Bonjour Carhaix, et merci pour ces observations.
L'industrie lithique est un excellent exemple de ce biais que nous avons de toujours vouloir interpréter exclusivement dans le sens d'une évolution progressive les découvertes de fossiles des premiers humains (genre homo) et l'outillage qui leur est associé. Bien sûr qu'il y a une évolution des techniques, il suffit de penser aux objets du quotidien dont se servait nos grand-parents pour s'en convaincre, mais nos grand-parents n'en étaient pas plus bêtes que nous. C'est préjudiciable de considérer qu'une technique plus élaborée dans une population signifie forcément une amélioration des capacités cognitives, car cela peut très bien correspondre au contraire à une nécessité d'adapter une technique à un environnement qui n'est plus le même suite à une migration ou un changement climatique, ou encore à la réception d'une tradition déjà connue ailleurs. Pour prendre des exemples simples plus récents, les populations précolombiennes ne connaissaient ni la roue ni les armes à feu lors de leur rencontre avec les occidentaux, et il y a encore de nos jours des peuples de chasseurs cueilleurs.
En Espagne, homo antecessor qui nous ressemblait un peu plus qu'homo erectus utilisait encore des outils de mode 1, des choppers oldowayen, alors qu'en Afrique homo ergaster (erectus africain) était déjà passé au mode 2 avec des outils acheuléens. On parle souvent de la ligne de Movius qui sépare l'Afrique et l'Eurasie occidentale de la Chine et de l'Asie du sud-est où l'acheuléen n'aurait pas pénétré. Une interprétation intéressante est qu'au delà de cette ligne le bambou pousse en abondance dans des forêts où le gibier est généralement de petite taille : comme le bambou est facile à transformer et offre de multiples possibilités d'utilisation, la nécessité de fabriquer des outils de pierre taillée plus complexes y est beaucoup moindre que dans les zones de steppes où vivent de grands herbivores.
Une étude intéressante a proposé un lien entre les zones géographiques climatiques et culturelles, les types de langues (isolantes, agglutinantes et flexionnelles) et les industries lithiques :
http://www.in-in.ch/qed/english/en_movius_contents.html.
La vitesse d'évolution des techniques dans le temps est plutôt fonction de la démographie, et de la complexification des sociétés, ce qui s'explique assez bien : avec le nombre d'humains, la densité de la population augmente, ce qui crée de nouveaux problèmes de survie pour l'individu ou la société, problèmes que l'on résout par des innovations. Ces optimisations ou ces découvertes sont d'abord utiles, puis deviennent nécessaires et même indispensables alors qu'auparavant on ne les recherchait pas car on n'en ressentait pas le besoin.
La taille du cerveau peut-être un indicateur de capacités cognitives plus grande mais ce n'est n'est pas du tout systématique : les hommes dit de Cro-Magon avaient en moyenne des cerveaux plus gros que les nôtres, et Neandertal les dépassaient encore en volume (je ne dis pas qu'ils étaient moins intelligents) et Einstein en avait un plus petit que la moyenne, comme les pygmées d'ailleurs.
Loin de moi la prétention d'identifier une population préhistorique avec la descendance de Caïn ou de Seth. On peut penser qu'elles se sont d'ailleurs mélangées dès l'origine si c'est ce que signifie la répétition des mêmes noms dans les deux listes, sous une forme légèrement différente et avec une inversion : Caïn > Hénoch > Irad > Maviael > Mathusael > Lamech (4,17-18) et Caïnan > Malaléel > Jared > Hénoch > Mathusalem > Lamech (5,12-25). Faut-il y voir symboliquement le paradoxe de l'humanité qui continue de s'abaisser moralement tout en se relevant de la chute originelle à la fois physiquement et intellectuellement ?
Dans l'hypothèse expliquée précédemment où Adam (et par conséquent l'anatomie humaine moderne) serait nettement plus ancien que 300 000 ans, les lignées ergaster, erectus et autres ne seraient pas des étapes de l'évolution du corps humain, mais plutôt des branches de l'humanité issue d'Adam. Dans les faits, cette diversité humaine, que je crois être l'une conséquence du péché originel, a disparu entre 100 000 et 30 000 ans, et il faut y voir avant tout une miséricorde divine car si nous étions aujourd'hui aussi différents entre nous que nous l'étions il y a 500 000 ans, Dieu sait ce que l'homme aurait pu inventer contre lui-même.
Dans ce sens, celui de l'unité du genre humain, je vous rejoins sur le risque qu'il y a d'attribuer comme ancêtre à une population particulière l'un des patriarches antédiluviens. Les pré-adamites faisaient d'Adam l'ancêtre exclusif des juifs et des populations du Moyen-Orient, parfois avec une arrière pensée anti-sémite : les autres populations n'auraient pas été concernées par le péché originel. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle je ne parviens pas à concevoir l'apparition d'Adam au Néolithique (ce qui bien-sur ne veut pas dire que je pense que l'hypothèse de Xavi tienne de celles des pré-adamites). On a aussi fait de Caïn, ou de Cham, l'ancêtre des peuples les plus noirs, ou les moins "évolués" du point de vue occidental comme les papous, les aborigènes australiens ou les pygmées et autres peuples africains, soit pour justifier l'esclavage, soit pour expliquer le décalage culturel ou civilisationnel.
Lorsque je parlais de la marque de Caïn, ce n'était pas pour proposer qu'homo habilis ou homo erectus représentent la descendance de ce dernier : j’émettais l'hypothèse que les descendants d'Adam aient été marqués dans leur chair par le péché et la déchéance qui a suivi. Pour l'expliquer, je n'exclue pas une hybridation peccamineuse avec des pré-humains encore existants. Ce serait un peu la même idée que Xavi, mais datée beaucoup plus tôt : cette idée me gêne en effet beaucoup moins si les humains ne sont alors qu'une tribu, ou une population encore en faible nombre, et pas dispersée sur la planète entière. Mais surtout, dans ce cas, l'hybridation n'est pas la volonté divine mais une faute : c'est ce qui transparaît dans le chapitre 6 de la Genèse. Peut-être cela a-t-il eu lieu très tôt, avant même qu'homo erectus colonise l'Asie, il y a plus de 1,5 millions d'années.