L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

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Cinci
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » mer. 04 janv. 2017, 4:24

Et crac! Un pavé dans la mare!

https://gloria.tv/video/r1abUbhftiRE2gxRG4tRA8m4t

Il y a des damnés et ils sont nombreux! Aïe!

Que penser? ou comment faire ici de la théologie sur un coin de table de cuisine?


Didyme,

Je retire la remarque sur Origène, la séduction de son système chez toi. C'était un suggestion erronée. Par ailleurs, je comprends mieux ton objection à l'idée d'évoquer un choix si l'on parle des damnés. Il siérait mieux de réserver le terme pour la liberté qui se trouve en Dieu. Le choix est constructif alors que le non choix c'est la mort. On peut se tenir "dans la mort" par refus de choisir la vie justement (je décide de ne rien choisir, ni la vie ni la mort ... indifférent ... ni la vie plus que ... peu importe = mort) Un seul choix possible en vérité.

Il y a le choix, il y a le refus
Il y a la foi, la non foi

Choix = foi = vie

Refus = non foi = stérilité-mort

"Choisis donc la vie", comme dit l'Éternel dans le Genèse.

C'est vrai qu'il y a sans doute une erreur dans la présentation des choses, si l'on s'amuse à présenter le sujet comme devant faire un choix mais comme à devoir choisir entre l'avenue A (le bien) et l'avenue B (le mal). Comme tu faisais remarquer, ce serait comme en faire deux options équivalentes. Qu'est-ce que vous prendrez? Un petit verre de rouge? un p'tit Sancerre blanc pour faire descendre le Kouigh?

Il vaudrait mieux sans doute suggérer que nous sommes dans l'empire de la mort en partant, déjà dans l'enfer ... l'enfer est sur des rails mais si rien n'intervient pour nous en sortir. La seule liberté possible c'est faire le choix d'en sortir.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » mer. 04 janv. 2017, 5:31

Salut Pax,
La dernière citation de Yves Congar me heurte.
Elle est en opposition totale aux enseignements du Seigneur et de l'Eglise
Je ne connais pas assez les idées du père Yves Congar. Je ne sais pas jusqu'à quel point il aurait dû être en désaccord réel avec la doctrine de l'Église. En fait, peut-être qu'Il exprimait juste son incompréhension d'homme, face de cette perspective où d'autres hommes seraient réellement damnés? Ce ne serait pas beaucoup différent de l'attitude de Catherine de Sienne sur le fond même si la chose était exprimée différemment. Le curé d'Ars aussi aimait faire ressortir l'inimaginable de la chose quant à cela.

Ça ne veut pas dire que l'enfer n'existe pas, qu'il serait impossible pour des hommes d'y aboutir, En considérant toutes les autres remarques de théologiens ou de mystiques, la trame de fond de l'espérance chrétienne consisterait quand même à espérer que tous les hommes puissent échapper à l'enfer. Espérer en Dieu contre toutes les évidences ... C'est le contraire de nier l'existence de l'enfer. Il s'agit de croire à l'enfer (surtout pour soi-même), tout en croyant que la miséricorde de Dieu peut être encore plus grande ... Dieu pourrait ... d'où l'importance des prières, de choisir soi-même la vie (de s'offrir pour les autres... ). On ne se sauve pas tout seul.

Il s'agir de saisir la dynamique chrétienne véritable, exprimer la note juste ... Ainsi, menacer les autres, dire que Dieu pourrait les précipiter en enfer si ... Faire miroiter que des millions sont enfer, que c'est bien fait pour leur gueule et que ce n,est que justice après tout ... Non, ce ne serait pas faire résonner la note juste ...

Un prêtre a beau s'exprimer sur GloriaTV, il nous partage sa conviction. Il n'en reste pas moins que le catéchisme de Jean-Paul II de 1992, supervisé par le cardinal Joseph Ratzinger à l'époque (,,, avec l'aide de bien d'autres évêques ) va citer Julienne de Norwich au numéro 313 ainsi que Catherine de Sienne. Notre catéchisme de l'Église catholique ne cite pas la soeur Faustine.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » mer. 04 janv. 2017, 23:31

Cinci,

J'apprécie que tu sembles désormais comprendre ce qui me taraude, même si je suis certainement à l'ouest sur certains points. ;)

Et merci, pour le lien à l'encyclique de Jean-Paul II. :)

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » jeu. 05 janv. 2017, 0:00

J'ai envie de revenir sur cette réponse,
Didyme a écrit :
PaxetBonum a écrit :Bonssoir Cinci

La dernière citation de Yves Congar me heurte.
Elle est en opposition totale aux enseignements du Seigneur et de l'Eglise.

“ Si votre œil vous est un sujet de scandale, a déclaré Jésus, arrachez-le : il vaut mieux pour vous que n’ayant qu’un œil vous entriez dans le royaume de Dieu, que d’en avoir deux et être précipité dans le feu de l’enfer : où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu ne s’éteint jamais. ”

Ces peines sont bien éternelles.
En même temps, Yves Congar partage le point de vue de Jean Elluin (qui était aussi celui de didyme l'aveugle il me semble) qui est celui d'un enfer médicinal où le mal est arraché à la créature par le feu divin donc le passage que vous citez pourrait aller dans le même sens pour le coup.
Je ne pense pas que ce passage aille dans le même sens en fait mais je ne vois pas non plus en quoi ce passage parle de peines éternelles ? De peines oui mais éternelles :?:
D'un ver qui ne meurt pas et d'un feu qui ne s'éteint jamais oui, mais de peines éternelles :?:
Par ailleurs, je ne sais pas s'il faille prendre cette phrase à la lettre ou selon l'idée qui pourrait être que les tourments de cette vie ne sont que peu de choses comparés aux tourments dans la mort, ce qui n'induit pas nécessairement une notion d'éternité.
Et quand bien même, nos péchés nous conduiraient avec justice à cette situation, le fait est que nous sommes seuls et définitivement perdus, perdus sans Dieu.
Didyme a écrit :
PaxetBonum a écrit :Bernanos dans Journal d'un curé de campagne : "L’enfer, madame, c’est de ne plus aimer. Ne plus aimer, cela sonne à vos oreilles ainsi qu’une expression familière. Ne plus aimer signifie pour un homme vivant aimer moins, ou aimer ailleurs. Et si cette faculté qui nous paraît inséparable de notre être, notre être même – comprendre est encore une façon d’aimer – pouvait disparaître, pourtant ? Ne plus aimer, ne plus comprendre, vivre quand même, ô prodige ! L’erreur commune à tous est d’attribuer à ces créatures abandonnées quelque chose encore de nous, de notre perpétuelle mobilité alors qu’elles sont hors du temps, hors du mouvement, fixées pour toujours.
C'est un point que je ne comprends que cette idée de fixitude, d'où vient-elle ?
Si c'est en raison de l'état de la créature privée de son corps, ce n'est pas parce qu'elles ne peuvent plus agir qu'elles n'ont plus ni conscience ni volonté.
Les anges qui sont des créatures spirituelles ont bien pu déchoir. Or, selon cette idée de fixitude, ils n'auraient pas pu. De même, les récits de mystiques ne font pas état d'une absence de volonté, de conscience.
Je ne suis pas trop convaincu de cette réponse car il peut être vrai que l'on soit figés mais, si livrés, si abandonnés à nous-mêmes. En fait, c'est Dieu qui attire "et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi" (Jean 12 : 33)
Dernière modification par Didyme le jeu. 05 janv. 2017, 0:32, modifié 1 fois.
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » jeu. 05 janv. 2017, 0:28

Cinci a écrit :Sainte Catherine de Sienne :
  • Comment supporterais-je, Seigneur, qu'un seul de ceux que tu as fait comme moi à ton image et à ta ressemblance aille se perdre et s'échapper de tes mains? Non, en aucun cas, je ne veux qu'un seul de mes frères se perdre. Je veux que tous soient arrachés à l'antique ennemi. Que tu les prennes tous pour l'honneur et la plus grande gloire de ton Nom. L'amour ne saurait demeurer en enfer, il détruirait l'enfer de fond en comble. On le supprimerait plus facilement qu'on ne laisserait subsister l'amour en lui, (rapporté par Raymond de Capoue)
En fait, je me demande de quoi parle Catherine de Sienne. S'agit-il de l'enfer ou des enfers ?
On a tendance à mélanger les deux je crois. Les témoignages de mystiques concernent-ils l'enfer comme ce lieu, cet état de damnation éternelle ou les enfers en tant que séjour des morts ? On a peut-être trop tendance à penser qu'il s'agisse de l'enfer. Or, l'enfer n'est pas encore, on ne parle de cet enfer qu'après le Jugement. Il doit donc s'agir des enfers.
Alors oui l'amour ne saurait demeurer en enfer, cet enfer d'après le Jugement où réside le péché à l'état pur, c'est-à-dire comme j'en parlais dans mon tout premier post, du péché détaché de l'être, de la personne. Et il ne reste alors plus rien à aimer, ne s'y trouvant plus d'être, plus de création, seulement le non-être, cet anti-amour qu'est le péché, l'enfer comme lieu de dépôt du péché.

Quant au séjour des morts, considère-t-on que ceux qui s'y trouvent soient irrémédiablement perdus ?

Je précise que ce n'est qu'une simple réflexion, personne ne pouvant se prononcer de manière absolue sur le sujet quant à la damnation ou non de quiconque.
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Milla » jeu. 05 janv. 2017, 15:05

Je fais juste une rapide intrusion.
J'ai un livre de catéchèse orthodoxe - Dieu est vivant, aux éditions du Cerf - qui fait apparemment état d'une différence entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe quant à cette idée de "fixité" après la mort. Je cite : "Il faut ajouter encore que l’Église orthodoxe ignore la distinction latine de l'enfer et du purgatoire. Elle prie pour tous les morts et n'admet pas qu'il y en ait qui soient dès maintenant damnés pour toujours. L'existence outre-tombe n'est que la suite du destin du défunt, avec sa purification et sa libération progressives - une guérison, une maturation et une attente créatrice." (p.429, extrait de l'article Une approche de l'eschatologie orthodoxe d'Alexandre Turincev)
Je n'en sais pas plus...

Cordialement,

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Raistlin » jeu. 05 janv. 2017, 15:21

Milla a écrit :Je fais juste une rapide intrusion.
J'ai un livre de catéchèse orthodoxe - Dieu est vivant, aux éditions du Cerf - qui fait apparemment état d'une différence entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe quant à cette idée de "fixité" après la mort. Je cite : "Il faut ajouter encore que l’Église orthodoxe ignore la distinction latine de l'enfer et du purgatoire. Elle prie pour tous les morts et n'admet pas qu'il y en ait qui soient dès maintenant damnés pour toujours. L'existence outre-tombe n'est que la suite du destin du défunt, avec sa purification et sa libération progressives - une guérison, une maturation et une attente créatrice." (p.429, extrait de l'article Une approche de l'eschatologie orthodoxe d'Alexandre Turincev)
Je n'en sais pas plus...
Pourtant, c'est ce qui arrive dans la parabole du riche et de Lazare (Lc 19, 31). Et jésus parle souvent de la "Géhenne de feu".

Après, l'Église n'a jamais dit que telle ou telle personne était en Enfer. Il est toujours permis d'espérer. Mais de fait, l'Enfer est une possibilité logique : celui qui refuse Dieu et sa miséricorde ne peut pas vivre avec lui.

Cordialement,
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Héraclius » jeu. 05 janv. 2017, 17:48

Milla a écrit :Je fais juste une rapide intrusion.
J'ai un livre de catéchèse orthodoxe - Dieu est vivant, aux éditions du Cerf - qui fait apparemment état d'une différence entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe quant à cette idée de "fixité" après la mort. Je cite : "Il faut ajouter encore que l’Église orthodoxe ignore la distinction latine de l'enfer et du purgatoire. Elle prie pour tous les morts et n'admet pas qu'il y en ait qui soient dès maintenant damnés pour toujours. L'existence outre-tombe n'est que la suite du destin du défunt, avec sa purification et sa libération progressives - une guérison, une maturation et une attente créatrice." (p.429, extrait de l'article Une approche de l'eschatologie orthodoxe d'Alexandre Turincev)
Je n'en sais pas plus...

Cordialement,

Disons que c'est un point de vue tenue par certains orthodoxes et un certain nombre de Pères (Isaac le Syrien, notamment, que j'aime beaucoup). Mais tous ne diraient certainement pas cela. C'est un point de vue parmi d'autres, et il y en a beaucoup de plus intransigeants.


Le problème principal de cette position (en sus de son manque de fondement scripturaire) est qu'elle nie complètement la liberté de l'homme à rejeter Dieu. Elle nie la possibilité de rejeter, en conscience, véritablement, l'Amour ; ce qui au fond ramène le péché à une sorte d'erreur, de manque de recul, qui doit être corrigé par l'éducation sanctifiante de la déification. Du coup, en amoidrissant une alternative du choix divin qui nous est proposé, on amoindrit de facto l'autre; l'Amour n'est plus un choix radical, mais tout au plus l'état final d'un long processus. Or cela pose des problèmes considérables par rapport à la définition même de l'amour comme choix.


Le péché et l'enfer (soit, leur possibilité radicale) qui en découle, à mon humble avis, existent pour valider l'Amour de Dieu et du prochain en tant que choix véritable. Il s'agit d'embrasser une alternative contre l'autre, ce qui est impossible dans la théologie de St Isaac. Cela dit cette dernière procède de la noble intention de garder Dieu de tout lien avec le mal, de magnifier Son Amour pour toute chose. Mais je ne suis pas certain que cette intention soit bien accomplie dans ses conclusions.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Milla » jeu. 05 janv. 2017, 19:22

Bonsoir à vous deux,
Héraclius a écrit :Elle nie la possibilité de rejeter, en conscience, véritablement, l'Amour
Je ne vois pas non plus comment c'est possible... Mais bon, toutes ces questions dépassent largement mon petit cerveau ! Je comprends votre logique, qui est aussi celle de C.S. Lewis dans Le Grand Divorce (cité par Didyme), auteur plutôt convaincant quand il explique la façon dont on peut s'obstiner dans un mauvais choix.
Ceci dit, c'est davantage le côté immuable/pas immuable, fixé ou encore capable de changer... du défunt qui m'intéresse ici.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » jeu. 05 janv. 2017, 20:59

Milla a écrit :Je fais juste une rapide intrusion.
J'ai un livre de catéchèse orthodoxe - Dieu est vivant, aux éditions du Cerf - qui fait apparemment état d'une différence entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe quant à cette idée de "fixité" après la mort. Je cite : "Il faut ajouter encore que l’Église orthodoxe ignore la distinction latine de l'enfer et du purgatoire.
C'est ce que dit plus ou moins Adrienne von Speyr de ces expériences mystiques " Qu'il puisse y avoir un état avant le purgatoire proprement dit est pour Adrienne (et naturellement pour moi aussi (le P. Balthasar)) une grande et surprenante découverte. On doit d'abord être 'digne' et vouloir aller dans les flammes. Tant qu'on n'est pas prêt, on est comme placé dans un coin en face de l'enfer. "

Encore une fois, on parle de l'Enfer mais peut-on dire qu'il s'agisse de l'Enfer d'après le Jugement ? J'ai l'impression qu'on prend l'un pour l'autre mais en même temps, je serais surpris que tant de monde fasse la confusion :?:
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » jeu. 05 janv. 2017, 21:40

Héraclius a écrit : Disons que c'est un point de vue tenue par certains orthodoxes et un certain nombre de Pères (Isaac le Syrien, notamment, que j'aime beaucoup). Mais tous ne diraient certainement pas cela. C'est un point de vue parmi d'autres, et il y en a beaucoup de plus intransigeants.
C'est ce qu'il me semblait aussi.

Héraclius a écrit :ce qui au fond ramène le péché à une sorte d'erreur
Mais comment ça pourrait être autre chose qu'une erreur, ça n'est certainement pas une vérité ?!

Le péché est un chemin de perdition, autrement dit un égarement, pas une issue.
On ne dit pas de quelqu'un qu'il est perdu s'il n'a pas besoin d'être redirigé...
Il n'y a qu'une voie, qu'une direction, l'autre n'en est pas une.
Héraclius a écrit :Le problème principal de cette position (en sus de son manque de fondement scripturaire) est qu'elle nie complètement la liberté de l'homme à rejeter Dieu. Elle nie la possibilité de rejeter, en conscience, véritablement, l'Amour ; ce qui au fond ramène le péché à une sorte d'erreur, de manque de recul, qui doit être corrigé par l'éducation sanctifiante de la déification. Du coup, en amoidrissant une alternative du choix divin qui nous est proposé, on amoindrit de facto l'autre; l'Amour n'est plus un choix radical, mais tout au plus l'état final d'un long processus. Or cela pose des problèmes considérables par rapport à la définition même de l'amour comme choix.
Mais est-ce que l'on peut penser que Dieu souhaitait la possibilité de la perdition en créant l'homme en tant que personne et donc doté d'une volonté libre ?
Je ne suis pas convaincu, j'ai tendance à penser qu'en créant l'homme, Dieu visait la relation, le don, l'amour mais pas la perdition, ça il ne l'a certainement pas voulu. La perdition c'est l'à côté du libre-arbitre, non voulue mais que Dieu avait prévu. Ne dit-on pas que la rédemption était prévu dès la fondation du monde ? Si la volonté de Dieu était simplement de créer libre pour créer libre, il n'aurait pas prévu la rédemption. Pire encore, la rédemption en perd tout son sens puisqu'elle ne respecte pas alors complètement le choix primaire de la créature dans le rejet de Dieu. Si c'est simplement le choix pour le choix, et non la déification de la créature, qui était voulue dans le don de la liberté (par ailleurs, liberté qui n'a de sens et de valeur réelle qu'en Dieu étant donné que nous ne sommes pleinement nous-mêmes qu'en Dieu notre créateur car nous ne sommes simplement qu'en Dieu. Comment pourrions-nous donc être vraiment libre en étant ce que nous ne sommes pas, en s'écartant de nous-mêmes ?!) alors Dieu ne chercherait tout simplement pas à nous sauver, il ne ferait que constater notre choix.

De plus, Dieu ne passerait pas tant de temps à blâmer le pêcheur, à le reprendre et à le recadrer...

La liberté ne se trouve qu'au bout d'un seul chemin.
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Trinité » ven. 06 janv. 2017, 1:04

Bonsoir DIdyme!

Vos interrogations me ramènent à une autre ,qui me perturbe bien souvent!

"Croyez vous que l'âme condamnée aurait désiré exister ,si elle avait su à l'avance quelle serait condamnée ,dans le cadre du libre arbitre quelle n'aurait jamais sollicité?

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Fée Violine » ven. 06 janv. 2017, 11:44

Héraclius a écrit :ce qui au fond ramène le péché à une sorte d'erreur
Mais comment ça pourrait être autre chose qu'une erreur, ça n'est certainement pas une vérité ?!
Certes ! Mais ce qu'Héraclius veut dire, c'est que le péché n'est pas de cet ordre-là. L'erreur et la vérité sont de l'ordre de la connaissance, de la raison. Le péché est de l'ordre de l'amour, ou plus précisément de son contraire.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Héraclius » ven. 06 janv. 2017, 12:03

Pour faire court :

- Je crois que Balthasar, sur ce point, était hétérodoxe. Sa position est, à mon sens, intenable en théologie catholique.

A noter que le background de la théologie reste la Sainte Ecriture, qui parle quand même largemment de jugement, de "beaucoup d'appellés, peu d'élus", de porte étroite et resserée, etc...
Le péché est un chemin de perdition, autrement dit un égarement, pas une issue.
On ne dit pas de quelqu'un qu'il est perdu s'il n'a pas besoin d'être redirigé...
Il n'y a qu'une voie, qu'une direction, l'autre n'en est pas une.
Oui, mais d'aimer l'Autre en premier ou d'aimer soi-même en premier existent côte-à-côte.

C'est toute la radicalité du don sacrificiel, du choix qui coûte, de la décision terrible (opérée dans la grâce) qui en fait la splendeur sacrée. C'est dans la liberté de dire oui à cela, dans le choix radical, que se situe la sainteté véritable. Le Ciel, le Salut, la Déification, sont en réalité consituée par ce choix lui-même ; c'est le fait même d'aimer (opération théomorphique par excellence) qui nous communique la vie Trinitaire. L'Amour-Choix n'est pas un moyen vers le Ciel, c'est la fin du Ciel, c'est Dieu.

Or l'Amour-Choix appelle, par sa nature, le Désamour-Choix, le péché et l'enfer. On ne peut authentiquement choisir le Ciel que si on peut authentiquement choisir l'enfer.

Cela ne veut absolument pas dire que Dieu désire la perdition de certains (je crois qu'il faut enterrer six pieds sur terre l'aberration augustianno-thomiste du Dieu qui prend plaisir à manifester sa justice sur certains et sa miséricorde sur d'autres), mais cela veut dire, tout simplement, que l'amour ne se commande pas. Dieu accorde le salut par pure grâce, mais il a besoin d'une certaine forme de coopération à cette grâce de la part de l'homme. C'est une limite (d'ordre logique) de l'omnipotence divine ; de même que Dieu ne peut faire des triangles carrés, il ne peut forcer quelqu'un à aimer. Dieu ne peut pas sauver le Démon ; même si il l'aime, je crois, comme toute créature.


@Trinité : Je ne prétend pas avoir une réponse complète à cela, mais je pense que la solution tient dans le fait que les réprouvés ne regrettent pas leur damnation. Après tout, l'enfer est sans doute un lieu d'éternité, hors du temps, et donc hors de la mutabilité induite par la temporalité ; un choix dans l'éternité ne peut être regretté, y a pas la place. De plus, ce serait nier le caractère véritable du choix des damnés et l'horreur de leur péché que de penser qu'ils regrettent. Le Démon, tel qu'on e représente traditionnelement, ne regrette rien. Il est tout-orgeuil, toute-colère, bouillonnement de rage contre l'Amour infini de de son Créateur. Le damné est avant tout un orgeuilleux, quelqu'un qui se tient lui-même comme seule référence, complètement refermé sur son ego. Il souffre atrocement de son état, jugé par Dieu, dépérissant éternellement hors de sa fin véritable (i.e. la communion avec Dieu et Ses saints) ; mais cela n'induit pas qu'il le regrette.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Héraclius » ven. 06 janv. 2017, 12:09

Fée Violine a écrit :
Mais comment ça pourrait être autre chose qu'une erreur, ça n'est certainement pas une vérité ?!
Certes ! Mais ce qu'Héraclius veut dire, c'est que le péché n'est pas de cet ordre-là. L'erreur et la vérité sont de l'ordre de la connaissance, de la raison. Le péché est de l'ordre de l'amour, ou plus précisément de son contraire.

Oui ! Exactemment. Or l'Amour est un choix, ce qui implique que son contraire l'est aussi. Merci Fée. :)

D'ailleurs, notons que nul n'est plus intelligent que Satan, premier des anges, Porte-Lumière de Dieu. Satan est totalement dans la Vérité, en ce sens qu'il sait à peu près tout ce qu'il y a a savoir sur Dieu et Son Plan. Je ne sais pas si l'on peut le dire omniscient, stricto-sensu, mais il en est plus proche que n'importe qui en dehors du Souverain trine.

Et pourtant, lui qui a vu Dieu face à face, lui qui sait très bien ce qu'est l'Amour, il a choisi, en conscience, de le rejeter. Cette attitude n'appartient pas au champ de l'erreur au sens strict, mais du choix.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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