Les chaises marquées dans les églises

[MAELYS]

Bonjour,
je suis allée ce matin à la Messe dans une Eglise que je ne connais pas. A mon grand étonnement j'y ai vu des noms "famille untel..." à plusieurs endroits sur les bancs. Comme si ces places avaient été réservées par le passé à certaines familles! Je suis un peu perplexe à ce sujet... pouvez vous m'en dire plus? quelles sont les origines de ces inscriptions? les raisons? Ces places se monnayaient elles? Qui étaient en droit de se "réserver "ces places et pourquoi?
Bref pardonnez mon ignorance...

Bonne journée

[Fée Violine]

Oui, autrefois les gens riches et les notables avaient des bancs réservés dans les premiers rangs des églises.

[papillon]

Tout à fait.

Voici ce que j'ai trouvé sur la p'tite histoire des bancs d'église du Québec.
http://www.maisonsaint-gabriel.qc.ca/fr ... 12_03.html

Cela me rappelle que ma mère, qui était fille d'agriculteur, m'avait dit un jour que dans l'église de campagne de sa jeunesse, les gens importants du village étaient assis devant, et ceux qui travaillaient aux champs, derrière.

[MAELYS]

Merci Fée Violine pour votre réponse. ça confirme bien ce que je pressentais
Savez vous si ces places leurs étaient octroyées gratuitement?

[jeanbaptiste]

Savez vous si ces places leurs étaient octroyées gratuitement?

Oui, il me semble. Le contraire serait étonnant.

Je suis un peu étonné par le smiley évoquant le dégoût que vous utilisez. Je comprends votre réaction, je ne souhaite pas que de telles pratiques reviennent aujourd'hui, car elles n'ont plus de sens dans notre monde. Mais je suis obligé de vous rappeler que la société était à l'époque différente de la notre, que ces pratiques n'étaient pas choquantes, les représentations sociales étant différentes.

[Fée Violine]

Pas choquantes? Vous trouvez normal que les riches soient aux places d'honneur et les pauvres debout dans le fond? Même dans une société différente de la nôtre, ça me semble assez loin de l'évangile!

[papillon]

Savez vous si ces places leurs étaient octroyées gratuitement?

Oui, il me semble. Le contraire serait étonnant.

Je ne sais pas en France, mais chez nous, ça ne semble pas avoir été le cas, même si certains bancs étaient très certainement octroyés gratuitement.
Lisez les 3eme et 6eme paragraphes de l'article que j'ai cité. Eloquent...

[jeanbaptiste]

Éloquent en effet !

Cependant je doute que ce genre de pratiques soient "canoniquement" légales. Peut-être est-ce le cas, mais il faudrait vérifier.

[MAELYS]

Merci papillon pour le lien. je vais le lire de ce pas.
Jeanbaptiste pensez vous que ces pratiques avaient un sens à l'époque? Si oui dite moi lequel? Parce que vraiment je trouve que c'est un contre témoignage de ce que doit annoncer l'Eglise (et ce quelque soit le temps, enfin je veux dire l'époque).Ne devons nous pas vivre à contre courant justement... ?

[papillon]

Maelys,

je ne réponds pas ici à la place de Jeanbaptiste, dont je suis aussi intéressée à connaître l'avis, mais selon ce qui m'apparaît comme évident, c'est que le sens que cela avait à l'époque pour l'église est principalement ceci: $ , et pour ceux qui bénéficiaient de ce système c'était le prestige, le bonheur d'être aux premières loges, et la satisfaction que leur rang ou leur fortune soit reconnu par Dieu comme par les hommes.

Chaque époque a ses misères...

[jeanbaptiste]

Je pense simplement qu'à cette époque la place que l'on tenait dans la société dépassait le simple "prestige" et avait un "sens". Des personnes, de par leurs fonctions et/ou leur statut, avait une autorité en certains domaines de la vie civile et cela se traduisait visuellement par leur "place" à tel ou tel "événement" de la vie civile, ainsi que par une responsabilité vis-à-vis des personnes sur lesquelles ils avaient autorité.

Mais soyons franc, cela n'a pas tout à fait disparu. Vous remarquerez que cela ne choque personne parmi nous que notre évêque ait une place à part, lors d'une célébration, si celui-ci est présent.

Je pense donc qu'il faut bien distinguer la question de la place attribuée à certaines personnes particulières, et la question de la vente de ces mêmes places.

[Jean-Mic]

Sur la pratique payante des chaises marquées :
Rien d'étonnant à ce que le droit de marquer sa chaise ait été payant. C'était une offrande, à prix imposé mais volontaire des familles les plus aisées, qui concourraient ainsi à la richesse des paroisses et à la rétribution des curés. C'était aussi, clairement, une manière d'affirmer ou de revendiquer son rang social. Cela me paraît assez conforme avec ce qu'on sait de la vie paroissiale du XIX° siècle.

Sur la fin de la pratique des chaises marquées :
Sans source précise sous les yeux, je dirais que la pratique des chaises marquées a duré jusqu'à la Grande Guerre ou peu après. A la question (posée dans les années 60) : "Et toi, Mémé, pourquoi tu n'en as pas une ?", ma grand-mère m'avait répondu "ça ne se fait plus". Connaissant l'histoire de mes grands-parents, j'en déduis que la pratique était abandonnée avant les années 30 (dans le cas contraire, ils n'auraient pas manqué de s'en payer pour toute la famille, de préférence au premier rang ...). Pourtant, la pratique des chaises avait laissé des traces : ma grand-mère me disait connaître les familles dont les noms étaient marquées et même si les chaises marquées ne faisaient plus l'objet d'une offrande en numéraire à la paroisse, bon nombre de plaque en laiton sont restées et ma grand-mère ne serait jamais permis de prendre la place d'une famille encore présente dans la paroisse. Enfin, jusqu'au début des années 70, mes parents désignaient certaines dames sacristines âgées : les chaisières ...

Sur l'origine de la pratique des chaises marquées :
Là plus encore, je n'ai pas de source précise, aussi je me garderai de toute affirmation, mais je prendrais volontiers le pari que la pratique est apparue dans le courant du XIX° siècle (1870-1880 ?), à l'époque du renouveau triomphaliste et quelque peu embourgeoisé du christianisme. En effet, pour ce que je connais, le nombre des chaises marquées est (était) largement plus élevé dans les paroisses bourgeoises du centre-ville que dans les paroisses populaires des faubourgs ...

Ô tempora, ô mores
Fratenellement,
Jean-Mic

[Laurent L.]

Eh oui, autrefois il y avait des bancs attitrés pour les notables et les autres chaises étaient louées à une chaisière !

Je pense que l'origine de cela est la suivante :
au temps jadis, il n'y avait pas de chaises dans les églises, comme c'est encore le cas chez les orthodoxes.
Puis les dames de l'aristocratie ont commencé à venir à la messe en faisant porter leur chaise par les domestiques.

Vous remarquerez que cela ne choque personne parmi nous que notre évêque ait une place à part, lors d'une célébration, si celui-ci est présent.

Encore heureux ! Mais il s'agit là de hiérarchie ecclésiastique, non de hiérarchie mondaine.

De nos jours, lors des cérémonies religieuses plus ou moins officielles, le Président de la République a une belle chaise rembourrée au premier rang et les ministres sont dans les premiers rangs.
Je ne parle pas (euh, si en fait) des messes de requiem célébrées par l'évêque pour telle ou telle personnalité (Mitterrand, Frêche, YSL etc.)... Pendant ce temps là, des paroissiens dévoués sont privés de messe d'enterrement dans certains diocèses en manque de prêtres pour des motifs égalitaires...

O tempora, O mores, aujourd'hui comme hier...

[Isabelle47]

Mes grand-parents et autres membres de ma famille avaient leurs chaises marquées; cela a duré jusqu'aux années soixante, où enfant, je voyais toujours les mêmes aux premiers rangs (les "notables") et toujours les mêmes derrière (les autres)!
Personnellement, cela m'a toujours gênée, cette forme d'inégalité sociale reproduite dans un lieu où on pourrait s'attendre à autre chose.
Du coup, je ne me mets plus jamais dans les premiers rangs!
En effet, comme le dit Jean Mic, ça fait très catholicisme XIXème bourgeois.
Il y avait aussi une question financière s'ajoutant au rôle de marqueur de rang social.

[Laurent L.]

Maelys,

je ne réponds pas ici à la place de Jeanbaptiste, dont je suis aussi intéressée à connaître l'avis, mais selon ce qui m'apparaît comme évident, c'est que le sens que cela avait à l'époque pour l'église est principalement ceci: $ , et pour ceux qui bénéficiaient de ce système c'était le prestige, le bonheur d'être aux premières loges, et la satisfaction que leur rang ou leur fortune soit reconnu par Dieu comme par les hommes.

Chaque époque a ses misères...

Il y avait aussi des "classes" pour les messes de requiem, pour les mêmes raisons.
Si vous étiez riche, vous aviez une messe de première classe (avec moult pompe). Si vous étiez pauvre, une messe de troisième classe.
Mais dans tous les cas, c'était la sainte messe. Souvent, le prêtre allait au cimetière pour l'enterrement.

(Mais encore une fois, la situation d'aujourd'hui présente encore des reliquats de cette époque : messe pontificale pour les "people", ADAP pour les gueux... Sauf qu'une ADAP n'est pas une messe).