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par Héraclius » mer. 09 janv. 2019, 11:58
Cher Prodigal,
Je vous renvoie a ce que la Somme (dans la prima pars) et le Commentaire de l'Epitre aux Romains (chap. 9) disent de la prédestination.
"Nous l’avons dit plus haut, la prédestination inclut une volonté, et l’on doit donc chercher la raison de la prédestination comme on cherche celle de la volonté divine. Or nous avons dit qu’on ne peut assigner de cause à la volonté divine en ce qui concerne l’acte de vouloir, mais qu’on peut lui assigner une cause à l’égard des choses voulues, en tant que Dieu veut qu’une chose soit à cause d’une autre. Personne n’a donc été assez insensé pour dire que les mérites fussent cause de la prédestination quant à l’acte même de celui qui prédestine. Mais voici ce qui est en question : Du côté de ses effets, la prédestination a-t-elle une cause ? Et cela revient à demander : Est-ce que Dieu a préordonné qu’il donnerait à un être les effets de la prédestination à cause de ses mérites ?
[...]
C’est pourquoi d’autres ont dit que les mérites préexistants, mais cette fois en cette vie, sont la raison et la cause des effets de la prédestination. En effet les pélagiens ont prétendu que le commencement des bonnes œuvres vient de nous, et que leur achèvement vient de Dieu. Et ainsi, l’effet de la prédestination est donné à un tel et non à tel autre, parce que l’un a fourni le commencement en se préparant, et l’autre non. Mais à l’encontre il y a ces paroles de l’Apôtre (2 Co 3, 5 Vg) : “ Nous ne sommes pas capables par nous-mêmes de penser quoi que ce soit qui vienne de nous-mêmes. ” Or, on ne peut trouver aucun principe qui soit antérieur à la pensée. On ne peut donc pas dire qu’il y ait en nous un commencement fournissant la raison des effets de la prédestination.
Aussi d’autres ont-ils avancé que la raison de la prédestination est dans les mérites qui suivent l’effet de cette prédestination. Et ils entendent que Dieu donne sa grâce à un être et a préordonné de lui donner cette grâce, parce qu’il a prévu qu’il en userait bien, comme si un prince donnait un cheval à tel soldat dont il sait qu’il en usera bien. Mais ces penseurs semblent avoir distingué entre ce qui vient de la grâce et ce qui vient du libre arbitre, comme si le même effet ne pouvait pas venir des deux. Car il est évident que ce qui vient de la grâce est un effet de la prédestination ; et cela ne peut être donné comme la raison de cette prédestination, puisque c’est inclus en elle. Donc, si quelque chose d’autre est de notre côté cause de la prédestination, cela ne sera pas compris dans les effets de la prédestination. Mais il n’y a pas lieu de distinguer ainsi ce qui vient du libre arbitre et ce qui vient de la prédestination, de même que l’effet de la cause première et celui de la cause seconde. La providence divine produit ses effets par l’opération des causes secondes, ainsi qu’on l’a dit plus haut, de sorte que cela même que réalise le libre arbitre vient de la prédestination.
Il faut donc dire ceci. L’effet de la prédestination peut être envisagé par nous de deux façons : particulièrement, et globalement. Rien n’empêche qu’un effet particulier de la prédestination soit la cause et le motif d’un autre. Un effet postérieur sera cause d’un effet antérieur dans l’ordre des causes finales ; un effet antérieur sera cause d’un effet postérieur dans l’ordre du mérite, qu’on peut ramener à une disposition de la matière. Ainsi nous pouvons dire : Dieu a préordonné de donner à quelqu’un la gloire à cause de ses mérites ; et il a préordonné de donner à quelqu’un la grâce afin qu’il mérite la gloire.
Mais si l’effet de la prédestination est envisagé d’une autre manière, en sa totalité, il est impossible que l’effet total de la prédestination ait une cause quelconque de notre part. Car quoi que ce soit qui se trouve dans l’homme et l’ordonne au salut, tout cela est compris sous l’effet de la prédestination, même la préparation à la grâce ; car cela non plus n’a pas lieu autrement que par le secours divin, selon ce mot de l’Écriture (Lm 5, 21) : “ Fais-nous revenir à toi, Seigneur, et nous reviendrons. ” De ce point de vue pourtant, la prédestination, quant à ses effets, a pour raison la bonté divine, à laquelle tout l’effet de la prédestination s’ordonne comme à sa fin, et dont il procède comme de son premier principe moteur."
"On peut encore entendre d’une autre manière que quelqu'un est digne de miséricorde, à savoir, non à raison de ses mérites antécédents à la grâce, mais de ses mérites subséquents : par exemple, nous disons que Dieu donne sa grâce et se propose de toute éternité de la donner à celui qu’il a connu, dans sa prescience, devoir en bien user. C’est dans ce sens que la Glose entend ce passage, que Dieu a pitié de celui dont il aura pitié. De là : "J’aurai pitié de celui dont il me plaira d’avoir pitié;" c’est-à-dire j’aurai pitié, en l’appelant et en lui donnant la grâce, de celui dont je saurai, dans ma prescience, que je lui ferai miséricorde, sachant d’avance qu’il se convertira et qu’il me restera fidèle.
Cependant cette explication ne peut, ce semble, être convenable ment donnée. En effet, il est évident qu’on ne peut assigner comme raison de la prédestination ce qui en est le résultat, quand bien même on dirait que ce résultat existe dans la prescience de Dieu. Car la raison de la prédestination est logiquement antécédente à la prédestination même, tandis que l’effet est contenu dans celle-ci. Il est également évident que tout bienfait de Dieu, accordé par lui à l’homme dans l’ordre du salut, est l’effet de la prédestination divine. Or le bienfait divin ne s’étend pas seulement à l’infusion de la grâce par laquelle l’homme est justifié, mais encore à l’usage de cette grâce; de même que, dans les choses naturelles, Dieu ne produit pas seulement les formes, mais encore les mouvements et les opérations de ces formes, parce qu’il est le principe de tout mouvement, en sorte que, si son opération sur l’objet à mouvoir venait à cesser, les formes n plus ni mouvement ni opération. Mais il en est de l'habitude de la grâce ou de la vertu dans l’âme, relativement à l’usage qu’on en fait, comme de la relation de la forme naturelle à son opération. Voilà pourquoi il est dit (Isaïe XXVI, 12) : "C’est le Seigneur qui a fait en nous toutes nos œuvres."
Si vous voulez en savoir d'avantage sur le sujet, je vous invite a comparer la prédestination "ante previsa merita" et "post previsa merita" (ce sont les deux expressions consacrées).
Cher Trinité
Je partage en partie votre sentiment mais il faut bien faire attention à ce que disent St Augustin et St Thomas. Ils ne nient pas le libre-arbitre, même si ça donne cette impression. Leur pensée est assez subtile et prend place dans un contexte beaucoup plus vaste.
Cher Alexandre,
Le péché originel est un sujet vraiment différent, mais je suis certain qu'il est biblique et même, si j'ose dire, accessible par simple constat.
Biblique parce qu'on voit ce péché dans la Genèse et ses conséquences : l'homme condamné à travailler et à mourir. Ce n'est pas un récit "imaginaire" mais un récit "mythique", ce qui n'est pas la même chose. C'est bien la faute d'Adam qui est responsable de notre mort (Rom 5 17 = "Si par l'offense d'un seul la mort a régné par lui seul"). In peccatis concepit me mater mea.
Constatable, parce que votre nature est déchue, puisque vous avez une tendance au péché et que vous mourrez. Ce n'est pas l’état voulu par Dieu pour Adam et Ève avant le Chute.
J'ajoute que si la Parole des Pères est une Parole d'Homme, la Parole de l'Eglise est gardée de Dieu. Elle peut dire comme en Acte 15, "l'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé".
Bon, j’arrête là, QWERTY est décidément terriblement emmerdant. x)
Herac'
Dernière modification par
Anne le mer. 09 janv. 2019, 23:44, modifié 1 fois.
Raison : On se débarrasse des coquilles dûes à QWERTY! ;-)
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)