudi … Une semaine de quatre jeudis, c'était le rêve de tout
écolier !

A demain pour un nouveau mot ! :ciao:
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Message non lu par Fée Violine » mer. 15 oct. 2008, 9:14

Dimanche, lui, c’est le dies domenica, c’est-à-dire, « le jour du Seigneur ». D’où son
ambiguïté historique, car soit il est le jour du Seigneur, qui donc ouvre religieusement
la nouvelle semaine, soit il est, comme maintenant, le jour du repos qui la conclut.
Jour du Seigneur devenu jour du repos, c’est ce qu’on appelle sans doute une société
déchristianisée


(dominica, pas domenica)
je ne vois pas en quoi ça s'oppose ?
pour les juifs, le shabbat est jour du Seigneur et jour de repos.
pour nous c'est le dimanche.
il n'y a pas d'opposition. On se repose du travail, et on se consacre à la prière !

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Re: Rubrique étymologie : origine des mots de tous les jours

Message non lu par Balade » ven. 17 oct. 2008, 7:09

Bonjour ! :ciao:

Aujourd'hui, le mot TABAC.

30. TABAC

Le tabac ne fait plus un tabac ! Les méfaits du tabagisme en ont entrainé
l’interdiction presque totale et resserré le lien entre le tabac et l’action de
fumer, ce qui est nouveau historiquement.

Le tabac fait partie de ces mots voyageurs. Il a été emprunté au XVIe siècle
à l’espagnol (tabaco) qui le tenait des Indiens Arawak d’Haïti. On a longtemps
aussi dit herbe à Nicot, Jean Nicot en ayant protégé la culture (pensez à
nicotine). Egalement pétun (on pétunait). Mais c’est finalement tabac qui l’a
emporté, dont la famillle lexicale est immense : blague à tabac, bureau de tabac, etc.

Image

Au passage, savez-vous pourquoi l'enseigne des bureaux de tabac représente
toujours une carotte stylisée ? Eh bien, c’est qu’autrefois, le tabac était vendu
en bottes, un peu comme des carottes. On les râpait à leurs extrémités pour
récupérer le tabac et le fumer. Les débits de tabac ont alors été indiqués par
des enseignes en forme de carotte, de couleur rouge/orange pour être vus de loin :

Image

Un point est à noter : quand le tabac est introduit en France, on le fume, certes,
mais aussi on le chique (= mâcher), et surtout, on le prise (= aspirer par le nez).
C’est là sans doute la façon la plus élégante de le prendre, en puisant dans une
tabatière ...

Image

Au début du Dom Juan de Molière, Sganarelle, son valet, fait l’éloge du tabac :
Mais qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre. Il purge le cerveau et il rend
honnête homme car on fait circuler la tabatière
... C’est bien de tabac à priser
qu’il s’agit.

Image

Et rappelez-vous cette chanson de notre enfance :

J’ai du bon tabac dans ma tabatière,
J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas,
J’en ai du fin et du bien râpé,
Mais il n’est pas pour ton vilain nez !


A l’heure du tagagisme et de la fumée nocive, on risque tout simplement de
ne plus comprendre cette aimable chanson !

A demain ! :ciao:

COMPLEMENTS

• L’expression passer à tabac (= rouer quelqu’un de coups) n’a rien en commun
avec le tabac. L’expression est issue de l’ancien verbe occitan tabasser qui
signifie "frapper, secouer". Tabas fut confondu avec son célèbre et ô combien
apprécié homonyme tabac, et par suite, la graphie du mot a changé : tabas
est devenu tabac, et on n’a fini par ne plus comprendre des expressions telles
que passer à tabac, un coup de tabac ou encore, faire un tabac !
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