Re: Voyage du Saint Père pour l'anniversaire de la Réforme
Publié : mar. 13 sept. 2016, 0:16
Il s'agit d'une question de rationnalité. Les dogmes, c'est comme les math : vous ne ferez jamais faire que 3 + 3 = 7, mai si vous déclarez que 4 + 5 font 9, vous n'avez pas besoin d'autres preuves que la logique du calcul.Je crois bien que l'Eglise ne saurait approuver un tel raisonnement. Il me semble que c'est n'est pas pour rien que vous n'avez pas exposé de textes pré-conciliaires allant dans votre sens. Je pense que de tels textes n'existent pas. Nous ne sommes pas chez les orthodoxes. Dura lex, sed lex.Je vois celle-là : une personne dont le concubin serait non-catholique, et qui après une (re-)conversion, se trouverait face à un refus net de l'idée de "vivre en frère et soeur". On pourrait imaginer que pour un intérêt supérieur (l'éducation des enfants), elle consente, malgré elle, a demeurer dans l'état actuel des chose tout en vivant dans l'espoir de la chasteté explicite.
Mon exemple n'enfreint aucun des deux dogmes concernés, soi (1) le dogme du péché mortel et (2) le dogme des atteintes au mariage.
Démontrez-moi que on raisonnement est faux, c'est tout ce que je peux vous demander.
Votre contre-exemple est fascinant parce que je l'embrasse pleibement : l'orthodoxie Russe d'avant la révolution était malade, elle sonnait en creux, elle n'avait plus de feu intérieur. Lisez les écrits de Dostoïevsky et de Tolstoï. L'orthodoxie qu'ils montre est une orthodoxie en ruine.Ce n'est pas un argument. Ce n'est par exemple pas parce que les partisans de la Révolution russe étaient majoritairement issus de milieux orthodoxes que l'orthodoxie russe est coupable de la Révolution...
Vous savez, le grand drame de la déchristianisation, en Russie comme en France, passe (entre autre) par un phénomène très simple : l'exode rural. Le paysan européen moyen vivait, dans tout les aspects de sa vie, d'une société profondément affectée par un chrisianisme sociétal. Le temps, l'espace, les étapes de la vie : tout était teinté de religion, et la conformité à la pratique naturelle de la foi.
Lorsque la nécessité économique poussa les paysans à fuir les zones rurales pour gagner les villes avec la naissance de l'industrie, le cadre religieux disparut, et la foi du même coup. En une ou deux génération, le paysan devenu ouvrier revint au paganisme, et constitua le terreau fertile où, la nature ayant horreur du vide, l'eschatologie maxiste prit racine.
Avant que vous me le reprochiez : je ne critique absolument pas ce cadre social dont jouissaient les paysans. La chrétienté, le règne social du Christ : voilà des mots que j'embrasse certainement.
Par contre, je critique le reste, c'est à dire que le christianisme de ces populations se limitait, à l'évidence, à leur cadre social. Une fois la structure otée, le reste s'avéra mou et s'effondra sur lui-même, comme un mollusque sans sa coquille. Et cela, c'est un scandale, parce que le christianisme, c'est d'abord et avant tout le feu intérieur d'une âme, son amour pour Dieu, la foi personnelle posée de façon radicalement libre dans la grâce. Le cadre chrétien, c'est bien, mais il n'est qu'un moyen vers ce feu intérieu allumé par l'Esprit, qui seul donne le salut.
Ce que je trouve absurde dans vos messages, c'est un attachement disproportionné à ces fameuses stuctures. Lorsqu'on enlève la structure et que tout s'effondre, je m'afflige de voir qu'il y a si peu de force derrière ce qui appaît n'avoir été qu'un conformisme social ; mais vous, vous vous languissez de la structure disparue. Cela ne m'empêche pas de moi-même avoir du respect pour la structure en en souhaiter le rétablissement sur une base plus solide, et je me doute que vous avez une foi plus profonde que vous ne le laissez voir et que la profondeur des choses vous importe. Mais le vocabulaire montre vos priorités : je comprend très bien l'étonnement de prodigal devant votre usage disproportionné du mot chrétienté, puisque ce dernier est la structure qui parachève l'avènement du règne du Christ sur les âmes, et non la fin ultime de la foi catholique.
Je vous recommande, si vous pouvez mettre la main dessus, de lire l'excellent Le Drame de l'Humanisme Athée du Cardinal de Lubac. Chaque chapitre est un monument, mais il y en a un en particulier, dans la parte réservée à Nietzsche, qui constitue une sorte de critique de certains aspects de la "Chrétienté" pré-concilaire et de ses potentielles évoltions (le nom du chapitre est il me semble le "combat spirituel"). Un passage en particulier m'a frappé : "Beaucoup d'entre nous ne font-ils pas aujourd'hui profession de catholicisme pour les mêmes raisons de confort intime et de conformisme social qui leur aurait fait repousser, il y a vingt siècles, l'inquiétante nouveauté de la Bonne Nouvelle ?".
Cette phrase est terrible et elle rappelle cette sorte de grande réalisation du christianisme à la fin du moyen-âge : la constatation qu'on avait beau avoir des cathédrales, des universités, la meilleure des philosophie et des croix dressé à tous les bouts de chemins, l'immense majorité de la population catholique ne l'était que de nom, un vernis loin de la vie sacramentelle et de la loi évangélique. La Contre-Réforme peut d'ailleurs se lire comme une tentative de lutte systématique contre cet état de fait : les missionaires y parlaient de bien des parties de l'europe comme "nos Indes", et l'effort missionaire cherche à apporter la conformité aux préceptes de la foi des Cités des Rois Très-Chrétiens aux villages les plus reculés. Et de compter soigneusement les statistiques d'attendance aux sacrements, d'imposer la censure aux idées mauvaises, de se comporter en soldats systématiques et disciplinés (La Compagnie de Jésus, de façon très littérale !), vêtus de leurs uniformes noirs, travaillant sans cesse à amener d'avantage de conformité.
Je ne critiquerait pas cette période : son effort est très beau, bien souvent touchant, et couverts de fleurs de saintetés. Mais cette "stratégie de la conformité" a échoué, sur le long terme ; en tout cas elle n'est plus d'actualité. On se souviendra des railleries pleines d'une angoisse sacrée de Kierkegaard, membre très critique de la très établie Eglise luthérienne du Danemark, pourtant alors à son apogée. Qu'était cette société de fous qui avaient "pour toute crainte de Dieu la consommation de la coupe de communion une fois par semaine" ? C'est-à-dire : qu'ele ce que ce conformisme qui se traversti en Christianisme ? Qu'est-ce que ces gens qui, parce qu'ils obéissent aux préceptes les plus simples de l'Eglise, dînent une fois par semaine avec le vicaire, donnent des cours de catéchisme et votent à la suite des évêques, croient être plus ou moins "en règle" avec Dieu ? Ne voient-ils pas le gouffre de l'absurdité de l'existence, ce seul pont qui est celui de la foi chrétienne, de l'abandon du pécheur dépravé face à un Dieu totalement saint avec crainte et tremblement ?
J'ai souvent l'envie de prendre vos épaules et de vous secouer comme un arbuste. Quelques lignes sèches sur un écran froid ne peuvent faire passer ce sentiment absolu de priorité pour la fontaine de feu, la splendeur radiante du Dieu d'Amour trois fois Saints qui brûle par sa simple idée nos conceptions peccamineuses. Réveillez-vous, bon sang ! Je crains que ces mêmes lignes ne soient teintés d'une certaine condescendance, mais ce n'est pas le cas. Décidemment l'écrit est un instrument frustant.
Héraclius -