Mais non ! La confusion demeure. L’Eglise ne « condamne » personne. Non seulement, elle ne préjuge jamais du salut éternel, mais elle ne condamne pas davantage les personnes dans le monde présent, dans la réalité terrestre actuelle.prodigal a écrit :Je ne sais pas. Il faut le dire, voire le redire, si et seulement si c'est vrai. Exclure de la communion, n'est-ce pas condamner? Vous allez peut-être me dire que pour autant l'Eglise ne préjuge jamais du salut éternel des personnes. C'est vrai et c'est important. Mais c'est quand même bien condamner des personnes, à tort ou à raison, que de les exclure de la communion.Xavi a écrit :Il faut redire que l’Eglise ne « condamne » personne.
L’accès aux sacrements n’est pas réservé aux hommes sans péché ! Mais, cet accès fait l’objet de règles de discipline dans l’Eglise.
Ces règles de discipline ne constituent pas un jugement, ni a fortiori une condamnation des personnes, mais se situent entre la vérité objective dont l’Eglise est la gardienne et les réalités du monde dans lequel ces règles doivent exprimer au mieux la vérité de la révélation confiée à l’Eglise.
La réponse de l’Eglise ne fait aucun doute : suivre sa conscience, mais continuer sans cesse à l’éclairer et à la soumettre toujours davantage à la lumière de la foi.prodigal a écrit :que faire lorsqu'en conscience on n'a pas d'autre solution que quitter l'Eglise ou désobéir?
Le problème vient de la justification personnelle que beaucoup veulent s’attribuer et souvent de la contestation, au nom de leur conscience personnelle, de ce que le Magistère enseigne. La foi catholique ne doit-elle pas a priori se méfier de sa propre conscience lorsqu’elle-même se perçoit en désunion avec le Magistère ?
Celui qui ressent une telle contradiction entre ce que sa conscience lui indique et ce qu’il comprend de l’enseignement de l’Eglise doit certes avancer, mais ne doit-il pas le faire avec un surplus d’écoute et d’attention à la contradiction qu’il ressent, à l’éclairage de l’Eglise ? S’il se met lui-même dans une posture d’opposition, en renonçant à continuer à chercher une communion de cœur et de pensée, il risque d’affaiblir l’éclairage qu’il peut recevoir de l’Eglise.
La conscience de chacun est notre dignité d’homme, le cœur de notre liberté d’aimer. Elle peut se trouver parfois en difficulté avec un enseignement du Magistère, mais elle ne pourrait que s’affaiblir elle-même si elle voulait remplacer l’éclairage de la foi par une fausse lumière qui ne serait que l’ombre de sa propre projection au lieu de la lumière qui peut grandir dans la communion de l’Eglise au cœur des ténèbres les plus épaisses.
Prudence, prudence…
Mais non !prodigal a écrit :Exclure de la communion, n'est-ce pas condamner?
Comme vous le relevez vous-même, nous sommes ici dans une règle de discipline.
La discipline n’est ni la dénonciation objective des actes mauvais, ni une condamnation des personnes dans des cas individuels.prodigal a écrit :en l'occurrence il ne s'agit pas de dénoncer des actes objectivement mauvais mais de condamner des personnes, tout simplement. Je ne vois pas Mgr Bonny (mais peut-être que je me trompe?) demander qu'on change la morale, mais qu'on reconsidère la discipline.
Dans le chapitre 19 de l’évangile de St Matthieu, le seul discours de Jésus sur la morale sexuelle et le mariage peut nous aider à comprendre cette distinction.
Rappelant la création du couple humain à l’origine, Jésus présente la répudiation permise par Moïse comme une règle de discipline, mais dit néanmoins que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a unit parce que l’union de l’homme et la femme est au cœur de leur création à l’image de Dieu, ce qui nous révèle une vérité objective sur ce que nous sommes réellement.
Aujourd’hui, les sacrements sont signe et moyen de la présence réelle et active du Christ.
L’Eglise est la gardienne de ces trésors qui sont signe et moyen non seulement pour ceux qui les reçoivent concrètement par un sacrement du mariage ou par un sacrement de l’eucharistie, mais aussi pour toute l’Eglise et même pour le monde entier.
Il est clair que tout homme pécheur a besoin des sacrements, mais les grâces des sacrements peuvent atteindre tout homme de manières diverses.
En ce qui concerne plus spécialement le mariage et la participation à l’eucharistie de ceux qui vivent une union intime avec une personne autre que celle avec laquelle ils se sont donnés le sacrement du mariage, la question pour l’Eglise concerne la lumière du signe de tout sacrement.
Sur ce point précis, il ne faut pas confondre trop vite la fidélité qui peut être ressentie comme un devoir moral dans toute union intime et la fidélité au sacrement du mariage comme signe de l’indissolubilité du lien entre le Christ et son église.
Les règles de discipline de l’Eglise participent à la lumière des sacrements pour les fidèles et pour tous. Et là, tout est beaucoup plus difficile à apprécier. Le travail du synode et du pape François s’annonce ardu.
Ce que Mgr Bonny écrit à cet égard montre bien la difficulté.
Tout paraît exact dans ce que Mgr Bonny écrit, mais il choisit de regarder, d’une part, l’indissolubilité d’une réalité humaine (le mariage entre un homme et une femme) et, d’autre part, l’indissolubilité d’une réalité divine (le lien entre le Christ et son Eglise).Mgr Bonny a écrit :La première réflexion concerne le lien étroit que la doctrine de l’Eglise établit actuellement entre le sacrement de mariage et le sacrement de l’eucharistie. Indubitablement, ces deux sacrements ont affaire l’un avec l’autre. La vie sacramentelle de l’Eglise forme un tout organique dans lequel un sacrement ouvre ou rouvre l’accès à un autre. On peut cependant se poser la question de savoir comment se rapportent entre elles l’indissolubilité du mariage entre un homme et une femme et l’indissolubilité du lien entre le Christ et son Eglise. La ‘relation’ (ou ‘application’) dont parle Saint-Paul dans sa lettre aux Ephésiens n’est pas une ‘identification’.40 Les deux ‘indissolubilités’ n’ont pas la même signification salvifique. Elles sont l’une pour l’autre ‘signe’ et ‘signifié’. Qui est le Christ pour nous et ce qu’il a fait pour nous dépasse toujours de loin notre vie humaine et ecclésiale. Aucun ‘signe’ ne peut représenter de manière définitive la ‘réalité’ de son alliance d’amour avec l’humanité et l’Eglise. Même le plus beau reflet de l’amour du Christ est marqué par la finitude et le péché humains. Entre le ‘signe’ et le ‘signifié’, la distance reste très grande. Cette distance est d’ailleurs pour nous une chance et une bénédiction. Jamais notre faiblesse ne peut annihiler la fidélité de Jésus à son Eglise. De l’indissolubilité de son sacrifice à la croix et de son amour pour l’Eglise afflue la miséricorde avec laquelle il revient sans cesse à notre rencontre, y compris dans la célébration de l’eucharistie.
On ne peut, de ce point de vue, que constater que la réalité humaine (le signe) est inévitablement défaillante par rapport à la réalité divine (le signifié).
Les réalités humaines terrestres ne sont pas indissolubles. Au contraire, depuis le péché originel, nos réalités sont mortelles.
Mais, les sacrements ne présentent-ils pas un autre point de vue ?
Un mariage humain terrestre n’est jamais indissoluble par nature. Ce qui peut être indissoluble c’est une grâce de Dieu, un signe et et un moyen donnés par Dieu.
Un sacrement n’est-il pas, par nature, indissoluble ? N’est-ce pas une grâce par laquelle nous sommes participants à une réalité divine ? Les règles de discipline peuvent admettre la dissolution d’un mariage dans la réalité humaine, comme Jésus le rappelle dans l’Evangile, mais la lumière du sacrement du mariage peut-elle cesser par une volonté humaine ?
La distinction du signe et du signifié que fait Mgr Bonny se concentre sur l’aspect « signe » de la réalité humaine du mariage. Les signes dans la réalité humaine sont toujours bien loin des réalités divines.
Mais, dans tout sacrement, le signe de Dieu n’est pas moindre que le signifié. Le corps et le sang du Christ présents dans l’eucharistie ne sont pas moindres que le corps et le sang du Christ sur la croix en Palestine. La présence divine dans le sacrement du mariage serait-elle moindre que ce qu’elle signifie ?
Dans le sacrement du mariage, ce qui est signe, c’est plus que le mariage humain, c’est le sacrement que les époux se confèrent et ce sacrement n’est pas qu’un signe des époux eux-mêmes pour signifier une réalité divine, mais c’est surtout un signe et un moyen de Dieu lui-même que Dieu leur permet de se donner mutuellement de manière indissoluble.
Le sacrement du mariage est un signe de l’indissolubilité de l’amour de Dieu dans un mariage qui est aussi un moyen de faire entrer ce mariage dans l’indissolubilité de l’amour de Dieu. Lorsque la réalité humaine d’un mariage est dissoute par une volonté humaine, il est possible de prévoir diverses dispositions légales ou disciplinaires, mais le sacrement du mariage ne demeure-t-il pas en tant que grâce de Dieu ?
La lumière et les grâces d’un tel sacrement pour les époux, pour l’Eglise, et pour le monde, sont considérables.
Soyons donc prudents et compréhensifs face à la difficulté qui se présente aujourd’hui pour les évêques et le Pape lorsqu’ils vont réfléchir des difficultés que peuvent présenter des règles disciplinaires de l’Eglise dans le monde contemporain. Ils devront considérer ensemble la vérité des sacrements donnés par Dieu et des enseignements du Magistère conduit par l’Esprit Saint autant que les réalités contemporaines pour que la lumière de la révélation et des dons de Dieu brille pour tous le mieux possible dans les circonstances concrètes actuelles.