franc_lazur a écrit :C'est avec plaisir que je m'aperçois que l'on revient enfin des aberrations (à mon sens ) du siècle dernier voulant dater les évangiles le plus loin possible des événements , et ceci même chez les Catholiques !
Datation tardive qui fait la joie des agnotiques et des Musulmans !
Or, à ma connaissance, rien de probant ne va dans le sens d'une datation tardive, alors que de nombreuses preuves peuvent être avancées pour une datation AVANT l'année 70.
Qu'en pensez-vous ?
Fraternellement.
Je partage entièrement votre avis, Franc Lazur
Tout était bon pour tenter de donner moins de crédit au christianisme, c'est pourquoi les attaques se sont portées également sur la datation des Evangiles.
Voici quelques éléments montrant bien que les Evangiles datent d'avant l'année 70 :
Le contenu des 4 Evangiles s'accorde fort bien avec ce que nous savons des 4 auteurs :
- Saint Matthieu : l'auteur devait être juif, palestinien, et même publicain (nombreux sémitismes, connaissance précises du pays, connaissance technique des monnaies et des impôts. Il ne cache pas la profession de publicain de Matthieu (honteux chez les juifs) et dans la liste des Apôtres se place après Thomas, tout ceci signe d'humilité. Il écrit pour des juifs convertis car il n'explique pas les nombreux sémitismes et note souvent l'accomplissement des prophéties.
- Saint Marc : l'auteur devait aussi être juif palestinien (sémitisme, connaissance des mœurs et de la géographie). Il devait être un disciple de Saint Pierre dont il parle souvent, avec précision, mais sans cacher ses faiblesses. Quelques tournures latines et une bonne connaissance des latins s'expliquent bien si l'auteur a écrit sur livre pour des Romains.
- Saint Luc : l'auteur devait être de culture grec et cultive comme le témoigne sa connaissance du grec. Il devait être médecin car il décrit parfaitement les maladies (et jusqu'à la sueur de sang qu'il décrit avec précision comme des petits caillots de sang, terme généralement mal traduit mais qu'explique bien le docteur Barbet). Il y a des grandes affinités avec Saint Paul (par exemple dans le récit de la Cène (2)) qui s'explique bien si l'auteur était son disciple. Enfin il y a une grande similitude avec les Actes des Apôtres qui sont évidemment de Luc (Ce prologue souligne la continuité)
- Saint Jean : devait être juif (nombreux sémitismes) connaissant parfaitement lu Palestine et Jérusalem. Ainsi il parle de la piscine à 5 portiques, ce qui étonnait les commentateurs car on ne connaissait pas de piscines à 5 portiques dans l'Antiquité. Or des fouilles récentes à Jérusalem, à l'endroit indiqué par l'Evangile, ont fait apparaître cette piscine à 5 portiques. Il devait être un familier de Jésus, donnant des détails vivants d'un témoin oculaire. Il ne nomme pas le nom de Jean, mais emploie généralement l'expression "le disciple que Jésus aimait", soit par humilité, soit par prudence en raison des persécutions des juifs (Jean était peut être un membre d'une grande famille de Jérusalem puisqu'il connaissait le grand prêtre).
2.2.2 La langue de rédaction des synoptiques (les 3 premiers Evangiles) est une langue sémitique, probablement l'Hébreu. Importance de ce fait : si les Evangiles ont été écrits dans une langue sémitique, c'est qu'ils ont été écrits à une époque où la majorité des chrétiens étaient d'origine juive et palestinienne.
Or la foi chrétienne a commencé à sortir de Palestine en l'an 36 et dès les années 48-50 elle avait complètement explosé hors de Palestine, comme le témoigne le concile de Jérusalem. Donc à partir de ce moment là on ne va pas écrire des Evangiles en Hébreu, langue qui n'est pas connue (même des juifs) hors de la Palestine.
2.2.3 Les Actes des Apôtres fournissent un précieux repère chronologique. Ce livre s'arrête brusquement, Paul étant captif à Rome. Dans les derniers chapitres, ce livre contient une foule de détails sur l'arrestation de Paul, son voyage de Palestine jusqu'à Rome, puis le début de sa captivité à Rome. Cette finale brusque est si contraire à l'ampleur des récits précédents qu'elle suppose manifestement que l'ouvrage a été terminé quand Paul attendait sa comparution, donc vers le début de 63. Il aurait été prodigieusement intéressant pour le lecteur de savoir comment Paul avait été relâché, et ce qu'il était devenu. Même le protestant libéral Harnack, célèbre dans l'exégèse moderne, qui avait d'abord soutenu une date plus récente pour les Actes (après 78) fut contraint par la force de cet argument à les dater finalement peu après l'année 60.
Or, le prologue des Actes manifeste que l'auteur a déjà écrit l'Evangile de Luc. Cet Evangile date donc au plus tard des années 58-60, lorsque Luc était encore en Palestine. On admet généralement que Luc a connu l'Evangile de Marc qu'il a complété; quant à Matthieu il est généralement placé avant Luc.
Ainsi nous savons, par cet argument que les 3 premiers Evangiles ont été écrits avant l'an 60.
2.2.4 Un dernier argument nous renseigne sur la date des Evangiles : les institutions décrites, les doctrines et les sentiments exposés sont manifestement très anciens. Ainsi on peut montrer :
1° Aucun des évangélistes n'a connu la ruine de Jérusalem (en 70). En effet celle-ci marque un bouleversement complet dans la mentalité juive et des écrivains postérieurs à 70, parlant de la société juive et de Jérusalem, n'auraient pas pu éliminer tout allusion au nouvel ordre de choses. Si un écrivain écrit un livre sur Hiroshima, au bout de quelques lignes on sait si il écrit avant ou après 1945. Par exemple dans St Jean on lit ceci "Il est à Jérusalem, près des "Brebis", un piscine appeler Bethzatha; elle a 5 portiques..."
Saint Jean dit "il est". S'il avait écrit après 70 il aurait du mettre "il y avait".
De plus il dit "près des Brebis" pour dire "près de la porte des Brebis", de la même façon qu'un parisien parle de "la concorde" pour parler de "la place de la concorde". Saint Jean écrivait donc pour un public qui était familier de Jérusalem.
2° Aucun des évangélistes ne parle des persécutions de la part des païens, qui furent terribles à partir de 64-65 (Néron), alors qu'ils relatent celles des juifs.
3° Les institutions décrites sont très anciennes : on y parle d'Apôtres, mais pas d'évêques, de prêtres et de diacres. Les sentiments décrits sont archaïques : les seuls adversaires cités sont les juifs, on ne parle pas des hérétiques, ni des accroissements rapides de l'Eglise. Il n'y a aucune spéculation théologique, alors que St Paul a déjà commencé de la faire dans ses épîtres à partir de l'an 56. Enfin la société juive décrite est celle du deuxième quart du 1er siècle.
4° Il semble même que Saint Matthieu, et peut être Saint Jean, n'ont pas connu le passage de l'Evangile aux non juifs. Cela se remarque à la façon dont il relate certaines propos du Seigneur (par exemple le Signe de Jonas qui annonçait ce passage).
Conclusion sur les dates des évangiles
- Les 4 Evangiles ont certainement été écrits avant 70 (ruine de Jérusalem) et très vraisemblablement avant 64-65 (persécution de Néron).
- Luc a certainement écrit son Evangile avant 60 (car les Actes des Apôtres étaient achevés en 62).
- Si on tient compte de la langue sémitique, il parait absurde de placer les 3 premiers Evangiles après l'an 50 (St Luc aux alentours de 50).
- Certains indices (ignorance du passage aux païens) feraient dater Matthieu et Jean d'avant l'an 36.
Disons enfin que le quatrième Evangile se présente comme l’œuvre d'un témoin direct de la vie du Christ, qui raconte ses souvenirs, en y joignant les pensés que sa foi ardente lui inspire.