St Thomas: sous un angle les pécheurs sont haïs de Dieu

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ChristianK
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St Thomas: sous un angle les pécheurs sont haïs de Dieu

Message non lu par ChristianK » lun. 26 févr. 2024, 23:57

Voici un texte pour réfléchir. Somme I Q 20

"4. Rien n’empêche d’éprouver, à l’égard du même objet, de l’amour sous un certain rapport, et de la haine sous un
autre. Dieu aime les pécheurs en tant qu’ils sont des natures déterminées et qu’ils sont par lui. Mais en tant qu’ils
sont pécheurs, ils ne sont pas, ils manquent à l’être, et en eux cela n’est pas de Dieu : c’est pourquoi, sous ce rapport,
ils sont haïs par Dieu."

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Didyme
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Re: St Thomas: sous un angle les pécheurs sont hais de Dieu.

Message non lu par Didyme » mar. 27 févr. 2024, 20:41

Ceci étant un texte pour réfléchir, j'expose une simple réflexion sur le sujet :

ChristianK a écrit :
lun. 26 févr. 2024, 23:57
Voici un texte pour réfléchir. Somme I Q 20

"4. Rien n’empêche d’éprouver, à l’égard du même objet, de l’amour sous un certain rapport, et de la haine sous un
autre. Dieu aime les pécheurs en tant qu’ils sont des natures déterminées et qu’ils sont par lui. Mais en tant qu’ils
sont pécheurs, ils ne sont pas
, ils manquent à l’être, et en eux cela n’est pas de Dieu : c’est pourquoi, sous ce rapport,
ils sont haïs par Dieu."
Et pourtant, ils sont...

Disons qu'il faut distinguer l'être de l'avoir.
Le problème est que dans nos langages, nous avons pris l'habitude de parler de ce qui est de l'ordre de l'avoir avec le verbe être.
Ex : je suis pécheur / j'ai péché.
Le péché est-il de l'ordre de l'être ou de l'avoir, du substantiel ou de l'accidentel, du fondement ou du superficiel ?

"et en eux cela n’est pas de Dieu"
Et donc, ce qui en eux n'est pas de Dieu est "haï".


Un passage que j'avais déjà cité d'un livre "une jeunesse sexuellement libérée (ou presque)" de Thérèse Hargot exprimait de façon intéressante cette idée :


"Or, être ou ne pas être homosexuel, telle est la question qu'il ne faudrait pas se poser. Tout simplement parce qu'" être homosexuel ", ça n'existe pas. Absolument, c'est une pure construction idéologique ! Tu es Marcel, Estelle, Gabriel ou Michelle mais tu n'es pas" homosexuel(le)" ni même "hétérosexuel(le)", " transsexuel(le)", "bisexuel(le)" ou n'importe quelle autre catégorie dans laquelle on voudrait te faire rentrer, si flexible semble-t-elle.
Certes, tu peux avoir un désir amoureux et sexuel envers une personne de même sexe, tu peux avoir des fantasmes en tout genre, tu peux avoir une tendance à te comporter d'une certaine manière, tu peux avoir du plaisir dans telle ou telle situation, tu peux choisir de vivre ta vie intime avec telle ou telle personne... Mais en aucun cas, ces expériences ne déterminent l'être profond ; tout cela relève de l'ordre de la possession, pas de l'existence. L'existence d'un être ne dépend pas de ses désirs, de ses amours, de ses fantasmes, de ses activités sexuelles, de sa situation matrimoniale ou de ses valeurs. Quand bien même ils prennent une place importante dans la vie, la personne ne saurait s'y réduire.
Et cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit ici de la sexualité qui, par nature, est une expérience humaine complexe, multiple et contradictoire. En s'identifiant à ce qui n'est en fait que des " identités superficielles" - parce que temporelles et partielles - on empêche toute perspective d'évolution, on emprisonne l'individu derrière une étiquette, on lui retire sa liberté. Au lieu de dire, "je suis hétérosexuel", " je suis amoureux ", " je suis avec... ", le vécu doit apprendre à s'exprimer avec le verbe avoir : " j'ai une attirance sexuelle envers... ", " j'ai un sentiment amoureux pour... ", " j'ai une relation de couple avec... ". Car je ne suis ni mes attirances, ni mes sentiments, ni mes relations."



D'ailleurs, si l’être se confondait avec le péché alors il n'y aurait rien de sauvable, le péché n'étant pas sauvable, et cette confusion entre l'être et le péché empêcherait toute distance salvifique.



"c’est pourquoi, sous ce rapport,
ils sont haïs par Dieu"

"Dieu hait le pécheur"
En-dehors de l'indistinction entre l'être et le péché, cette idée de haine serait comme si c'était le péché qui provoquait, imposait une réaction en Dieu. Comme si le non-être du péché était en relation avec l'absolu, l'Être.
Or, la nature du péché est justement l'absence de relation, la relation étant le propre de l'être, de l'amour.
Plutôt que de haine, il s'agirait davantage du fait que le péché est incompatible avec le divin, qu'il ne peut y avoir union des deux, unité.
Même si Dieu est accueil, ouverture, il ne peut pas accueillir ce qui est refus, division.

La haine ce serait comme s'il y avait conflit en Dieu. Or, Dieu est égal à lui-même. Sa volonté va dans un sens et pas dans l'autre. Elle va dans un sens et ne va pas en son contraire. Ce n'est pas le péché (le refus de la créature) qui oriente la volonté divine (volonté conséquente), mais c'est la volonté divine qui oriente.

«Vois ! Je suis Dieu. Vois ! Je suis en toute chose. Vois ! Je fais toute chose ! Vois ! Je ne retire jamais ma main de mes œuvres, et jamais je ne la retirerai dans les siècles des siècles. Vois ! Je conduis toute chose à la fin que je lui ai assignée de toute éternité, avec la même puissance, la même sagesse, le même amour que lorsque je l'ai créée. Comment pourrait-il se faire qu'aucune soit mauvaise ?» ("Le livre des révélations", Julienne de Norwich)


La volonté, l'être, l'intellect ne sont pas séparés, partitionnés en Dieu mais en l'homme car l'homme n'est pas unifié mais divisé.
Or, Dieu est Un en lui-même, sa volonté exprime son être alors que la volonté de l'homme n'exprime pas systématiquement l'être mais peut être dirigé par des forces, des contraires en lui.
Il n'y a pas de contraires en Dieu.

D'ailleurs, est-il tout à fait correct de parler de ce que Dieu ne voudrait pas ? La volonté divine peut-elle être négative ?
Il me semble qu'il est généralement parlé de ce que Dieu veut davantage que de ce que Dieu ne veut pas (Expression de l'être qui n'est que positive, affirmative). Et certainement que lorsqu'il est parlé de ce que Dieu ne veut pas, il s'agit surtout d'une façon de parler. C'est subtil mais davantage que de dire "Dieu ne veut pas le péché ", il paraît plus adéquat de dire "Dieu veut que l'homme ne pèche pas " et mieux encore "Dieu veut que l'homme se tourne vers lui".
Lorsque l'on entre dans le "ne veut pas", dans une volonté négative, n'entre-t-on pas dans un rapport, dans une relation avec le péché en ce qu'il n'y a plus expression de la volonté/être mais intéraction avec le péché ? De même pour la haine. Dieu est amour, c'est l'expression de son être. Or, que Dieu haïsse et cela le fait entrer en intéraction avec le péché. Le problème étant ici qu'il ne s'agit plus seulement d'une réponse de Dieu au problème du péché, mais d'une réaction en son être-même au péché. Il est atteint en sa divinité.
Or, ce n'est pas le péché qui agit sur Dieu mais c'est Dieu par l'incarnation qui transforme un mal en bien, qui agit sur le péché.

Est-il d'ailleurs tout à fait correct l'idée de condamnation par Dieu ? N'est-ce pas l'homme en relation avec le péché qui se condamne ? Alors que Dieu sauve ?
C'est le propre de ce qui est divisé que d'être dans une volonté négative, d'être dans les contraires.
Ainsi, Dieu n'est que volonté positive car Un. Confronté aux contraires du créé, il le dépasse par sa volonté positive. L'homme dit "non", Dieu prévoit la rédemption. L'homme veut l'enfer, Dieu veut le salut.
Par conséquent, il m'apparaît difficilement concevable l'idée de haine en Dieu.
L'autre est un semblable.

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Re: St Thomas: sous un angle les pécheurs sont haïs de Dieu

Message non lu par ChristianK » dim. 03 mars 2024, 4:10

Ceci étant un texte pour réfléchir, j'expose une simple réflexion sur le sujet :

Voici un texte pour réfléchir. Somme I Q 20

"4. Rien n’empêche d’éprouver, à l’égard du même objet, de l’amour sous un certain rapport, et de la haine sous un
autre. Dieu aime les pécheurs en tant qu’ils sont des natures déterminées et qu’ils sont par lui. Mais en tant qu’ils
sont pécheurs, ils ne sont pas
, ils manquent à l’être, et en eux cela n’est pas de Dieu : c’est pourquoi, sous ce rapport,
ils sont haïs par Dieu."
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Et pourtant, ils sont...

Disons qu'il faut distinguer l'être de l'avoir.
Le problème est que dans nos langages, nous avons pris l'habitude de parler de ce qui est de l'ordre de l'avoir avec le verbe être.
Ex : je suis pécheur / j'ai péché.
Le péché est-il de l'ordre de l'être ou de l'avoir, du substantiel ou de l'accidentel, du fondement ou du superficiel ?

"et en eux cela n’est pas de Dieu"
Et donc, ce qui en eux n'est pas de Dieu est "haï".
D'ailleurs, si l’être se confondait avec le péché alors il n'y aurait rien de sauvable, le péché n'étant pas sauvable, et cette confusion entre l'être et le péché empêcherait toute distance salvifique.
Mais il se sont confond en partie chez les damnés puisqu’ils ne sont pas sauvés. Ie. Dieu aime les damnés d’une facon différente de la facon des élus, car ils les hait par un aspect. Il hait une des qualités qu’ils ont fait leur (le vice est une qualité dans les catégories d’Aristote.)
"c’est pourquoi, sous ce rapport,
ils sont haïs par Dieu"

"Dieu hait le pécheur"
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Obj.4 et réponse de Thomas pour compléter la rép.4 ci haut:

« 4. Dans le Psaume (5, 6) on dit à Dieu : “ Tu hais tous les artisans d’iniquité. ” Or on ne peut à la fois haïr et aimer
quelque chose. Donc Dieu n’aime pas toutes choses.

En sens contraire, on lit au livre de la Sagesse (11, 24) : “ Tu aimes tout ce qui existe ; tu ne hais rien de ce que tu as
fait. ”

Réponse : Dieu aime tout ce qui existe ; car tout ce qui existe, en tant qu’il existe, est bon ; en effet, l’être même de
chaque chose est un bien, et toute perfection de cette chose est également un bien. Or, on a montré plus haut que la
volonté de Dieu est cause de toute chose ; ainsi faut-il que toute chose n’ait d’être et de perfection que dans la
mesure où elle est voulue par Dieu. Donc à tout existant Dieu veut quelque bien. Puisque aimer n’est autre chose
que de vouloir pour quelqu’un une chose bonne, il est évident que Dieu aime tout ce qui existe.
Mais il n’en est pas de cet amour comme du nôtre. En effet, comme notre volonté n’est pas la cause de la bonté des
choses, mais est mue par elle comme par son objet propre, notre amour, par lequel nous voulons pour quelqu’un ce
qui lui est bon, n’est pas cause de sa bonté ; c’est au contraire sa bonté, vraie ou supposée, qui provoque l’amour par
lequel nous voulons pour lui que soit conservé le bien qu’il possède, et que s’y ajoute celui qu’il ne possède pas ; et
nous agissons pour cela. Mais l’amour de Dieu infuse et crée la bonté dans les choses. »
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En-dehors de l'indistinction entre l'être et le péché, cette idée de haine serait comme si c'était le péché qui provoquait, imposait une réaction en Dieu. Comme si le non-être du péché était en relation avec l'absolu, l'Être.
Or, la nature du péché est justement l'absence de relation, la relation étant le propre de l'être, de l'amour.
Plutôt que de haine, il s'agirait davantage du fait que le péché est incompatible avec le divin, qu'il ne peut y avoir union des deux, unité.
Même si Dieu est accueil, ouverture, il ne peut pas accueillir ce qui est refus, division.
Incompatiblité et haine du mal sont synonymes. Oui, c’est inséparable.

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Re: St Thomas: sous un angle les pécheurs sont hais de Dieu.

Message non lu par ChristianK » dim. 03 mars 2024, 4:31

La haine ce serait comme s'il y avait conflit en Dieu. Or, Dieu est égal à lui-même. Sa volonté va dans un sens et pas dans l'autre. Elle va dans un sens et ne va pas en son contraire. Ce n'est pas le péché (le refus de la créature) qui oriente la volonté divine (volonté conséquente), mais c'est la volonté divine qui oriente.
Partiellement vrai. Pour l’amour de Dieu lui-même, il s’aime sans aucune haine pcq infiniment aimable et parfait; pas pour l’amour des créatures limités par néant, surtout celui du mal de faute (« accidentel » il est vrai en vocabulaire d’Aristote), ce n’est pas le même amour, impossible.
La volonté, l'être, l'intellect ne sont pas séparés, partitionnés en Dieu mais en l'homme car l'homme n'est pas unifié mais divisé.
Or, Dieu est Un en lui-même, sa volonté exprime son être alors que la volonté de l'homme n'exprime pas systématiquement l'être mais peut être dirigé par des forces, des contraires en lui.
Il n'y a pas de contraires en Dieu
Son attitude à l’égard de Satan crée un contraire, de direction externe
D'ailleurs, est-il tout à fait correct de parler de ce que Dieu ne voudrait pas ? La volonté divine peut-elle être négative ?
Absolument car hair le mal est un bien, une positivité

Il me semble qu'il est généralement parlé de ce que Dieu veut davantage que de ce que Dieu ne veut pas (Expression de l'être qui n'est que positive, affirmative). Et certainement que lorsqu'il est parlé de ce que Dieu ne veut pas, il s'agit surtout d'une façon de parler. C'est subtil mais davantage que de dire "Dieu ne veut pas le péché ", il paraît plus adéquat de dire "Dieu veut que l'homme ne pèche pas " et mieux encore "Dieu veut que l'homme se tourne vers lui".
Lorsque l'on entre dans le "ne veut pas", dans une volonté négative, n'entre-t-on pas dans un rapport, dans une relation avec le péché en ce qu'il n'y a plus expression de la volonté/être mais interaction avec le péché ? De même pour la haine. Dieu est amour, c'est l'expression de son être. Or, que Dieu haïsse et cela le fait entrer en interaction avec le péché. Le problème étant ici qu'il ne s'agit plus seulement d'une réponse de Dieu au problème du péché, mais d'une réaction en son être-même au péché. Il est atteint en sa divinité.
Une distinction entre les amours de Dieu (présente chez St Thomas) est nécessaire ici. Dieu est pur de toute haine de tout aspect de lui-même, mais pour l’amour de la créature, imparfaite, donc comportant du néant, c’est différent, des aspects de cette créature peuvent être hais, en tant que « présents ».
Or, ce n'est pas le péché qui agit sur Dieu mais c'est Dieu par l'incarnation qui transforme un mal en bien, qui agit sur le péché
Sûrement pas par incarnation. Dieu hait le mal sans être atteint par lui car hair le mal est un bien, par définition, pas par transformation ou transmutation, c’est la mëme chose, 2 faces d’une réaction identique.
Est-il d'ailleurs tout à fait correct l'idée de condamnation par Dieu ? N'est-ce pas l'homme en relation avec le péché qui se condamne ? Alors que Dieu sauve ?
C'est le propre de ce qui est divisé que d'être dans une volonté négative, d'être dans les contraires.
Ainsi, Dieu n'est que volonté positive car Un. Confronté aux contraires du créé, il le dépasse par sa volonté positive. L'homme dit "non",
La haine du mal inséparable de l’amour du bien fait corps avec cet amour. La volonté positive totale de Dieu se limite à lui-même, il y a du négatif à l’érard de la créature extérieure.
Dieu prévoit la rédemption. L'homme veut l'enfer, Dieu veut le salut"
Non car il ne veut le salut de tous que de volonté antécédente, l’enfer de certains de volonté conséquente. Et il voit (Facon de parler humaine : « pré-voit » sans prédéterminer) l’enfer de certains.
Par conséquent, il m'apparaît difficilement concevable l'idée de haine en Dieu.
Sophistique, voir ci haut. Dieu hait un aspect de sa création. (haine du mal est identique à amour du bien : c’est un bien de haïr le mal, littéralement, autrement on est incohérent). Dieu est donc charité, jamais amour du mal même partiel.

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