Serge BS a écrit :Je tiens à préciser que les dates données dans mon message du 30 mars à 10 heures 09 sont celles les plus communément admises par les historiens, y compris non catholiques et athées. Je les ai données volontairement car, malgré tout le désir de certains de nier l’historicité du Nouveau Testament, elles montrent bien que le dit Nouveau Testament était déjà quasiment entièrement composé avant la fin du premier siècle, puisque ces dates sont celles admises y compris par les historiens athées ou anticléricaux ! C’est donc une preuve, négative reprenant les arguments de l’adversaire, de l’ancienneté des textes néotestamentaires. C’est pourquoi, même si je ne suis pas d’accord avec ces dates, je les ai volontairement reprises !
Personnellement, après lectures, comparaisons, analyses, écoute, etc… (et même toucher physique du plus ancien document détenu à Patmos reprenant l’Apocalypse ; ça compte mine de rien…), je pense que les trois synoptiques sont antérieurs à 70. Je pourrai expliquer plus longuement pourquoi plus tard si vous le désirez (mais ça risque d’être jugé trop long).
Ainsi, la rédaction de Luc semble s’inscrire entre 64 et 70, voire même avant 64. Or, Luc dépend de Marc, ce qui implique que Marc a dans tous les cas été composé avant 64. Par ailleurs, comme les Pères et beaucoup d’historiens affirment que Matthieu est le premier à avoir été composé, Marc en dépendant partiellement et tous les écrits des Pères Apostoliques y baignant, voire s’y référant (Clément de Rome, Lettre, 46, 7-8 ; Pseudo-Barnabé 4, 14 ; Didaché 8, 2), y compris clairement, Matthieu aurait donc été composé avant 60. Maintenant, certains posent Marc antérieur à Matthieu… Et bien alors, Marc aurait été composé avant 60 et Matthieu avant 64 ! Quel que soit le sens et les relations prises, on n’en sort pas : 64/70 pour Luc, et, au pire du pire 68 et 69 pour les deux autres !
Par ailleurs, il est admis que Pierre était encore vivant au moment de la rédaction de Marc ! Donc, l’Evangile de Marc est au maximum datable de 66, l’année admise pour la mort de Pierre ! Et Matthieu, dans l’hypothèse pré-Marc daterait au moins de 64/65, et dans la post-Marc de 67/69 !
Pour ce qui est de l’Evangile de Jean, toujours est-il déjà qu’il y a de nombreux contacts avec Ignace d’Antioche (notamment in : Philadelphiens et Romains) ou encore avec les Odes de Salomon, donc des textes de la première moitié du II° siècle au plus. Donc, déjà, dans tous les cas de figure une rédaction avant 100, voir même 100. De plus, le Papyrus Egerton 2 et le Papyrus Rylands 457 montrent que dès le début du II° siècle le texte de Jean était bien connu dans toute l’Egypte. Cela nous ramnène donc au moins à 90 au plus tard pour la rédaction de tout le corpus. Si l’on admet qu’il y a eu des retouches et des corrections du texte, nous sommes bien obligés d’admettre au moins 88 comme limite supérieure de rédaction. Mais comme divers indices, que je ne reprends pas ici, me montrent que les 1ère et 2ème épîtres de Jean sont postérieures à l’Evangile de Jean, et comme elles ont été écrites, selon les constats que je fais, au moins avant 85, cela signifie que l’Evangile de Jean est écrit au plus tard en 80 !
Par ailleurs, il est surprenant de lire que l’on admet sans aucune réserve ce que dit Eusèbe de Césarée sur Josèphe, Plotin, Tertullien, etc…, y compris lorsqu’il en cite des extraits ou parle de leur époque, de leurs ouvrages, etc…Donc, pourquoi admettre qu’il a raison lorsqu’il parle d’auteurs non chrétiens ou d’un auteur devenu hérétique, mais qu’il a tort lorsqu’il parle de Luc, de Matthieu, de Jean, de Marc ? C’est rien moins qu’absurde !
Enfin, si les Evangiles étaient des textes trafiqués, voire forgés par l’Eglise pour asseoir son pouvoir, pourquoi avoir dès lors laissé subsister des passages tels que (Mt 24, 34), (Mc 13, 30) ou (Lc 21, 32) qui pourraient démontrer que Jésus s’est trompé en prenant une lecture littérale et non spirituelle ? Prenons comme date de la mort du Christ 33. A cette époque, une génération était, selon les conceptions les plus larges entre 30 et 40 ans. Cela signifie donc que ces trois Evangiles ont été écrits avant 70 et au plus entre 63 et 73, date limite supérieure ! Mais si l’on prend la tradition juive du mariage idéal à 18 ans (cf. M Avot V, 21), on peut dire qu’une génération était d’environ 20 ans ! Donc, 33 + 20 = 53 au plus pour Luc, 52 pour Marc et 51 pour Matthieu !
Enfin, je ne parle ici que de la composition écrite des Evangiles, pas de leur composition orale qui a pu très bien être, vue la société chrétienne et les persécutions (la date de 64 pouvant elle-même former une limite supérieure de composition du fait de ces persécutions), bien antérieure !
De toute manière, il est rigolo de lire chez certains adversaires que la composition écrite tardive a été faite à partir de témoignages oraux, donc antérieurs, lointains, voire de logia reprenant les paroles de Jésus, composées de Son vivant ! Ces Evangiles seraient donc des résumés ou des reprises de textes écrits … avant 33, voir avant 30 selon la date prise pour la mort du Christ en Croix ! Sans le vouloir, ils ont repoussé encore plus loin l’ancienneté, non forcément des Evangiles, mais de leur contenu ! Avec les tremblements de terre de Jérusalem et de Rome ou encore de Grèce et d’Anatolie, les persécutions de toutes sortes, les invasions de toutes sortes, les pillages de toutes sortes, les oublis dans un coin de bibliothèque du désert, les autodafés antichrétiens, la négligence des hommes, l’action du temps sur des supports fragiles, etc.. il n’est pas forcément illogique que ces aide-mémoire aient disparu, tout comme il ne serait pas illogique de retrouver la trace de l’un d’eux un jour par hasard !
Nie t-on certains dialogues de Platon parce que leurs manuscrits ne sont pas de son temps, parce qu’ils datent pour certains de plus de 500 ans après leur rédaction, parce que leur connaissance antérieure n’est connue que par quelques fragments postérieurs de quelques années ? Non ! Et d’ailleurs, est-ce pour autant que l’on qualifie des fragments de logia ? Nie t-on Socrate alors qu’il n’a rien écrit et n’est connu que par des témoins ? Alors, pourquoi les mêmes traitent-ils Jésus avec moins d’égards que Socrate et Platon ? Les mêmes pseudo-arguments scientifiques appliqués au Christ et aux Apôtres pourraient pourtant très facilement leur dénier toute réalité et tout enseignement, uniquement en substituant dans leurs écrits Socrate au Christ, Platon aux Apôtres et aux Evangélistes, Aristote aux Pères Apostoliques et … Onfray au Père Lagrange !
Les hypothèses de FrancLazur (dont la remarque sur le estine, qui est bien présent de l’indicatif et en aucun cas parfait ou aoriste, de Jn 5, 2 est fort judicieuse) sont donc bien plus proches des miennes que celles de certains exégètes (que je citais néanmoins volontairement car même elles démontrent l’ancienneté des Ecritures), sans même parler du vocabulaire, du style, de la forme littéraire, de l’histoire factuelle, de l’archéologie, etc…
Quant aux théories des diverses sources pour justifier les similitudes des Synoptiques, je ne suis pas forcément convaincu, car on en oublie toujours et systématiquement une pourtant majeure à mes yeux et qui à elle seule justifie et explique toutes les similitudes : le Christ Lui-même, vivant, parlant directement !
MERCI, cher Serge, de ton approbation et de toutes ces précisions supplémentaires.
J'attends avec impatience le résumé de ton travail sur les Pères apostoliques ou de l'Eglise citant les évangiles .
Fraternellement.