Merci beaucoup pour votre réponse.
Il y a donc 4 éléments dans votre réponse, que j’aimerais discuter. Ets-vous d’accord avec ce que je dis ?
Pardonnez ma longue réponse, je vais essayer de la présenter de manière claire pour faciliter la lecture.
1er élément
Si je comprends bien, Jean XXIII a précisé que ce Concile a été qualifié spécialement de « pastoral », à la différence de ceux qui ont précédé, parce qu’il n’était pas convoqué dans le but de répondre à une problématique dogmatique, mais simplement parce qu’il s’agissait d’
adapter à notre époque la manière de transmettre et présenter la doctrine, sans bien sûr changer cette doctrine elle-même. Il s’agit simplement de changer la communication, sans changer en lui-même le message transmis et présenté.
Est-ce juste de présenter les choses ainsi ?
2ème élément
Mes amis pensent cependant que cette notion de « concile pastoral »
annule son caractère dogmatique. Ainsi, selon eux, ce Concile n’est pas au même degré, au même niveau d’égalité des autres conciles. Alors qu’on ne peut remettre en cause ce qui a été proclamé au Concile de Trente ou Vatican I, par exemple, on peut donc en revanche, selon eux,
remettre en cause et refuser certains aspects enseignés par le Concile Vatican II.
En faisant quelques recherches, j’ai trouvé que c’est aussi effectivement ce que soutient la FSSPX.
Mgr Bernard Fellay, Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pie X,
expliquait dans une interview en 2011
[les] progressistes […] n’admettent pas la simple idée d’une discussion sur le Concile, parce qu’ils considèrent que ce concile pastoral est indiscutable ou « non-négociable », comme s’il s’agissait d’un concile dogmatique.
Mgr Marcel Lefebvre s’appuie aussi sur cette distinction pastoral/dogmatique pour justifier sa position dans sa « Lettre ouverte aux catholiques perplexes » :
« […]on refusait de faire un concile dogmatique. Vatican II est un concile pastoral ; Jean XXIII l’a dit, Paul VI l’a répété. Au cours des séances, nous avons voulu plusieurs fois faire définir des notions ; on nous a répondu :
« Mais nous ne faisons pas ici de dogmatisme, nous ne faisons pas de philosophie, nous faisons de la pastorale. »
[…] Tous les autres conciles qui ont eu lieu au cours des siècles étaient dogmatiques. Tous ont combattu des erreurs. Or Dieu sait s’il y avait des erreurs à combattre en notre temps ! Un concile dogmatique aurait été des plus nécessaires.
[…]je suis obligé de dire qu’il s’est passé des choses à véritablement parler inadmissibles. Je ne le fais pas pour condamner le concile et je n’ignore pas que cela entre pour beaucoup dans la perplexité de nombre de catholiques. Car enfin, pensent-ils, le concile est quand même inspiré par le Saint-Esprit ! Pas nécessairement. Un concile pastoral, non dogmatique, c’est une prédication, qui de soi n’engage pas l’infaillibilité.
[…] Donc, Vatican II n’est pas un concile comme les autres et c’est pourquoi nous avons le droit de le juger, avec prudence et réserve. »
Si je comprends bien, cette position n’est pas tenable pour la raison suivante :
Ce qu’enseigne le Magistère est infaillible :
Pape Pie XI, Divini illius magistri, 31 déc. 1929 : ... Dieu lui-même a fait l'Église participante de son divin magistère et l'a mise, par privilège divin, à l'abri de l'erreur.
Pape Grégoire XVI, Commissum divinitus, 17 mai 1835 : ... l'Église a, par son institution divine, le pouvoir du magistère pour enseigner et définir les questions de foi et de morale, et d'interpréter les Saintes Écritures sans le danger de l'erreur.
Pape Léon XIII, Caritatis studium, 25 juil. 1898 : Le Magistère “ne pourrait en aucun cas s'engager dans un enseignement erroné.
Pape Léon XIII, Satis cognitum ; 29 juin 1896 : Telle a été toujours la coutume de l'Église, appuyée par le jugement unanime des saints Pères, lesquels ont toujours regardé comme exclu de la communion catholique et hors de l'Église quiconque se sépare le moins du monde de la doctrine enseignée par le magistère authentique.
Or le concile fait bien partie du magistère authentique et infaillible de l’Église. C’est pour cela que le pape en signe tous les actes : dans l’Église, le concile n’est pas supérieur au pape et c’est ce dernier qui, en quelque sorte, les « couvre » de son autorité en les promulguant. Cela veut-il dire qu’on ne peut pas critiquer le concile ? Non, évidemment. On peut toujours discuter de son interprétation. Mais sur le fond, sur ce qui constitue la foi de l’Église, il n’est pas question de remettre en cause l’autorité du concile, car ce serait remettre en cause celle du pape.
D’ailleurs Paul VI le disait lui-même dans sa «
Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre du 11 octobre 1976 » :
« Vous ne pouvez pas non plus invoquer la distinction entre dogmatique et pastoral pour accepter certains textes de ce Concile et en refuser d'autres. Certes, tout ce qui est dit dans un Concile ne demande pas un assentiment de même nature: seul ce qui est affirmé comme objet de foi ou vérité annexe à la foi, par des actes « définitifs », requiert un assentiment de foi. Mais le reste fait aussi partie du Magistère solennel de l'Eglise auquel tout fidèle doit un accueil confiant et une mise en application sincère. »
3ème élément
S’appuyant sur des arguments des intégristes, voici notamment les points que mes amis refusent du Concile, car selon eux ils sont contradictoires avec la Tradition de l’Eglise et les précédents Conciles :
1. L’usage de la langue vernaculaire a été condamné par le Concile de Trente, mais autorisé par Vatican II
Le Concile de Trente disait :
XXII. SESSION, Qui est la sixiéme tenuë sous Pie IV. Souverain Pontife, le 17. de Septembre 1562. Exposition de la doctrine touchant le Sacrifice de la Messe. CHAPITRE VII I. En quelle Langue la Messe doit estre célébrée.
QUOYQUE la Messe contienne de grandes instructions pour les Fidelles, il n'a pourtant pas esté jugé à propos par les anciens Peres, qu'elle fust célébrée par tout en Langue vulgaire. C'est pourquoy chaque Eglise retenant en chaque lieu l'ancien usage qu'elle a pratiqué, & qui a esté approuvé par la Sainte Eglise Romaine, la Mere & la Maitresse de toutes les Eglises…
DU SACRIFICE DE LA MESSE. CANON IX.
SI QUELQU'UN dit, que l'usage de l'Eglise Romaine de prononcer à basse voix une partie du Canon, & les paroles de la Consécration, doit estre condamné : Ou que la Messe ne doit estre célébrée qu'en langue vulgaire : Ou qu'on ne doit point mesler d'eau avec le vin qui doit estre offert dans le Calice, pource que c'est contre l'institution de Jesus-Christ : Qu'il soit Anathême.
Vatican II dit quant à lui (
Sacrosanctum Concilum, 36) :
1. L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins
2. Toutefois, soit dans la messe, soit dans l’administration des sacrements, soit dans les autres parties de la liturgie, l’emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple ; on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre de prières et de chants, conformément aux normes qui sont établies sur cette matière dans les chapitres suivants, pour chaque cas.
3. Ces normes étant observées, il revient à l’autorité ecclésiastique qui a compétence sur le territoire, mentionnée à l’article 22 (même, le cas échéant, après avoir délibéré avec les évêques des régions limitrophes de même langue), de statuer si on emploie la langue du pays et de quelle façon, en faisant agréer, c’est-à-dire ratifier, ses actes par le Siège apostolique.
4. La traduction du texte latin dans la langue du pays, à employer dans la liturgie, doit être approuvée par l’autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, dont il est question ci-dessus.
Pour ma part, je ne vois pas ici de contradiction : Trente condamne ceux qui disent que la messe ne doit être célébrée qu’en langue vulgaire. Or Vatican II ne dit pas que la messe ne doit être célébrée qu’en langue vulgaire. Il dit que l’on peut utiliser la langue vulgaire dans certains cas, tout en préférant le latin.
Il y a donc peut-être une contradiction entre les faits (certaines messes sont aujourd’hui célébrées uniquement en vulgaire et semblent « fuir » le latin) et Trente, non entre les déclarations de Vatican II et de Trente.
2. La liberté religieuse permise par Vatican II est contraire à la Tradition de l’Eglise qui a de tous temps empêché l’erreur de se propager. Car c’est lui donner un terrain pour se développer. C’est favoriser la propagation de l’erreur en lui ménageant un espace pour exister. Ce que l’Eglise refusait et empêchait grâce à l’Inquisition. Ou encore le Concile de Trente disait :
DES SACREMENS. CANON XIV.
SI QUELQU'UN dit, que les petits Enfans, ainsi baptisez, doivent, quand ils sont grands, estre interrogez, s'ils veulent tenir, & ratifier ce que leurs Parains ont promis pour eux quand ils ont esté baptisez ; & que s'ils répondent que non, il les faut laisser à leur liberté, sans les contraindre à vivre en Chrestiens, par aucune autre peine que par l'exclusion de la participation à l'Eucharistie, & aux autres Sacremens, jusques à ce qu'ils viennent à résipiscence : Qu'il soit Anathême.
Or Vatican II déclare dans
Dignitatis Humanae :
CHAPITRE PREMIER : Doctrine générale sur la liberté religieuse 2. Objet et fondement de la liberté religieuse
Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil.
Ici aussi je ne vois pas pour ma part de contradiction. Vatican II déclare bien dans le
Préambule de
Dignitatis Humanae :
Or, puisque la liberté religieuse, que revendique l’homme dans l’accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu, concerne l’exemption de contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ.
L’Eglise ne change donc pas le fond de sa doctrine : l’Eglise a toujours condamné et condamne toujours la liberté religieuse au sein de l’Eglise elle-même. C’est-à-dire qu’elle n’accorde toujours pas d’exemption de contrainte dans son instituions elle-même. Si l’on est catholique, l’on doit bien suivre, comme cela a toujours été le cas, tout ce qu’elle enseigne infailliblement. Il n’y a pas de liberté doctrinale possible. Elle l’autorise cependant dans la société civile, c’est-à-dire en dehors d’elle-même. Au Moyen Age, la société civile et l’Eglise ne faisait qu’un, c’est pourquoi il y avait l’Inquisition. Aujourd’hui, le contexte social a changé : la société civile et l’Eglise ne font plus un, c’est pourquoi il est nécessaire d’apporter cette distinction.
3. Vatican II encourage et promeut l’Œcuménisme. Or l’œcuménisme, c’est mettre sur un même pied d’égalité l’Eglise Catholique et les autres églises. C’est refuser de dire qu’elle a la vérité, qu’elle est supérieure. Ce qui va contre la Tradition, qui affirme que « hors de l’Eglise, point de salut. »
Ici aussi je ne vois pas pour ma part de contradiction. Car l’œcuménisme n’est pas mettre sur un même pied d’égalité l’Eglise Catholique et les autres églises. L’Eglise affirme toujours être la seule institution dans laquelle se trouve toute la plénitude du salut et de la vérité. Vatican II affirme toujours que
la plénitude de grâce et de vérité a été confiée à l’Église catholique. (UNITATIS REDINTEGRATIO , Ch. 1, § 3).
L’œcuménisme, c’est simplement dialoguer avec les chrétiens hors de l’Eglise catholique, en bref les schismatiques – ce que l’Eglise se refusait à faire jusque-là - afin de les ramener dans le giron de l’Eglise Catholique. Cela ne va pas contre l’affirmation que « Hors de l’Eglise, point de salut », au contraire cela le soutient. On essaye de faire revenir dans l’Eglise Catholique ceux qui ne le sont pas, afin de les sauver de manière plus sûre et certaine.
4ème élément
Altior, vous dites :
« Rome et Rome seule peut donner des interprétations authentiques et des précisions à ces documents et c'est pourquoi, dans maintes prises de position, la FSSPX les a demandées. »
A ce jour, je n’ai trouvé que deux précisions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi :
• «
Lettre aux Présidents des Conférences épiscopales au sujet de certains abus et d’opinions erronées dans l’interprétation de la doctrine du Concile Vatican II » datant de 1966
• «
RÉPONSES À DES QUESTIONS CONCERNANT CERTAINS ASPECTS DE LA DOCTRINE SUR L’ÉGLISE » datant de 2007, à propos du fameux « subsistit in », ainsi que
ses commentaires.
Merci beaucoup pour le temps que avez pris pour lire jusqu'ici, et pour votre aide,