J'ai une position différente de celle défendue par Arnaud Dumouch mais il y a quelques arguments ici qui me surprennent.
Cinci a écrit : ↑lun. 17 juin 2019, 19:28
Les arguments en vrac ...
1. Dans le cadre de cette théorie, la mort subit l'attraction égalitariste moderne :
on n'arrive plus à comprendre qu'il puisse y avoir différentes sortes de mort : tout le monde meurt de la même façon et quelle que soit la façon dont on a vécu. La religieuse qui s'est sacrifiée toute sa vie pour les pauvres, et le tueur professionnel, finissent tous les deux devant la même option finale; en poussant les choses à l'extrême : si le tueur peut alors faire un bon choix, pourquoi la religieuse ne pourrait-elle pas en faire un mauvais ?
Soeur Emmanuelle disait :
"Parmi les êtres qui m'ont remise en question, les détenus ont une place à part. Le milieu carcéral est le dernier des lieux où je pensais découvrir quelque enrichissement, et pourtant...
Les détenus ont toujours suscité ma compassion. J'en ai visité un grand nombre. Leur détresse me paraissait plus effroyable, en un sens, que celle des pires situations que j'avais connues. Entraînés à la violence par de tristes circonstances, ils étaient rejetés et comme mis en cage par une société épouvantée, en position de défense.
Mais, quant à moi, leur passé ne me regarde pas. Les détenus sont des êtres humains, des frères. Au fond, d'où vient la destinée ? En grande partie de l'environnement. Cela m'a amené à leur dire ceci : " j'aurais pu être à votre place, si j'avais eu à affronter vos tentations ; et vous à la mienne, si vous aviez été, comme moi, préservés." "
Cela s'appelle la compassion...
Et entre nous, qui paraît le plus à même d'être reconnaissant de la grâce de dieu ? Le pécheur le plus enfoncé dans le mal ou le juste déjà proche de dieu ? Et si on se place du côté du Seigneur, j'ai dans l'idée, au vu de la parabole de la brebis perdue, que celui gravement enfoncé dans le péché lui causera plus de joie par sa conversion que celui qui ne s'est pas égaré.
J'ai parfois l'impression que Jésus est venu pour des justes, non pour des pécheurs?!
Marc 2:17
Par ailleurs, c'est très étrange comme "argument" puisqu'on semble ici condamner cette idée d'un choix en faveur de Dieu à "l'heure de la mort" alors que dans le même temps, on admet sans peine qu'une personne puisse recevoir une lumière, puisse se convertir juste avant sa mort et être sauvé ?! On a d'ailleurs l'exemple du mauvais larron.
Juste avant la mort, juste après la mort, j'avoue que je ne vois pas trop ce que ça change dans le fond en terme d'œuvres.
Je repense encore une fois ici à la parabole des ouvriers de la dernière heure.
2. L'assurance d'une option faite dans la mort en pleine lumière élimine la nécessité de l'acte de foi qui est méritoire du fait de son obscurité dans la vie présente.
C'est étonnant ça, quand je pense à toutes les discussions que j'ai pu avoir sur le sujet sur le forum où on m'a tellement argumenté que la damnation éternelle procédé d'un choix éclairé de la personne. Et là, il semble déplorer l'idée d'un choix fait en pleine lumière ?!
3. De même, la prédication de la foi et sa profession publique ne sont plus requises, puisque seul compte le choix pour Dieu dans la mort.
Étant donné que l'Eglise parle d'une période de purification (Purgatoire) qui semble être tout sauf une partie de plaisir. On peut aisément penser qu'une personne ayant eu le temps de se convertir et de se laisser transformer dans cette vie évitera certainement de plus longues et douloureuses peines ainsi. Et qui plus est, elle amassera un trésor bien supérieur pour ses œuvres.
J'ai quand même l'impression que ça n'est pas rien...
4. Toute l'économie de l'Incarnation est mise entre parenthèse : l'humanité du Christ, corps et âme, son extension dans l'histoire à travers l'Église et les sacrements, semblent dénuées de sens devant cette nouvelle forme de gnosticisme qui nous garantit que tout se joue dans le "passage" qui n,a plus rien à voir avec notre vie en ce monde.
Même réponse que précédemment.
5. De manière incohérente, l'hypothèse exige une rencontre personnelle de l'âme seule avec le Christ-Homme, c'est à dire avec son corps et son âme glorifiés, afin de permettre à tout homme un contact direct avec lui. Mais cela n'est nullement en accord avec cette théologie qui cherche à faire échapper l'âme aux restrictions imposées par le corps. Pourquoi est-ce si important que l'on rencontre le Christ-Homme dans son corps, alors que l'humain ne peut choisir vraiment qu'en dehors du corps ?
Est-il vraiment question dans cette hypothèses d'un contact direct avec le Christ, sans "filtre", sans degré de lumière ?
6. Avec cette hypothèse, qui va beaucoup plus loin que le pélagianisme, on n'a pas besoin de mériter la vie éternelle, car chacun a droit à ce que Dieu se montre à lui dans la mort; par conséquent, il n'est plus nécessaire de vivre dans la droiture, et le salut devient plus facile.
Même réponse qu'à l'argument 3.
Par ailleurs, on peut penser que celui qui aura grandi davantage dans la foi en cette vie, aura davantage œuvré, se sera davantage sanctifié aura atteint un degré de béatitude plus importante dans l'autre vie, aura acquis une plus grande dimension, aura amassé davantage de trésors.
Il n'est tout de même pas besoin de verser dans les extrêmes.
7. En même temps, on mérite plus, puisque ce seul acte "in morte" vaut plus que toute la vie précédente. Il a une telle valeur qu'il sert non seulement d'acte salvifique, mais encore d'expiation de tout péché : le purgatoire n'a plus lieu d'être.
Pourquoi ?
9. Se fondant sur une forme larvée de manichéisme, on n'hésite pas à affirmer qu'il est tout simplement impossible de résister aux passions et de mener une vie vertueuse en ce monde, en raison du conditionnement de l'hérédité, de la famille, de l'entourage ... Puis, presque dans la même phrase, on nous dit que, pour être assuré de faire le bon choix lors de l'option finale, il faut se convertir maintenant et vivre dans la vertu. En fin de compte, feront le bon choix ceux qui vivent bien ici-bas. A quoi sert donc l'hypothèse ?
Oui, la question se pose.
10. La vie morale ainsi réduite à une option fondamentale qui prépare l'option finale : il suffit d'avoir fait une fois une option vague pour Dieu et d'orienter vers lui le fleuve de sa vie, pour être assuré de marcher dans la bonne voie, - malgré les méfaits ponctuels sans grande importance - et, au moment de la mort, de choisir la vie éternelle. Une telle théologie rend impossible une prédication sérieuse sur la mort et le jugement, points incontournables du kérygme missionnaire de tous les temps. En rouvrant sans le dire la porte aux théories sur une conversion dans l'au-delà - qui ne sont guère que des résurgences de l'origénisme universaliste maintes fois condamné - elle énerve tout le discours moral de l'Église,et rend quasi impossible tout effort de réforme des moeurs.
N'est-on pas ici dans une résurgence de l'esprit jansénisme, du Dieu de justice qui recompense et punit selon les œuvres ?