Différences entre la Vulgate et la LXX

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Scratchy
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Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Scratchy » jeu. 31 janv. 2013, 12:14

Bonjour à tous,

Après une recherche rapide sur internet, j'ai appris que la version de la Septante était celle qui était utilisée aux premiers temps de l'Eglise.
Je me demande alors pourquoi St Jérôme a traduit à partir de l'hébreu et non à partir du grec pour rédiger la Vulgate.

Quelles sont les différences entre la version grecque et latine?

Merci.

Epsilon
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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Epsilon » jeu. 31 janv. 2013, 13:27

Bonjour

Je disais ICI :

k) vers 391-404 … Jérôme, installé à Bethléem, qui prône la « veritas hebraica » !!! ne retient plus que les livres de la bible hébraïque … pour lui Si, Sg, Jdt, Tb, I-IIM sont des livres douteux (PL 29,404c) « apocryphes » (PL 28,536) … on peut les lire pour édifier le peuple mais pas pour confirmer le dogme de l’Eglise (PL 28,1243a) … c’est une position ambiguë qui embrouille les distinctions faites par Athanase.

et ...

m) vers 418 … Augustin étonné par les traductions latines de Jérôme … et très attaché à la LXX traditionnelle dans l’Eglise avec ses livres propres auxquels la chrétienté africaine tient depuis le II siècle … Augustin participe au Concile d’Hippone (393) … et, comme évêque, à ceux de Carthage (397) (CChr SL 149, p. 340) et (418).

Bref ... St Jerôme, à mon sens, n'aurait du jamais remettre en cause la LXX ...


Cordialement, Epsilon

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Philochristos » dim. 10 févr. 2013, 16:10

Bonjour scratchy, si cela vous intéresse il y a plusieurs articles sur mon blog consacrés à ce sujet :

http://philochristos.wordpress.com/category/septante/

Vous y trouverez notamment un certain nombre de différences, mais la liste n'est pas exhaustive.

Je donne aussi quelques exemples dans cet article :

http://philochristos.wordpress.com/2013 ... cabulaire/

Notons un élément intéressant, c'est qu'à la même époque, les syriaques ont fait exactement l'inverse. Leur première Bible était traduite depuis le Texte Massorétique, mais au IV ème siècle, ils ont retraduit depuis la Septante.

L'imposition de la Vulgate dans l'Eglise a été beaucoup plus longue que ce qu'on dit bien souvent. Grégoire le Grand par exemple était très attaché au texte de la Septante.
Ce texte est d'ailleurs toujours en vigueur dans les Eglises orientales.

Si vous avez des questions, n'hésite pas.

Bien cordialement,
Vidéo de présentation :
http://www.youtube.com/watch?v=6y1hy2yWWXc

Blog consacré au christianisme (histoire et théologie) :
http://philochristos.wordpress.com

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Epsilon » dim. 10 févr. 2013, 17:34

Bonjour Philochristos

Votre blog m'a l'air intéressant et le parcourerais à tête reposée :cool:

Ce que je voudrais dire pour l'instant ... c'est que vous faites un mauvais usage de la notion même de "texte massorétique" car ce dernier n'existe qu'à partir du IX siècle ap JC (fixation définitive des voyelles/consonnes et ponctuations) ... donc concernant tout ce qui avant cette date il vaut mieux utiliser le terme de "bible hébraïque".


Cordialement, Epsilon

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Philochristos » dim. 10 févr. 2013, 18:09

Bonjour Epsilon,

Vous avez raison, en soi le texte massorétique désigne le texte vocalisé, il faudrait donc plutôt parler de "texte proto-massorétique" pour être précis.

Par contre le terme de "Bible hébraïque" peut aussi être ambigu, car le texte hébreu ne correspond pas forcément au texte proto-massorétique. Certaines différences de la LXX peuvent s'expliquer par un texte hébreu différent (même chose pour Flavius Josèphe qui utilise un texte différent dont on a retrouvé des traces à Qumran) . A la limite on pourrait envisager le terme de "texte pharisien" ou "bible rabbinique', puisque c'était eux qui utilisaient ce texte.

Cordialement,
Vidéo de présentation :
http://www.youtube.com/watch?v=6y1hy2yWWXc

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Epsilon » dim. 10 févr. 2013, 19:30

Non non ... soit "bible hébraïque" soit à la rigueur "texte proto-massorétique".

Si le texte massorétique ... dans sa très très large majorité est conforme à la "bible hébraïque" (proto-massorétique) puisque le canon hébraïque a été fixé bien avant les massorètes ... la seule chose que l'on peut soulever c'est que le texte massorétique fixe/fige le sens des termes une fois pour toute ... et ce sens est celui choisi/imposé par des rabbins pharisiens puisqu'il ne restait plus qu'eux.

Par contre si vous pouvez pousser le bouchon plus loin il faudrait aussi mettre en parallèle les manuscrits de Qumran ... je ne sais pas si le travail de comparaison a déjà était fait ... du moins complètement fait.

Ainsi nous aurions :

a) La LXX

b) les manuscrits de Qumran,

c) les textes proto-massorétiques,

d) les textes massorétiques ... sachant que les traductions, sauf mention contraire, de nos bibles partent de ces textes massorétiques.

Bon courage :cool:


Cordialement, Epsilon

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Invité » dim. 10 févr. 2013, 21:07

Bonsoir Epsilon,

Les manuscrits de Qumran ne sont pas une catégorie en soi, puisqu'on retrouve des textes très divers. Le livre de Jérémie par exemple figure sous ses deux formes (LXX et proto-massorétique).

Par ailleurs comme je l'ai mentionné, il y a aussi d'autres nuances. La Bible utilisée par Flavius Josèphe ne correspond ni au texte proto-massorétique, ni à la LXX. Mais on a pu retrouver des rapprochements avec certains textes de Qumran.
Par contre si vous pouvez pousser le bouchon plus loin il faudrait aussi mettre en parallèle les manuscrits de Qumran ... je ne sais pas si le travail de comparaison a déjà était fait ... du moins complètement fait.
Oui Emmanuel Tov avait catégorisé les textes.
De mémoire : 40% sont des textes proto-massorétiques, 40% des textes proches , 5% des textes de la LXX.

Après je ne me souviens plus des détails précis, mais je pourrai retrouver l'article à l'occasion.
d) les textes massorétiques ... sachant que les traductions, sauf mention contraire, de nos bibles partent de ces textes massorétiques
Oui. Cependant les dernières éditions (la TOB par exemple ) n'hésitent pas à corriger le texte en fonction des manuscrits de Qumran ou des anciennes versions (LXX notamment ou peschitta) lorsque la leçon est jugée meilleure.

On peut aussi signaler qu'une traduction de la LXX est en cours dans la collection "La Bible d'Alexandrie". Mais c'est plus une Bible universitaire qu'une Bible pour méditer :D (les notes de bas de pages sont plus importantes que le texte).

Bien cordialement,

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Langue d'origine de l'Ancien et du Nouveau Testament

Message non lu par seba15 » mer. 14 août 2013, 17:59

Bonjour,

J'ouvre une autre discussion a propos de la langue de la bible. A ce que j'ai cru comprendre les textes du Nouveau Testament ont été écrit en grec. Je me pose la question pourquoi avoir donc utiliser le latin aussi longtemps et même l'utiliser pour faire les messes ? Du coup il a fallu traduire tout le Nouveau Testament en latin et donc risquer des pertes dans les traductions.

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Re: Grec ou Latin

Message non lu par Fée Violine » mer. 14 août 2013, 20:37

Bonjour seba,

le grec a été utilisé aussi longtemps qu'il a été la langue internationale méditerranéenne. Mais lorsque l'Empire romain a étendu ses conquêtes, le latin a pris plus d'importance et il a fallu l'utiliser. Certes il y a toujours une déperdition lorsqu'on traduit, mais c'est mieux que de ne rien comprendre du tout.

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Re: Grec ou Latin

Message non lu par seba15 » mer. 14 août 2013, 20:41

On a conservé les textes grecs non ?
Il me semblent que les traductions récentes sont traduites du grec.

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Phileas Fogg
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Re: Grec ou Latin

Message non lu par Phileas Fogg » jeu. 15 août 2013, 0:08

Bonjour

il ne faut pas faire l'erreur de projeter nos conditions actuelles sur le passé :
il n'y a pas eu de traduction DU texte grec au latin.
* d'une part car il n'y avait pas LE texte grec
* d'autre part car il ne s'agit pas d'une traduction.

1. La fixation du corpus de référence de l'église latine s'est fait dans les premiers siecles, à cette époque il existe de grands groupes de textes, et chaque communauté à tendance à adopter des variantes, ceci pour le grec. Pour l'hebreu il faut conserver à l'esprit que la fixation s'est fait aprés l'an mil, certes les textes n'ont pas fait l'objet de retouches constantes mais dans les siecles qui précédent et suivent l'Incarnation il n'y a pas non plus UN texte hebreu mais des versions différentes. Le texte grec a aussi été retouché selon les traductions hebraiques : il y a des influences réciproques, regardez Theodotion par exemple, je pense que wikipedia à l'article LXX doit donner déjà un aperçu de la complexité. cet article http://thierry.koltes.free.fr/septante.htm vous donne un abrégé d'un livre disponible sur le site du Cerf en PdF de Mme Harl.
St Irénée si je me souviens bien, enfin l'exemple est connu et on le retrouvera facilement, cite à un moment le même verset selon une version et quelque lignes plus bas selon une autre version. Pour en dégager tout le sens bien sûr.

Cela est dérangeant car suppose d'accepter qu'il y a un mythe d'une Bible fixée avant l'Incarnation, dont l'Eglise se fait l'héritiére, et y ajoute l'Evangile et les lettres, en grec, qu'on traduit ensuite en latin. Désolé mais cela est faux. Non seulement la plupart des manuscrits que nous avons sont postérieurs à l'Incarnation, et il me semble qu'il y a là un signe : c'est l'Eglise qui produit le texte et non l'inverse, mais la science nous indique que circulaient en même temps des versions en grand nombre, non seulement divergentes dans le même temps (du fait de raisons ecclesiologique ou théologique) mais qui ont connu des divergences aussi au fil des âges.

Avoir LE texte grec suppose donc un artifice : recourir à une reconstruction, une édition critique, qui n'est du reste pas encore terminée. La plus commune étant Nestlé-Aland, sortie l'année dernière mais seulement nouvelle pour les lettres apostoliques, integrant plus largement les leçons de tradition byzantine (en gros) qu'on tenait pour tardives.

2. St Jerôme n'a donc pas traduit un texte grec, qui n'existait pas du reste, mais opéré une synthése sur la base de manuscrits en langue greque, sémitique, et surtout des explications du sens des textes, tant auprès de textes que nous n'avons plus, que de traditions recueillies aussi bien dans les milieux chrétiens que juifs du reste.
Je vous donne un exemple extrait d'un article de Christophe Rico :
"et cognosco meas
et cognoscunt me meae
sicut novit me Pater et ego agnosco Patrem"

Dans ce verset de la Vulgate, le choix de trois termes latins différents pour rendre un même verbe grec ne tient nullement au simple souci de variatio stylistique : chaque mot, au contraire, semble avoir été pesé.
La connaissance réciproque liant Jésus à ses brebis appelle un verbe latin évoquant le processus cognitif (cognosco).
La connaissance éternelle que le Père a du Fils suscite en revanche la forme novit, qui dénote la perfection de cette
intellection. Marquée en latin par agnosco (‘reconnaître’), la connaissance que le Fils a du Père évoque enfin l’exemple du Christ entraînant les hommes vers celui qui l’a envoyé.
Cet exemple illustre le fait que St Jerôme n'a pas procédé à une traduction mais à une synthése, laquelle conformément à la nature des choses n'a pas pour objet de transmettre la lettre, des formules, mais le sens théologique.
Christophe Rico est un ami que j'ai connu en Terre Sainte, et ce n'est vraiment pas le genre de personne à s'avancer dans des hypothéses gratuites.


4. cette remarque introductive vaut pour le texte de la Bible.
Pour la liturgie il n'en va pas ainsi du fait qu'à cette même époque nous avons une liturgie fixée, mais sans doute créée, retrouchée comme l'indique le canon romain dans la liste de noms qu'il donne. Le necessité de traduire est ici moins évidente. Il est aussi moins évident que l'hellenisme ait prédominé dans la liturgie romaine, notamment de ce fait que le canon semble fruit de strates antérieures au IVeme, et aux formules archaïques, mais je n'y connais rien.

5. la question d'une déperdition lors de la traduction ne se pose donc pas exactement en ces termes pour une langue sacrée.
* Le latin a eu l'avantage justement de fixer tôt un vocabulaire, une langue au service de la Foi, pour faire bref.
Mais coexistent le grec et les autres langues notamment le syriaque, chacune remontant aux origines et disposant d'une littérature théologique et spirituelle, mais aussi de liturgies et d'une approche spécifique de la Foi. En ce sens il n'y a pas de déperdition : on peut toujours avoir recours à ce qui se dit et pense au seins d'un autre patrimoine. On recommande dans les séminaires, pour le simple prêtre de paroisse, l'initiation au grec et à l'hebreu (l'hebreu à mon sens étant un peu une tarte à la crême, le syriaque serait plus opportun).
* L'objectif d'une traduction ecclésiale n'a jamais été le même que celui de la traductologie universitaire, c'est à dire restituer la lettre d'un texte, mais d'en transmettre le sens. On le voit du reste dans l'Evangile où les références à l'Ancien Testament sont assez libres ou alors pour reprendre le point (1) sur une version que nous n'avons plus. Les commentaires des Pères sont eux aussi parfois déconcertant, n'héistant pas à forcer un peu la lettre. Car ce qui importe est le sens, la signification théologique et non la transmission exacte d'un mot ou d'une formule.
Autre citation que j'apprécie :
La comparaison entre Vulgate et Néovulgate révèle en effet chez saint Jérôme
une fine perception du grec néotestamentaire et de ses sémitismes,
au point que certaines traductions françaises réalisées sur la version latine traditionnelle
peuvent parfois manifester sur des versets déterminés des qualités de précision supérieures
à celles qui se fondent sur les originaux.
De sorte que pour ce spécialiste, polyglotte, et chercheur à l'école biblique, une bible en français, comme celle de Fillion (qui n'est pas nommée mais visée) transmettra plus de sens à un lecteur français que s'il s'amusait à apprendre le grec pour lire les manuscrits anciens (encore faudrait il qu'il se frotte outre la langue avec la littérature, la théologie, etc)
C'est une des réponses aux discussions sans fin sur la traduction moderne du Notre Père en français : sans doute est elle plus proche du latin, mais elle en transmet moins bien le sens.

Heureuse fête de l'Assomption

C'était du reste mon anniversaire aujourd'hui qui fait que St Maximilien Kolbe est mon saint patron.
ΦΧΦΠ

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Re: Grec ou Latin

Message non lu par seba15 » jeu. 15 août 2013, 10:41

Phileas Fogg a écrit : C'était du reste mon anniversaire aujourd'hui qui fait que St Maximilien Kolbe est mon saint patron.
Bon anniversaire donc avec un jour de retard.

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par Cinci » jeu. 30 janv. 2014, 22:43

... alors pratiquement pour la date anniversaire du fil de Scratchy.

Ici l'avis d'un passionné français d'études bibliques en son temps et puis d'histoire. En somme un auteur attaché à défendre la tradition contre les innovations malavisées, oui, déjà, à l'époque des riches heures des début du modernisme. Le contenu est bon à savoir en ce qu'il peut relayer d'anciennes critiques formulées à l'égard de la Vulgate, ou plutôt la traduction hébraïque de la Bible, dans la foulée des docteurs juifs de Jamnia (et post-destruction complète du Temple, époque d'Hadrien, etc.)

Je ne sais pas si tout est vrai là-dedans. Je ne décide rien ici. On reste calme, et personne ne s'empresse d'aller briser un carreau de la synagogue la plus proche.

Simplement, il nous en donne des références de passages exactes ayant toujours pu être conflictuels, des passages en extra par rapport à celui bien connu d'Isaïe concernant la jeune femme qui est enceinte («Voici la jeune fille ...», Isaïe 7, 14)


Voici :

«... si nous avions le texte primitif de la Bible, tel que le possédaient les Juifs anciens, le sens de la prophétie s'imposerait en toute certitude, il n'y aurait qu'à le comprendre.

Mais on sait que le texte que nous avons et sur lequel a été faite la Vulgate, n'a été établi qu'au IIe siècle de l'ère chrétienne, par des rabbins, sur un manuscrit unique, et qu'il est loin de présenter toutes les garanties.

Ce fut en effet l'opinion générale des Pères de l'Église des premiers siècles que, depuis la dernière destruction de Jérusalem, sous l'empereur Hadrien, certains juifs, par hostilité au christianisme, avaient altéré les Livres Saints, surtout dans des endroits relatifs au Messie, et notamment dans les prophéties qui le concernaient. Car, à l'égard des caractères distinctifs du Messie, applicables à Jésus-Christ, la différence entre l'hébreu de la recension rabbinique et la version grecque des Septante, ainsi qu'entre l'hébreu et la Vulgate, est telle qu'il est impossible de ne pas y voir le résultat des polémiques entre Juifs et chrétiens, pour savoir si Jésus-Christ est ou non le Messie annoncé par les prophètes.

Et l'on conçoit que, après Jésus-Christ et l'établissement du christianisme, les Juifs ne pouvaient laisser subsister intégralement dans la Bible les passages propres à montrer dans le Christ les caractères du Messie et que, lorsqu'il vécut sur la terre, les temps prophétiques de sa venue étaient accomplis.

Ce but est clairement indiqué par la nature même des altérations dont on a la preuve par la comparaison de la version des Septante et autres versions orientales également antérieures et de celle de l'hébreu moderne. Et cette comparaison montre que l'édition hébraïque de la Bible, dite la Massorète, oeuvre des rabbins de l'école d'Akiba (1er siècle), ne méritait pas, en tout, la confiance que saint Jérôme lui a accordée, sur la foi des Juifs, ses maîtres d'hébreu, et cela, malgré les accusations de falsification émises antérieurement par saint Justin, saint Irénée, saint Cyprien, Tertullien, Origène, Eusèbe, saint Épiphane et autres, et que Theodoret, l'un des plus savants écrivains ecclésiastiques, confirme, en constatant que les Juifs, irrités de ce que dans leurs controverses avec les chrétiens, on les réduisait au silence, avec les prédictions si précises de Daniel sur le Messie, mieux conservées dans la version des Septante dont l'Église primitive se servait, en étaient venus à le retrancher du nombre des prophètes, en dépit de l'opinon de leurs pères, qui le plaçaient à côté d'Isaïe et de Jérémie, et du témoignage de Josèphe, qui l'appelle l'un des plus grands prophètes.

La traduction reçue des Septante, sans être non plus la version originale perdue dès les premiers temps du christianisme, mérite, en générale, plus de confiance. Cette traduction grecque de la Bible, entreprise sous le règne de Ptolémée Soter, à la demande de Juifs d'Alexandrie, et complétée sous son successeur, Philadelphe, fut faite vers l'an 300 avant Jésus Christ, par des docteurs de la Synagogue, lorsqu'ils n'avaient aucun intérêt à toucher aux prophéties concernant le Messie.

Comme exemple de modifications du texte hébreu par les rabbins, dans les passages relatifs au Messie, il suffira de citer les passages suivants : Is 40, 3,5 : Jean Baptiste annonçant le Messie cite ce passage de la prophétie d'Isaïe : «Parate viam Domini ... Et videbit omnis caro salutare Dei.» Ces mots : Salutare Dei, qui désignent le Messie, les plus importants de la prophétie, et cités par le Précurseur (Lc 3,6), comme ils sont dans la Septante, et comme ils étaient dans l'hébreu de son temps, ne se trouvent plus dans l'hébreu actuel. Pourquoi ces mots ont-ils disparu de la Massore ?

Isaïe 53, 7-8 : dans ce passage relatif à la Passion du Messie, le Sauveur, s'offrant lui-même en victime, est représenté comme un agneau conduit à l'abattoir, qui se laisse faire, docile et muet. Le prophète ajoute, dans le texte des Septante [...], ce qui se traduit en latin : ... in humilitate est judicium ejus elatum est, et en français : «... dans cet abaissement, sa condamnation a été extorquée». La traduction littérale de l'hébreu des massorètes donne : «... de clausura et judicio sublatus est» Que signifient ces mots ? Et pourquoi ont-ils été substitués au texte des Septante, qui explique si clairement le sens du prophète ? Pris à la lettre, ils sont ainsi traduits dans la Bible de Sacy : «... dans son abaissement, il a été délivré de la mort, à laquelle il avait été condamné.» On voit que cette traduction, conforme à l'hébreu actuel, détruit la prophétie et la rend inapplicable à Jésus Christ, qui n'a pas été délivré de la mort, mais dont la condamnation (ce que ne pouvait admettre les éditeurs de la massore) fut l'effet de la perfidie et de la violence.

Psaume 96, 10 : le texte de la Septante porte : ... Dicite in gentibus quia Dominus regnavit a ligno. Ces derniers mots manquent dans l'hébreu actuel. Or l'Église a toujours cru et publié que l'empire de Jésus Christ s'est établi par la Croix ( cf. Saint Barnabé, Epist : ... regnum Jesu est in ligno) Il faut donc, ou que l'Église se soit trompée, ou reconnaître qu'il y a eu sans doute correction de l'original hébreu par la suppression du mot capital a ligno, qui rappelle le supplice de la croix.

On pourrait multiplier les exemples de changement dans l'hébreu moderne ou massorétique.

Les critiques contemporains, même orthodoxes, tout en observant le respect dû à la Vulgate, sanctionnée d'une manière générale, par l'autorité de l'Église, n'hésitent pas à déclarer, comme le dit l'un d'eux, que

  • «... en adhérant si fermement au texte que nous nommons massorétique, et qui était pour lui l'hebraica veritas, saint Jérôme sacrifiait trop aisément la recension des Septante, consacrée par l'usage ecclésiastique. Il est certain, de plus, que même lorsqu'il traduisait l'hébreu, il a été égaré par une tradition juive qui, dès le temps d'Aquila (IIe siècle), et même avant, s'était greffée sur le texte reçu.» (Le P. Lagrange, Revue biblique, 1898, t.VII, p.565)
Saint Justin, pour ne citer que lui, reproche aux Juifs d'avoir retranché depuis peu ces paroles de Jérémie, relatives à la Passion du Messie : «Je suis comme un agneau qu'on mène à la boucherie», qui se trouvent dans la version des Septante. Il leur reproche de même la suppression du mot a ligno, dans le verset 10 du psaume 96

Theodoret, juif converti, accuse même en connaissance de cause les rabbins d'avoir supprimé plusieurs livres hébreux, qui contenaient un grand nombre de passages favorables au christianisme.

Tout au moins est-il impossible de ne pas reconnaître que saint Jean Chrysôstome a eu raison de reprocher aux traducteurs juifs d'avoir à dessein traduit obscurément les prophéties messianiques, comme nous le verrons pour la prophétie des 70 semaines du livre de Daniel.


Texte grec de la Septante (traduction Théodotion) :
  • «... à l'instant même de ta prière, a parut
    un édit et moi je suis venu t'apporter un
    message, parce que tu es un homme cher
    à Dieu.

    Sois donc attentif à ma parole et com -
    prends la vision.

    Un nombre de soixante-dix semaines a
    été fixé pour ton peuple et la Cité sainte,
    pour que la prévarication soit abolie, que
    le péché prenne fin, que la justice éternelle
    vienne, que les visions et les prophéties
    soient accomplies et que le Saint des Saints
    soit oint.

    Saches-le donc et comprends : à partir de
    l'édit qui sera émis pour que Jérusalem soit
    enclose et réédifiée, jusqu'au Christ-chef,
    il y aura sept semaines et soixante-deux
    semaines. Et Jérusalem redeviendra elle-même,
    et ses murs avec ses fossés seront rétablis,
    malgré les difficultés du temps.

    Et après les soixante-deux semaines, l'Oint
    sera mis à mort sans qu'il y ait en lui de cas
    de condamnation
    .

    Mais lui détruira la ville et le Saint Temple,
    avec un chef qui viendra, et (la ville et le Temple)
    succomberont à la catastrophe et s'abîmeront
    dans les ruines jusqu'à la fin de la guerre décrétée

    Et la semaine une [la dernière des 70 semaines
    prophétiques] confirmera pour toujours
    l'alliance avec les hommes.

    Et à la moitié de la semaine, les oblations et les
    sacrifices seront abolis. Puis sur le Temple, sera
    l'abomination de la désolation, et la désolation
    ne finira qu'avec la fin des temps.»
[/color]

http://www.info-bible.org/lsg/27.Daniel.html
( Ici la traduction Second - Daniel, chap. 9 - possiblement un exemple de travail effectué à partir du texte hébreu. Juste pour comparer le sens du passage ou sa lisibilité par rapport à Theodotion)

Source : Arthur Loth, Jésus Christ dans l'histoire, p.593

____

Émile Osty indique pour le Psaume 96, en note infra. : ... d'anciennes versions ont ajouté la glose célèbre Regnavit a ligno Deus «Dieu a régné par le bois [de la croix]»

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par AdoramusTe » mar. 04 févr. 2014, 17:50

Scratchy a écrit : Après une recherche rapide sur internet, j'ai appris que la version de la Septante était celle qui était utilisée aux premiers temps de l'Eglise.
Je me demande alors pourquoi St Jérôme a traduit à partir de l'hébreu et non à partir du grec pour rédiger la Vulgate.

Quelles sont les différences entre la version grecque et latine?
Bonjour,

La LXX et la Vulgate sont très proches. St Jérôme a traduit un texte hébreux qui était déjà très proche de la LXX, mais dont nous n'avons plus trace aujourd'hui. Il avait en outre la LXX à sa disposition.
Comme il a déjà été dit, le texte hébreux actuel est ultérieur à la LXX et la Vulgate. Il s'agit d'un texte rabbinique de réaction antichrétienne, qui a introduit de surcroît une nouvelle numérotation des psaumes qui n'a jamais existée avant.

La traduction de St Jérme n'a strictement rien à voir avec le texte massorétique.
Ignoratio enim Scripturarum ignoratio Christi est

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Re: Différences entre la Vulgate et la LXX

Message non lu par jeanbaptiste » mar. 04 févr. 2014, 22:12

Il me semble avoir lu un jour que Jérôme avait voulu traduire depuis l'hébreu pour prouver que même avec la Bible en cette langue il était possible de soutenir sérieusement et solidement l'idée que le Christ était annoncé par les Prophètes.

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