Journal de Julien Green

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Fée Violine
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Re: Nostalgie de Paris

Message non lu par Fée Violine » ven. 05 déc. 2008, 16:05

En 2008 Paris est toujours beau !
Mais si Julien Green le regrette, c'est surtout parce que c'est son pays natal, c'est bien normal pour un exilé...

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coeurderoy
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Re: Nostalgie de Paris

Message non lu par coeurderoy » ven. 05 déc. 2008, 20:03

Bonsoir,
je ne sais plus dans quelle oeuvre écrite en son âge mûr, Julien Green, à propos du Paris des années 20 évoque le qualité de vie d'une ville bien moins soumise alors au bruit constant et à la folie des rythmes imposés par l'automobile : il regrette alors ses années de jeunesse. Paris est beau, certes, mais tout de même très soumis aujourd'hui aux clichés "cartes postales". Lorsqu'on y travaille tous les jours on constate aujourd'hui une ville de plus en plus réservée à des privilégiés de la fortune, monde des affaires, de la pub, du spectacle. Le Paris populaire (Le Temple par exemple il y a 20 ans encore) disparaît et les arrondissements s'uniformisent . Ayant quitté Paris l'été dernier je regrette surtout la variété des échanges (tant de visages, de dynamisme, de brassage), la gentillesse de mes anciens collègues, la beauté de la lumière sur les quais de la Seine, la façade de Notre-Dame ou la coupole des Invalides...mais quel contraste lorsque, le soir, retrouvant sa banlieue bétonnée et taguée on comprend que les plus pauvres n'ont désormais plus droit de cité dans l'intra-muros" délimité par le périphérique !
Mais,comme le remarque Fée Violine, c'est son sol natal et sa famille restée en France en pleine Occupation, que regrette ici l'exilé de New-York !
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Re: Julien Green chez les Ch'tis !

Message non lu par coeurderoy » ven. 05 déc. 2008, 20:31

Bonsoir,
c'est bien de la tour de l'ancienne église abbatiale de St-Amand-les Eaux qu'il s'agit me semble-t-il...)
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Peut-on cesser de croire en Dieu ?

Message non lu par etienne lorant » sam. 06 déc. 2008, 17:14

Je lis la note du 3 mai 1943:

"Il y a des gens qui cessent tout à coup de croire en Dieu. Pour ma part, je crois que je cesse peu à peu de croire en l'humanité. Elle m'en a imposé fort longtemps avec ses discours, ses lois, ses livres, mais je commence à la voir sous son vrai jour qui est triste, car c'est une vieille folle dont les crises de férocité alternent avec des sourires. Elle se croit auguste et vénérable; elle oublie ce goût du sang qu'elle a toujours eue et cet immense appétit de malheur. Qu'on ne me dise pas qu'elle cherche le bonheur: il est trop apparent qu'elle aime le grabuge".

Je trouve dommage que Julien Green n'ait pas développé sa première affirmation. En fait, il s'est servi la première proposition (cesser de croire en Dieu) pour faire ressortir la seconde, où il affirme que lui-même a cessé de croire en l'humanité. Mais s'il m'était possible de lui poser la question, je demanderai: est-il possible de détacher complètement la croyance en Dieu de la croyance en l'humanité ? En relisant ce passage, je lui trouve une odeur de déprime, c'est écrit sur un coup de cafard - fort compréhensible d'ailleurs, chez l'exilé de la sombre année 1943 - une des plus sombres de l'histoire moderne.

Si j'ai néanmoins coché cette annotation, c'est qu'elle m'a rappelé une parole que Bernanos met dans la bouche d'un des héros du Journal d'un curé de campagne:

« Cette expression de « perdre la foi » comme on perd sa bourse ou un trousseau de clefs m’a toujours paru d’ailleurs un peu niaise. Elle doit appartenir à ce vocabulaire de piété bourgeoise et comme il faut légué par ces tristes prêtres du XVIIIe siècle si bavards. On ne perd pas la foi, elle cesse d’informer la vie, voilà tout. Et c’est pourquoi les vieux directeurs n’ont pas tort de se montrer sceptiques à l’égard de ces crises intellectuelles, beaucoup plus rares sans doute qu’on ne prétend."

Ou alors, si l'on cesse de croire en Dieu, tout d'un coup, c'est que l'on croyait en un substitut de Dieu et non en Dieu. Mais même ainsi, le "tout d'un coup" me paraît de trop. L'Evangile du semeur évoque différentes dérives (les oiseaux du ciel, la terrain pierreux, les ronces) qui empêchent la semence de lever... mais le germe initial disparaît-il pour autant ? Je suis optimiste - tiens, çà fait plaisir ! - je crois que Dieu veille au grain, justement à ce grain qu'Il a semé. Lorsqu'on regarde certaines pousses de plantes, il est fascinant de constater comment certaines branches ont continué de croître en détournant des obstacles, quitte à se développer à l'horizontale sur plus d'un mètre, pour retrouver la verticale ensuite - mais je n'ai jamais vu, sauf maladie et dessèchement, une plante cesser de pousser.

L'apostasie, pour moi, c'est autre chose, autrement plus grave. Je crois que l'apostat est un rebelle, non un homme qui a perdu la foi. Dans mon proche entourage, je connais un prêtre défroqué (dans les années 70), puis deux fois marié, qui donne aujourd'hui un cours sur "les religions" en université du troisième âge. Il a fait cette confidence à sa nièce: "J'aime encore l'évangile, mais je ne supporte plus la pensée qu'un miracle soit autre chose qu'un symbole"... Dans la pratique, il cherche à démolir l'Ecriture mais il se rend compte qu'une partie de lui-même résiste encore... n'est-ce pas la plus grande des pauvretés ?
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Nostalgie de Paris

Message non lu par Théophane » lun. 08 déc. 2008, 14:12

etienne lorant a écrit :est-ce que le Paris de 2008 est capable de susciter la même nostalgie ?
Oh que oui !

Je vis dans une charmante ville du sud de la France, mais je suis toujours très heureux lorsque je me rends à Paris. Quand il faut quitter la capitale c'est chaque fois avec une certaine tristesse, même si j'aime énormément l'endroit où je vis et les personnes qui m'entourent.

Paris est vraiment une ville magique. J'y ai passé des moments uniques : se promener dans le quartier Saint-Michel, errer avec nostalgie dans Montmartre, s'arrêter un moment sur un pont pour admirer la Seine... Ce sont des instants qui restent gravés dans la mémoire, ou plutôt dans le cœur.
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
Bienheureux Álvaro del Portillo (1914-1994)

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Pourquoi tant d'ouvrages sur la religion ?

Message non lu par etienne lorant » lun. 08 déc. 2008, 15:21

En lisant la note de Julien Green (3 juin 1943), je me suis souvenu de tous les livres, plus ou moins bons, qui me sont passés entre les mains avant ma conversion. Non seulement des prêtres et des religieux, mais des romanciers (Bernanos, Mauriac, Léon Bloy, Maxence van der Meersch, etc.), des historiens, des journalistes, des psychanalistes, des médecins, des biologistes, croyants come athées, nombreux ceux qui ont voulu écrire à propos du Christ et qui ne m'ont pas déçu. Je ne dis certes pas que j'ai lu tous les livres qui me passaient par les mains, mais j'en ai lu beaucoup. Ce qui m'a frappé, c'est que tous Ces auteurs - en même temps que moi qui lisais leurs livres, semblaient chercher eux aussi à se faire une idée de la personne du Christ. Et, chose extraordinaire, même ceux qui ont cherché à convaincre que le Christ est une personne ordinaire, ont réussi, non à me convaincre, mais à enrichir ma propre représentation du Christ comme homme. Je ne conseillerais pas forcément à cet exercice à tous, mais je dois à la vérité de dire que j'ai trouvé des tableaux extraordinaires dans d'obsurs petits livres jamais réédités. Le mot de Julien Green qui dit, en quelques mots, que la lecture ne suffit pas, je suis d'accord avec lui, mais il faut bien commencer par quelque chose. Voici cette note:

"On ne peut combler un vide spirituel avec des lectures de mystiques: ce ne serait tout au plus que tromper sa faim. Qu'est-ce qui nous pousse à acheter autant d'ouvrages sur la religion ? Sans doute il y a là un "attrait", mais de voir autour de nous tous ces livres, mais en nous si peu de christianisme, cela ne devrait-il pas nous inquiéter ? Je pense secrètement qu'un Pater nous apprendrait autant que ces pages où notre curiosité se repaît, mais qui laissent notre coeur "plus assoiffé qu'avant". Nous avons trop le désir de savoir pour savoir et non savoir pour devenir meilleurs. Si tous nos livres ne nous apprennent pas à aimer le prochain, que nous apprennent-ils de solide ?"
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Réflexion sur le "Saint François" de Joergensen

Message non lu par etienne lorant » lun. 08 déc. 2008, 19:47

Julien Green 11-12 juillet 1943

"Toujours préoccupé par cette lecture, car je vois bien que ce livre porte condamnation sur notre façon de vivre à tous. Nous sommes tellement loin de l'Evangile qu'à première vue on ne comprend pas très bien comment nous pourrions y revenir. Je sais qu'en nous mettant à genoux pour réciter nos prières, nous y sommes (d'une certaine façon), mais le reste de la journée, des abîmes nous en séparent. Nous n'ouvrons la bouche que, semble-t-il, que nos paroles ne le renient. Nous avons perdu la route du bonheur. La vie d'un Franciscain vers l'an 1200 nous apparaît comme un martyre, car nous n'en appréhendons que les aspects les plus difficiles et qui répugnent à notre conception du bien-être. Nous ne concevons pas la joie intérieure ineffable qui formaient la contrepartie de ces privations terribles (à nos yeux). Joergensen raconte que les franciscains anglais se retrouvant les uns les autres après toutes sortes de difficultés, éprouvaient une joie si grande qu'ils ne pouvaient s'exprimer de manière intelligible. Saint François devant le pape dansait en parlant. On sait qu'il feignait de jouer du violon avec deux bouts de bois et chantait jusqu'à ce que le ravissement s'emparât de lui. C'étaient des hommes ivres de joie et de joie telle que nos malheureux plaisirs n'en approchèrent jamais. Saint François fut sans doute un des plus grands de tous les poètes, à ce point qu'on se demande si la sainteté n'est la poésie dans sa forme la plus absolue et si la poésie humaine, même lorsqu'elle rampe au niveau du sol, n'est pas le reflet d'une splendeur spirituelle que nous sommes incapables d'imaginer. Que nous importerait de dormir sur une planche si le Christ et Marie venaient nous visiter ? On demeure accablé à la pensée de tout ce dont nous avons besoin pour passer une courte journée. Il y a des gens pour qui un mauvais déjeuner, ou ce qu'ils appellent un mauvais déjeuner, assombrit.
Depuis quelques jours, je me demande si le Christ ne nous a pas offert son évangile une seconde fois du vivant de saint François. Je sais bien qu'Il nous l'offre tous les jours, à toue heure du jour, mais cette fois-là fut, si je puis dire, une fois particulière, une exhortation plus particulièrement pressante. Le monde, tout le monde chrétien devait suivre. Il n'apparaît pas que cela ait eu lieu."

Sur ce commentaire de Julien Green, je voudrais juste ajouter, après avoir passé toute une journée à moins de 4°C dans la boutique, avec un petit chauffage d'appoint incapable de vraiment me réchauffer, que le seul fait de lire cet extrait et de me "souvenir" de saint François (dans le beau livre des Fioretti, par exemple) a eu le pouvoir de me réchauffer "à l'intérieur" et me permettra de terminer cette journée en ayant quelque peu "revivifié" la joie reçue ce matin à l'Eucharistie. Du reste, je ne dors pas sur une planche, certes, mais j'ai trouvé mon bonheur sur un matelas très rigide, sur lequel j'ai posé une espèce de chauffe-matelas électrique, recouvert ensuite d'un protège-matelas et d'un drap. Une couverture suffit. j'avais souffert du dos la semaine dernière et c'est tout ce que j'avais trouvé pour guérir plus vite. Le premier soir, je me suis d'abord apitoyé sur moi-même d'avoir quitté l'intimité de ma chambre pour ce simple matelas, mais durant la nuit, je me suis réveillé aux anges, et j'ai prié dans une très grande douceur. Depuis, j'ai continué, car je peux prier à chaque réveil de nuit, non avec des mots véritablement articulés en phrases, mais ce sont des oraisons de louange et d'adoration. Ici, je rejoins tout à fait Julien Green sur la pensée que le Seigneur apprécie, pour nous rencontrer dans le coeur, une grande simplicité considérée du point de vue des apparences extérieures...
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Re: Pourquoi tant d'ouvrages sur la religion ?

Message non lu par coeurderoy » lun. 08 déc. 2008, 22:24

Bonsoir,
votre méditation m'a beaucoup ému Etienne : oui cette faim de Dieu que nous croyons assouvir en multipliant la lecture d'ouvrages "spirituels", quitte à nous en gaver est, on s'en rend compte un jour ou l'autre une forme de gourmandise... Il est tellement naturel, après une conversion de mieux vouloir connaître l'Epoux et de lire témoignages, vies de saints, histoire de l'Eglise, ouvrages de théologie... Dans un grand désordre souvent : si l'on a peu reçu dans l'enfance ou l'adolescence, quelle excitation et quelle joie de découvrir tous ceux qui, comme nous, ont eu faim et soif de l'unique Vérité. Puis vient un temps ou, la tempérance venant, on examine les fruits et on l'on découvre parfois que cette fringale de lecture n'a peut-être été, assez souvent, que peur du vide intérieur, désir de richesse (spirituelle), manque d'écoute de ce que le Seigneur veut véritablement nous dire, à nous, X ou Y dans ce silence ou Il nous attend et auquel nous préférons peut-être les merveilleuses images ou pensées fruits de nos "saintes" lectures..


Bien à vous (et merci pour ces partages si féconds de vos lectures du moment)
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Re: Pourquoi tant d'ouvrages sur la religion ?

Message non lu par Raistlin » mar. 09 déc. 2008, 11:37

coeurderoy a écrit :Puis vient un temps ou, la tempérance venant, on examine les fruits et on l'on découvre parfois que cette fringale de lecture n'a peut-être été, assez souvent, que peur du vide intérieur, désir de richesse (spirituelle), manque d'écoute de ce que le Seigneur veut véritablement nous dire, à nous, X ou Y dans ce silence ou Il nous attend et auquel nous préférons peut-être les merveilleuses images ou pensées fruits de nos "saintes" lectures..
Oui, j'en suis là en ce moment. Moi aussi je suis passé par cette fringale livresque, cette folle envie d'amasser le plus de connaissances possibles.

Et maintenant je me repens, car j'ai presque failli oublier que Dieu nous demande avant tout d'aimer, pas de devenir des savants. Faut-il que nous soyons durs d'oreille et de coeur pour ne pas comprendre ce que le Seigneur attend de nous.

Bénis soit Dieu pour Sa tendre Miséricorde.
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Re: Pourquoi tant d'ouvrages sur la religion ?

Message non lu par Fée Violine » mar. 09 déc. 2008, 11:46

C'est vrai, mais Dieu ne nous demande pas de renoncer à l'intelligence. Cette soif de savoir, c'est lui aussi qui nous l'a donnée. Mais bien sûr elle ne doit pas prendre la place du coeur et de la vie réelle.

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Re: Pourquoi tant d'ouvrages sur la religion ?

Message non lu par Raistlin » mar. 09 déc. 2008, 12:04

fée violine a écrit :C'est vrai, mais Dieu ne nous demande pas de renoncer à l'intelligence. Cette soif de savoir, c'est lui aussi qui nous l'a donnée. Mais bien sûr elle ne doit pas prendre la place du coeur et de la vie réelle.
Of course ! :-D
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Au delà des signes de respect: l'état de grâce

Message non lu par etienne lorant » mar. 09 déc. 2008, 18:47

Je voudrais terminer cette journée - qui fut très froide comme hier, avec cet extrait des "Trois Ages de la Vie Intérieure", du père Garrigou-Lagrange. Ce très beau mot devrait mettre d'accord ceux qui préfèrent communier dans la mains, ceux qui communient sur la langue et les autres signes de dévotion et de respect. C'est qu'il y a encore quelque chose de supérieur à ces signes extérieur:

"Le Christ est plus présent encore dans un homme en état de grâce que dans une hostie consacrée, car dans l'hostie les espèces du pain ne le connaissent pas"

Comme ça me va loin !


Julien Green Journal 3/10/1943
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Les trois enfouissements du Verbe

Message non lu par etienne lorant » mer. 10 déc. 2008, 17:43

Dans son Commentaire de l'Evangile, j'avais découvert avec une certaine fascination comment Lanza del Vasto parlait des trois "enfouissements" du Verbe. Le premier: l'enfouissement sous la chair, c'est ce que nous fêtons à Noël; le second est l'enfouissement sous le péché du monde - que LDV place au moment de son baptême par Jean (car il décrit le Christ qui vient au baptême "par l'autre bout", après que "tous les autres Juifs" se sont fait baptiser (Marc 1,5): en s'immergeant dans ces eaux, Jésus prend symboliquement sur Lui "tous les péchés du monde" et Jean de s'exclamer aussitôt : "Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1,29-34); et le troisième enfouissement, celui sous la Croix. En son temps, j'ai beaucoup apprécié Lanza del Vasto, mais j'ai fini par le trouver trop intellectuel, tenant un discours un peu trop rempli de références culturelles multiples.

Je retrouve aujourd'hui chez Julien Green une exclamation de stupeur devant l'enfouissement sous la chair, l'incarnation, qui lui paraît déjà un sacrifice d'une inconcevable gravité:

"Baltimore 20 janvier 1944. Ai réfléchi à la grande douleur que l'Incarnation a dû être pour le Christ. Qui de nous, à un moment ou l'autre, n'a souffert de sentir emprisonné dans un corps ? Prison que nous portons avec nous, avec les limites continuelles qu'elle impose à l'âme. Cependant, nous sommes des hommes nés de la chair, mais pour Dieu lui-même, être enfermé dans cette geôle..."

Voici de quoi méditer pour Noël, me semble-t-il !
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Note de Julien Green sur Gérard M. Hopkins

Message non lu par etienne lorant » jeu. 11 déc. 2008, 19:59

20 novembre 1943
"Très frappé par la lecture de Hopkins. Il a voulu être un saint avant d'être un poète. Il a cru qu'un bon jésuite glorifiait Dieu plus qu'un grand poète, et il a été les deux. Il a cherché à exorciser la nature, à voir Dieu à travers elle, à la séparer du péché, à trouver en elle ce qu'elle était avant la chute. Sa langue bizarre, belle et forte, essaie d'exprimer ce qui demeure au-delà du langage humain; c'est une langue qui semble près de l'extase et qui essaie désespérément de dire ce que l'homme a vu au paradis terrestre dont le poète se souvient. Vers 1875, ce jésuite inconnu de presque tous ses contemporains s'est jeté en avant des poètes les plus modernes de notre temps, qui ont l'air de le suivre."

J'ai trouvé cette biographie:

Hopkins, Gerard Manley (1844-1889), poète britannique dont l'œuvre peu abondante est nourrie par des mythes tant chrétiens que païens. Hopkins s'exprime dans une langue influencée par le langage médiéval, mais dont les innovations stylistiques ne sont pas pour autant absentes.

Hopkins naquit à Stratford dans l'Essex et fit ses études à Oxford, où il fut profondément influencé par John Henry Newman et par le mouvement d'Oxford. Converti au catholicisme, il entra dans l'ordre jésuite et détruisit alors tous ses poèmes. Plus tard pourtant, alors qu'il étudiait la théologie au pays de Galles, Hopkins s'initia au gallois, et, inspiré par la poésie locale, se remit à écrire. Dans le long poème intitulé le Naufrage du Deutschland (1875), il raconte le martyre de religieuses allemandes victimes d'un naufrage. Il perfectionna dans des œuvres plus tardives, comme Henry Purcell, sa technique stylistique caractérisée par l'usage de rimes internes, d'allitérations et de métaphores complexes ainsi que d'un « rythme à rebond » très abrupt en comparaison du rythme très fluide caractéristique de la poésie de l'époque. Rompant avec le système conventionnel qui impose un nombre régulier de syllabes accentuées et inaccentuées par pied (voir Versification), la métrique selon Hopkins autorise la variation du nombre de syllabes par pied.
En 1877, Hopkins fut ordonné dans l'ordre jésuite, et assuma les charges de prêtre de paroisse et d'enseignant, en Angleterre et en Écosse, avant de devenir professeur de latin à Dublin, en 1884. Il écrivit en Irlande ses Dark Sonnets profondément tragiques, où il exprime son sentiment d'exil personnel, d'aridité spirituelle et de déception artistique.
C'est seulement après sa mort que son œuvre fut publiée. Hopkins est aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands poètes de langue anglaise.
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Re: Les trois enfouissements du Verbe

Message non lu par zélie » jeu. 11 déc. 2008, 20:01

Cher Etienne,
ce dont vous nous faites part est magnifique.
Dans la réflexion que vous nous proposez aujourd'hui, je suis plus sensible au point de vue de Lanza del Vasto que de Julien green, en ce sens que les limites que le corps impose à l'âme, c'est pas pour nous emprisonner, c'est pour nous apprendre des tas de choses, à aimer en particulier, un peu comme chez les petits on apprend quelque chose qui est à notre portée, et quand on est grand on va apprendre autre chose en fac par exemple.
Ne pas rendre grâce à Dieu de cela et s'y sentir en prison, c'est quand même un peu... ingrat. Sans corps nous en voudrions un à tout prix, pour connaître la beauté des sens, le bonheur de respirer l'odeur du mimosa et du jasmin, de l'oranger et... de la blanquette de Mamie! Nous voudrions à tout prix connaître la chaleur d'un baiser, la douceur du câlin de nos bébés, le bonheur d'être enceinte, bref, tous ce que les sens nous permettent d'appréhender; je parie même qu'on aurait à coeur de connaître la fatigue et le sommeil, la faim, le froid et le chaud, la suavité de l'effort accompli, tout ça... Notre corps est un don du Ciel, un temple de Dieu qui nous permet d'apprendre des tas de choses sur la dignité et l'amour. Accepter ses limitations, c'est comme accepter des règles du jeu, des lois, ça nous protège, ça nous oriente, ça nous forme.
Mais bien sûr, nous avons tous râlé un jour contre notre corps, quand je dis "un peu ingrat", ça nous concerne tous.

Par contre, le triple enfouissement perçu par Lanza del Vasto (LDV) m'a émerveillée, et m'a plongée dans la joie spirituelle. (Je vais en faire une copie pour le relire encore et encore). L'enfouissement sous les péchés et sous la Croix, c'est quelque chose que l'on n'oublie pas, parce que la Sainte Messe en parle beaucoup, mais que l'incarnation soit aussi un enfouissement, on y pense moins, et les quelques fois où j'y pense, j'ai toujours du mal à en cerner la profondeur, et là j'ai trouvé les mots le rapprochement de LDV très justes. J’ai toujours été « scotchée » par le fait que l’Infini soit arrivé à se limiter à une si petite chair au regard de ses œuvres infiniment grandes (par exemple l’univers)… il y a toujours eu un paradoxe à mes yeux (l’infini et la limite, ça va pas de soi ensemble).
Et puis ce mot, enfouissement… y-a-t-il plus discret qu’un enfouissement ? On ne voit plus ce qu’on enfouit, on enfouit les secrets, on enfouit ce qu’on veut ne jamais révéler ou ne jamais voir remonter au jour… Y-a-t-il plus humble qu’un enfouissement spirituel ? L’humilité de Jésus est quelque chose qui me touche, je me demande même si ce n’est pas cette qualité-là à ce degré-là qui me convertit chaque jour… D’ailleurs, c’est pas tant l’humilité de Jésus qui soit mystère, c’est plutôt le cerveau humain qui ne peut plus suivre (comme pour les grandes distances).

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