Vers Jérusalem

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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etienne lorant
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Vers Jérusalem

Message non lu par etienne lorant » mar. 30 sept. 2008, 15:00

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,51-56.

Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem.
Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem. Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? » Mais Jésus se retourna et les interpella vivement. Et ils partirent pour un autre village.

Jésus les interpella vivement... De la même façon qu'Il a interpellé vivement le démon qui infestait un membre de la synagogue de Capharnaüm, de même qu'Il a interpellé la fièvre qui empêchait la belle-mère de Pierre, Jésus interpelle les flots et le vent qui menacent la barque des apôtres sur le lac... et Il interpelle ici Jacques et Jean parce que leur zèle vengeur est tout à fait hors de propos.

Etre repris ainsi par Jésus, par Jésus tout-Amour, je me dis que ce doit être quelque chose de terriblement confondant et de pénible. Pierre, lorsqu'il tente d'empêcher Jésus de poursuivre jusqu'à Jérusalem, est appelé "Satan", pas moins que cela ! Qu'a-t-il pu éprouver à cet instant, si ce n'est le sentiment d'être retombé dans sa nature pécheresse, et surtout, d'avoir causé une lourde peine à son Maître ?

Jésus se met donc en route pour Jérusalem que saint Augustin distingue de Babylone: "Il y a quelque chose qui distingue, les citoyens de Jérusalem des citoyens de Babylone : ce sont deux amours. L'amour de Dieu fait Jérusalem ; l'amour du monde fait Babylone. Demandez-vous qui vous aimez et vous saurez d'où vous êtes."

C'est un courage tout humain qu'il faut à Jésus pour prendre la direction du lieu où Il sait qu'il sera trahi, livré et crucifié, mais Il s'y engage sans hésitation car c'est l'amour de Dieu qui le motive. Le prêtre nous a très justement pointé du doigt ce qui pousse Jésus en avant: c'est sa confiance absolue dans le Père. Les Samaritains qui ont refusé de recevoir Jésus dans leur village ne connaissent pas ce Dieu qui est à Jérusalem - et ce n'est certes pas un feu tombé du ciel qui les aidera; mais comme tous les autres, ils seront évangélisés.

La place de Jésus est donc bien à Jérusalem. Je me souviens de cette remarque de Jésus, qui répond aimablement à des pharisiens qui le mettront en garde contre Hérode:
31 A ce moment-là, quelques pharisiens s'approchèrent de Jésus pour lui dire : « Va-t'en, pars d'ici : Hérode veut te faire mourir. »
32 Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : Aujourd'hui et demain, je chasse les démons et je fais des guérisons ; le troisième jour, je suis au but.
33 Mais il faut que je continue ma route aujourd'hui, demain et le jour suivant, car il n'est pas possible qu'un prophète meure en dehors de Jérusalem.
34 Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes, toi qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu !
Et lorsque Jésus pleure sur Jérusalem, c'est encore Dieu qui s'adresse à Jérusalem et qui lui dit: "Reviens !" Ainsi que disait le prophète Malachie (3,7): "“Depuis le temps de vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances, Vous ne les avez point observées . Revenez à moi, Et je reviendrai à vous, dit l'Eternel".
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Les derniers pas vers Jérusalem

Message non lu par etienne lorant » jeu. 30 oct. 2008, 10:16

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 13,31-35.
A ce moment-là, quelques pharisiens s'approchèrent de Jésus pour lui dire : « Va-t'en, pars d'ici : Hérode veut te faire mourir. » Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : Aujourd'hui et demain, je chasse les démons et je fais des guérisons ; le troisième jour, je suis au but. Mais il faut que je continue ma route aujourd'hui, demain et le jour suivant, car il n'est pas possible qu'un prophète meure en dehors de Jérusalem.

Jésus achève la marche qu'il avait entreprise "avec courage" vers Jérusalem. Et la réponse qu'il donne à ces pharisiens témoigne de cette force, présence de Dieu, qui l'anime tout entier de l'intérieur. Cette force qui lui confère aussi de parler de sa passion comme s'il ne s'agissait pas de lui-même: "car il n'est pas possible qu'un prophète meure en en dehors de Jérusalem."

Tiens, je remarque que Jésus emploie le verbe "mourir" et non "périr". Nous en avions parlé il y a peu: seuls ceux qui ne se convertissent pas sont destinés à périr, mais les autres, simplement, meurent. Il y a donc entre les deux une différence d'importance, d'autant que nous savons bien de quelle façon Jésus va 'mourir' à Jérusalem !

Pardonnez-moi si cela choque, mais à l'instant, me vient cette pensée: les deux premières lettres du mot périr me renvoient à "perdre et perte, mais aussi à pente", tandis que celles du mot "mourir", me fait songer à "monter" et "montée", mais aussi à "moisson" ! Et j'ai envie de dire: celui qui meure entre dans la demeure qui seule demeure.

De même que l'on disait à l'époque: monter à Jérusalem, Jésus ne va achever cette montée que pour monter aux Cieux où Il demeurera debout à la droite de Dieu.

Si les jeux de lettres, de mots, de phrases, si les associations de sens, les paradoxes, les retournements subtils et les inversions ne touchent pas votre coeur, comment l'éveiller ? Or, si vous retournez dans les textes, c'est toujours par de telles énigmes du langage que le Seigneur nous relève de nos platitudes de raison et de la considération pointilleuse de la "lettre" et des règles des lois.

Ô Parole, douce Parole de Dieu, que mon âme t'exalte sans fin !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Jésus se lamente sur Jérusalem

Message non lu par etienne lorant » jeu. 30 oct. 2008, 20:19

"Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes, toi qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu ! Maintenant, Dieu abandonne votre Temple entre vos mains. Je vous le déclare : vous ne me verrez plus jusqu'au jour où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Je me souviens que Jean-Paul II (dans ses Entretiens avec André Frossard) avait déclaré à propos du sacrifice de Jésus que "la justice de Dieu se fut satisfaite d'une seule de ses larmes versées sur Jérusalem." Mais lorsqu'il entend ce mot de sacrifice, l'homme aussitôt voit le couteau, la victime, le sang. Ce qu'il faut plutôt retenir, c'est que "le don intégral de soi est la manière d'être ordinaire des trois personnes de la Trinité."

Don intégral de soi. A l'époque de cette lecture, je ne pouvais pas comprendre - alors même que mon quotidien me poussait, et me forçait de plus en plus à me donner et m'abandonner aux demandes de mes vieux parents. Je rentrais de mon travail, et été comme hiver, ils chauffaient à tout va. J'étouffais et le premier geste de ma soirée était d'enlever une couche de vêtements ! Puis je mettais la table, je mangeais en hâte (ils avaient pris leur repas dès 17 heures), je débarrassais, j'attaquais la vaisselle, pour en venir au tri du courrier: à garder, à jeter, à payer. Ensuite, je répondais aux plaintes de mon père, je lui conseillais de se coucher, je lui faisais avaler un léger sédatif, je l'accompagnais, le couchais - et quand j'avais fini, j'allais me plaindre à ma mère: "Il n'est plus normal que je vive ainsi, un jour ou l'autre je m'en irai, ne comptez pas sur moi !" Au cours de l'année 2007, par deux fois, j'avais trouvé une chambre pour couple dans une maison de repos et de soins, et par deux fois ils avaient refusé à la dernière minute. J'avais aussi loué en ville, près de ma boutique, une toute petite chambre - que j'ai finalement meublé seulement d'un lit pliant.

Les choses sont allées si loin que le jour du départ à l'hôpital - où il allait mourir 27 jours plus tard, je suis demeuré une heure à contempler mon père étendu dans son fauteuil, et c'était pour la dernière fois. Il savait que c'était sa dernière heure chez lui, et moi aussi.
Il protestait : "C'est ma maison ! Personne ne peut m'obliger de la quitter !", et je lui répondais doucement: "Ce sera toujours ta maison, mais tu ne peux plus rester ici pour l'instant". Car ce matin-là, pour fuir les soins de l'infirmière, il avait grimpé à reculons la première volée d'escaliers, provoquant l'appel de l'ambulance : la dernière limite avait été franchie... pauvre père, comment s'enfuir de son propre corps sans mourir ?

Bref, une force terrible, terrible d'amour et de pitié, m'obligeait littéralement à participer à cet événement - cette si pénible attente - sans rien refuser de la peine morale qu'elle me suscitait. Il eut suffit que je passe dans la pièce d'à-côté, mais cela, chaque fibre de mon corps s'y refusait. Je me disais : je suis venu jusqu'ici, maintenant il faut que j'aille au bout. C'est seulement le jour des funérailles que la pression a commencé de retomber. En définitive, le Pape avait raison: on n'aime assez que lorsqu'on s'est livré sans restriction. Il y a même dans cet absolu du renoncement à soi une sorte de prodige qui anéantit la raison dans l'Amour.

Je vais vous étonner peut-être, mais rétrospectivement, je regrette de ne plus pouvoir m'oublier comme j'ai été contraint de le faire de plus en plus entre 2006 et avril 2008.

Je me suis écarté de mon sujet, sans doute. Et puis non: quand Jésus déclare aux Juifs que leur Temple est abandonné entre leurs mains, il y a là promesse de relèvement. "Dieu nous a tous enfermés dans la désobéissance, afin de nous faire à tous miséricorde"... Amen, viens Seigneur Jésus !
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Jésus se lamente sur Jérusalem

Message non lu par Théophane » ven. 31 oct. 2008, 0:56

Ce soir à la messe je me disais justement : pourvu qu'Il ne me fasse jamais ce reproche ; "j'ai voulu et tu n'as pas voulu".
« Être contemplatifs au milieu du monde, en quoi cela consiste-t-il, pour nous ? La réponse tient en quelques mots : c’est voir Dieu en toute chose, avec la lumière de la foi, sous l’élan de l’amour, et avec la ferme espérance de le contempler face à face au Ciel. »
Bienheureux Álvaro del Portillo (1914-1994)

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