Il me semble que l’échange permet de conclure qu’il y a bien deux arbres au centre du jardin d’Eden. On y trouve tant l’arbre de vie (Gn 2,9) que l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn 3,3). Et, après avoir mangé du fruit de l’arbre de la connaissance, les humains pouvaient encore manger du fruit de l’arbre de vie, ce que Dieu a voulu empêcher (Gn 3,22).
Plusieurs arbres au centre : c’est possible comme trois personnes en un seul Dieu.
Mais, Satan ne montre qu’un seul arbre et confond les deux arbres qui se trouvent au milieu du jardin d’Eden. Il montre uniquement l’arbre de la connaissance (mais il ne parle pas de l’arbre de vie qui est aussi au milieu du jardin) et il affirme que le fruit de l’arbre de la connaissance ne les empêchera pas de vivre (mais il ne parle pas de l’arbre de vie qui est donné pour faire vivre).
Satan fait croire à Adam et Eve qu’en mangeant du fruit de l’arbre de la connaissance, ils vivront éternellement (« Vous ne mourrez pas ») (Gn 3,4) sans plus avoir besoin d’entretenir et d’alimenter leur vie à l’arbre de vie, à la communion spirituelle avec Dieu.
Mais, qu’est-ce qu’un arbre dans le jardin d’Eden ?
Il faut rappeler que le mot « éden » provient du mot « adôn » qui signifie seigneur, maître. C’est le paradis, le monde surabondant de Dieu, la réalité spirituelle de Dieu.
Dans ce monde spirituel qui est de toute éternité, Dieu plante un jardin (Gn 2,8). Le mot hébreu « gan », traduit par jardin, évoque un endroit clos, limité, restreint. Ce jardin ne remplit pas tout le spirituel. Son intégration est limitée. C’est comme un endroit clos, autonome, dans un endroit plus vaste.
Le jardin ne se confond pas avec l’Eden. Il est planté dans l’Eden spirituel.
Mais, le récit nous précise expressément que les arbres de ce jardin poussent du sol terrestre, de l’adamah (Gn 2,9).
Ce jardin ressemble ainsi à une intersection de deux ensembles mathématiques, cette partie commune qui fait partie intégrante de deux ensembles distincts. Le jardin d’Eden est pleinement terrestre, mais aussi pleinement spirituel.
A cause de cette double réalité et parce que les mots de notre langage ne peuvent nommer que des réalités terrestres, la Genèse ne peut nous parler de la réalité spirituelle de l’Eden, avec des mots de notre langage, que d’une manière imagée qui nous oblige à une grande prudence dans nos interprétations et compréhensions.
Nous pensons facilement que, de manière réelle pour les uns ou seulement symbolique pour d’autres, le jardin d’Eden est un paradis terrestre créé par Dieu quelque part sur la terre, là où Adam et Eve ont vécu.
En réalité, il me semble que la Genèse nous donne un point de vue autre. Dieu n’a pas créé un paradis sur la terre ou un jardin terrestre extraordinaire, mais il a planté un jardin dans l’Eden (Gn 2,8).
Adam et Eve ont bien vécu dans le paradis sur la terre, là où ils vivaient, mais rien ne permet de penser que la réalité terrestre de cet endroit ait été extraordinaire. Ce qui est extraordinaire, c’est que cet endroit a été planté dans le paradis, dans l’Eden.
L’Eden, c’est le monde de Dieu, la réalité spirituelle de Dieu qui est esprit. C’est dans cette réalité spirituelle que Dieu a planté un jardin, un espace clos, une réalité terrestre.
Il a fait entrer dans les cieux de Dieu, un jardin, une réalité nouvelle, autre, qu’il a créée. La création matérielle ne vient pas occuper toute la réalité de l’Eden, du monde de Dieu. Le monde de Dieu est bien plus vaste. Dieu n’y plante qu’un jardin, un endroit clos, limité, à cultiver, à garder. Il le fait pour l’humain.
Ce jardin n’occupe pas l’entièreté de l’Eden. Il est une réalité finie dans une réalité infinie. Nous pouvons ainsi comprendre que Dieu a fait entrer dans sa réalité quelque chose qu’il a créé, un jardin.
Mais, attention, il ne s’agit pas ici de parler principalement de la terre, mais de l’Eden. Voyons l’extraordinaire de ce qui est planté dans le monde de Dieu ! C’est une réalité terrestre qui est plantée dans l’Eden, dans le monde de Dieu, pour permettre de partager sa vie, sa communion spirituelle éternelle.
Dieu plante un jardin dans l’Eden. Ce qui est planté est quelque chose qui a pour but de prendre racine dans l’endroit où il est planté, de se développer, et l’endroit où il est ici planté n’est pas un sol matériel, c’est l’Eden, le monde de Dieu, à ne pas confondre avec le « sol » (l’adamah, en hébreu) dont Dieu va faire pousser des arbres dans le jardin planté dans la réalité spirituelle de l’Eden.
Dieu ne crée pas un paradis sur la terre, il plante un jardin dans son paradis, un espace dans lequel il va, d’une part, faire pousser dans la réalité spirituelle des arbres du sol terrestre (en hébreu : de l’adamah) et, d’autre part, placer dans cette même réalité spirituelle l’adame, un être vivant terrestre, créant ainsi un lieu de rencontre du monde matériel et du monde spirituel dans lequel un être terrestre va aussi accéder à la réalité spirituelle.
Cela doit attirer notre attention : le récit des évènements dans le jardin d’Eden sont des faits réels qui se produisent dans l’Eden, le monde de Dieu, et pas seulement dans la réalité terrestre. Même s’ils se sont aussi produits dans la réalité terrestre.
Que peut signifier ou représenter l’image terrestre d’un arbre dans l’Eden de Dieu, un arbre qui pousse du sol terrestre dans le monde spirituel ? Il nous est infiniment difficile de comprendre un tel mélange.
La Genèse nous indique que, dans l’Eden spirituel, Dieu fait pousser des arbres du sol terrestre pour nourrir l’adame, et l’arbre de vie, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn 2,9).
Sauf l’interdiction concernant l’arbre de la connaissance, tous les arbres, y compris l’arbre de vie, ont été donnés pour nourrir les humains, ce qui est à renouveler sans cesse.
L’humain créé avait, même avant tout péché, besoin d’une nourriture. Le propre d’une nourriture c’est d’alimenter un être qui en a un besoin continu d’une manière qui doit être répétée. Une nourriture ne se prend pas en une seule et unique fois pour créer un état éternel qui subsiste à jamais sans qu’aucune autre nourriture semblable ne soit plus encore nécessaire ensuite pour l’alimenter. La nourriture se prend et se reprend tant qu’il y a vie et pour alimenter la vie.
L’humain n’a pas été créé pour l’immobilisme, mais pour développer un monde nouveau, créé par Dieu (Gn 1,28 et 2,15), avec une nourriture reçue de Dieu.
L’arbre de vie donne une nourriture à consommer continuellement car la vie est vivante et s’entretient sans cesse. On ne cesse jamais d’alimenter ni la vie, ni l’amour. La vie, ce n’est pas un avoir qu’on possède une fois pour toutes dans un état d’immobilisme mais c’est une communion d’amour en mouvement qui s’alimente sans cesse.
Selon le dictionnaire, un arbre, c’est un être vivant végétal, donc peu ou pas mobile au contraire des être vivants animaux. Il est stable et ne se dérobe pas. Il demeure là où il est. Il peut exprimer ainsi la réalité présente de Dieu lui-même. Ce qui caractérise un arbre parmi l’ensemble des végétaux, c’est d’avoir une tige ligneuse (en bois), ferme, solide, dont les branches ne se développent qu’à une certaine hauteur au-dessus du sol.
On peut ainsi observer que le fruit d’un arbre est un fruit porté à une certaine hauteur au-dessus du sol. Sur l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le fruit ne peut pas être détaché de sa position en hauteur dans le ciel de l’Eden pour être confondu avec ce qui est seulement terrestre, pour être ramené au sol terrestre.
La vie spirituelle est faite pour l’humain terrestre créé à l’image de Dieu, mais sans confusion panthéiste. Le jardin planté par Dieu dans l’Eden, dans la réalité spirituelle, doit être développé avec une connaissance qui n’est pas ramenée entièrement au seul niveau terrestre mais qui reste en Dieu.
Dans un autre sujet de ce forum (C’est Adam le fautif ! du sous-forum de théologie), une question pertinente est posée :
Vincent a écrit :pourquoi faire pousser l'arbre de la connaissance du bien et du mal, si c'est pour empêcher l'homme d'y toucher ?
…
Cela peut signifier que l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et le fait que l'homme en mangera fait partie du plan de Dieu. Le fait que Dieu empêche Adam et Ève d'en manger peut signifier que Dieu veut d'abord préparer l'homme à cet état futur. La faute d'Adam et Ève ne serait pas tant d'avoir mangé le fruit, mais de l'avoir mangé trop tôt, s'écartant du plan de Dieu.
cfr :
http://cite-catholique.org/viewtopic.ph ... 96#p236996
Cette réflexion me semble très profonde et me fait observer que l’interdiction de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal est faite à l’adame, au terrien, avant la création de Eve, quand l’adame est encore « seul » (Gn 2,16-18). L’interdiction est faite avant l’achèvement de la création des premiers humains créés à l’image de Dieu. L’interdiction précède l’achèvement de la création de l’humanité à l’image de Dieu et il me semble, dès lors, possible d’envisager, comme le fait Vincent, que cette interdiction pourrait avoir une fin après l’achèvement de cette création mais cette fin ne devrait-elle pas se situer après que les humains aient développé le monde créé en communion avec Dieu et non avant ce développement confié à l’humanité ?
Aujourd’hui le monde créé est encore dans les douleurs de l’enfantement (Rm 8,22), mais, un jour, « je connaîtrai comme je suis connu » (Ro 13, 12).
En s’emparant immédiatement du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal dans la réalité terrestre sans respecter la présence de ce fruit en hauteur par rapport au sol, Adam et Eve ont empêché l’avènement du monde en harmonie avec Dieu du monde qui leur était confié.
Cet arbre nous plonge ainsi, de même que le péché d’Adam et Eve, au plus profond du mystère de notre propre réalité créée.
Lorsque Dieu plante un jardin dans l’Eden et y fait pousser des arbres du sol terrestre, le matériel créé surgit dans le spirituel de Dieu. Tous les arbres poussent de l’adamah (Gn 2,9). L’arbre de la vie permet de faire vivre le créé matériel dans le monde spirituel de Dieu. Il alimente le monde créé pour lui donner ce qui lui est nécessaire pour la vie dans l’Eden. L’arbre de la connaissance n’est pas accessible séparément à l’adame terrestre, mais peut-être l’interdiction n’était-elle que temporaire tant que l’adame n’avait pas fait le choix de vivre en communion avec Dieu.
L’arbre de la connaissance a ouvert ce choix libre sans lequel il n’y a pas vraiment d’être créé à l’image de Dieu. L’interdiction d’en manger le fruit a ouvert une possibilité de choisir librement la connaissance par la vie en communion avec Dieu ou une connaissance séparée ramenée au terrestre. L’amour de Dieu aurait dû faire préférer de ne pas s’emparer d’un tel fruit.
En s’emparant d’une connaissance séparée de l’amour de Dieu, les humains ont ouvert un précipice car dans le jardin d’Eden, ils pouvaient s’alimenter éternellement à l’arbre de vie. Mais, vivre éternellement dans la séparation de Dieu, c’est l’enfer.
Judith a écrit :" Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d'arbres séduisants à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance du bien et du mal " ... " Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car, le jour où tu en mangeras, tu mourras". (Gen. 2, v 9/16/17 ).
Avant de chuter, Adam et Eve avaient le droit de manger de l'arbre de Vie, ce qui parait logique, puisqu'à ce moment avant la faute ils étaient immortels.
Mais après la chute : " Qu'il n'étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l'arbre de vie, n'en mange et ne vive pour toujours" (Gen. 3, v 22 )
Est-ce que cela signifie, que si après avoir gouté à l'arbre de la connaissance, ils avaient pu manger de l'arbre de vie, ils seraient restés immortels ?
Si cela est exact, cela voudrait dire qu'ils n'auraient jamais pu rejoindre Dieu au ciel et seraient restés à jamais coupés de Dieu ?
Donc en fait, est-ce que l'on peut dire que c'est par amour pour nous que Dieu éloigna Adam et Eve de l'arbre de Vie, pour avoir la possibilité d'être racheté et de nouveau être uni à Lui ?
C'est la première fois que je lis ce passage de la Bible sous cet angle là, en l'approfondissant autant.
Cela montre à quel point Dieu est plein de miséricorde : Adam et Eve viennent de pécher contre lui et Lui ne pense qu'à leur salut futur.
C'est vraiment une immense preuve d'amour et je trouve ça merveilleux.
Excellent !
Merci à Judith de permettre d’observer que ce n’est pas par punition, mais pour sauver l’humanité des conséquences du péché que Dieu dit, après le péché originel : « Qu’il n’étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l’arbre de vie, n’en mange et ne vive pour toujours » (Gn 3,22).
Dieu en protège l’humain. Il exclut de nourrir sa séparation éternellement.
Il ne s’agit pas ici de priver les humains de la vie elle-même qui est en Dieu de toute éternité, mais de l’arbre de vie qui est nourriture pour l’humanité. Cet arbre ne donne pas la vie, il l’alimente. Dieu veille à ce que l’humanité séparée ne s’alimente pas à cette source pour demeurer dans l’enfer.
L’homme s’est coupé de la communion qui fait vivre. Il serait encore pire d’alimenter cette rupture, de la faire vivre. Dieu ne fait pas vivre l’enfer ! Le salut reste possible.
Ni le jardin dans l’Eden, ni l’arbre de vie, n’ont disparu. Bien au contraire, cet arbre de vie dans l’Eden fait l’objet, dans le Nouveau Testament, d’une promesse qui demeure : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Eglises : au vainqueur, je ferai manger de l’arbre de vie placé dans le paradis de Dieu » (Apoc. 2,7).
Les arbres du jardin d’Eden peuvent prendre ainsi une place centrale dans la compréhension de notre création et de l’ordre chronologique du récit biblique.
Dieu façonne d’abord l’humain (l’adame), mâle et femelle, jusqu’à en faire une « âme vivante » (Gn 2,7). En cela, rien ne semble encore distinguer l’humain (ou le pré-humain) des animaux qui sont aussi décrits, dans la Genèse, comme des « âmes vivantes » (Gn 1,24). Les mots hébreux sont les mêmes. A ce stade, c’est l’adame. On est uniquement dans le terrestre animé. Il peut s’agir de pré-humains.
Nous savons que ce premier travail a duré des milliards d’années.
Après avoir façonné le corps de l’humain dans la poussière de la terre, Dieu a planté un jardin dans son monde, dans l’Eden, et, fait inimaginable, il a mis l’adame dans ce jardin (Gn 2,8 et Gn 2,15) avec une nourriture adaptée à sa réalité terrestre, des « arbres » que Dieu a fait pousser du sol terrestre pour le nourrir dans la réalité spirituelle de l’Eden.
Il a ainsi placé l’adame, encore défini uniquement par la poussière du sol, l’adamah, qui le constitue matériellement, dans le monde spirituel de Dieu, après l’avoir d’abord façonné et rendu vivant dans la réalité terrestre.
Voyons-nous cette extraordinaire révélation : après avoir façonné la réalité terrestre dans toute ses dimensions et tous les êtres qui s’y trouvent inertes ou vivants (C’est le premier récit de Gn 1,1 à Gn 2,4), Dieu a décidé de placer un terrien, un adame, un être créé, dans son ciel, dans sa réalité (C’est le second récit de Gn 2,5 à Gn 3,24).
Il a planté un jardin dans l’Eden, dans le paradis, dans le monde spirituel invisible, là où la vie est de toute éternité, là où Dieu est de toute éternité en communion d’amour de trois personnes.
Il y a mis l’adame, le mâle et la femelle. La Genèse nous le répète deux fois : tant le mâle que la femelle sont nommés adame (Gn 1,27 et Gn 5, 2).
Qui perçoit l’extraordinaire création que Dieu fait surgir ? Dans le matériel, il fait surgir des êtres vivants qui relient le terrestre et le spirituel, des êtres vivants qui participent à la réalité matérielle et, simultanément, à la réalité spirituelle.
Mais, au début, ces êtres sont des « arbres », une « nourriture » pour l’adame. Comment évoquer la réalité spirituelle pour des humains autrement qu’avec des mots nécessairement imagés ? Ce ne sont encore que des êtres représentés par des êtres vivants de type végétal, pas encore de type animé. Il n’y a pas encore de vie en mouvement. Mais, c’est déjà un être vivant qui participe simultanément à la réalité matérielle et à la réalité spirituelle.
Dans l’Eden, le vivant « est » de toute éternité : il n’est pas limité au terrestre. Ainsi, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, même si Dieu le fait pousser du sol terrestre, ne porte ses branches et ses fruits qu’au-dessus du sol, à une certaine hauteur. C’est ce qui définit et caractérise un arbre parmi les végétaux. Quelle image juste ! La vraie connaissance dépasse et se trouve en hauteur par rapport aux seules réalités terrestres.
Prendre le fruit de la connaissance qui se trouve en hauteur par rapport au sol pour le ramener et l’absorber dans la réalité terrestre, n’est-ce pas détruire tout ce que la réalité spirituelle peut apporter dans la réalité terrestre dans un état transcendant non absorbé par elle ? Il y a union, communion et harmonie entre le monde terrestre et le monde spirituel, mais non confusion ou réduction du spirituel au terrestre.
N’est-ce pas encore un péché très présent que de vouloir ramener la vérité et la connaissance au niveau du sol, au lieu de les laisser être à une certaine hauteur par rapport au sol, à notre réalité terrestre ?
La vraie connaissance, qui unit sans confusion la connaissance terrestre et la connaissance spirituelle, ne se développe-t-elle pas comme les branches d’un arbre, à une certaine hauteur du sol ?
Après avoir planté un jardin dans l’Eden et y avoir fait pousser du sol terrestre, des « arbres », soit des êtres vivants stables, fermes, portant du fruit en hauteur, dont un arbre plaçant la connaissance du bien et du mal et ses fruits en hauteur par rapport à la réalité du sol terrestre, et y avoir mis l’adame, Dieu n’a pas encore achevé sa création. Il le constate expressément : ce n’est pas encore bon (Gn 2,18).
Certes, dans le jardin planté dans l’Eden, l’adame, le terrien, est mis dans la réalité spirituelle autant que dans la réalité terrestre où il était déjà. Mais, le seul fait de placer un terrien dans la réalité spirituelle n’en fait pas encore nécessairement une âme immortelle capable de communion éternelle d’amour avec Dieu. Un homo capax Dei.
A ce stade, l’adame est « seul » (Gn 2,18). Cette solitude de l’adame ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a qu’un unique adame. Au contraire, la Genèse nous répète que tant le mâle que la femelle sont nommés adame (Gn 1,27 et Gn 5, 2). Ils sont certes déjà des êtres animés. Ils peuvent même nommer les autres vivants qui sont présents et ils peuvent même goûter des arbres d’un jardin dans l’Eden, mais ils ne connaissent pas encore la communion spirituelle dont Dieu vit de toute éternité.
Ce qui manque encore à l’adame, c’est une « aide semblable à lui » (Gn 2,20).
Le mot traduit par aide (ou secours) est assez clair, mais l’expression complète « aide semblable à lui » paraît unique dans la Bible. Les termes « semblables à lui » sont aussi traduits par l’expression « qui lui fut assortie » ou « qui lui corresponde ». En anglais, les traductions s’ouvrent davantage : « as front as him » (traduction du rabbinat) ou « meet for him » (King James).
Pour comprendre cette expression, ne faut-il pas nous tourner vers ce qui manque encore à l’adame, mâle et femelle, pour que soit achevée leur création à l’image de Dieu, et plus précisément à l’image d’un Dieu trinitaire qui vit dans une communion spirituelle d’amour ?
Et n’est-ce pas ouvrir ici une difficulté infinie : comment représenter dans une créature la Trinité divine, comment donner à l’adame un vis-à-vis à l’image du vis-à-vis qui existe pour chaque personne divine dans la communion du Dieu unique ? Comment peut-on nommer ce qu’est le Père pour le Fils et pour l’Esprit, le Fils pour le Père et l’Esprit, l’Esprit pour le Père et pour le Fils ? Un vis-à-vis ? Un semblable ? Une aide ? Un soutien mutuel ?
Après lui avoir façonné un corps et un esprit, puis l’avoir introduit dans l’Eden, il faut encore que le Créateur fasse de cet être terrien un être spirituel capable de partager la vie de Dieu qui est communion d’amour et même, ce qui est encore infiniment plus, de permettre à Dieu de partager et d’assumer l’être terrien, ce qui se réalisera plus tard lors de l’incarnation du Christ.
Rien de terrestre, pas même l’intelligence du terrien, ne peut produire cette transformation ou y participer par lui-même. Aucune évolution biologique ne peut produire une âme immortelle. Elle ne peut venir que par une action de Dieu. Un être pré-humain, aussi intelligent soit-il ne peut, du seul fait de ses capacités cérébrales biologiques, psychologiques et affectives, acquérir la capacité de partager la vie éternelle de Dieu.
Quels que soient les progrès biologiques du cerveau et de ses capacités d’abstraction au fil des milliards d’années de l’histoire, ces progrès ne pouvaient, par eux-mêmes, aboutir à une âme immortelle. Seule une création par Dieu a fait exister dans notre monde des âmes immortelles à son image, capables de partager sa vie, sa communion d’amour, tellement capables qu’il a pu lui-même s’incarner et assumer cette humanité.
Le seul fait d’avoir placé un terrien dans la réalité spirituelle de l’Eden avec la possibilité d’un choix libre en conscience n’en faisait pas encore nécessairement une âme immortelle capable de communion éternelle avec Dieu.
Il fallait encore que ce vivant terrien devienne un vivant spirituel capable de partager la vie de Dieu, de la choisir librement.
Dieu va tirer de l’être terrien un être spirituel en le mettant dans le jardin planté dans l’Eden, puis va le rendre capable de vivre une communion d’amour à l’image de l’amour trinitaire qui demeure éternellement en Dieu, sans participation de l’intelligence du terrien, mais dans un sommeil mystérieux.
Voilà le moment décisif de la création de l’humanité à l’image de Dieu.
L’être terrien va découvrir une communion avec un autre semblable à lui et accéder ainsi pleinement à la vie de Dieu qui est Trinité et amour.
Dans un extraordinaire échange amoureux éblouissant (Gn 2,21-24), des adames mâle et femelle vont se découvrir en communion, homme et femme. L’un va porter le nom de son origine terrestre : Adam. L’autre va porter le nom même de vivante : Eve (Gn 3, 20).
L’être terrien va découvrir une communion avec un autre semblable à lui et en être ébloui.
Ensemble, le premier couple originel formé par un adame de sexe masculin et un adame de sexe féminin accède à une communion. Les voici à l’image de Dieu, avec une capacité de vivre éternellement en communion avec lui, avec une âme immortelle qui ne résulte pas des évolutions de leurs ancêtres biologiques, mais d’une création de Dieu.
C’est ensemble, l’un par l’autre, qu’ils ont ainsi été créés à l’image de Dieu, dans une communion d’amour. Ils sont devenus spirituels et immortels avec leurs corps matériels, dans une harmonie parfaite.
Hélas, c’est encore et toujours ensemble qu’ils ont choisi de suivre leur intelligence créée plutôt que leur communion avec Dieu, en s’emparant du fruit de l’arbre de la connaissance au lieu de s’alimenter à l’arbre de vie en laissant dans l’Eden la connaissance du bien et du mal de manière à développer l’humanité et le monde créé en communion avec Dieu.
Heureusement que Dieu a empêché qu’ils s’alimentent sans fin à l’arbre de vie pour pouvoir les délivrer par le Christ.
Aussi, l’adame (pas seulement Adam, mais aussi Eve) a été éloigné du jardin planté dans l’Eden (Gn 3,24).
Reste la promesse pour aujourd’hui : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Eglises : au vainqueur, je ferai manger de l’arbre de vie placé dans le paradis de Dieu » (Apoc. 2,7).