De la liturgie en langue vernaculaire

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Laurent L.
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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Laurent L. » jeu. 07 juin 2018, 18:04

Quoi qu'il en soit, l'épître et l'évangile faisant partie de la liturgie, il était totalement inconcevable, avant Vatican II, que ces lectures soient faites uniquement en langue vulgaire, puisque le français n'était pas une langue liturgique.
En revanche, il était de coutume dans certains diocèses, en particulier en France, que le prêtre lise une traduction de l'évangile en chaire avant le sermon.

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Laurent L.
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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Laurent L. » ven. 08 juin 2018, 10:43

J'ajoute sur ce point précis qu'il est intéressant de noter que l'évangile n'est pas proclamé face aux fidèles (vers l'ouest) mais face au nord, qui symbolise les contrées païennes pas encore évangélisées, les contrées sataniques, le royaume apostat d'Israël par opposition au royaume fidèle de Juda.

Jérémie 1, 14-15

Le Seigneur me dit : « Du nord, va déferler le malheur sur tous les habitants du pays.
Voici, je convoque tous les clans des royaumes du nord – oracle du Seigneur. Ils arrivent, et chacun placera son trône à l’entrée des portes de Jérusalem, contre tous les remparts qui l’entourent et contre toutes les villes de Juda.


De même, les catéchumènes renoncent à Satan face au nord. Bref, la proclamation de l'évangile est un acte rituel, comme pourrait l'être un exorcisme.
La traduction en français qui peut venir après est dite face aux fidèles, ce qui montre son caractère aliturgique et pédagogique. C'est une interruption de la liturgie. C'est pour cela que le prêtre enlève la chasuble pour monter en chaire et instruire les fidèles.
De même, à la messe chantée, l'évangile (acte liturgique) doit être chanté tandis que la traduction est lue, ce qui souligne son caractère aliturgique.

Certes la liturgie a une dimension pédagogique mais ce n'est pas son principal aspect. La messe n'est pas un culte protestant.

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Héraclius » ven. 08 juin 2018, 14:58

Non mais d'accord mais chanter liturgiquement l'évangile (vers le nord) ne me semblerait pas être une profession de foi protestante.

On peut accepter la primauté absolue de l'acte de culte théocentrique, de la logique sacrificielle, dans toute la messe tout en demandant justemment que la logique pédagogique ne disparaisse pas mais existe en lui étant subordonnée. Or dans un chant de l'évangile en Latin, si beau que cela soit (In illo tempore, dicit Iesus discipulis suis : "Amen, Amen, dico vobis"... c'est d'une beauté !) la dimension pédagogique on lui pète les deux genoux et on l'enterre six pieds sous terre.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Socrate d'Aquin » sam. 09 juin 2018, 11:09

Pour répondre à AdoramusTe (que je salue au passage).

Je dirais que la liturgie en langue vernaculaire n'est plus une option ou un choix: c'est un fait. Qu'on le veuille ou non, c'est ainsi que sont célébrées la majorité des Messes de l'Eglise latine dans le monde.

A partir de là, on peut décider au choix (comme je l'avais écrit dans un post précédent) :
- de suivre le mouvement (d'avoir une liturgie en langue vulgaire dépourvue de sens liturgique).
- d'aller dans une chapelle traditionaliste (liturgie en latin + sens liturgique).
- de travailler à l'adaptation en français du rite romain authentique (liturgie en langue vulgaire + sens liturgique), comme l'ont fait les orthodoxes en France depuis maintenant des années. En d'autres termes, il convient de traduire et de chanter non seulement l'ordinaire mais jusqu'au propre en langue française. Bref, chanter la vraie liturgie latine, toute la liturgie latine et rien que la liturgie latine.

Pour ma part, je pense qu'il nous faut travailler en vue de cette troisième voie, tout en maintenant (et même en étendant) la liturgie romaine en langue latine (quelque soit la forme rituelle). En sachant que dans les deux cas, l'exclusivité est notre ennemi. Il serait ainsi souhaitable que dans les paroisses "tradies" on ait la possibilité de chanter les lectures directement en langue vulgaire. Et que dans les autres, on se réapproprie progressivement, petit à petit, la tradition grégorienne, en réintroduisant certains chants latins: Gloria, Credo, Sanctus, Pater, Quia Tuum...
Ainsi, on aura une vraie et belle diversité au sein de l'Eglise latine en France.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Socrate d'Aquin » sam. 09 juin 2018, 11:12

Héraclius a écrit :
ven. 08 juin 2018, 14:58
Non mais d'accord mais chanter liturgiquement l'évangile (vers le nord) ne me semblerait pas être une profession de foi protestante.

On peut accepter la primauté absolue de l'acte de culte théocentrique, de la logique sacrificielle, dans toute la messe tout en demandant justemment que la logique pédagogique ne disparaisse pas mais existe en lui étant subordonnée. Or dans un chant de l'évangile en Latin, si beau que cela soit (In illo tempore, dicit Iesus discipulis suis : "Amen, Amen, dico vobis"... c'est d'une beauté !) la dimension pédagogique on lui pète les deux genoux et on l'enterre six pieds sous terre.
Je suis entièrement d'accord. Les lectures chantées en langue vernaculaire permettent à la fois d'honorer Dieu et de donner au peuple chrétien ce "pain quotidien" qu'est la Parole de Dieu.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par PaxetBonum » sam. 09 juin 2018, 12:16

Socrate d'Aquin a écrit :
sam. 09 juin 2018, 11:09
- de travailler à l'adaptation en français du rite romain authentique (liturgie en langue vulgaire + sens liturgique),
Bonjour Socrate d'Aquin,

Faut-il travailler à une adaptation ou juste demander l'application réelle de la réforme liturgique ?
Les messes FORM en latin sont tout à fait respectueuses de la liturgie.
Le problème est que 99% des messes célébrées en France ne respectent pas la réforme liturgique ma semble-t-il…
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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Socrate d'Aquin » sam. 09 juin 2018, 12:26

PaxetBonum a écrit :
sam. 09 juin 2018, 12:16
Socrate d'Aquin a écrit :
sam. 09 juin 2018, 11:09
- de travailler à l'adaptation en français du rite romain authentique (liturgie en langue vulgaire + sens liturgique),
Bonjour Socrate d'Aquin,

Faut-il travailler à une adaptation ou juste demander l'application réelle de la réforme liturgique ?
Les messes FORM en latin sont tout à fait respectueuses de la liturgie.
Le problème est que 99% des messes célébrées en France ne respectent pas la réforme liturgique ma semble-t-il…
Bonjour PaxetBonum.

Vous avez parfaitement raison, la "Messe de Paul VI" en latin est tout à fait correcte et très respectueuse de la liturgie (et d'ailleurs, je souhaite son expansion). Et en effet, les paroisses françaises dans leur écrasante majorité n'appliquent pas la réforme liturgique.

Le problème, c'est que d'une part vous ne pourrez pas provoquer le retour de toutes ces paroisses à une liturgie où l'homélie elle-même serait en latin (pour caricaturer). Et que d'autre part, il me semble que le vernaculaire (voulu par la réforme liturgique, qui prévoyait donc la coexistence de Messes en latin d'une part, en langue vernaculaire d'autre part) est un soi une bonne chose... à la condition de l'intégrer correctement à la tradition latine. Cela passe aussi d'ailleurs par une révision des traductions, afin de les rendre plus conformes à l'original latin d'une part, et plus belles d'autre part. Bref, créer un "vernaculaire de majesté", aussi noble et magnifique que l'original latin.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Héraclius » sam. 09 juin 2018, 16:00

Contra Socrates :

- Le "vernaculaire de majesté" n'existe pas en Français. Ce serait une création totalement ex nihilo, dont nous devrions nous méfier à ce titre.

- Notre tradition latine s'accommode parfaitement depuis une douzaine de siècle de ne pas être intelligible par la peuple (elle a été plus longtemps inintelligible qu'intelligible dans l'histoire, il faut le dire !). Le Grégorien est le canon musical de l'Eglise latine, pas le vernaculaire grégorianisant. Vous noterez que vous et moi ne sommes pas latinistes, simplement familliers (par exposition répétée) du latin d'église depuis seulement quelques années. Et je sais pas pour vous, mais même sans piger la lettre des hymnes du propre et des oraisons, j'ai pas le sentiment de moins bien vivre la messe en latin que la messe en vernaculaire.

- L'argument pragmatique me semble limité. En ce sens que nous voulons changer la mentalité des paroisses au point de revenir à l'aed orientem, au hiératisme, au bon goût liturgique... Or une fois qu'on aura obtenu tout cela, le grégorien sera un pas aisé à franchir, une continuation logique. Bien sûr que les paroisses sont allergiques au grégoriens... Mais pas moins qu'à l'Ad Orientem, et pour les mêmes raisons. Si vous pensez comme moi que cette résistance là doit être brisée, alors la résistance au grégorien partira avec.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par gerardh » sam. 09 juin 2018, 16:05

______

Bonjour,

Pour quelles raisons utilise t-on le latin dans certaines cérémonies de certaines orientations catholiques ?


_______

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Héraclius » sam. 09 juin 2018, 16:17

gerardh a écrit :
sam. 09 juin 2018, 16:05
______

Bonjour,

Pour quelles raisons utilise t-on le latin dans certaines cérémonies de certaines orientations catholiques ?
_______
C'est une façon d'honorer Dieu en lui réservant une langue différente de la langue de tous les jours pour le culte divin. On s'adresse à lui avec le registre de language le plus élevé à notre porté, rôle joué par la langue Latine en Occident (mais par d'autres languages dans d'autres cultures - grec héllénistique en Grèce, Vieux Slavon dans les pays slaves, Araméen chez les chrétiens Syriaques, Copte, Guèez, etc...).

Pour le catholiques la liturgie est un temps à part pour Dieu (c'est le sens du mot sacré, "mis à part") qui exige donc qu'on s'habille, qu'on se déplace, qu'on chante, qu'on parle d'une façon différente que dans le monde, la société. Cela souligne que le culte est théocentrique et non antrhopocentrique : sa fin est la glorifaction de Dieu avant d'être l'édification des hommes.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par gerardh » sam. 09 juin 2018, 16:31

___

Bonjour Héraclius, vous indiquez :
C'est une façon d'honorer Dieu en lui réservant une langue différente de la langue de tous les jours pour le culte divin.
Cet argument me semble peu convainquant, et résulter de motifs purement humains. Mais vous avez peut-être des fondements qui pourraient l'étayer.

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Héraclius » sam. 09 juin 2018, 16:42

Cher Gérard, ce n'est pas une question de "convaincre" qui que ce soit. Je vous indique pourquoi le catholicisme utilise une langue liturgique distincte de la langue populaire. Que vous ne soyez pas d'accord avec cette pratique catholique est un autre problème.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par gerardh » sam. 09 juin 2018, 18:28

_______

Cher Héraclius,

Vous n'expliquez rien, et ramenez cette pratique à un principe d'adhésion inconditionnelle, ce dont je prends acte.

Mais dans cette optique, n'aurait-il pas été plus logique d'utiliser le grec, langue du Nouveau Testament ? Mais même à ce niveau, le grec patristique employé dans le NT est très dégradé par rapport au grec ancien classique. Alors quel grec ancien utiliser ?

J'aurais une autre explication à savoir que le latin était la langue des ecclésiastiques à partir d'une certaine époque. Ces lettrés pouvaient ainsi se comprendre entre eux, malgré leurs différents langages vernaculaires. A noter que le latin de messe, sauf erreur, n'était déjà plus un latin très pur, tel qu'on l'employait à l'époque classique. C'était donc une sorte de sabir à l'usage des initiés.


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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Socrate d'Aquin » sam. 09 juin 2018, 19:50

Respondeo dicendum quod :
- Le "vernaculaire de majesté" n'existe pas en Français. Ce serait une création totalement ex nihilo, dont nous devrions nous méfier à ce titre.
Par "vernaculaire de majesté", j'entends un vernaculaire qui respecte la lettre du texte latin, beau à entendre et à prononcer, conforme au génie de notre langue propre et respectant le hiératisme qui s'impose dans le cadre de la liturgie (comme celui que l'on entend lors de liturgies byzantines en français par exemple).
Un seul exemple: il conviendrait de traduire Et cum spiritu tuo par "Et avec ton esprit". Il est en effet incohérent de tutoyer Dieu et de vouvoyer son ministre (qui a dit cléricalisme ?).
- Notre tradition latine s'accommode parfaitement depuis une douzaine de siècle de ne pas être intelligible par la peuple (elle a été plus longtemps inintelligible qu'intelligible dans l'histoire, il faut le dire !). Le Grégorien est le canon musical de l'Eglise latine, pas le vernaculaire grégorianisant. Vous noterez que vous et moi ne sommes pas latinistes, simplement familliers (par exposition répétée) du latin d'église depuis seulement quelques années. Et je sais pas pour vous, mais même sans piger la lettre des hymnes du propre et des oraisons, j'ai pas le sentiment de moins bien vivre la messe en latin que la messe en vernaculaire.
Il est vrai que le latin n'est plus une langue parlée depuis longtemps. Mais précisément, je crois que c'est cela qui a précipité la perte du latin dans la liturgie. Au Moyen-Age, si le latin n'était plus la langue populaire, il restait une langue courante, au sein de l'université par exemple. Mais l'époque moderne a fait voler cette unité en éclat, consacrant la perte définitive du latin comme langue courante.
Dès lors que le latin cessait d'être une langue couramment pratiquée, fut-ce dans telle ou telle sphère de la vie publique, sa perte devenait inévitable.
Avec cela, vous avez la réforme protestante qui consacra l'entrée définitive de la langue vulgaire dans le culte chrétien, tant protestant que catholique (car ce fut à ce moment-ci que l'on introduisit les cantiques dans la liturgie romaine). Et les choses se poursuivirent en ce sens, jusqu'au moment où le latin ne fut plus qu'une langue ignorée de tous, à commencer par les clercs.
Après, je suis d'accord avec vous, la langue latine n'empêche pas la participation, bien au contraire. Mais allez donc expliquer cela à beaucoup de nos coreligionnaires...
- L'argument pragmatique me semble limité. En ce sens que nous voulons changer la mentalité des paroisses au point de revenir à l'aed orientem, au hiératisme, au bon goût liturgique... Or une fois qu'on aura obtenu tout cela, le grégorien sera un pas aisé à franchir, une continuation logique. Bien sûr que les paroisses sont allergiques au grégoriens... Mais pas moins qu'à l'Ad Orientem, et pour les mêmes raisons. Si vous pensez comme moi que cette résistance là doit être brisée, alors la résistance au grégorien partira avec.
C'est que contrairement à vous, il me semble que des questions comme l'orientation liturgique, le hiératisme et le respect des textes sont beaucoup plus importantes que la langue employée.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: De la liturgie en langue vernaculaire

Message non lu par Carhaix » sam. 09 juin 2018, 20:24

Socrate d'Aquin a écrit :
sam. 09 juin 2018, 19:50
Respondeo dicendum quod :
- Le "vernaculaire de majesté" n'existe pas en Français. Ce serait une création totalement ex nihilo, dont nous devrions nous méfier à ce titre.
Par "vernaculaire de majesté", j'entends un vernaculaire qui respecte la lettre du texte latin, beau à entendre et à prononcer, conforme au génie de notre langue propre et respectant le hiératisme qui s'impose dans le cadre de la liturgie (comme celui que l'on entend lors de liturgies byzantines en français par exemple).
Un seul exemple: il conviendrait de traduire Et cum spiritu tuo par "Et avec ton esprit". Il est en effet incohérent de tutoyer Dieu et de vouvoyer son ministre (qui a dit cléricalisme ?).
- Notre tradition latine s'accommode parfaitement depuis une douzaine de siècle de ne pas être intelligible par la peuple (elle a été plus longtemps inintelligible qu'intelligible dans l'histoire, il faut le dire !). Le Grégorien est le canon musical de l'Eglise latine, pas le vernaculaire grégorianisant. Vous noterez que vous et moi ne sommes pas latinistes, simplement familliers (par exposition répétée) du latin d'église depuis seulement quelques années. Et je sais pas pour vous, mais même sans piger la lettre des hymnes du propre et des oraisons, j'ai pas le sentiment de moins bien vivre la messe en latin que la messe en vernaculaire.
Il est vrai que le latin n'est plus une langue parlée depuis longtemps. Mais précisément, je crois que c'est cela qui a précipité la perte du latin dans la liturgie. Au Moyen-Age, si le latin n'était plus la langue populaire, il restait une langue courante, au sein de l'université par exemple. Mais l'époque moderne a fait voler cette unité en éclat, consacrant la perte définitive du latin comme langue courante.
Dès lors que le latin cessait d'être une langue couramment pratiquée, fut-ce dans telle ou telle sphère de la vie publique, sa perte devenait inévitable.
Avec cela, vous avez la réforme protestante qui consacra l'entrée définitive de la langue vulgaire dans le culte chrétien, tant protestant que catholique (car ce fut à ce moment-ci que l'on introduisit les cantiques dans la liturgie romaine). Et les choses se poursuivirent en ce sens, jusqu'au moment où le latin ne fut plus qu'une langue ignorée de tous, à commencer par les clercs.
Après, je suis d'accord avec vous, la langue latine n'empêche pas la participation, bien au contraire. Mais allez donc expliquer cela à beaucoup de nos coreligionnaires...
- L'argument pragmatique me semble limité. En ce sens que nous voulons changer la mentalité des paroisses au point de revenir à l'aed orientem, au hiératisme, au bon goût liturgique... Or une fois qu'on aura obtenu tout cela, le grégorien sera un pas aisé à franchir, une continuation logique. Bien sûr que les paroisses sont allergiques au grégoriens... Mais pas moins qu'à l'Ad Orientem, et pour les mêmes raisons. Si vous pensez comme moi que cette résistance là doit être brisée, alors la résistance au grégorien partira avec.
C'est que contrairement à vous, il me semble que des questions comme l'orientation liturgique, le hiératisme et le respect des textes sont beaucoup plus importantes que la langue employée.

Ce qui a maintenu la cohésion du latin, c'est également les échanges "internationaux" très vivaces au Moyen Âge. Thomas d'Aquin, par exemple, enseignait à Paris. Les pèlerinages, qui brassaient des multitudes, faisaient se rencontrer des gens de toutes origines. Les chevaliers de Malte réunissaient des nations différentes. Tous ces gens pouvaient se rencontrer, communier, se comprendre, grâce au latin.

Quel est le latin d'aujourd'hui ? L'anglais ? Prônez vous que l'anglais soit la nouvelle langue liturgique ?

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