Bonjour MiguelMorin
Pour votre blog
a) vers le III siècle av JC … au commencement il y a eu la
Septante/LXX … son importance fut capitale tant pour le Canon Chrétien que pour le Canon Juif … car au-delà des livres qui font différences c’est le texte des livres communs qui sera pour l’essentiel figé pour l’éternité dans le rôle de « congélateur » de l’état textuel de l’original juif à son époque … elle est d’ailleurs le « premier » témoin de l’existence de cet original du texte hébreu dont elle est issue … de plus elle « imposa » sa langue à toute la littérature juive et chrétienne (notamment lors du NT) de langue grecque.
b) pendant la période allant du III siècle av JC jusqu’à la formation du Canon Hébraïque (vers la fin du I siècle ap JC) … il n’y avait que la Septante et des écrits disparates «
apocryphes » et bien sûr les proto-canoniques Juifs.
c) après la fin du I siècle … formation du Canon juifs … concernant l’AT pour les Chrétiens il y avait, à partir de ce moment, deux corpus de livres … ceux de la Septante (en grec) et ceux du canon Hébraïque (en hébreu mais uniquement avec les consonnes il faudra attendre le IX siècle pour avoir le TM, de nos bibles actuelles, par adjonction des voyelles ce qui entraîna la formation/fixation définitive des mots).
La différence entre ces deux corpus porte sur les livres suivants … Est, Tb, Jdt, Ba, Lt-Jr, Sg, Si, et les ajouts grecs de Dn et I-IIM.
d) vers 160 … Justin, dans ses controverses avec les Juifs, utilisait la LXX … mais au-delà des livres qui faisaient « différences » des problèmes de traduction grec/hébreu devinrent vite insolubles … les causes de ces différences sont multiples (les découvertes des manuscrits de Qumran donnent un nouvel éclairage sur cet aspect des choses).
e) vers 160 (150) … Marcion, exclu toutes références à l’AT dans le NT … et ne retient de ce dernier que Paul et Luc.
f) vers 170 … Méliton de Sardes ramène de Palestine une liste de livres reconnus par les juifs … ces livres acceptés également par les chrétiens ne contenaient ni Esther ni les livres propres à la LXX … mais dans son homélie pascale Méliton s’inspire pourtant de Sg.
Vers 170 aussi … les chrétiens d’Afrique traduisent la LXX en Latin … c’est la Vertus Latina incluant donc Sg, Si etc.
g) A la fin du II siècle et au début du III … Tertullien et plus précisément Cyprien recourent à ces livres absents de la bible Hébraïque … de même Clément d’Alexandrie qui fait un grand usage de Sg, de Si etc.
h) vers le premier quart du III siècle … Origène qui dans son Hexaples comparera au texte hébreu la LXX et les autres traductions grecques … connaît la différence entre la Bible hébraïque et la LXX … ses contacts avec le judaïsme l’ont tout d’abord rendu réservé vis-à-vis des livres et ajouts propres à la LXX … il n’en a commenté aucun mais ceci ne l’empêche pas de les cités même comme livres d’Ecriture (SC 71,352).
Vers 240 … Origène, dans sa lettre à Africanus (SC 302, 532-535) affirme que si dans ses dialogues avec les juifs … il ne recourt pas aux livres que ceux-ci récusent (ce qui est normal) … les chrétiens n’ont pas néanmoins à rejeter les livres en usage chez eux … ceux qui viennent de la LXX.
i) vers 350 … Cyrille de Jérusalem connaît les 22 livres du canon hébraïque : «
A quoi bon perdre sa peine à discerner les livres controversés, si on ignore ceux qui sont reconnus par tous [juifs, chrétiens] » … il réagit ainsi contre ceux qui rejettent l’AT et fait remarquer que ces 22 livres sont lus dans la LXX … tout en incluant ceux d’Est, Ba et Lt-Jr … il cite aussi parfois Sg et Si (PG 33,496a).
j) vers 367 … Athanase dans sa 39ième lettre Festale (PG 26,1436-1440) … distingue les «
apocryphes » des 22 livres hébraïque (sauf Est) lus dans la LXX … mais il ajoute un groupe de livres «
non canonisés » destinés aux débutants : Sg, Si, Est, Jdt, To … auxquels il joint la Didaché et Hermas.
Le canon de l’AT d’Athanase est déjà celui du concile de Laodicée vers 360 (date peu fiable) … qui lui inclut Est.
C’est à cette époque que le terme de «
canon » (de l’hb qânêh, «
baguette », «
canne » ; d’où
règle,
norme) et ses dérivés apparaissent pour désigner un corpus biblique.
k) en 382 … au concile de Rome le pape Damase dressera la «
liste des Saintes Ecritures » … le fameux «
Décret de Damase » … (Dz 84 ; PL XIX, 790).
Cette liste est quasiment identique à celle qui qui fixera le Canon … une fois pour toute … au Concile de Trente.
l) vers 391-404 … Jérôme, installé à Bethléem, qui prône la «
veritas hebraica » !!! ne retient plus que les livres de la bible hébraïque … pour lui Si, Sg, Jdt, Tb, I-IIM sont des livres douteux (PL 29,404c) «
apocryphes » (PL 28,536) … on peut les lire pour édifier le peuple mais pas pour confirmer le dogme de l’Eglise (PL 28,1243a) … c’est une position ambiguë qui embrouille les distinctions faites par Athanase.
m) Vers 400 … Rufin d’Aquilée appelle «
ecclésiastiques » ces livres (c’est la première qu’ils se retrouvent sous un nom de collection) lus dans les Eglises mais qui ne fondent pas la foi (Cchr SL 20,170sq).
n) vers 418 … Augustin étonné par les traductions latines de Jérôme … et très attaché à la LXX traditionnelle dans l’Eglise avec ses livres propres auxquels la chrétienté africaine tient depuis le II siècle … Augustin participe au Concile d’Hippone (393) … et, comme évêque, à ceux de Carthage (397) (CChr SL 149, p. 340) et (418).
Ces conciles fixent le canon de l’AT qui, sans distinction aucune … inclut les livres controversés en Orient soit les «
ecclésiastiques » de Rufin … Augustin s’en tient à cette liste. (Doct. Christ. II,8,13).
o) en 405 … Innocent I fera de même dans sa lettre à Exupère (évêque de Toulouse) … la Vulgate, constituée probablement dés le V siècle, inclura ces livres que le canon hébraïque avait exclu.
p) en 495 … décret/sacramentaire du pape S. Gélase (Dz 162 ; PL LIX, 157) qui reprend la liste des livres remontant à l’époque du pape Damase.
Puis quasiment un millénaire après !!!
q) aux XII et XIII siècle … les hésitations sur la canonisation de ces livres refont surface … Hugues de Saint-Cher les exclus … Thomas d’Aquin les inclus.
r) en 1441 … le concile de Florence les inclus.
s) en 1532 … Luther les exclus de même que le cardinal Cajetan.
t) en 1546 (8 avril) … le concile de Trente les inclus officiellement.
u) en 1566 … Sixte de Sienne propose d’appeler «
deutérocanoniques » les livres que Rufin appelait «
ecclésiastiques » … que les protestants appelleront «
apocryphes ».
Moralité :
Nous constatons que la majorité des Pères apostoliques reste attachée à la Septante … malgré qcq résistances vis à vis des «
deutérocanoniques » soulignées ici.
Ainsi le Concile de Trente … ne fait que reprendre la liste fixée par le Concile de Florence (1438-1445) … qui lui-même reprend la liste du pape Gélase (495) … qui lui-même ne fait que reprendre la liste des Conciles d’Hippone (393), de Carthage (397) et (419) … qui eux même reprénnent la liste du pape Damase lors du concile de Rome (382) … et qui lui même ne fait que reprendre la Septante/LXX et l’usage courant de la plupart des Pères apostoliques.
Cordialement, Epsilon