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par Héraclius » ven. 24 mars 2017, 18:44
Je suis fondamentalement contre la laïcité (c'est à dire, que de naturellement pré-disposé en faveur de ce concept politique, je lui suis devenu profondément hostile). Ce qui ne veut pas dire non plus que j'aspire demain dans la France de 2017 à la création d'une nouvelle alliance du trône et de l'autel, évidemment.
Avant de passer par la question proprement théologique de la nécessité interne au catholicisme d'établir des religions d'état (je n'aime pas l'expression religion d'état à cause de sa connotation moderne, mais passons), le problème est avant tout, et tout bêtement si j'ose dire, philosophique.
En trois mots, les hommes ont besoins de ce que certains philosophes appellent un méta-récit pour établir une société, c'est à dire d'une conception un minimum commune du monde, de l'homme, de la morale. Traditionnelement, ce rôle était rempli en France par une religion révélée, le Catholicisme (et aussi par d'autres choses parce qu'il faut pas se leurrer, il n,y a jamais de méta-récit 'pur').
Ce méta-récit a pour rôle fondamental de fonder la légitimité du pouvoir, le droit et la morale, trois questions liées qui sont fondamentales.
Evidemment, ces questions sont liées à l'absolu, l'absolument objectif. Tout le monde en Europe Occidentale croit, plus ou moins consciemment, qu'il existe un standard objectif du Bien, un Bien avec un majuscucle, un Bien absolu. Tout le monde sent qu'Auschwitz est un mal objectif, une offense à ce Bien transcendant. La façon dont ont pourrait caractériser la morale commune occidentale, c'est globalement celle des droits de l'homme.
Quel est le projet de la laïcité ? C'est de neutraliser (au sens de 'rendre neutre') l'État. Je pense que c'est tout à la fois indésirable et impossible (ce qui paraît contradictoire évidemment, mais je veux dire que c'est le désir de la laïcité qui est indésirable).
Pourquoi cette neutralité est impossible ? Parce que la nature a horreur du vide. On a besoin de légitimer l'autorité, de donner une orientation commune a la société, ect... Si bien qu'il a des choix communs qu'il faut faire. Doit-on faire référence à l'Absolu, Dieu, dans les actions de la société ? La réponse en France est bien évidemment non. Mais du coup, la France devient un pays Athée d'état, puisqu'il refuse la référence à Dieu. Ce n'est pas un athéisme théorique, évidemment, mais c'est un athéisme pratique, un athéisme de facto. La loi qui ne fait pas référence à Dieu n'est pas juste un compromis entre croyant et athée permettant le vivre ensemble, une neutralité : non, c'est une loi athée de fait.
On pourrait objecter : en quoi est-ce un problème ? Peut-être qu'un état athée en pratique assure le vivre ensemble, et qu'il est très bien comme cela.
Encore une fois, la nature a horreur du vide. On a besoin de légitimer l'autorité, de donner une orientation commune a la société, etc... Dans un pays laïc, on doit faire de même. En France, la légitimité vient de la souvraineté populaire, et l'orientation commune des "valeurs de la république".
L'absurdité de la racine méta-éthique de ces dernières est évidente, indépendament de leur contenu. Elle se présentent comme des injonction arbitraire. "L'Égalité est un bien" par exemple, n'est pas une assertion qui se démontre d'elle-même. "Les hommes sont tous nés libres et égaux en droit" : est-ce écrit sur les nuages ou dans notre code génétique ? Non. C'est juste une valeur absrait, sans fondement, arbitraire. On ne peut pas fonder en raison ce genre de valeur, tout au plus essayer de crier plus fort que les autres pour l'imposer.
Ce genre de valeur absraite est typique de la modernité et des Lumières ; mais aujourd'hui nous sommes dans la post-modernité, et nous prenons conscience de l'absurdité de tenir absraitement ce genre de valeur sans les fonder en raison. Nietzsche, le premier des post-moderne, l'avait compris lorsqu'il disait que Dieu est mort, mais que son ombre est toujours sur nous ; en d'autres termes, les occidentaux ne veulent plus de Dieu, mais il veulent garder tout ce que Dieu légitimait, à commencer par la Morale, l'idée du Bien Objectif. Et Nietzsche en rit ; il respecte du reste bien plus la veille église croulante des prêtres et des théologiens, qui ont le mérite de la cohérence, que ces athées de son temps qui se croient intelligent en niant Dieu tout en louant les Droits de l'Hommes comme le Bien objectif.
Même reproche à la souvrainteté populaire. Je suis comme Churchill, je crois que la démocratie est le moins mauvais des système et par conséquent le meilleurs. Mais en temps que théorie politique, la souvraineté populaire, ça ne va pas bien loin. Si le peuple vote demain le rétablissement de l'esclavage, au regard de la souvrainteté populaire, ce serait légitime. On voit bien que le peuple en soit n'a pas, et ne peut avoir de lien ontologique avec le Bien absolu.
Un méta-récit révélé, (ou qui contient la possibilité interne d'être révélé) est de ce fait infiniement supérieur en terme de philosophie politique. Il ouvre au minimum la possibilité d'une assise transcendentale au droite, à la morale et au pouvoir. Il ouvre un lien, ou au moins un lieu potentiel, à l'absolu. Il est donc toujours supérieur (en terme de logique) à un méta-récit qui ne se prétend pas révélé et est donc intrinsèquement arbitraire, car coupé de l'absolu.
La modernité (au sens de vision du monde culminant avec les lumières, l'état nation et les valeurs absraites) n'est plus crédible ; l'idole a été fracassé il y a déjà longtemps et les morceaux commencent déjà à s'effondrer...
Bon, je répondrais plus longuement à Suliko dans un prochain post.
Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)