Contre l'option finale dans la mort

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » ven. 21 juin 2019, 14:41

Trinité,

Que pensez-vous du commentaire de mon auteur que j'ai mis au-dessus ? Ça résonnerait comment de votre côté ? L'objection est-elle intelligente ou pas ? éclairante ?

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Suliko » ven. 21 juin 2019, 20:52

Bonsoir,

Le problème de cette fameuse option finale, c'est qu'elle est contredite par tous les écrits spirituels traditionnels de l'Eglise, dans lesquels je n'ai jamais rien lu de tel. Au contraire, si on lit par exemple la très belle "Préparation à la mort" de saint Alphonse de Liguori, on prend bien conscience du fait que comme le dit le proverbe, l'arbre tombe généralement du côté vers lequel il penche, c'est-à-dire qu'en principe, une vie véritablement chrétienne se terminera par la persévérance finale, et qu'une vie loin de Dieu aura plutôt tendance à se terminer dans l'impénitence. Bien sûr, il y a des exceptions, et ce dans les deux sens, et bien sûr, il ne faut jamais cesser de prier pour soi et son prochain et garder l'espérance, mais il n'empêche qu'il est illusoire de penser que c'est dans les derniers moments terrestres, dans l'agonie, que l'on pourra sans problème se tourner vers un Dieu que l'on n'aura que peu honoré dans sa vie ou en qui l'on n'aura peut-être même pas cru... C'est une singulière idée que de croire que c'est dans les douleurs et les angoisses de la mort que l'âme sera plus détachée de tout ce qui est matériel et plus apte à se tourner vers Dieu. Au contraire, les récits spirituels nous disent que les démons redoublent d'efforts pour perdre les âmes au moment de l'agonie et qu'un corps malade et affaiblit n'est en rien synonyme d'âme plus éclairée par la Vérité. Ce serait présomption de le croire. Je pense qu'on fait beaucoup de mal aux gens en leur suggérant ce genre d'option finale. Bien sûr, dans une société comme la nôtre, où si peu de personnes ont une mort véritablement catholique, il est tentant de se rassurer ainsi sur le sort de ses proches peut-être éloignés de l'Eglise, mais cela me semble tout à fait illusoire et nocif.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Trinité » ven. 21 juin 2019, 21:11

Hum!

Votre auteur dit :

Mais si, par cette expression, on veut signifier qu'il faut, pour se damner, choisir l'enfer en saisissant parfaitement et exactement tout ce que cela signifie, alors on ne peut l'admettre. La raison en est que c'est impossible

Arnaud évoque très bien cette situation dans une de ses vidéos , lorsque l'homme est pendant un court instant en présence de Dieu !
Je n'ai plus les termes exactes , mais en substance il dirait :
Mais non , moi je n'accepte pas cet amour , moi je n'accepte pas cet égalitarisme , moi je n'accepte pas cette humilité et cette charité , je persiste et signe , ce n'est pas ma conception du bonheur!
Malgré la vision béatifique , il ne peut faire le grand retour du dernier moment.
Il entre dans la même révolte d'orgueil que Lucifer vis à vis de Dieu!
En fait, il entre en Enfer en toute connaissance de cause, sa rancoeur et son obstination contre Dieu deviennent Enfer.
C'est dommage que je ne retrouve pas cette vidéo d'Arnaud mais elle est très parlante!
D'autre part , il faut avouer que cette ultime chance correspond bien à la miséricorde infinie de Dieu.
Il ne faut pas également oublier que, le purgatoire est un lieu expiatoire qui doit être plus ou moins long, suivant la façon dont nous aurons vécu !

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Trinité » ven. 21 juin 2019, 21:54

J'ajouterai que je sais bien que la théorie d'Arnaud est un peu en décalage avec le C.E.C ...mais je le redis encore une fois !
Elle me parait tellement en concordance avec la miséricorde de Dieu!

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par apatride » ven. 21 juin 2019, 22:35

Pour alimenter le débat à partir des positions réelles de chacun des théologies mises ici en opposition...

Ici vous trouverez de quoi embrasser toute la théologie de Arnaud Dumouch concernant L'heure de la mort

Et notamment les "six voies de la damnation" qui inclineraient l'homme à choisir l'Enfer en toute lucidité et connaissance de cause à l'heure de la rencontre avec son Créateur : Les six voies de la damnation
Dernière modification par apatride le sam. 22 juin 2019, 22:35, modifié 1 fois.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Trinité » ven. 21 juin 2019, 23:34

Bonsoir Apatride,
J'ai lu les six voies de la damnation d'Arnaud !
Très intéressants et je dirais même émouvant par moments!

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Carolus » sam. 22 juin 2019, 0:58

Suliko a écrit :
ven. 21 juin 2019, 20:52
Suliko :
Le problème de cette fameuse option finale, c'est qu'elle est contredite par tous les écrits spirituels traditionnels de l'Eglise, dans lesquels je n'ai jamais rien lu de tel.
Vous avez raison, chère Suliko. :(
Mt 13, 30 Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.
Au moment de la moisson, l’ivraie n’a pas le choix libre de se changer en blé, n’est-ce pas :?:

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Trinité » sam. 22 juin 2019, 22:24

Carolus a écrit :
sam. 22 juin 2019, 0:58
Suliko a écrit :
ven. 21 juin 2019, 20:52
Suliko :
Le problème de cette fameuse option finale, c'est qu'elle est contredite par tous les écrits spirituels traditionnels de l'Eglise, dans lesquels je n'ai jamais rien lu de tel.
Vous avez raison, chère Suliko. :(
Mt 13, 30 Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.
Au moment de la moisson, l’ivraie n’a pas le choix libre de se changer en blé, n’est-ce pas :?:
Mon cher Carolus,

Le problème est toujours le même...le tout est de savoir, a quel moment se situe la moisson et cela Dieu seul le sait!

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Carolus » dim. 23 juin 2019, 2:15

Trinité a écrit :
sam. 22 juin 2019, 22:24
Trinité :
Carolus a écrit :
sam. 22 juin 2019, 0:58
Carolus :
Au moment de la moisson, l’ivraie n’a pas le choix libre de se changer en blé, n’est-ce pas :?:
Mon cher Carolus,
Merci de votre réponse, cher Trinité.
Trinité a écrit :
sam. 22 juin 2019, 22:24
Trinité :
Le problème est toujours le même...le tout est de savoir, a quel moment se situe la moisson et cela Dieu seul le sait!
La faucheuse (mort) peut couper à tout moment, n’est-ce pas ?

« Le problème est toujours le même... », lorsque la faucheuse passe, est-ce qu’elle coupe de l’ivraie ou du blé ?

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Trinité » dim. 23 juin 2019, 23:55

Carolus a écrit :
dim. 23 juin 2019, 2:15
Trinité a écrit :
sam. 22 juin 2019, 22:24
Trinité :

Mon cher Carolus,
Merci de votre réponse, cher Trinité.
Trinité a écrit :
sam. 22 juin 2019, 22:24
Trinité :
Le problème est toujours le même...le tout est de savoir, a quel moment se situe la moisson et cela Dieu seul le sait!
La faucheuse (mort) peut couper à tout moment, n’est-ce pas ?

« Le problème est toujours le même... », lorsque la faucheuse passe, est-ce qu’elle coupe de l’ivraie ou du blé ?
Elle coupe les deux évidemment, mais Jésus ne dit pas que l'ivraie ne peut pas se changer en blé à sa vue!

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Carolus » lun. 24 juin 2019, 0:36

Trinité a écrit :
dim. 23 juin 2019, 23:55
Trinité :
Carolus a écrit :
dim. 23 juin 2019, 2:15
Carolus :
« Le problème est toujours le même... », lorsque la faucheuse passe, est-ce qu’elle coupe de l’ivraie ou du blé ?
Elle coupe les deux évidemment, […]
Exactement, cher Trinité. :(
Trinité a écrit :
dim. 23 juin 2019, 23:55
Trinité :
[…] mais Jésus ne dit pas que l'ivraie ne peut pas se changer en blé à sa vue!
Est-ce que notre Seigneur et Sauveur « ne dit pas que l'ivraie ne peut pas se changer en blé à sa vue » :?:
Ap 16, 15 Voici que je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et qui garde ses vêtements, pour ne pas aller nu et ne pas laisser voir sa honte !
Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ nous avertit : Heureux celui qui veille et qui garde ses vêtements, pour ne pas aller nu et ne pas laisser voir sa honte ! Cela veut dire, malheureux celui qui ne veille pas et qui ne garde pas ses vêtements, n’est-ce pas :?:

Il ne faut pas « aller nu et […] laisser voir sa honte ! »

L’ivraie est celui qui laisse voir sa honte :!:

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » lun. 24 juin 2019, 1:14

Trinité :

Arnaud évoque très bien cette situation dans une de ses vidéos , lorsque l'homme est pendant un court instant en présence de Dieu !
Je n'ai plus les termes exactes , mais en substance il dirait :
Mais non , moi je n'accepte pas cet amour , moi je n'accepte pas cet égalitarisme , moi je n'accepte pas cette humilité et cette charité , je persiste et signe , ce n'est pas ma conception du bonheur!
Je me souviens bien d'avoir lu chez lui quelque chose assez semblable. Je sais.

Malgré la vision béatifique , il ne peut faire le grand retour du dernier moment
Il ne peut s'agir de la vision béatifique. Non, Trinité. Car la "vision béatifique" est la récompense des élus. Arnaud ne dira jamais que tout le monde a droit à la vision béatifique. Il parle plutôt d'une vision de Jésus comme homme.

Ce que dit Arnaud tombe alors tout à fait sous la critique du pieux dominicain. L'hypothèse d'Arnaud est bancale justement parce que la vision dont il parle ne permet pas de donner au sujet toute cet éclairage promis. Le type qui rejette le Christ n'a pas cette pleine conscience de la perte qu'il ferait en se retranchant lui-même de la communion. Même dans le système d'Arnaud, le damné en devenir et face à la vision ne peut pas davantage mesurer toute l'étendue de ce dans quoi il s'engage pour l'éternité. Il n'est pas plus conscient. La vision ne lui sert de rien. Et c'est Arnaud qui le dit.
Dernière modification par Cinci le lun. 24 juin 2019, 18:36, modifié 2 fois.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Carolus » lun. 24 juin 2019, 2:35

Trinité a écrit :
dim. 23 juin 2019, 23:55
Trinité :

Elle coupe les deux évidemment, mais Jésus ne dit pas que l'ivraie ne peut pas se changer en blé à sa vue!
Jésus nous donne une image où les éléments représentants correspondent aux éléments de l'idée représentée, cher Trinité. :(
Mt 13, 38 [Jésus explique :] le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais.
Le blé et l’ivraie représentent donc respectivement les sauvés et les perdus. La moisson (passage de la faucheuse) représente le jugement particulier.

L’ivraie ne peut pas se changer en blé à la vue de la faucheuse !

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » lun. 24 juin 2019, 8:08

Trinité :

Il entre dans la même révolte d'orgueil que Lucifer vis à vis de Dieu!
Vous aurez compris que le système d'Arnaud exigerait une transformation de l'homme en ange à quelque part - nous placerait l'homme dans une condition de pure esprit si vous voulez (déchargé des limitations du corps)- et afin de pouvoir réaliser un choix qui puisse être définitif, éternel et tout.

Le fait de mourir (cf. mort clinique, encéphalogramme plat, coma irréversible) en état de péché mortel selon Arnaud (se basant sur la définition classique des choses) ne pourrait par empêcher le sujet d'avoir "droit" à la fameuse vision quand même et pour y jouir encore (juste avant la mort théologique) d'une pleine capacité théorique à s'y déterminer durablement pour le bien. Or c'est justement cela qui est contraire à toute la tradition de l'Église. Il n'a jamais existé un tel droit dans l'Église, comme le droit à tous (certitude, garantie, etc.) de voir Jésus au moment de la mort et pour y bénéficier une dernière fois d'une possibilité de conversion dans l'au-delà.

Comme peut dire mon prêtre dominicain, mais l'on ne pourrait pas faire de théologie comme en se basant sur la possibilité de quelque miracle exceptionnel, et comme ici le fait que Dieu pourrait soi-disant apparaître à tel individu à l'article de la mort (ce qui serait plutôt un miracle dans les circonstances, une apparition de Dieu je veux dire) et pour lui permettre de renverser toute l'orientation de fond de son existence jusque-là.

Le problème ce n'est pas le miracle mais le fait de vouloir faire du miracle une condition normale des choses, une garantie et une obligation pour Dieu.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » lun. 24 juin 2019, 8:27

Voyez un autre commentaire.

Ici :
Dom Pius :

Nécessité de l'Église pour le salut

L'Église est l'extension dans l'histoire de l'Incarnation du Verbe; c'est par l'Église que le salut parvient aux hommes. C'est pour cette raison qu'elle est l'unique moyen de salut. Or, si tous les hommes, quels qu'ils soient, quelque religion qu'ils aient professée, quelque dieu qu'ils aient adoré, quelles qu'aient été leurs moeurs, ont la possibilité, au moment de la mort, de voir l'amour divin face à face et de choisir leur destinée éternelle, alors, pourquoi Dieu a-t-il envoyé son Fils en ce monde ? Pourquoi celui-ci a-t-il envoyer les apôtres prêcher l'Évangile à toute créature, en ajoutant que quiconque ne croirait pas en ce monde serait condamné dans l'autre (cf. Mc 16,16) ? Si le seul moment qui compte en définitive est celui de l'option finale dans la mort, cela ne suggère-t-il pas que toute l'économie du salut a été de trop, selon le principe que Dieu et la nature ne font rien d'inutile ? Face à l'ensemble de la Révélation et à l'enseignement du Magistère, affirmer que tous les hommes voient Dieu face à face dans la mort paraît déraisonnable.

Certains suggèrent pourtant que l'Église serait seulement le meilleur moyen de salut, ou même qu'elle existerait avant tout pour garantir un melius esse en ce monde. Nous n'avons, bien entendu, aucunement l'intention de nier que les non-chrétiens puissent parvenir au salut, dans la mesure où, sous l'influx de la grâce, ils appartiennent in voto à l'Église par le moyen de la foi surnaturelle et observent les préceptes de la loi naturelle.

Mais nous tenons à ajouter ceci : s'Ils se sauvent , ce n'est pas en raison de l'ignorance, car si l'ignorance permet aux païens de se sauver, cela ne conduit-il pas à penser que les damnés seraient vraisemblablement des chrétiens, puisqu'ils savaient, eux, la volonté du Maître, et se devaient de mettre leur vie en rigoureuse conformité avec sa loi ? Et ainsi on arrive à cette conclusion invraisemblable et même absurde : l'Église serait responsable de la damnation des âmes, puisque, de par son enseignement, elle rend les hommes responsables de crimes dont ils auraient été ignorants et "innocents" s'ils n'avaient pas entendu l'annonce de l'Évangile. La proclamation de la Bonne Nouvelle deviendrait alors une mauvaise nouvelle. On voit par là le danger qui consiste à passer trop vite de la possibilité du salut pour ceux qui sont en dehors de l'Église visible, à la probabilité, et surtout à la quasi-certitude d'un tel salut que l'on présente souvent , à tort, comme étant l'aboutissement des réflexions de l'Église sur la question.

[...]

Joseph Ratzinger soulignait ce que cette mentalité peut avoir de désastreuse pour l'évangélisation :

"Un collègue, plus âgé, qui avait sur le coeur la détresse de la situation des chrétiens, exprima lors d'une discussion l'opinion que l'on devrait être reconnaissant à Dieu de ce qu'il donne à tant d'hommes bonne conscience de devenir incroyants. En effet, s'ils se convertissaient, ils ne seraient pas en mesure de supporter le fardeau de la foi et de ses obligations morales dans ce monde qui est le nôtre. Mais comme ils suivent en bonne conscience un autre chemin, ils peuvent tout de même parvenir au salut.

Ce qui me choqua dans cette affirmation [c'est Joseph Ratzinger qui parle], n'était pas premièrement l'idée que Dieu pût lui-même donné une conscience faussée afin de sauver des hommes par cet artifice - autrement dit, l'idée d'un aveuglement accordé par Dieu en vue du salut de ces personnes. Ce qui me dérangeait, était cette conception de la foi comme un fardeau à peine supportable. En fin de compte, la foi ne faciliterait pas le salut mais en augmenterait la difficulté. Par conséquent, celui à qui il n'est pas imposé de croire et de ployer sous le joug de la morale de l'Église catholique doit s'estimer heureux. Une conscience faussée, permettant de vivre plus facilement et montrant un chemin plus humain, serait la grâce réelle, la voie normale du salut. La contrevérité ou la mise à l'écart de la vérité serait plus salutaire à l'homme que la vérité; ce n'est pas la vérité qui le libérerait, mais, au contraire, il devrait s'en libérer. L'homme serait davantage chez lui dans l'obscurité qu'à la lumière, car la foi ne serait pas un don bienfaisant de Dieu de bonté mais au contraire un héritage néfaste. S'il en est ainsi, comment pourrait donc s'introduire la joie de croire ? Et même le courage de la transmettre ? Ne serait-il pas préférable de l'épargner aux autres ou même de les en dissuader ? De telles considérations ont manifestement paralysé l'élan évangélisateur des dernières décennies : qui considère la foi comme un fardeau pesant et une contrainte morale, ne souhaite pas l'imposer aux autres, il préfère les laisser à la liberté présumée de leur bonne conscience. "(J. Ratzinger, "Conscience et vérité", Communio, 21 janvier 1996, pp. 95-96)

p. 440

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