Salut Prodigal,
Vous écrivez :
Prodigal :
Mais Marie, était-elle capable de pécher? Si oui, que devient le dogme de l'Immaculée Conception?
Le dogme de l'Immaculée Conception n'implique pas une incapacité de la créature à faire ceci ou cela. Prodigal. Oui, elle aurait bien été
capable de pécher. Mais le fait que Marie n'ait pas pécher est au final une oeuvre de Dieu. Marie collabore avec la volonté de Dieu.
"... le pape Pie IX [...] définit solennellement par le dogme "que la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, dans le premier instant où elle a été crée et unie à son corps, a été, par un privilège et une grâce spéciale de Dieu, préservée et mise à l'abri de la tache du péché originel" (Pie IX, Ineffabilis Deus)
Le pape Pie IX précise clairement que l'Immaculée Conception est une grâce unique ("spéciale") de Dieu, tout comme l'incarnation de Jésus est un événement sans précédent dans l'histoire. Il déclare par la suite sans équivoque que cette grâce spéciale a été méritée pour Marie par Jésus Christ, son Sauveur. Et finalement, le pape insiste sur le fait que l'Immaculée Conception est un acte divin de préservation - une oeuvre de Dieu et non une oeuvre de Marie elle-même. "
- Scott Hahn, Marie, reine couronnée d'étoiles, p. 100
Et un auteur comme Jean Lafrance permet de bien voir la "chose", si je pense à cette différence entre Marie et nous.
Ici :
"... devenir un saint est une chose à la fois très simple et très complexe. C'est simple en ce sens qu'il suffit de laisser croître la vie trinitaire reçue au baptême. Cette semence du Royaume des cieux déposée en nous est la plus petite des graines et elle possède en elle-même le dynamisme de la croissance (cf. Mc 4,26-29 : le grain qui pousse tout seul). Laissons-la grandir, ne tirons pas sur les feuilles pour qu'elles poussent plus vite et cette vie divine ira beaucoup plus loin que tous nos plans de sainteté rêvée, voulue ou imaginée.
Mais c'est en même temps une oeuvre très compliquée car nous ne sommes pas simples (simple veut dire sans pli). Notre coeur s'est comme plissé, recroquevillé et nos péchés, sans parler de ceux de nos parents, ont comme sécrété autour de notre coeur une carapace de pierre.
Notre coeur est toujours habité par la vie trinitaire, mais celle-ci ne parvient pas à circuler librement dans tout notre être. Avec beaucoup d'humour, le Père Molinié définit la sainteté comme "les mésaventures de la vie trinitaire égarée dans un coeur de pierre". C'est le mystère du vieil homme en conflit avec l'homme nouveau. Dès que j'ai lu saint Paul, j'ai été frappé par cet antagonisme et ce combat et je me suis posé une question : comment se fait-il que nous soyons totalement réconciliés avec Dieu, que nous soyons sauvés, que la vie trinitaire habite en nous et que nous ayons un si long et si douloureux traitement pour parvenir à la sainteté ?
Nous avons un désir fou de dire "oui" à Dieu, de lui faire confiance et de lui obéir, mais le reste ne suit pas : nos sens et nos facultés ne parviennent pas à faire confiance à Dieu et la vie divine rencontre des obstacles pour nous irriguer. Elle est emprisonnée dans notre coeur de pierre et pousse des gémissements ineffables dans l'attente de la totale libération. Pour l'instant, nous n'avons que les prémices de l'Esprit et ce que nous serons n'a pas encore été révélé : "Bien aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est" (1 Jn 3,2)
Il faut beaucoup de temps pour mettre au monde notre être de fils de Dieu et devenir un saint. Mais le temps n'arrange rien si l'homme ne collabore pas librement à l'action de la vie trinitaire en lui et c'est là que se situe notre véritable responsabilité. La sainteté entre délibérément dans une existence et se met à l'oeuvre à partir du moment où nous consentons à ce que Dieu veut de nous. Le "oui" doit être prononcé au coeur de notre liberté et dépend de nous. Personne ne peut le dire à notre place et il doit être redit dans le quotidien de notre existence."
Jean Lafrance, Préférer Dieu, p. 98
La différence c'est que Marie est simple, moi je ne le suis pas. Cette simplicité de la Vierge Marie est une grâce "spéciale" de Dieu. C'est l'oeuvre de Dieu d'une part; de l'autre, il n'en retire rien, rien de rien, d'une quelconque capacité de refus chez Marie ou d'une capacité à pécher. Seulement, elle, bien que capable de pécher comme tout le monde : elle n'aura pas pécher. La grâce est telle une immense démonstration-témoignage d'amour de la part de Dieu envers sa créature en premier et, à la suite de quoi, la Vierge Marie peut se maintenir dans la fidélité en conséquence. Elle décide du plus cordialement d'elle-même de s'y maintenir. Elle collabore à l'oeuvre de Dieu. Elle est à la fois grâciée, sauvée et méritante ... méritante non pas par accident mais bien à juste titre. Elle y aura bien mise du sien.