Certes. Pourtant même un père conciliaire comme le Cardinal Congar était le 1er à reconnaître, à la fin des années 60, que l'Eglise était en crise, que cette crise avait été déclenchée par le Concile - même si le Concile ne faisait en l'occurrence, d'après lui (et on peut en convenir), que révéler une situation qui couvait depuis longtemps - et que le développement théologique avait été beaucoup plus loin que ce qu'il attendait avant le Concile, dans des directions qui s'éloignaient de ce que peut admettre l'Eglise.prodigal a écrit :J'ai entendu dire que Jean XXIII à l'ouverture du concile Vatican II appelait à "ouvrir les fenêtres".
Est-ce un appel à la révolution? Certainement pas. Mais c'est la reconnaissance d'un état de fait jugé négativement, qu'on peut signifier par l'image de l'étouffement. Ceux qui ont connu l'avant concile pourront témoigner du besoin de respirer répandu parmi les catholiques.
Et c'est pour cette raison, et non pour proclamer des dogmes nouveaux, que le concile s'est réuni, en insistant sur sa vocation pastorale. Nous sommes donc bien dans la problématique de l'opposition rupture-continuité. Pour continuer, il faut être fidèle à l'impulsion initiale bien sûr, mais aussi évoluer. Le concile Vatican II avait donc la mission de faire un bilan et de proposer les changements nécessaires pour mieux vivre la continuité, non comme une pesanteur qui enferme, mais comme une invitation à avancer et à vivre de l'évangile.
Cependant l'on a entendu ceux qu'on appelle par commodité les intégristes s'indigner qu'on leur propose une nouvelle religion, et s'installer depuis dans le soupçon selon lequel ni le pape ni les évêques ne sont plus catholiques puisqu'ils appellent à changer la religion, ce qui a été assimilé un peu vite à changer de religion.
Donc la révolution a bien eu lieu, il ne faut pas se voiler la face. Savoir si les textes conciliaires sont révolutionnaires ou non est une autre question. Je constate juste que le Concile n'ayant pas voulu proclamer ses enseignements sur le mode de l'obligation, ceux-ci ne sont pas munis de l'infaillibilité qui accompagne cette obligation pour les matières dogmatiques, donc il est toujours possible de discuter tel ou tel point (sans pour autant rejeter en bloc la légitimité du Concile). Dans tous les cas, on ne peut traiter tous les textes en bloc, d'autant qu'il y a une différence, au moins de ton, entre le début (Sacrosanctum Concilium) et la fin (Gaudium et Spes) du Concile.
Reste que pour beaucoup de textes, il n'est pas difficile de constater, outre leur ancrage dans la Tradition de l'Eglise et le mouvement du "ressourcement" et du renouveau patristique, qu'entre ce qu'ils disent et ce qui a été fait en leur nom ou plus généralement au nom du Concile, il y a souvent un gouffre voire une opposition directe.
L'exemple que vous proposez est typique de la différence entre les textes du Concile et ce qu'on en a fait.Un exemple qui sera peut-être perçu comme futile, mais qui me semble représentatif. L'appellation "dimanche du temps ordinaire" est mal sonnante aux oreilles d'un catholique traditionnel. Elle semble abandonner l'idée d'un temps liturgique qui soit en phase avec la cosmologie, d'un temps sacré pour le dire vite. On pourrait y voir une intention de démythologisation. Comme l'on sait que de nombreux théologiens appellent de leurs voeux cette démythologisation, l'esprit de soupçon verra dans ce simple changement la marque d'une perte du sens du sacré, donc de la foi. Et si l'on répond que cela n'a pourtant guère d'importance, le catholique traditionnel demandera alors pourquoi prendre le risque grave de troubler les fidèles?
C'est pourquoi ces réflexions m'inspirent une question, dont je m'aperçois que j'ignore totalement la réponse, bien que spontanément j'aurais opté pour la négative : existe-t-il un texte du magistère qui recommande d'une façon ou d'une autre la démythologisation, et si oui, en quels termes? Si comme je le crois la réponse est négative, cela renforce, il me semble, l'idée que le concile est bien dans la continuité de la tradition, et que c'est bien dans le cadre du développement organique de cette dernière qu'il a proposé des modifications pas toujours bien vécues par le peuple des fidèles.
Les textes sont clairs: "on ne fera des innovations que si l’utilité de l’Église les exige vraiment et certainement" (SC 23). Changer les appellations du temps liturgique, on voit mal quelle utilité "vraie et certaine" le justifie. Et certes, je n'ai jamais vu trace d'une volonté de démythologisation dans les textes conciliaires. Mais c'est comme ça qu'au nom de la réforme demandée par SC, on obtient quelque chose de finalement très éloigné de ce que demandait SC et qui est, selon les termes du Cardinal Ratzinger, "un produit banal et fabriqué".
In Xto,
archi.