Le Dieu des Juifs est-il le Dieu des chrétiens ?

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Etrigan
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Le Dieu des Juifs est-il le Dieu des chrétiens ?

Message non lu par Etrigan » mar. 21 mars 2006, 19:16

Bonjour à tous,

En espérant ne pas faire doublon avec un sujet déjà traité, je me pose le problème suivant :

Je lis actuellement la Thora et je suis frappé de voir que Yawhé est un Dieu jaloux, violent et sombre. Il massacre ceux ne croynt pas en lui, impose des règles très strictes régentant la vie de tous et surtout, il revendique la mise à mort de ceux ne pensant pas droit.

Comment ce Dieu pourrait-il être celui de Jésus qui travaille Shabat ou qui refuse de voir une femme se faire lapider alors qu'elle est adultère.

Je ne comprends donc pas comment un Chrétien peut reconnaître dans l'Ancien Testament le Dieu de Jésus : comment régler ce paradoxe.

Merci à tous de votre aide,
Etrigan (en apprentissage)
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laiglejo
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Message non lu par laiglejo » jeu. 23 mars 2006, 11:27

Le mystère de Dieu : son visage à reflets multiples : tantôt père, tantôt frère, tantôt ami, tantôt mère.......mais aussi Dieu de justice et Dieu de miséricorde......et avant tout éducateur : éducateur de notre âme et éducateur de l'humanité.

L'humanité ne peut-elle pas être prise comme une âme à éduquer. Avec un jeune enfant, il faut être sévère, lui apprendre à obéir, à craindre ses parents pour les respecter mais aussi les aimer, etc......

C'est vrai que les hébreux n'étaient ni faciles à conduire, ni faciles à contenter, empressés à trahir (regardez la traversée du désert) donc difficiles à éduquer et pourtant c'étaient eux le peuple de la révélation de qui le germe de Yahve sortirait, enraciné dans la foi de ses ancêtre qu'il fallait ensemencer puis fortifier même au prix de sacrifices et douleurs

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Etrigan
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Message non lu par Etrigan » jeu. 23 mars 2006, 11:31

J'ai aussi perçu cela.

Néanmoins, la violence terrible des premiers livre de la Bible a de quoi faire peur tout de même.
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Serge BS
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Message non lu par Serge BS » jeu. 23 mars 2006, 12:39

Ceci ne peut bien se comprendre qu'en réfléchissant et en méditant sur la notion d'Alliance, que je vais introduire très brièvement tant la question est large sur un autre sujet, tout comme j'évoquerai dans un autre sujet la question des liens entre Catholicisme et Judaïsme.

Maintenant, je me permets de signaler à tous deux ouvrages intéressants, conçus sous la forme de questions/réponses :

- Père Alain Bandelier, Simples questions sur la Foi catholique, CLD, Chambray, 1998
- Frère A.-M. Roguet op, La boîte à questions, 2 vol., Cerf, Paris, 1965.

Je pense que ces titres pourraient être utiles à tous !

Enfin, pour t’aider à mieux comprendre, je te copie ici le texte d’une conférence que j’avais prononcée voici quelques années dans le cadre du Catéchuménat.

" Parmi les épisodes choquants de l’Ancien Testament, on peut donc retenir comme significatifs les passages où Dieu soumet l’Égypte à dix plaies, détruisant son armé, bref causant directement la mort d’hommes, ce qui semble surprenant. Et l’on doit se poser la question " Dieu aimait-il les Égyptiens ? " ; bien plus qu’une boutade à l’heure où certains n’ont de la Bible qu’une lecture littérale, matérialiste…

La question " Dieu aimait-il les Égyptiens ? ", fait référence aux dix plaies d'Égypte (Ex 7, 8 -11, 10) et à la traversée de la Mer rouge (Ex 14) … Cette question souvent posée est en fait mal posée car ne laissant aucune place à la perspective du Salut tout en laissant de côté la question de d'Alliance. Dans cette dernière perspective, il est en effet possible de distinguer une Alliance de l'Ancien Testament, celle de la vocation d'Abraham selon laquelle Dieu aime son Peuple (Gn 12, 1-3) , de celle du Nouveau Testament, selon laquelle Dieu aime tous les hommes, l'unité de l'humanité étant restaurée par l'Esprit dans le Christ Sauveur (Ac 2, 5-12 ; 7, 9-10).

L'Ancien Testament l'affirme : par delà même sa Création (Gn 1, 27), Dieu a placé l'homme au sommet de cette même Création (Gn 1, 28) . Après l'épisode du déluge où Dieu montra sa déception de l'homme, une Alliance nouvelle -donc une espérance en l'homme- fut établie entre Dieu et les hommes par l'entremise de Noé (Gn 9, 7-17) , redonnant aux hommes la conscience de l'unité de leur destin cosmique; or Noé lui-même devait briser cette conscience de l'unité en maudissant Canaan (Gn 9, 25). Ce fut une nouvelle rupture de l'Alliance, rupture qui devait être consommé avec l'épisode de la tour de Babel, épisode où l'homme cherchant à égaler Dieu se perd et se disperse (Gn 11, 5-9), perd même pour une partie Dieu lui-même. L'humanité a dès lors, de sa propre liberté, de sa propre faute, choisi de briser son unité, et ce en dehors même du dessein premier de Dieu (Gn 11, 4).

Désormais, le projet messianique de Dieu ne sera relancé qu'au travers d'Abraham (Gn 15, 17-21 ; 17, 1-14) et de la notion de Peuple élu. Par l'Alliance avec Abraham, Dieu a établi Israël comme son Peuple (Lv 26, 12) , et, dès lors, Dieu aime son Peuple qui le suit, le chargeant d'une lourde mission qu'il ne perçoit pas toujours : celle de préparer la venue du Christ. Cette vocation d'Israël se retrouva confirmée par la Promesse faite à Moïse (Ex 3, 13-15) ; ce sera dès lors, et ce jusqu'au Christ, non plus l'histoire de l'humanité unie mais celle du peuple uni. Mais, là encore, même si la promesse universelle de YHWH s'étend à toute la terre (Ex 19, 5) , elle sera d'abord reliée à l'Alliance avec Moïse (Ex 24, 1-11 ; 34, 10-13), malgré la tentation des idoles (2R 21-23), avec la lutte contre les faux dieux (Ex 34, 14) . Ce qui prime alors, ce n'est non pas l'idée d'Amour universel, mais celle d'élection, élection apparaissant déjà dans le sacrifice d'Abraham (Gn 22, 15-18) et confirmée à de nombreuses reprises (Is 48, 15 ; Os 2, 21-22). Néanmoins, l'histoire d'Israël sera celle d'un Salut inaccompli (Jr 31, 31-34), seule la venue du Christ étendant à nouveau à tous les hommes la Promesse du Salut et de la Rédemption (Ep 3, 5-6) .

Il ne faut enfin pas oublier que les Égyptiens n'aiment pas Dieu, que les Égyptiens portent eux-mêmes la responsabilité de leur déroute car ils ont rejeté le Peuple élu, aimé, de Dieu (Ex 5, 9) et YHWH lui-même (Ex 6, 11-13) . Dieu a donc puni les méchants pour sauver son Peuple élu, peuple dont la vocation est et sera dès lors de préparer le chemin du Seigneur. La question de savoir si Dieu aimait ou non les Égyptiens ne se pose donc pas puisque la punition divine est là pour démontrer non pas un non-amour mais bien au contraire un immense Amour, celui de Dieu pour ceux qui le craignent, sa colère étant réservée à ceux qui le défient (Ps 20, 9-13). En fait, dans l'Ancien Testament -du moins après la chute d'Adam-, l'Amour entre Dieu et les hommes doit être réciproque (Is 43, 1-7; 43, 10), alors qu'après le Christ cet Amour de Dieu est à nouveau universel (Ga 3, 26 ; 3, 28) , les hommes ayant dès lors l'obligation absolue et éternelle de relayer cet immense Amour (Jn 13, 34-35 ; 15, 12) , dans le prolongement du Tu aimeras ton prochain comme toi-même de [Lv 19, 18].

La réponse aurait bien naturellement été toute autre si cet épisode s'était déroulé après la venue du Christ; il aurait alors été choquant du fait de l'universalité retrouvée du message divin par le Christ en l'Esprit, alors qu'il n'est ici que témoignage de l'Amour de Dieu pour ceux qui le suivent et entre les mains desquels il a placé son dessein. Il faut donc bien distinguer Ancien Testament et Nouveau Testament, ce qui permet d'ailleurs de mieux contempler le message du Christ (Mt, 5, 17 ; 13, 7) .

" Dieu aimait-il les Égyptiens ? ", n’y voir qu’un épisode matériel, est donc hors de la perspective divine. Une telle question se poserait dans une perspective néo-testamentaire, mais concernant une période historiquement antérieure elle est donc erreur. La vraie question n'est-elle pas en fait " Que Dieu n'a t-il pas fait pour aimer ceux qui l'aiment ? ", car Dieu ne rompt jamais sa promesse… "

Garde enfin à l’esprit que l'intention du texte vétéro-testamentaire est souvent symbolique. Elle est de signifier qu'il y existe des ennemis absolus, irréductibles avec lesquels il ne faut pas transiger. Entendu au sens strict de personnes physiques, la morale chrétienne se distance ici de la morale juive, car, dans le Christianisme, il n'y a pas d'ennemi absolu, il n'y a personne qui soit impardonnable a priori ! Mais entendu de comportements moraux - comme le suggère le Deutéronome -, la leçon garde toute sa valeur.

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Etrigan
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Message non lu par Etrigan » jeu. 23 mars 2006, 13:37

les hommes ayant dès lors l'obligation absolue et éternelle de relayer cet immense Amour (Jn 13, 34-35 ; 15, 12) , dans le prolongement du Tu aimeras ton prochain comme toi-même de [Lv 19, 18].
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une obligation : on ne peut obliger quelqu'un à en aimer un autre. Par contre, on peut l'inviter à tenter l'aventure.

Et sinon, SBS, tu es prêtre ?
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Serge BS
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Message non lu par Serge BS » jeu. 23 mars 2006, 14:02

Etrigan,

Disons qu'il s'agit pour le moins d'une obligation morale :lol: :lol: :lol:

Sinon, je ne suis ni Prêtre, ni diacre ! Mais je travaille effectivement en étroite relation avec des Prêtres, ces derniers ayant validé (ou corrigé) la plupart de mes textes ! Je ne suis qu'un laïc catholique militant et engagé parmi des millions d'autres, aidant ses Prêtres avec les moyens que Dieu lui a donné et selon les termes, cadres et limites fixées par le magistère ! Sinon, sans être diplômé, j'ai "fait" un peu de théologie ! Je vais peut être être un peu dur, mais je pense que ce que je sais chaque catholique devrait le savoir, mais là encore, c'est plus ma Foi, à la fois très intellectalisée et du charbonnier, qui me déchire !

Et puis, ma formation chrétienne a été surprenante : l'Abbé Rebuffel (Prêtre "classique", mais très saint à mes yeux), l'Abbé de Veyrac (Prêtre "progressiste" aujourd'hui défroqué, qui selon moi étouffait trop d'amour) et l'Abbé Serralda (Prêtre "tradi", l'un de ceux qui ont "pris d'assaut" Saint Nicolas, lui aussi très érudit et très croyant). Tu mélanges le tout, et tu comprends mon attachement à la Foi, mes vues parfois surprenantes et tolérantes, la forme de ma Foi,... mais aussi les questionnements, les interrogations, les doutes qui me saisissent parfois ! Il m'arrive de douter, n'en doutes pas :lol: ! Mais, finalement, après chaque phase de doute, je me sens renaître encore plus fort dans ma Foi, même si elle est selon moi bien loin d'être exemplaire ! Il m'arrive aussi de manquer de charité, notamment dans certaines de mes réactions, et là, sur les conseils de mon confesseur, je relis (Ph 2, 1-18), ou encore, toujours sur ses conseils, un "papier" du Père Bandelier paru dans le n° 1118 de Famille chrétienne du 17 juin 1999, à la page 25 !

Anedocte (réelle !) : un jour, sortant d'une réunion du catéchuménat où je m'étais exprimé, un "vieux" Prêtre me demanda à la sortie : Mais vous êtes Prêtre ? Vous êtes nouveau, car je ne vous connais pas ? Vous êtes dans quelle Paroisse ? Une autre (toute aussi réelle !) : un jour, à la Sainte-Baume, nous étions un groupe d'étudiants sous la conduite d'un Frère Dominicain. J'étais en gros col roulé de laine blanche (ramené d'Écosse), avec mon éternelle Croix de bois autour du cou. Et, à la boutique, certains m'ont appelé "Mon Père", ce qui a fait bien rigoler Frère Manuel, ... qui en a profité pour faire de la "retape" et me demander si finalement je ne voudrais pas le devenir ! :lol:

Mais ma vocation, mon appel, celui que j'ai ressenti au tréfonds de moi-même en rencontrant pour la première fois Jean-Paul II (alors que, je l'avoue, j'avais alors un peu beaucoup pris mes distances avec l'Église que je jugeais parfois durement sans chercher à comprendre son dessein) est celui d'un laïc au milieu d'autres laïcs ! Tu sais, une minute trente face à face, main dans la main avec Jean-Paul II, c'est peu en apparence, mais c'est immense dans les faits, car il te transmettait une telle force ! Ca a valu toutes les catéchèses, ... tout en m'imposant d'encore plus me former ! Peut-être que la souffrance de Jean-Paul II est aussi venue de gens comme moi, car il voulait tout nous donner pour Dieu, même sa force ! Et, selon moi, ce sacrifice qu'il a fait à nous qui le vampirisions d'une certaine manière, c'est le vrai signe de sa Sainteté ! Après Gerland, je le prenais pour, je l'avoue publiquement, un Guignol... Mais après l'avoir rencontré (de plus de manière imprévue puisque cette rencontre de sa volonté n'était pas prévue au départ au programme de la réunion internationale militaire où je représentais un Institut de défense), j'ai été changé, .. même si je conserve bien des défauts ! Et je suis prêt à témoigner de cela devant n'importe quelle commission de Canonisation ! Ses miracles n'étaient pas terrestres mais spirituels !!! Et il en, d'une certaine manière, mort pour nous sauver !

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Message non lu par Etrigan » jeu. 23 mars 2006, 14:18

Un parcours intéressant :)

Mais encore une fois, je pense, à l'instar du théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup, que cette phrase de Jésus est une proposition car il n'y a pas d'amour vrai, sans spontanéité.
On ne peut pas aimer son ennemi, par exemple. On peut le respecter, l'aimer comme être humain, mais l'aimer comme on aime son frère n'est pas possible.

Comme le disait Freud dans Malaise dans la civilisation, si l'on aime tout le monde de la même manière, alors, sa mère est au même niveau que le passant que l'on croise ? Je ne suis pas sûr que ce soit un amour sincère, car l'amour, même universel, connaît des priorité et des sensibilités.
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Message non lu par Serge BS » jeu. 23 mars 2006, 15:00

" Il n'y a pas d'amour vrai, sans spontanéité " ? Mais nous sommes entièrement d’accord, c’est pourquoi le parle d’obligation morale du chrétien, ce qui n’est pas facile !

"Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. " Voici en effet la phrase stupéfiante que Jésus proclame à la foule lors du sermon sur la Montagne (Mt, 5, 44 ; Lc 6, 27). Or, notre premier réflexe est celui de haïr, de s’opposer. En passant, notons qu’il est remarquable que ce propos soit suivi immédiatement dans le texte de Luc par la guérison de l'esclave du centurion de Capharnaüm. Mais pour en revenir au sujet, le principe de l'amour de l'ennemi n'est pas que terrestre ; il est avant tout spirituel, et il n'interdit en rien la guerre, dès lors que cette dernière est moralement justifiable, autrement dit seulement défensive..

Le texte des Béatitudes, qui est partie du sermon sur la Montagne, est fondamental dans la pensée chrétienne de la paix ; il en est même la clé, et il ne faut pas avoir une lecture littérale de ce texte, mais au contraire le méditer, chercher à le comprendre. Et, dans le cas de l'amour des ennemis, ce que Jésus demande, c'est d'éviter la haine, cette haine qui est tout le contraire de la charité, cette haine qui est le péché par lequel on souhaite délibérément à son ennemi un tort grave ; c'est là le sens de [Mt 5, 44-45] : " Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. "

Avec un raisonnement évitant de rappeler la distinction que fait Jésus entre les deux Royaumes et fondé sur une lecture littérale privée de toute perspective christique, on pourrait déduire que les Béatitudes - texte central de toute la doctrine sociale chrétienne - excluent les tribunaux, les prisons, la propriété, la défense, les impôts, toute hiérarchie au profit d'une égalité a priori inhumaine et d'un ordre absolu lui aussi inhumain. Or, le discours des Béatitudes concerne avant tout une rénovation morale intérieure de l'homme visant au Royaume d'En Haut, et en adéquation avec les exigences de la société humaine.

Notons également que Jésus a recours à l'image de la guerre, sans la juger, mais sans aussi la remettre en cause. C'est lorsqu'il invite les foules qui le suivent à renoncer à tous leurs biens pour devenir ses disciples. Il leur demande d'abord de ne pas haïr (Lc 14, 26), puis il dit : " Quel est le roi qui, partant faire la guerre à un autre roi, ne commencera pas par s'asseoir pour examiner s'il est capable, avec dix mille hommes, de se porter à la rencontre de celui qui marche contre lui avec vingt mille ? " (Lc 14, 31).

Ici, Jésus ne réfute pas toute défense, voire toute guerre, semblant même la trouver de facto comme élément de la loi naturelle de l'homme ; mais, par contre, il ne l'envisage que comme défensive, en aucun cas comme offensive !

La doctrine du Christ n'est donc pas une doctrine comportant une interdiction universelle et absolue de tout recours à la défense ; elle admet juste défense, concept qui tend d’ailleurs à se substituer aujourd'hui à celui de guerre juste, à la fois par volonté d'effacer le mot guerre, plus pour rejeter les dérives de l'usage du concept de guerre juste…

Par ailleurs, deux passages des Synoptiques sont particulièrement forts quant à l'attitude à adopter face à celui qui nous fait du mal :

"Vous avez appris qu'il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. À qui veut te mener devant le juge pour te prendre ta tunique, laisse lui aussi ton manteau. Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos. " (Mt 5, 38-42).

"À qui te frappe sur une joue, présente encore l'autre. À qui te prend ton manteau, ne refuse pas non plus ta tunique. À quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas. Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux. " (Lc 6, 29-31).,

Une première remarque relative à [Mt 5, 39]. Ce que l'on traduit par méchant, le mot grec ponerôs est-il ici un adjectif neutre ou un substantif masculin ? S'il s'agit d'un adjectif, il se rapporte soit au mal que l'on veut nous faire, soit à l'état de celui qui est dans la peine, celui qui souffre ; s'il s'agit d'un substantif, il se rapporte à l'homme mauvais. Il apparaît que ce dernier sens est celui retenu par les exégètes pour traduire [Mt 5, 39]. Pourtant, une autre lecture, bien plus lié aux Béatitudes pourrait être effectuée en retenant le second sens de l'adjectif, car [Mt 5, 39] se traduirait alors : "Et moi je vous dis de ne pas résister à celui qui est dans la peine. "

Cette traduction va en apparence à l'encontre des versets qui suivent, mais elle a pourtant l'avantage d'insister sur la souffrance du méchant, et donc sur l'impératif de charité et de compassion du chrétien. Il faudrait peut être en fait traduire ce verset de la manière suivante : "Et moi je vous dis de ne pas résister au méchant car il est dans la peine ", doublant le mot grec, mais insistant sur les deux dimensions du méchant qui à la fois fait le mal et à la fois souffre, même sans le savoir… Alors, l'économie générale du sermon sur la Montagne se trouverait intégralement respectée, car on y trouve une dimension de relation mutuelle !

Ces deux textes considérés comme similaires dans les Synoptiques se veulent avant tout être une critique de la loi du talion ; mais ils sont aussi plus que cela. On remarquera néanmoins d'emblée que le texte mathéen (Mt 5, 38-42) est bien plus dur et difficile à appliquer que le texte de Luc (Lc 6, 29-31) de par l'idée posée de ne pas résister au méchant. Par contre, dans l'Évangile de Luc, il n'est pas fait directement référence à l'idée de résister au méchant, même si certains des exemples que donne Jésus chez Matthieu s'y retrouvent. En fait, les deux textes doivent être lus conjointement car on retrouve chez Luc une phrase qui permet de mieux comprendre la dureté de [Mt 5, 39] : "Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux " (Lc 6, 31).

On retrouve certes cette phrase dans l'Évangile de Matthieu, mais bien après, en conclusion du sermon sur la Montagne : "Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux: c'est la Loi et les Prophètes " (Mt 7, 12). Il s'agit là, comme l'a écrit Jean Radermakers, de la règle d'or, résumé de la Loi et des prophètes. C'est donc bien là la clé de lecture de ce qui suit, car du mal ne peut naître le mal ! Et tout se fonde sur l'attitude individuelle de chacun.

Nous insisterons particulièrement dans un premier temps sur [Mt 5, 39]. Il s'agit de la cinquième antithèse du Sermon sur la Montagne à la justice radicale, antithèse relative à la légitime défense et à la riposte au conflit ouvert ; elle est située dans un passage visant avant tout à exposer l'idée de paix qui prédomine dans la pensée de Jésus, à la suite des Béatitudes… Ce n'est ici qu'une loi personnelle à lire à l'aune de la volonté de pratiquer les Béatitudes, et non pas d'une loi d'État. Ce que veut faire comprendre Jésus, c'est que dans la sphère du privé, tout coup, même justement porté, entraîne une réaction de violence, créant une chaîne sans fin de violence. Jésus s'adresse en effet ici aux individus et leur donne des préceptes individuels. Ce n'est pas à l'homme de se venger, même en cas d'injustice ; il est pour cela une justice supérieure, celle de Dieu, comme le dit saint Paul : "Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu " (Rm 12, 19), donc d'une certaine manière aussi celle collective des hommes, puisque, toujours selon saint Paul, tout pouvoir vient de Dieu (Rm 13, 1), alors que les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal (Rm 13, 3). Ici donc, pour prévenir la vengeance, il y a la justice terrestre, en tant qu'image ou lieutenance de la justice divine, l'autorité et les magistrats disposant du glaive pour punir les méchants : " Ce n'est pas en vain qu'elle porte le glaive : en punissant, elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur. " (Rm 13, 4).

En parlant des méchants, Jésus évoque avec réalisme la nature de certains hommes - voire de l'homme lui-même -, ainsi que les rapports qui en découlent, tout ceci étant finalement la finalité de son propos sur la justice dans le Royaume des Cieux (Mt 5, 17-7, 12), la Loi ne pouvant s'accomplir que par une justice surabondante, même si elle ne sera véritablement accomplie qu'hors du monde. Jésus parle surtout aux hommes de la justice du Royaume des cieux, plus que de celle de la terre, même si l'accomplissement de cette justice des Cieux dès le monde terrestre est une piste vers le Royaume. Il nous montre surtout qu'Il est venu pour accomplir et humaniser la Loi qui ne doit plus être maîtresse mais servante des hommes, cette Loi ne pouvant de plus s'accomplir que par une justice surabondante, ou plus encore par un Amour surabondant.

Certains hommes ont une intention mauvaise, et la réaction classique est de chercher à se faire justice soi-même. Or, Jésus n'est favorable ni à la loi du talion, qui se veut dans son principe équilibre - ce qu'elle n'est pas dans son application dès lors que les pharisiens et les scribes ne s'attachent qu'à la lettre de la Loi et non pas à son esprit -, ni au fait de se faire justice soi-même. Il fait d'ailleurs à plusieurs reprises référence aux juges et à leur rôle social, tout comme saint Paul, en particulier en [Rm 13, 3]. La loi du talion était pourtant déjà progrès par rapport à la vengeance pure et simple (Ex 21, 24 ; Lv 24, 20 ; Dt 19, 20), même si elle n'était pas spécifique aux seuls Hébreux comme le montre par exemple le Code de Hammurapi qui est dominé par cette double idée d'équilibre et de proportionnalité de la peine, mais non pas du dol ou du mal subi. Mais la loi du talion est fondée sur les idées de riposte et de représailles, ce qui peut conduire à une spirale sans fin de violence, un peu comme dans les cas de vendetta en Corse ou comme le démontre encore l'actuelle situation au Moyen-orient. Le sang appelle le sang ! Or, ce n'est pas là la vision de Jésus ! Ce que recommande Jésus c'est tout d'abord de ne pas être l'agresseur. Puis de ne pas résister à l'agresseur, renversant ici la logique traditionnelle de la Loi, allant même très loin puisque demandant certes de ne pas répondre à la violence par la violence, mais aussi de ne pas chercher à se défendre par une procédure légale, encore que ce dernier point ne soit pas véritablement avéré, car il évoque plus le cas où l'on est soi-même déféré devant un juge, et demandant dès lors surtout de ne pas attendre le jugement, même en cas d'injustice, en renonçant à son droit. Il ne s'agit pas là d'une hyperbole manifestant une pure intention, mais d'un acte à vivre, comme le feront les Apôtres (Ac 5, 41). Il y a en fait mise en perspective entre sa propre attitude et l'attitude du Père (Mt 5, 42 par rapport à Mt 7, 11). C'est le prolongement de l'Amour du prochain jusqu'à l'Amour de l'ennemi. Tout se retrouve dans le Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait de [Mt 5, 48].

Selon cette parole, il apparaît ainsi que la violence, privée du support que lui procure la résistance de ses victimes, disparaîtra d'elle-même. Il ne s'agit ni de résignation, ni démission, mais d'un acte de foi, d'un acte de confiance. Il y a avant tout rejet de la loi individuelle du talion (Dt 19, 18-21), loi qui était déjà elle-même atténuation de la vengeance personnelle en imposant une proportionnalité. C'est le courage du dialogue, de la volonté, de la conciliation, de la réconciliation qui est mis ici en avant, bien plus que la simple non-violence, que la passivité, que la non résistance… C'est aussi l'encouragement à la vertu de patience. Il faut savoir tendre la main à celui qui nous fait du mal, et non pas lui rendre le mal, car notre devoir de chrétien est de chercher à le sauver avant tout pour qu'il devienne un juste à son tour. C'est là le véritable honneur du chrétien. Ce n'est pas un appel au renoncement, mais un conseil de vie, Jésus sachant très bien que l'homme ne peut être parfait ; saint Pierre lui-même nous le démontre par ses actes, alors même qu'il est le détenteur des clés du Royaume (Mt 16, 19) … Jésus nous demande surtout de dépasser la justice des pharisiens et des scribes, l'idéal étant que Jésus accomplit toute justice (Mt 3, 15). En fait, l'authentique justice s'accomplit dans le secret, devant le Père (Mt 6, 1-18), et Jésus nous demande surtout d'éviter d'être nous mêmes des sources de querelles, la réponse brutale à la méchanceté étant elle-même méchanceté. Le chrétien se doit donc avant tout de faire œuvre de charité (1Co 13, 13), donc doit faire preuve au maximum de mansuétude, la priorité étant avant tout, outre d'aimer, de ne surtout pas être hypocrite (cf. Mt 6, 2) …

Jésus précise ici toute l'étendue du devoir de charité, car il ne faut pas répondre au mal par le mal, car on n'est plus alors en présence d'un bon et d'un méchant, mais de deux méchants ! C'est finalement ce que dit saint Augustin, même s'il se fonde dans ce cas sur [Rm 12, 21], en proclamant : "Tu le condamnes et tu fais comme lui ? Tu veux par le mal triompher du mal ? Triompher de la méchanceté par la méchanceté ? Il y aura alors deux méchancetés qu'il faudra vaincre l'une et l'autre. " (Saint Augustin, Sermon CCCII, 10).

C'est aussi ce qu'écrivait saint Paul : " Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à coeur de faire le bien devant tous les hommes " (Rm 12, 17), ou encore l'Apôtre Pierre lui-même : "Ne rendez pas le mal pour le mal, ou l'insulte pour l'insulte ; au contraire, bénissez, car c'est à cela que vous avez été appelés, afin d'hériter la bénédiction " (1P 3, 9).

Il s'agit donc bien là d'une parabole à finalité morale et individuelle, d'un appel absolu à faire le bien, donc à dépasser sa nature humaine, par delà et à cause de la Grâce divine ! Pourtant, il ne s'agit pas là d'une obligation, mais d'un conseil, Jésus lui-même ne l'ayant pas appliqué en [Jn 18, 22-23] en questionnant le garde l'ayant giflé lors de son arrestation, acceptant cette gifle si Lui a mal parlé ! Il faut surtout que l'individu évite de tomber dans les péchés de colère ou de vengeance, qui sont contraires à la volonté divine, vengeance personnelle qui était déjà condamnée dans l'Ancien Testament (Lv 19, 18). Il faut avant tout chercher à conquérir son agresseur par la force de la mansuétude. On retrouve ici la condition de ne pas être l'agresseur posée par saint Augustin pour qu'une guerre soit juste. Ce n'est donc pas ce passage, qui fonde le renoncement, mais bien plus [Mt 5, 29] qui impose de ne pas faire scandale. En fait, saint Thomas d'Aquin a bien entrevu la question en étudiant dans le même ensemble la guerre, la rixe, la sédition, …, unissant dans une même réflexion les péchés contre la paix que sont la discorde, la dispute, le schisme, la guerre, la rixe, la sédition, le scandale et la sottise, insérant dans cette partie de la IIa-IIae les préceptes de la charité et le don de sagesse, alors même qu'elle traite avant tout du péché ! Face à l'outrage, aux corvées, aux chicanes, il faut avant tout ne pas chercher à répondre, car le méchant va trouver dans cette résistance motif à continuer ; et il y a donc avant tout devoir de chercher à convaincre, avant d'agir.

En aucun cas ce texte ne se rapporte à l'attitude collective de l'État ; il ne relève que de la sphère individuelle, et de la mise en œuvre en chacun du commandement d'Amour du prochain. On peut ici penser au sermon CCCII de saint Augustin (au § 11) où il rappelle, s'appuyant d'ailleurs sur saint Paul : "Il y a pour les méchants des juges, il y a des pouvoirs établis. " Ce n'est pas sans raison, dit l'Apôtre, que le pouvoir porte le glaive ; car il est le ministre de Dieu dans sa colère : mais contre celui qui fait le mal. Le ministre de la colère divine contre celui qui fait le mal. Si donc tu fais le mal, poursuit-il, crains. Ce n'est pas sans raison qu'il porte le glaive. " " Même si l'homme doit tendre individuellement vers la justice, ce n'est pas à lui individu de l'assumer, mais bien plus à Dieu ou à l'État… On doit aussi rapprocher ce passage des paroles de Jésus relatives aux fils du Royaume et aux fils du méchant (Mt 13, 36-50). Nous ne devons pas être des méchants, car Dieu lui-même les jettera dans le feu de l'enfer (Mt 13, 50). Et Jésus nous montre bien que l'évolution de l'homme est lente, le juste et le méchant se révélant peu à peu à eux-mêmes…

Ce texte peut cependant se rapporter indirectement à l'État - en tant que réunion d'une population humaine - en lui faisant pour obligation de chercher, même en cas d'injustice subie, de chercher avant tout la paix, la conciliation, bref de ramener le méchant dans le droit chemin. Et il y a surtout rejet de l'égalité traditionnelle existant entre l'affront subit et la riposte à rendre ; de ce fait, la guerre ne doit pas avoir de conséquences pires que l'affront subit. D'ailleurs, Jésus donne une indication en ce sens un peu plus loin en évoquant les jugements des tribunaux, même s'Il demande à ses disciples de chercher avant tout à les éviter (Mt 5, 40). Dans tous les cas, il faut échapper à l'engrenage de la violence. On peut ici penser à ce qu'est théoriquement le judo, c'est-à-dire une voie de la souplesse cherchant à utiliser la force de l'autre pour le vaincre lui-même, la force étant ici l'indicible force de l'Amour et de la charité ; on peut aussi penser à la non-violence telle que prêchée par Gandhi ou par le Pasteur Martin Luther King. Par la gratuité de l'acte individuel de non réaction, Jésus donne à l'homme un moyen d'accéder lui-même à la gratuité de la grâce divine. Et l'on rejoint ici à nouveau saint Augustin…

Ces paroles de Jésus, plus qu'un ordre impératif - Il sait que tout cela ne sera possible que dans la Cité de Dieu -, sont avant tout un appel à la conversion personnelle et à s'amender soi-même. Il sait bien que nous ne pouvons les suivre dans tous les cas, mais il nous y encourage, cherche surtout à donner un sens à la Loi qui ne doit plus être conçue comme quelque chose de figé et d'inhumain, mais avant tout comme quelque chose de vivant et à adapter aux circonstances, alors même qu'Il ne la remet pas en cause…

Deux remarques maintenant :

- Jésus nous demande, si nous sommes frappés sur la joue gauche, de tendre l'autre (Mt 5, 39). Mais il ne nous dit rien si l'on est à nouveau frappé, car l'homme n'a que deux joues… Sans chercher à discuter pour savoir ce qu'est cette autre joue comme l'a fait par exemple saint Augustin, ce n'est pas un mauvais calembour que de poser la question du que faire après, car Jésus lui-même peut être violent (Mt 21, 12-17) ;

- pour ce qui est des exemples donnés par le Christ, il n'est pas question ici du cas où l'on veut soi-même mener quelqu'un devant le juge, mais du cas où l'on est l'accusé ; et lorsque l'on est forcé à marché et que l'on marche plus, celui qui force à marcher doit marcher avec soi.

En fait, ce passage ne doit pas être isolé du reste du Sermon sur la Montagne, car il est un élément clé de l'économie globale, et il ne doit donc se lire qu'à la seule aune des Béatitudes et des commandements individuels d'Amour (Mt 22, 36-40), la Loi elle-même étant ici dépassée expressément par Jésus qui l'accomplit (Mt 5, 17-20), même s'Il semble la durcir ou la contredire, notamment lorsqu'Il parle de l'adultère (Mt 5, 27-32) ou encore des rapports entre frères (Mt 5, 21-26) : "N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. Car, en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé. Dès lors celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements et enseignera aux hommes à faire de même sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. Car je vous le dis: si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, non, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux " (Mt 5, 17-20).

Dans le sermon sur la Montagne, et vues les références citées par Jésus, la Loi doit se comprendre comme étant l'ensemble des commandements que Dieu a donné à son peuple ; elle est donc plus que le Décalogue, et, dans l'absolu, on peut estimer, surtout du fait de la référence aux Prophètes, que Jésus parle de la Loi comme étant à la fois les commandements et les livres du Pentateuque contenant ces commandements, sens que reprendra saint Paul en [2Co 3, 15]. Par contre, et là encore du fait de la référence aux Prophètes, elle ne peut s'entendre comme dans [Jn 10, 34] ou [Rm 3, 19] au sens d'ensemble de l'Ancien Testament. Ceci renforce le caractère moral et non pas politique du sermon sur la Montagne, et l'on peut retrouver dans les antithèses le sens de force poussant l'homme à choisir entre le bien et le mal que donne saint Paul à la Loi en [Rm 7, 22-23] et en [Rm 8, 2].

Le lien est dès lors facile avec le texte des Béatitudes, avec [Mt 5, 4] et [Mt 5, 9] dont [Mt 5, 39] est en quelque sorte l'apothéose : "Heureux les doux : ils auront la terre en partage. " ; "Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu. ", un lien devant aussi être établi avec [Mt 5, 21-26] : "Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commettra un meurtre répondra au tribunal. Et moi je vous le dit : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère : "Imbécile" sera justiciable du Sanhédrin ; celui qui dira : "Fou" sera passible de la géhenne du feu. Quand tu vas présenter ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère à quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande. Mets-toi vite d'accord avec ton adversaire, tant que tu es en chemin avec lui, de peur que cet adversaire ne te livre au juge, le juge au gendarme, et que tu ne sois jeté en prison. En vérité, je te le déclare : tu n'en sortiras pas tant que tu n'auras pas payé jusqu'au dernier centime. ", et surtout [Mt 5, 44] : "Aimez-vos ennemis ! "

C'est ce qu'Hilaire de Poitiers synthétisa par ces mots : " La foi prescrit d'aimer ses ennemis et par le sentiment universel de la charité elle brise les mouvements de violence dans l'esprit de l'homme, non seulement en empêchant la colère de se venger, mais encore en l'apaisant jusqu'à aimer celui qui a tort. " (Hilaire de Poitiers, In Mat. 4, 27).

Un dernier point : ne s'agit-il pas aussi et avant tout du prêche d'une attitude à venir, de celle à tenir face aux persécutions qui viendront dans les premiers siècles de l'Église ? Car Jésus évoque souvent la persécution à cause de son nom, tant chez Matthieu (Mt 5, 11-12) que chez Luc (Lc 6, 22) ! Et surtout, Jésus ne parle t-il pas de sa propre Passion ? "Vous avez condamné, vous avez assassiné le juste: il ne vous résiste pas " (Jc 5, 6).

Conclusion pratique : dans un souci permanent de justice et d'Amour du prochain, il ne faut pas être l'agresseur, et il faut rechercher avant tout la paix, y compris parfois en donnant l'impression de renoncer, tant que ce renoncement ne remet pas en cause la respect des deux grands commandements d'Amour… On peut lutter, repousser, mais toujours avec l’Amour au cœur !

Enfin, je te rappelle ce que nous dit Saint Augustin. Tout d’abord, saint Augustin reste dans toute son œuvre fidèle à son maître Ambroise de Milan selon lequel la foi ne se conquiert pas par les armes. Pour lui, la religion n'est pas une cause de juste guerre, et nulle guerre pour la foi, pour le nom du Christ ne peut être menée, comme il l’écrivit clairement en 408, reprenant l’épisode de [Mt 26, 52] : " Considérez aussi les temps du Nouveau Testament, lorsqu’il a fallu non plus seulement garder au cœur la douceur de la charité, mais la mettre en lumière, lorsque le glaive de Pierre a été remis au fourreau par le commandement du Christ, afin de montrer qu’il ne fallait pas tirer l’épée pour le Christ lui-même. " (Lettre XCIII à Vincent, 8). Si la guerre est interdite pour défendre la personne du Christ elle-même, combien plus est elle impossible en son nom !

Tu pourrais me rétorquer sa Lettre CLXXXV, datée de 417 : " Il y a une persécution injuste, celle que font les impies à l'église du Christ ; et il y a une persécution juste, celle que font les églises du Christ aux impies. (...) l'église persécute par amour et les impies par cruauté. " Si saint Augustin se fonde ici sur [Lc 14, 15-24], il faut aussi lire les mots qui suivent dans la même lettre CLXXXV ! Témoignent de plus de ce refus, sa Lettre XCIII à Vincent de 408 déjà citée, sa Lettre LXXXVIII à Janvier de 406 où il expose ses protestations contre les exactions des donatistes contre les chrétiens, exactions que l’on qualifierait aujourd'hui de violations des droits élémentaires de l'homme et de la dignité de la personne. On peut encore évoquer sa Lettre LXXXIX à Festus où il demande l'appui de la loi, mais rien de plus, face à des violations des droits les plus élémentaires de la personne, tel le refus fait aux chrétiens de pouvoir faire cuire leur pain. On peut aussi lire sa Lettre CXXXIV à Apringius de 412 où il s'élève contre l'application de la peine de mort contre les conventicules donatistes, ou encore sa Lettre CLXXXV à Boniface de 415 où il expose sa théorie de répression de l'hérésie, et en aucun cas une théorie de la persécution. De même, on peut relire sa Lettre CLXXXIX à ce même Boniface ou encore sa réponse contre les lettres de Pétillien, par exemple en [II, 33]… On peut aussi penser à sa théorie du baptême dans son Commentaire sur l’Évangile de saint Jean en [VI, 7] … La seule riposte admise, dans le temps (post-)christique, par saint Augustin est donc la défense visant à réparer une injure grave, et nulle autre ! Dans tous les autres cas, la riposte est injuste, et il n'est pas permis au chrétien d'y prendre part. Cette question de définition fait qu'il est nécessaire de définir strictement les critères faisant q’une riposte est juste ou injuste.

Pas facile ! Mais là, souvenons nous ces paroles de Saint Étienne : " Seigneur, le leur compte pas ce péché " (Ac 7, 60)… Souvenons nous aussi de ce précepte de Saint Augustin : " Une fois pour toutes, on t’impose un précepte facile : Aime, et fais ce que tu voudras. " (Septième traité sur l’Épître de saint Jean aux Parthes, 8).

Dieu ne nous demande pas "d'embrasser notre ennemi sur la bouche", mais de l'aimer comme un Frère d'humanité... Et il est un devoir moral pour le chrétien d'essayer de la faire !

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Message non lu par laiglejo » jeu. 23 mars 2006, 15:10

SBS dit :
Et, selon moi, ce sacrifice qu'il a fait à nous qui le vampirisions d'une certaine manière, c'est le vrai signe de sa Sainteté !
Il s'est laissé manger comme du bon pain, comme ne "hostie vivante et agréable à Dieu

Je suis aussi une fille de Jean-Paul II

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Message non lu par Etrigan » jeu. 23 mars 2006, 15:43

Nous sommes donc bien d'accord.

En tout cas, ton texte, bien qu'un peu trop lmong (pas facile de rester concentré) est tout à fait intéressant et pertinent. Félicitations !
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Message non lu par Hélène » jeu. 23 mars 2006, 22:29

Etrigan a écrit :Un parcours intéressant :)

Mais encore une fois, je pense, à l'instar du théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup, que cette phrase de Jésus est une proposition car il n'y a pas d'amour vrai, sans spontanéité.
On ne peut pas aimer son ennemi, par exemple. On peut le respecter, l'aimer comme être humain, mais l'aimer comme on aime son frère n'est pas possible.

Comme le disait Freud dans Malaise dans la civilisation, si l'on aime tout le monde de la même manière, alors, sa mère est au même niveau que le passant que l'on croise ? Je ne suis pas sûr que ce soit un amour sincère, car l'amour, même universel, connaît des priorité et des sensibilités.
Le danger est de confondre l'amour avec le sentiment d'aimer et de se savoir aimé en retour. L'Amour est au delà du sentiment (il implique l'affectivité bien sûr). Je peux très bien avoir une aversion ou une répulsion envers celui qui me fait du mal tout en lui voulant du bien et qu'il se convertisse. Évidemment que nous n'aimons pas notre ennemi comme nous aimons notre mère. Il ne s'agit pas de l'aimer de la même manière mais de l'aimer du même Amour...qui dans le cas de l'ennemi se révèle être un Amour de Charité (Agapê), un davantage de l'Amour qui ne vient pas de nous mais de la Grâce, qui est au-dessus de l'amour humain naturel que l'on ressent de la part (et pour) d'une personne qui nous rend la réciproque. Mais comme l'a si bien explicité SBS, il ne nous est pas demandé quelque chose d'impossible : de ne pas vouloir se venger, de vouloir le bien de mon ennemi, de prier pour le salut de son âme est déjà de l'amour au delà de ce qu'humainement nous pouvons "ressentir" ou vouloir de toutes nos forces. C'est déjà de s'être soumis à l'action de l'Esprit Saint que de ne pas tomber dans un esprit de vengeance ou de ruminer sa perte.

Tout cela est bien difficile à vivre concrètement...
Seule la grâce qui nous est offerte en Jésus-Christ nous donne de pouvoir y accéder.
Fraternellement,
Hélène
"Le Père n'a dit qu'une seule Parole, c'est son Fils et, dans un éternel silence, il la prononce toujours". (Saint Jean de la Croix)

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Message non lu par Renaud » sam. 25 mars 2006, 17:06

À SBS,

Vous avez écrit:
"Ce n'est pas à l'homme de se venger, même en cas d'injustice ; il est pour cela une justice supérieure, celle de Dieu, comme le dit saint Paul : "Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu " (Rm 12, 19), donc d'une certaine manière aussi celle collective des hommes, puisque, toujours selon saint Paul, tout pouvoir vient de Dieu (Rm 13, 1), alors que les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal (Rm 13, 3). Ici donc, pour prévenir la vengeance, il y a la justice terrestre, en tant qu'image ou lieutenance de la justice divine, l'autorité et les magistrats disposant du glaive pour punir les méchants : " Ce n'est pas en vain qu'elle porte le glaive : en punissant, elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur. " (Rm 13, 4).



Oui, votre intervention est une bonne référence sur ce terrain "extrêmement glissant" . En le lisant, je pensais à la "situation" des chômeurs et des exclus, ceux-ci peuvent-ils "aimer" ceux qui, à tort ou à raison, ont signé leur lettre de licenciement? Ceux qui licencient n'ont presque jamais (aux Prud'homme près) à craindre les magistrats "terrestres", et le chômeur est, dans l'écrasante majorité des cas, une victime innocente. Alors?

Votre dévoué
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le christianisme accomplissement de l'esprit de la Torah

Message non lu par Grichka » mar. 08 août 2006, 18:19

bonjour,
Je ne comprends donc pas comment un Chrétien peut reconnaître dans l'Ancien Testament le Dieu de Jésus : comment régler ce paradoxe.
Matthieu 5:18 Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la Torah un seul Yod ou un seul trait de lettre (Vav), jusqu’à ce que tout soit arrivé.
Les témoignages que sont les évangiles s'appuient entièrement sur la Torah, les évangélistes en témoignent eux-mêmes.
Image
J'ai eu moi aussi cette interrogation sur l'identité du Dieu de la Torah. J'ai été amené à apprendre l'hébreu, et à suivre un enseignement rabbinique. Cette expérience de lecture et d'étude de la Torah en sa langue originale et sous un autre regard, celui de nos frères juifs, m'a amené à lire autrement la Torah et finalement à voir dans le Christ l'accomplissement de l'esprit de la Torah.
Les rabbins qui m'ont enseigné avaient l'habitude de dire que Dieu, la Torah, le peuple israélite ne sont qu'un.
Ceci signifie que la lecture de la Torah est inséparable de la vie du peuple qui s'inspire de la Torah et donc de l'esprit divin qui anime ce peuple. De même que le peuple est vivant, de même la lecture de la Torah est vivante.

Une erreur répandue consiste à penser que la Torah est un livre de lois. Non, les préceptes écrits dans la Torah sont ceux du code babylonien d'Amourabi, le premier code juridique écrit connu. La Torah n'a pas comme vocation d'être un code, mais bien plutôt de poser la question du code juridique, donc de l'esprit d'un code.
La Torah a ceci de grandiose qu'elle ne pose pas la transgression juridique, la chute comme une malédiction, mais bien plutôt comme l'occasion d'un salut bien plus haut, l'occasion de parfaire la Loi en son esprit.
Ainsi le premier péché écrit : le meurtre fratricide d'Abel par Caïn ne condamne pas Caïn, tout au contraire il sera la source de rédemption par laquelle l'humanité entrera dans l'histoire civilisatrice.
La violence de l'humanité sera la source de l'Alliance avec Noé.
La stérilité et la mort qui frappe la famille de Térah sera la source du pélerinage d'Abraham, et donc la source de génèse du peuple israélite.

Le reniement, la trahison par les disciples de Jésus, son accusation, sa mis à mort du Christ est la source de notre salut.

Le christianisme a sa source dans la Torah, et se propose comme plénitude de la vocation du peuple israélite d'être lumière de paix et de justice au milieu des nations.

Le christianisme a malheureusement failli à sa vocation en deux millénaires d'histoire tortueuse et violente. Mais c'est en cette chute assumée, que le peuple chrétien d'aujourd'hui trouve la source d'inspiration de l'accomplissement de sa vocation.

Il ne s'agit pas d'être fidèle à la lettre, fidélité qui tue, mais d'être fidèle à l'esprit de la lettre, fidélité qui vivifie.

cordialement votre,

Christian
"Là où la lumière éblouie et dessèche, j'apporte de l'obscurité, là où l'obscurité perd et refroidit j'apporte de la lumière, c'est plus fort que moi." Canard boiteux

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Re: Le Dieu des Juifs est-il le Dieu des chrétiens ?

Message non lu par Carolus » dim. 11 nov. 2018, 2:40

Etrigan :

Je ne comprends donc pas comment un Chrétien peut reconnaître dans l'Ancien Testament le Dieu de Jésus : comment régler ce paradoxe.
Il n’y a pas de paradoxe, cher Etrigan.
CEC 590 Seule l’identité divine de la personne de Jésus peut justifier une exigence aussi absolue que celle-ci : " Celui qui n’est pas avec moi est contre moi " (Mt 12, 30) ; de même quand Il dit qu’il y a en Lui " plus que Jonas, (...) plus que Salomon " (Mt 12, 41-42), " plus que le Temple " (Mt 12, 6) ; quand Il rappelle à son sujet que David a appelé le Messie son Seigneur (cf. Mt 12, 36. 37), quand Il affirme : " Avant qu’Abraham fut, Je Suis " (Jn 8, 58) ; et même : " Le Père et moi nous sommes un " (Jn 10, 30).
Jésus a dit: “ Le Père et moi nous sommes un " (CEC 590).

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Re: Le Dieu des Juifs est-il le Dieu des chrétiens ?

Message non lu par Invité » mar. 18 déc. 2018, 8:30

Il faut prendre en compte que la révélation de l'Ancien Testament est partielle et partiale. La véritable connaissance de Dieu vient à la lumière de son Fils Jésus qui rétablit toute vérité en venant dans le monde. Il est celui qui apporte la pleine connaissance de Dieu qui est Amour.

L'Alliance de l'Ancien Testament peut sembler dénuée de tout fondement spirituel puisque, lue littéralement, elle semble concerner la promesse du don d'une terre et d'une descendance. Il est donc facile d'y voir les préoccupations d'un peuple en quête d'identité plutôt qu'une révélation de Dieu. Pour saisir le sens et la profondeur de la première Alliance, il faut la mettre en relation avec les Évangiles afin de trouver le lien logique qui les unit. On remarque très clairement que les aspects de possession d'une terre sont étrangers à Jésus : alors que nombre de ses compatriotes attendaient un messie qui libérerait Israël du joug romain pour restaurer l'unité originelle (après la conquête de Canaan) et établir son règne, Jésus affirme au contraire que son Royaume n'est pas de ce monde.

L'Alliance de l'Ancien Testament doit donc être lue sous une perspective spirituelle : la descendance d'Abraham ne réside pas tant dans la chair que dans la foi que les hommes de tous temps placent en Dieu. Abraham est donc le père d' une multitude de croyants.

De même, la terre promise à Israël afin qu'il y serve Dieu dans la justice et la fidélité est avant tout spirituelle : il s'agit du Royaume de Dieu qui est au cœur de la prédication de Jésus.

La violence que l'on retrouve de manière omniprésente dans l'Ancien Testament ne vient pas de Dieu mais des hommes. Ces récits doivent se lire une nouvelle fois dans l'idée d'une lutte spirituelle du bien contre le mal. Ainsi, les plaies d'Égypte sont avant tout l'affirmation qu'il n'y a qu'un seul Dieu légitime. Le récit est clairement une condamnation du polythéisme égyptien et des prétentions divines d'un Pharaon qui n'est qu'un homme mais cherche à s'élever indûment. Au contraire, Israël qui place sa foi en Dieu est sauvé de la puissance militaire de Pharaon.

De même, la Loi de Moïse exposée pour partie dans le Lévitique, lue en parallèle aux paroles de Jésus doit être avant tout un appel à la purification intérieure, comme une renonciation au mal. On voit bien que les personnes impures selon la Loi de Moïse par leurs tares physiques sont celles qui ont accouru vers Jésus et à qui il s'est entièrement consacré.

N'oublions pas que la création de l'univers et de l'humanité n'est pas accidentelle mais est le fruit d'une volonté divine. Le moteur de cette création n'a pas d'autre origine que l'Amour. On le retrouve à merveille dans les Évangiles. Lisons donc l'Ancien Testament sous ce prisme.

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