enverite a écrit :bonseb a écrit :Bref, pour conclure : le récit de la chute (Gn 3, 1-24) est un récit historique non pas dans le sens où il nous fournit une chronique factuelle d'un évènement dont les témoins n'ont de toute façon laissé aucune trace - si ce n'est le péché originel - mais il est historique dans le sens où ce que ce récit essaie d'expliquer fait référence à un évènement, une rupture, qui a eu lieu dans l'histoire de l'humanité.
Ceci me semble bien audacieux de qualifier celà d'"historique" au sens commun du terme.
Car alors toutes les explications des autres traditions, sumeriennes(là le serpent est dieu et il y a aussi un jardin), egyptiennes seraient tout aussi "historiques".
S'il s'agit d'un mythe ou d'une allegorie ca n'enleve rien à sa force et à son sens.
Une allégorie imaginaire qui ne correspond pas à une réalité historique peut effectivement avoir du sens, mais, et c’est une lapalissade, elle ne nous dit rien sur l’action de Dieu dans l’histoire concrète passée, ni dans notre histoire concrète présente et future. Même si elle concerne notre vie concrète, elle renvoie à une approche abstraite, purement spirituelle. Une allégorie imaginaire ne nous dit rien de l’action concrète de Dieu dans l’histoire.
Il n’y a qu’une seule réalité historique, au sens commun du terme. C’est cette même réalité historique qui intéresse l’historien, le biologiste comme la Bible, lorsqu’ils s’expriment sur les origines de l’humain.
La différence est que l’historien et le biologiste limitent leur attention à ce qui est observable dans la réalité terrestre (y compris ses éléments psychologiques, invisibles ou immatériels), alors que la Bible examine cette même réalité historique dans un champ plus vaste qui intègre l’action de Dieu, la réalité spirituelle, ce qui dépasse le champ d’investigation de la science.
La Bible ne présente pas un Dieu abstrait de philosophes uniquement spirituel, mais un Dieu créateur dans le temps et dans l’histoire, un Dieu qui s’incarne dans le temps et dans l’histoire.
Les faits essentiels de nos origines sont nécessairement dans l’histoire et ils sont à la base de ce que nous sommes concrètement aujourd’hui.
Ce sont des faits réels qui se sont produits à un moment de l’histoire et à un endroit parfaitement précis.
Personne sur ce fil ne prétend que l’on ait recueilli des témoignages directs, ni même indirects, ni des traces archéologiques, sur les faits relatés par la Genèse concernant Adam et Eve et le péché originel. Personne ne prétend davantage que Dieu aurait écrit directement ce récit de manière miraculeuse sans l’intermédiaire d’humains.
C’est sous l’inspiration qu’il(s) ont reçue, qu’un (ou plusieurs) auteur(s) ont rédigé un récit pour nous dire l’essentiel des origines de l’homme ainsi que de la présence et de l’action de Dieu dans ces origines.
L’histoire réelle a nécessairement existé et la Genèse nous en dit quelque chose. Pas tout, loin de là.
Cela ne signifie pas que l’image ou l’interprétation que nous faisons de la Genèse est l’histoire réelle. Les textes hébreux écrits pour nous relater les faits réels de nos origines sont très riches, inscrits dans une culture avec l’utilisation d’expressions, d’images, de symboles, et de nombreuses richesses cachées. Ils ont pu puiser dans les traditions et la culture la trace authentique qui nous est transmise.
Ne confondons pas nos interprétations, ce que nous imaginons être la réalité décrite par la Genèse avec la réalité de l’histoire concrète dont la Genèse nous parle réellement alors qu’il s’agit facilement de reconstructions très contestables. La compréhension d’une lecture d’une traduction moderne du texte hébreu de la Genèse peut, en effet, être plus proche d’un film de Walt Disney que de la réalité historique dont elle nous parle.
Il faut être à l’écoute de tout ce que nous disent les connaissances scientifiques modernes, mais aussi de ce que la Genèse nous dit des faits à l’origine de l’humanité.
Il n’y a qu’une seule historicité au sens commun. Acceptons de faire l’effort de rechercher ce que la Genèse nous dit de cette histoire. Car, c’est bien de cette histoire réelle qu’elle nous parle, même si son langage nous est particulièrement difficile à comprendre.
L’histoire, n’est-ce pas la représentation et l’analyse des faits du passé ? La science, n’est-ce pas l’explication de faits observés ? A ces points de vue, la Bible est aussi un livre d’histoire et de science dont la valeur ne doit pas être affaiblie à cet égard.
La Genèse ne nous oblige cependant jamais à penser d’une manière déraisonnable et nous restons largement dans l’incompréhensible. N’oublions pas que le récit ne parle pas que de la réalité terrestre, mais qu’il nous parle aussi de la réalité spirituelle. Les deux réalités sont présentes ensemble.
Nous avons facilement tendance à vouloir isoler le terrestre du spirituel, la raison et la foi, la science ou la Bible, mais, au cœur de nos convictions, il y a Dieu fait homme, et, plus loin encore, il y a l’humain fait à l’image de Dieu, fait de terrestre et d’esprit.
L’incarnation du Christ établit entre le terrestre et le spirituel plus qu’un lien. De la transcendance. Ces réalités sont présentes ensemble, s’interpénètrent. Il n’y a pas, d’un côté, le terrestre séparé, et, de l’autre, le spirituel. Mais, seule la Bible nous parle de Dieu, de la réalité des cieux et du monde spirituel, dans l’histoire, que les historiens ou les biologistes ne peuvent examiner que dans le cadre limité des réalités terrestres.
Un intervenant, Marco Polo a écrit à ce sujet que : La bible n'est donc pas un livre de science ni d'histoire, mais un livre qui nous parle de Dieu. Pneumatis reprend des termes similaires : la Genèse n'est pas un livre d'histoire, c'est-à-dire qu'elle n'a aucune visée descriptive d'une chronologie temporelle.
Il faut évidemment nuancer. Lorsque cela peut nous être utile, rien n’exclut que la Bible ait parfois aussi une visée descriptive d’une chronologie temporelle. Les excellentes explications détaillées de Pneumatis sur le caractère historique de la Genèse sont suffisamment claires et exposées dans ce fil pour ne pas devoir y revenir ici.
L’affirmation que la Bible n’est pas un livre d’histoire, ni un livre de science, ou, encore, qu’elle n’explique pas le comment mais le pourquoi est souvent reprise, mais elle me paraît souvent une porte de sortie assez ambiguë et contestable dans certaines discussions, comme un manteau d’honorabilité pour se protéger de reproches de fondamentalisme ou de lecture littérale.
La réalité de ces reproches, lorsqu’ils sont justifiés, c’est seulement de critiquer une lecture de la Bible qui confond une interprétation superficielle non réfléchie des textes bibliques qui ignore les éclairages, les nuances, les perspectives que la philologie, l’exégèse, et l’étude plus approfondie des textes dans leur contexte culturel peut apporter, de même que les connaissances scientifiques, y compris historiques.
L’étude de la Bible ne peut guère se faire sans une écoute ouverte de tout ce que les sciences humaines et physiques peuvent nous apporter. A défaut, le lecteur risque de s’enfermer dans ses interprétations particulières et y lire davantage un reflet de ses propres pensées qu’une révélation de Dieu.
Mais, il ne faut pas dire trop facilement qu’il y a la Bible d’un côté et la science ou l’histoire de l’autre.
Ce qui est vrai, c’est que la Bible a une finalité particulière, celle de nous rapprocher de Dieu, de nous unir à lui, de nous enseigner un chemin de vie, de rendre Dieu davantage présent.
Ni l’histoire, ni les sciences, n’ont ce but.
Ce qui est vrai aussi, c’est que la Bible nous vient par révélation spirituelle, par la tradition des croyants.
Ni l’histoire, ni les sciences, n’ont une telle base. Leur base, ce n’est pas une révélation, mais une observation illimitée de la réalité terrestre, un travail permanent d’analyse et de confrontation des données recueillies.
La Bible n’est pas un travail permanent illimité de recherche et d’analyse du réel terrestre. Même si son étude et son analyse sont illimitées et sans cesse enrichis de découvertes nouvelles sur le sens et la portée des textes, elle est une révélation par un ensemble limité de textes écrits.
Comme n’importe quel écrit humain, elle peut relater des faits historiques survenus à un moment et un endroit précis dans le temps et l’espace, mais son objectif n’est pas de nous engager dans un travail d’analyse historique ou scientifique au delà de ce qu’elle nous présente pour notre édification et elle est limitée dans son approche terrestre, laissant à l’histoire et à la science la finalité de rechercher davantage de détails et de compréhension des réalités terrestres considérées distinctement.
C’est seulement en cela que la Bible n’est ni un ouvrage de science, ni un ouvrage d’histoire, mais un livre qui ouvre notre cœur, en nous incitant à utiliser le travail historique et scientifique pour nous aider dans notre compréhension, mais avec une saine perception des limites de toute étude terrestre dont la réalité n’est pas la seule réalité. La Bible ne se limite pas aux réalités terrestres.
Nous ne pouvons jamais oublier que nous vivons dans une double réalité terrestre et spirituelle et qu’en ignorant l’une ou l’autre, en cherchant à distinguer totalement l’une de l’autre, nous risquons de nous égarer.
Le Christ s’est incarné. Il n’y a pas d’opposition possible entre la science et la foi, l’histoire et la Bible, mais une obligation d’ouverture mutuelle, d’écoute humble de points de vue autres, qui souvent peuvent protéger chacun de nous du risque d’absolutiser ses pensées de foi ou de science.
Bref, la Genèse me semble bien une parole sur nos origines historiques au sens commun du terme, mais il faut l’aborder avec une attention à toute la réalité qu’elle vise qui déborde largement l’approche d’un historien ou d’un biologiste et aux modes d’expression qu’elle utilise dont on ne cesse de découvrir la complexité.