Héraclius a écrit :A noter que le background de la théologie reste la Sainte Ecriture, qui parle quand même largemment de jugement, de « beaucoup d’appelés, peu d’élus », de porte étroite et resserée, etc…
C'est vrai, et en même temps demeurent de nombreux passages à caractères universalistes sur lesquels des théologiens et pères de l'église se sont pourtant penchés.
Héraclius a écrit :Oui, mais d’aimer l’Autre en premier ou d’aimer soi-même en premier existent côte-à-côte.
C’est toute la radicalité du don sacrificiel, du choix qui coûte, de la décision terrible (opérée dans la grâce) qui en fait la splendeur sacrée. C’est dans la liberté de dire oui à cela, dans le choix radical, que se situe la sainteté véritable. Le Ciel, le Salut, la Déification, sont en réalité constituée par ce choix lui-même ; c’est le fait même d’aimer (opération théomorphique par excellence) qui nous communique la vie Trinitaire. L’Amour-Choix n’est pas un moyen vers le Ciel, c’est la fin du Ciel, c’est Dieu.
Or l’Amour-Choix appelle, par sa nature, le Désamour-Choix, le péché et l’enfer. On ne peut authentiquement choisir le Ciel que si on peut authentiquement choisir l’enfer.
N’est-ce pas quelque part manichéen que de vouloir mettre l’erreur et la vérité, l’amour et le rejet sur le même plan, côtes-à-côtes, égaux ?
Le rejet est une déviance, un égarement, ce n’est pas l’alter-ego de l’amour. Le péché n’existe pas en soi, il existe de par l’absence d’amour, le choix de l’enfer c’est un peu le non-choix comme disait Cinci (que je ne comprends que là
), c’est quand il y a un manque, une entrave, un choix qui n’est pas pur. Un choix pur et véritable n’est qu’un choix fait par la créature accomplie en ce qu’elle est pleinement, et elle n’est ce qu’elle est qu’en Dieu.
Et là où il y a absence d’amour il y a un manque et s’il y a un manque il n’y a pas d’absolu comme quelque chose d’accompli.
Qu’il ne puisse pas y avoir d’amour authentique sans rejet authentique, c’est comme si l’amour dépendait du mal, qu’il n’y avait pas d’amour possible sans rejet possible. Il faut que le mal puisse exister pour que l’amour puisse exister ?!
Bon, je peux comprendre l’idée et de prime abord, elle me semble logique. Et pourtant, si j’y réfléchis et j’avoue que j’ai parfois du mal à tenir le fil de ce que j’essaie de défendre, et bien ça ne me paraît pas être tout-à-fait exact.
D’ailleurs, que fait Dieu en Eden ? Dit-il à Adam et Eve de manger de l’arbre de la connaissance pour qu’ils choisissent ou leur interdit-il ?
Et puis, pourquoi la résurrection, des corps incorruptibles si la possibilité du rejet demeure si nécessaire pour qu’existe l’amour ? On devrait pouvoir rester corruptibles, le choix devrait rester possible pour toujours. Pourquoi aussi vaincre le mal, le péché ? On devrait le laisser toujours possible car apparemment indispensable ?! Et puis Dieu le Père ne doit pas vraiment aimer puisque de par sa nature, il n’a pas le choix (enfin, il me semble ?) ?
Oui le péché, le rejet est possible de par le libre-arbitre mais il me semble que la perdition est plus une conséquence du libre-arbitre qu’une nécessité de l’amour. Il ne saurait être placé sur le même plan que l’amour, il ne saurait être une issue, un aboutissement, une réalisation, une vérité, une liberté, etc. Ce ne sont pas deux choix de même valeur, de même pureté. Tous les choix ne se valent pas.
Héraclius a écrit :Cela ne veut absolument pas dire que Dieu désire la perdition de certains (je crois qu’il faut enterrer six pieds sur terre l’aberration augustianno-thomiste du Dieu qui prend plaisir à manifester sa justice sur certains et sa miséricorde sur d’autres), mais cela veut dire, tout simplement, que l’amour ne se commande pas. Dieu accorde le salut par pure grâce, mais il a besoin d’une certaine forme de coopération à cette grâce de la part de l’homme. C’est une limite (d’ordre logique) de l’omnipotence divine ; de même que Dieu ne peut faire des triangles carrés, il ne peut forcer quelqu’un à aimer. Dieu ne peut pas sauver le Démon ; même si il l’aime, je crois, comme toute créature.
Je pense qu’il ne peut pas selon sa sagesse forcer quelqu’un à aimer mais il est une évidence, c’est qu’il peut guider quelqu’un sur ce chemin.
Croyez-vous que Dieu ne connaisse pas la créature par cœur, ne connaisse pas son cœur pour savoir comment les guider vers l’amour ? Si on pense que certains sont irrécupérables, même pour Dieu, il me semble que c’est alors que l’on ne pense pas que Dieu en soit le Créateur.
Héraclius a écrit :@Trinité : Je ne prétend pas avoir une réponse complète à cela, mais je pense que la solution tient dans le fait que les réprouvés ne regrettent pas leur damnation. Après tout, l’enfer est sans doute un lieu d’éternité, hors du temps, et donc hors de la mutabilité induite par la temporalité ; un choix dans l’éternité ne peut être regretté, y a pas la place.
Moi je dirais que justement, en enfer il n’y a que du temps. Le mal ne peut être immuable, l’immutabilité n’appartient qu’à Dieu en raison de sa perfection, de sa plénitude. Il n’y a rien à modifier à ce qui est parfait, il n’y a rien à ajouter à la plénitude. Mais lorsqu’il s’agit du mal, celui-ci ne peut atteindre la perfection ni la plénitude, il est chaos, désordre, manque. Il est donc nécessairement soumis au changement, il ne peut atteindre une fixité telle qu’il aurait atteint une perfection, il est donc instable par nature. Comment pourrait-il être question d’éternité en ce qui le concerne ?! Soumis par ce qu’il est au changement, il est logiquement dans le temps. C’est encore une fois une sorte de manichéisme que de parler d’immutabilité, d’éternité pour le mal, en le mettant ici aussi comme sur le même plan que Dieu…
Alors, on pourrait certainement parler plutôt de fixité que d’immutabilité dans le mal dans le cas où Dieu serait totalement absent pour les damnés, abandonnés à eux-mêmes. C’est ça la perdition éternelle, être placé face à soi-même, sans Dieu. Par soi-même, on est dans l’impasse, incapable de se sauver, on est confronté à notre impossibilité. Mais il me semble que cela n’est pas possible du fait que si Dieu se retirait totalement de la créature, alors celle-ci cesserait en conséquence d’exister, annihilation. Mais Dieu aime la créature d’un amour éternel, donc il reste toujours le fondement de leur être. L’être n’existe pas sans Dieu.
Héraclius a écrit :De plus, ce serait nier le caractère véritable du choix des damnés et l’horreur de leur péché que de penser qu’ils regrettent. Le Démon, tel qu’on e représente traditionnelement, ne regrette rien Il est tout-orgueil, toute-colère, bouillonnement de rage contre l’Amour infini de son Créateur. Le damné est avant tout un orgueilleux, quelqu’un qui se tient lui-même comme seule référence, complètement refermé sur son ego. Il souffre atrocement de son état, jugé par Dieu, dépérissant éternellement hors de sa fin véritable (i.e. la communion avec Dieu et ses saints) mais cela n’induit pas qu’il le regrette.
Je n’ai rien à redire à ça
, seulement sur le caractère absolu, immuable que vous lui accordez.
Pour ce qui est de votre réponse à Fée Violine, j’avoue me sentir personnellement en terrain totalement inconnu en ce qui concerne les anges, simplement on ne sait pas précisément tout de cette chute à l’origine et surtout on considère les anges comme des hommes mais les anges ne sont pas les hommes. Je ne connais rien de leur nature et de leur « fonctionnement » dans ce qu’il a de plus intime.