Altior a écrit : ↑dim. 01 déc. 2019, 8:58
Bonjour, Carhaix!
Carhaix a écrit : ↑dim. 01 déc. 2019, 2:34
Bien évidemment, si la pratique religieuse cesse, la croyance qui lui est associée (qu'elle soit parfaite ou non, ce n'est pas le sujet) disparaîtra inéluctablement quelques générations plus tard.
Cette évidence est un cas particulier (et, malheureusement extrême) de la loi selon laquelle il existe un rapport biunivoque entre le fond de la foi (c'est à dire la foi même) et la forme de la foi (la pratique, la façon de rendre culte). L'une est influencée par l'autre et, à son tour, influence l'autre. C'est une évidence que le fond génère la forme, mais il est tout aussi vrai que la forme génère le fond.
Lex credendi, lex orandi, mais aussi
lex orandi, lex credendi. Nous prions (et nous pratiquons en général) selon notre foi, mais aussi notre foi est façonnée selon la manière dont nous prions (et, plus généralement, nous pratiquons).
Il est raconté qu'un jour, après que le journaliste Henry Stanley retrouva l'explorateur (et missionnaire!) David Livingstone qui s'était un peu «perdu» en Afrique les deux hommes, le premier plus jeune, le deuxième à son âge mûr, se baladaient en pleine solitude dans la jungle. Le temps du repas étant venu, à sa grande surprise, Stanley regarde comme Livingstone fait sortir de son sac une nappe, des serviettes et tout ce qu'il faut pour un repas trop «formel» par rapport aux conditions existantes et à leur complète solitude. On dirait qu'il se croyait dans un salon londonien de cette époque de la Reine Victoria. Voyant l'étonnement de Stanley, Livingstone s'explique. Toute cette parure qu'il avait portée dans son sac pendant des années était son aide pour ne pas (re)devenir un sauvage après des années passées en contrées sauvages.
Parce qu'il est Dimanche matin, bientôt, cher Carhaix, je vais
m'endimancher comme on disait jadis. C'est à dire je vais mettre mes meilleurs vêtements. Parce que je crois que je vais à un grand repas. J'aurais fait la même chose si le maire du coin m'avait invité à déjeuner avec, alors d'autant plus je fais ça puisque je crois que le Roi des rois m'attend à un repas dans lequel il se fera Lui-même nourriture pour tous les convives, servie par son lieutenant nommé par Lui. Et si je ne ferai pas ça ? Si je ne
m'endimancherai pas ? Si je mettrai mes
jeans et mon tee-shirt avec
il comandante Ché ? Alors, je vais subir quelque chose de très sérieux: petit à petit je perdrai ma foi. Sans me rendre compte au début. Mon attitude aurait changé: je me croirais à un pique-nique entre potes. D'abord, m'agenouiller deviendrait une attitude absurde. Puis, dans un deuxième temps, faire une prière assis deviendrait tout aussi absurde. Enfin, garder le silence n'aurait plus sa place, on est venu au pique-nique pour se parler, quoi! Mais ce n'est pas moi seul qui va subir tout ça. Ceux qui s'endimancheront encore vont se sentir pas comme il faut. Ils s'agenouilleront un peu contre leur plein gré, embarrassés par moi, qui reste assis dans l'attente de ce petit chips qui est la marque du repas fraternel de chaque dimanche. Même le prêtre va renoncer à une bonne partie de ses vêtements. Porter une chasuble richement ornée, en contraste criant avec mon tee-shirt Ché Guévara, ne serait-il pas un peu saugrenu ? Alors, à bas la chasuble. Puis, même l'aube, quoique gardée en tant que vêtement, se verra transformée, car une aube trop longue et surtout dentellée devient un fardeau pendent un pique-nique. L'étole ? Bon, disons que ça va encore pour un temps, pourvu qu'elle perde son caractère baroque pour ressembler à un foulard. La manipule ? Allons, soyons sérieux, même les garçons qui servent aux grands restos commencent à en renoncer. Nous sommes sous un clocher à la campagne, pas à La Tour d'Argent, au bords de la Seine, quoi!
Allez, frère Carhaix! À table avec le Seigneur et bon Dimanche!
En fait, Altior, je suis vraiment frappé par l'absurdité extraordinaire du propos de Marion, auquel Suroît emboîte le pas. La foi sans la pratique ne peut évidemment pas se maintenir. Qu'un individu isolément puisse entretenir un lien intime, en dehors de tout cadre religieux, avec Dieu, ou avec une forme quelconque de présence surnaturelle (les esprits, les fantômes, les phénomènes paranormaux, l'horoscope, les extraterrestres, la Déesse-Mère, etc.), c'est vraiment enfoncer les portes ouvertes. Quel scoop ! En quoi cela éclaire la question si la foi "chrétienne", et plus précisément "catholique", va se maintenir dans la société occidentale ? En rien. C'est vraiment changer de sujet pour ne pas parler du sujet, et éviter d'aborder un sujet sensible, si ce n'est explosif. C'est en fin de compte une pirouette guère héroïque : sauver son image au sein de la bien-pensance médiatique, et donc sa réputation, pour ne pas passer pour un "réactionnaire". Il s'en tire à très bon compte, mais nous fait du Michel Serres bien conforme à la pensée unique promue (et rigoureusement encadrée) par le régime en place.
Et au passage, il accuse la "bêtise" de ceux qui s'intéressent au sujet interdit, au Tabou ! Nous voilà presque dans 1984 et la minute de la haine contre les "pensées crimes".
Pourtant, son idée, très "honnête" et peu dangereuse, est d'une absurdité béante : si la foi, c'est penser à Dieu dans son coin sans aucune pratique religieuse associée, et donc sans aucun partage social, comment cette foi peut-elle se former ? Sur quelle théologie peut-elle s'appuyer ? Sur qu'elles prières ?
Admettons, l'Église disparaît. Une génération plus tard, plus personne n'est entré dans une église de sa vie, n'a même pas l'idée de ce que peut être une pratique religieuse, n'a même jamais ouvert une Bible, ni même vu de crucifix ou de représentation de Jésus-Christ (sauf dans les musées) : comment peut-il avoir l'idée d'entretenir un lien personnel avec Jésus-Christ ? C'est la négation de l'évangélisation que de croire que la foi chrétienne pourrait surgir d'elle-même, sans contexte général, culturel, éducatif, social. Même ceux qui, aujourd'hui, comme Suroît (d'après ce que j'ai compris), n'ont aucune foi, aucune pratique (mais viennent quand même hanter les forums catholiques, on se demande pourquoi d'ailleurs, vrai mystère), ont une idée de Jésus-Christ, une idée assez vivace et non pas seulement muséale (comme on peut avoir une idée de Zarathoustra, Cybèle, Mythra, Wotan, Zeus...), précisément parce qu'ils vivent dans une société où le christianisme est encore vivant ; et ce qui le rend vivant, ce n'est pas ce qui se passe dans les vagues pensées intimes de tout un chacun, mais bel et bien son expression extérieure, physique, matérielle, que l'on appelle "pratique religieuse".
Donc non, Suroît (via Marion), désolé, mais vous racontez n'importe quoi : mesurer la pratique religieuse catholique en étudiant sa manifestation sociale, par l'assistance à la messe, la fréquentation des sacrements, la visite des églises, le versement du denier du culte, le nombre de prêtres officiant et desservant des lieux de culte, l'état des grandes manifestations symboliques que sont les mariages, baptêmes, funérailles, les messes de Pâques et de Noël, le nombre d'églises en activité et leur taux de fréquentation, tout cela a grandement du sens, et dit bel et bien quelque chose de très significatif sur l'état de la vivacité catholique d'une population, et ne constitue en rien une "bêtise épistémologique". Jusqu'à preuve du contraire.
Les huit minutes de Marion n'apportent justement aucun argument pour étayer la qualification de cette soi-disant "bêtise". C'est bien cela, le problème. L'insignifiant Michel Serres n'aurait sans doute pas fait mieux en terme d'incantation conformiste.
Et tout cela pour faire passer en réalité l'idée que l'Occident doit accepter de perdre son identité, car c'est bien cela, le but réel de cette intervention.