Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

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James
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par James » sam. 11 mai 2019, 16:03

Bonjour à tous!
Archidiacre a écrit :
ven. 10 mai 2019, 14:36
James a écrit :
ven. 10 mai 2019, 12:25
Bonjour Archidiacre



Ce à quoi je pourrais vous répondre par la série de questions suivantes :
- Qu'est-ce qui est exigé dans les Évangiles?
- Qu'est-ce qu'une situation ne répondant pas ces exigences?
- Pensez-vous qu'il existe une situation de ce type qui ne soit pas un péché en elle-même ou tout du moins qui ne soit pas génératrice de péchés?

Que la Paix du Christ soit sur vous!
Je crois que l'exemple d'enfants à charge cité précédemment est un bon exemple. L'Evangile exige une situation où deux mariés sont unis l'uns à l'autre. Il est possible qu'à cause d'un des partenaires, l'autre en vive séparé et ait péché à son tour en se "remariant" (civilement) et en ayant des enfants. Etant donné que le premier partenaire ne revient pas, et que la situation familiale qui a résulté du péché d'adultère ne soit pas "annulable" et toujours à charge du second, et bien cette situation pourrait être assumée malgré son repentir et sa volonté de rester chaste. Ce serait alors à l'appréciation du ministre de savoir si la situation de séparation n'est pas sans meilleure alternative sociale et si la personne est honnête.

C'est ce qu'expliquait la "DÉCLARATION DU CONSEIL PONTIFICAL
POUR LES TEXTES LÉGISLATIFS":
Par contre ne sont pas en situation de péché grave habituel les fidèles divorcés remariés qui, pour des raisons sérieuses, comme par exemple l’éducation des enfants, ne peuvent «satisfaire à l’obligation de la séparation, et s’engagent à vivre en pleine continence, c’est-à-dire à s’abstenir des actes propres des conjoints» (Familiaris consortio, numéro 84), et qui sur la base d’une telle résolution ont reçu le sacrement de la pénitence. Puisque le fait que ces fidèles ne vivent pas more uxorio est en soi occulte, tandis que leur condition de divorcés remariés est en elle-même manifeste, ils ne pourront s’approcher de la communion eucharistique que remoto scandalo.
http://www.vatican.va/roman_curia/ponti ... on_fr.html

De toutes façons, le Pape a déjà rappelé plusieurs fois qu'on ne pouvait pas communier en état de péché mortel:
https://catholicherald.co.uk/news/2018/ ... communion/
Il ne considère donc pas que les situations, comme celle-là, sont des péchés mortels sur la durée.
Mon cher Archidiacre, vous rendez-vous compte que vous me présentez là une situation qui précisément répond aux exigences de l’Évangile? Des personnes d'un couple divorcé-remarié-parent qui sont repentis et qui font le choix de vivre en frère et soeur se sont faits "eunuques" pour le Royaume.

Si j'ai écrit cette série de questions tout en insistant sur la signification de chaque terme, c'était précisément pour souligner qu'il y a un problème de logique derrière : s'il était possible de ne pas répondre aux exigences de l’Évangile tout en étant sans péché, la pratique serait facultative et les commandements caduques - des recommandations ou des suggestions plutôt - et le Christ aurait enseigné pour rien. Il s'agissait bien là d'exprimer qu'il n'y a pas d'autres voix qui évite le péché, ce qui équivaut à dire, par la Grâce à l'Esprit Saint, hors de l’Église point de salut. Notre Foi nous amène à l'évidence que tout exemple que vous pourrez trouver de situation voulue par Dieu ne peut être que conforme aux exigences de l’Évangile.
Carhaix a écrit :
Hantouane a écrit :
sam. 11 mai 2019, 11:14
Je peux peut-être témoigner du cas de ma famille pour nuancer le fait que l on ne puisse se marier à l Église après un divorce. Mon père s est marié jeune et à perdu sa fille en bas âge suite à une maladie congénitale si je ne me trompe. Le couple n à pas tenu à ce drame... Ma mère s est ensuite mariée à mon père mais elle ne pu se marier à l Église, ce qui l à marquée parce qu elle était issue d une famille catholique pratiquante et son père à pu lui faire la réflexion que ce n était pas le bon... Ce cas peut faire réfléchir. Suis je pour autant le fruit, moi et mon frère, d une union illégitime ?
Si cela peut vous rassurer, mes propres parents ne se sont pas mariés à l'église. On ne peut pas exiger que la doctrine s'adapte au cas personnel de chacun.

La seule vraie question qui se pose, c'est si la doctrine de l'Église peut évoluer en fonction de l'évolution des mœurs de la société. Qu'est-ce qui rend la doctrine juste ? L'Église a-t-elle le pouvoir de la changer ?

Dans les Actes des apôtres, on voit les disciples réunis en Concile prendre une décision à propos des viandes et de la circoncision. Plus récemment, on a vu qu'elle pouvait évoluer, sur la question des indulgences. Qu'est-ce qui empêche d'adopter de nouvelles règles sur la question du mariage ? Que signifie la remise des clefs à Saint Pierre ? Ces dispositions légales ont-elles une valeur absolue et dogmatique, ou ont-elles essentiellement trait à l'organisation de la communauté chrétienne ?

Personnellement, je me sentirais ouvert à une évolution, à condition qu'elle soit dite clairement (au lieu de louvoyer et de filouter comme on le voit si souvent), et qu'elle aille dans le sens de la justice, de la charité, et non dans le sens de l'égoïsme, du consumérisme, de l'hédonisme.

Par exemple, une femme battue devrait pouvoir faire annuler son mariage. On peut considérer que le conjoint qui se conduit indignement, de façon grave, n'a pas respecté son contrat, et que par conséquent, il y a une tromperie qui invalide le sacrement.

Mais dans le cas, banal, d'une personne qui n'aime plus son conjoint, et a envie de nouveauté, et souhaite voir, par exemple, le père s'éloigner, pour s'installer avec un nouveau conjoint qui fera office de pièce rapportée (je prends le cas qui me semble classique), je trouve que ça ne va pas tellement dans le sens de l'évangile, car si le Christ écarte la répudiation, c'est qu'elle est justement contraire à la charité, puisqu'elle consiste à abandonner le conjoint qui n'est plus aimé et désiré, et s'en débarrasser comme d'un objet devenu obsolète, dans le seul but de connaître de nouvelles amourettes (qui auront elles aussi une durée limitée). Si on est dans cet état d'esprit, il me semble que l'on n'est pas vraiment disciple du Christ.
Mon cher Carhaix, je rejoints Suliko dans sa surprise et sa déception quant à votre prise de position en faveur de ce qui somme toute est semblable à la dissolubilité du mariage.

En dehors du fait que le mauvais comportement de l'un des 2 membres du couple ne soit pas une raison de prononcer une annulation comme l'a expliqué Suliko, vous venez d'entrouvrir une porte qui peut s'étendre à bien des sujets même si on ne se focalise que sur le mariage. On peut mettre beaucoup de choses dans la violence conjugale. De plus, une femme victime de violence physique n'a pas grand chose à envier à celle victime de violence morale. Comment justifieriez-vous à terme le fait que les coups au corps vous semblent inadmissibles au point de valider une annulation du mariage et pas les coups au moral? Et là encore, dans la violence morale, on peut y mettre bien des choses... En définitive, je pense que votre raisonnement finirait par vous faire étendre vos considérations au point d'annuler les mariages peu ou prou pour les mêmes motifs et à la même fréquence que les autorités civiles prononcent des divorces. Vous qui aimez parler concrètement, vous devez aisément reconnaitre que tout ceci ne ferait qu'ajouter d'avantage de confusion dans l'esprit des gens.

Quant à votre interprétation du passage traitant de l'interdiction de la répudiation, je la trouve inexacte. Le Christ n'empêche pas les couples de se séparer par charité mais parce qu'unis en Dieu, ils ne forment qu'une seule chair et c'est au nom de cela que les deux époux sont appelés à vivre en harmonie. Pour illustrer la chose, le Christ nous rappelle le premier état des choses tel qu'établi par Dieu lui-même au Commencement au travers de l'exemple d'Adam et Eve, dérogé temporairement par Moïse avec l'aval de Dieu au travers de la Loi, MAIS rétabli par le Christ au travers de l’Évangile.

Que la Paix du Christ vous accompagne tous!
Dernière modification par James le sam. 11 mai 2019, 21:13, modifié 1 fois.

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par prodigal » sam. 11 mai 2019, 16:32

Suliko a écrit :
sam. 11 mai 2019, 15:37
Suliko
Expliquez-moi donc en quoi je fais l'autruche ? C'est vous qui semblez ne pas croire que Dieu donne suffisamment de grâces à tout fidèle pour surmonter les épreuves de cette vie passagère. Pour vous, apparemment, il y a des épreuves qui sont insurmontables et il faudrait changer la morale catholique pour les rendre moins difficiles. Ce n'est pas l'avis de l'Eglise et ce n'est donc pas le mien... Où est l'autruche dans tout cela ?
Je vous dirai que d'une part il y a réellement des actions héroïques qui dépassent nos forces, et c'est présomption de l'ignorer. Qui, par exemple, donne tout ce qu'il a aux pauvres? Bien peu le font. Cela n'empêche d'ailleurs pas de maintenir l'idéal et d'essayer de s'en rapprocher le plus possible.
J'ajouterai qu'il faut que les sacrifices soient en vue du bien et soient utiles.
La véritable sainteté c'est de faire le bien en toutes choses.
Donc, oui la grâce de Dieu est assez puissante pour nous conduire au Bien. Mais d'une part cela ne nous donne pas le droit de surcharger les épaules de nos frères de fardeaux trop lourds pour eux, d'autre part il faut éclairer sa conscience si l'on se trouve dans une situation épineuse.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Suliko » sam. 11 mai 2019, 16:46

Je vous dirai que d'une part il y a réellement des actions héroïques qui dépassent nos forces, et c'est présomption de l'ignorer. Qui, par exemple, donne tout ce qu'il a aux pauvres? Bien peu le font. Cela n'empêche d'ailleurs pas de maintenir l'idéal et d'essayer de s'en rapprocher le plus possible.
Et depuis quand ne pas donner tous ses biens aux pauvres est péché mortel ? Vous mettez sur le même plan des choses qui ne sont tout simplement pas comparables...
Si quelqu'un dit que les commandements de Dieu sont impossibles à observer même pour l'homme justifié et établi dans la grâce : qu'il soit anathème
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Archidiacre » sam. 11 mai 2019, 17:55

Cher James,

Justement, les exigences générales de l'Evangile ne sont pas que de telles structures familiales doivent prendre forment, elles mettent en valeur une union de deux personnes, sans recours à une séparation doublée d'une cohabitation chaste. Si vous préférez, on peut lire cela comme un "idéal" de l'Evangile, qui aurait été atteint s'il n'y avait pas eu de péché avant de revenir à Dieu. Ce sont des situations mauvaises, mais subies malgré elle, et donc non "coupables". Cela n'engage donc pas qu'il y ait ici péché mortel, et la contradiction logique. Vous voyez bien que le Pape François ne parle pas de péché mortel ici de toutes façons (cf le lien donné).
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par James » sam. 11 mai 2019, 19:04

Archidiacre a écrit :
sam. 11 mai 2019, 17:55
Cher James,

Justement, les exigences générales de l'Evangile ne sont pas que de telles structures familiales doivent prendre forment, elles mettent en valeur une union de deux personnes, sans recours à une séparation doublée d'une cohabitation chaste. Si vous préférez, on peut lire cela comme un "idéal" de l'Evangile, qui aurait été atteint s'il n'y avait pas eu de péché avant de revenir à Dieu. Ce sont des situations mauvaises, mais subies malgré elle, et donc non "coupables". Cela n'engage donc pas qu'il y ait ici péché mortel, et la contradiction logique. Vous voyez bien que le Pape François ne parle pas de péché mortel ici de toutes façons (cf le lien donné).
Les exigences de l’Évangile sont là pour nous détourner du péché, pas pour nous complaire dedans à un instant t, ni pour réécrire le passé. Lorsque nous commettons une faute, l’Évangile nous offre les moyens d'être pardonnés afin de répondre à nouveau à ses exigences ; c'est le cas de l'exemple que vous m'avez soumis.

D'autre part, une exigence et un idéal sont 2 choses différentes : l'un est une condition à remplir a minima tandis que l'autre est un objectif pas nécessairement atteignable. Ainsi, même en opérant le rapprochement que vous venez de faire entre ces 2 termes, il y a le risque de considérer l’Évangile comme une série de prescriptions plus ou moins facultatives.

Quant au fait que le pape ne parle pas de péchés mortels, on peut là encore l'interpréter dans un sens comme dans un autre...

Comme le soulignent à juste titre Carhaix et Suliko, il s'agit là d'un langage trop nébuleux et ambigu.

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Archidiacre » sam. 11 mai 2019, 20:05

Personne n'a dit qu'il s'agissait ici de se complaire dans le péché puisse que le péché lui a été confessé, ni de réécrire le passé (?). Vous partez dans tous les sens au point d'attribuer des positions contraires à vos interlocuteurs. Ce n'est pas parce que le péché est pardonné que l'Evangile n'avait pas exigé son absence (circonstance dans laquelle la situation aurait été meilleure). Je pense que vous essayez à tout prix de déceler une hérésie, dans les messages du Pape, y compris en extrapolant mes propres messages. Il n'y a pas de contradiction à parler d'idéal, au contraire, les deux vont de pair, mais je ne peux l'expliquer plus clairement: il est des situations, même pardonnables, qui n'existeraient pas si on avait répondu sans faute aux exigences de l'Evangile. Elles sont donc tout à fait liés à ces "exigences générales", bien que vous pourriez tenter d'imposer votre sens strict du terme. Il en va de même pour les situations comme telles qui découlent d'un manquement à ses exigences, mais qui fatalement, demeurent (à la manière des peines du purgatoires). Vous partez du postulat qu'il se contredit en omettant volontairement le lien que j'ai donné (voir même le fait qu'il est Pape et qu'il sait ce qu'est le péché mortel et ce qu'il implique). La démarche étant présomptueuse, je n'y vois qu'une impasse au débat.
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Fernand Poisson
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Fernand Poisson » sam. 11 mai 2019, 21:10

Cher prodigal,

Je reprends la discussion là où je l'avais laissé, pardon si je répète ce qui a été dit sur les deux pages de discussion entre temps (je n'ai lu qu'en diagonale).
prodigal a écrit :
jeu. 09 mai 2019, 17:22
Fernand Poisson a écrit :
jeu. 09 mai 2019, 15:44
Fernand Poisson

L'un des deux suivants :
- que Dieu ne peut pas nous demander de pécher ;
- qu'un péché de chair peut ne plus être un péché dans certaines circonstances.
S'agit-il de dogmes ou, moins radicalement, de propositions théologiquement certaines ? Je ne sais pas.
Cher Fernand Poisson,
merci de continuer la discussion dans cet esprit.
Je ferai une première remarque concernant ces deux motifs de condamnation que vous signalez. C'est que s'il y a un motif, c'est l'un ou l'autre, comme votre formulation le montre.
Ceux qui ont cru repérer une hérésie dans les écrits de François doivent nous dire lequel des deux est à prendre en compte selon leur lecture.
J'essaye simplement d'être le plus objectif possible. Comme les passages qui précèdent immédiatement parlent justement de ces cas d'ignorance subjective où le péché ne peut pas pas ou pas totalement être imputé à la personne ; comme c'est du reste une manière d'interpréter Amoris Laetitia dans un sens théologiquement correct ; je veux simplement montrer que cette interprétation n'est pas possible ici. Dans ces cas, on admet qu'il y a bien péché, mais on avance aussi que la personne n'en est pas totalement consciente. Or puisqu'il est ici question de "découvrir la volonté de Dieu", une telle interprétation nous fait verser dans l'hérésie.

Mais vous avez raison, je soupçonne plutôt le pape François de tenir pour la deuxième position, celle qui dit que des actes traditionnellement considérés par la Tradition comme intrinsèquement peccamineux (l'adultère par exemple) puissent devenir louables dans certaines situations. C'est d'ailleurs ce dont la lettre l'accuse.
Or, si vous me permettez, votre formulation est ambiguë. Un péché est toujours un péché, qu'il soit de chair ou pas, et comme un sou est un sou. La question est de savoir alors si tout acte sexuel est un péché, ou s'il existe des actes sexuels tolérés, voire vertueux.
Or, à cette question la réponse est très claire. Ce qui est hérétique c'est de dire que la sexualité est toujours perverse.
Mais l'Eglise ajoute quelque chose d'essentiel, car enfin si une relation sexuelle est parfois abomination et parfois une belle et bonne chose, il nous faut bien un critère!
Ce critère donné par la Tradition, nous le connaissons, c'est l'engagement total et évidemment monogame dans la fidélité réciproque.
Vous oubliez de préciser : dans le mariage.

Je crois que quelque chose n'est pas clair. En théologie morale, on distingue deux types de circonstances : les circonstances essentielles, qui définissent l'espèce de l'acte (sa nature si vous voulez, ce qui fait qu'on lui donnera tel ou tel nom), et les circonstances accidentelles, qui ne modifient pas cette espèce. Par exemple, tuer quelqu'un à la guerre ou en état de légitime défense n'est pas un meurtre, au contraire de l'assassinat de sang-froid de votre voisin. Dans chaque cas, il y a bien mort d'homme de la main d'un autre, mais ce n'est pas le même genre d'acte, et a priori seul le troisième est peccamineux car "être à la guerre" ou "être en état de légitime défense" sont des circonstances essentielles, qui participent de la nature même de l'acte. Par contre, que vous ayez mal dormi, que votre voisin ait un peu trop le sens de la fête ou que vous portiez un bonnet rouge : ce sont des circonstances accidentelles. Elles peuvent expliquer votre acte, éventuellement atténuer votre responsabilité ; mais elles ne peuvent pas faire qu'un meurtre cesse d'être un meurtre.

Il en va de même pour les actes sexuels. Lorsque les deux personnes sont mariées et consentantes, il s'agit de l'union conjugale et il va de soi qu'un tel acte est bon et licite. Le mariage ou son absence est une circonstance essentielle, qui définit l'espèce de l'acte. Si les deux personnes ne sont elles-mêmes pas mariées, il s'agit de fornication. Si l'une des deux au moins est mariée, il s'agit d'un adultère. Si la relation est contre-nature, il s'agit d'une sodomie. Etc.
Maintenant quand deux personnes divorcées-remariées ont une relation charnelle, il s'agit d'un adultère. Leur "situation particulière" qui fait qu'ils sont engagés dans une relation monogame, etc., est une circonstance accidentelle qui ne change pas la nature de l'acte. C'est du moins la position traditionnelle de l'Église. D'où le soupçon d'hérésie.
A ce stade de la réflexion, deux questions peuvent être posées, qui, me semble-t-il, entrent en phase avec l'extrait d'Amoris Lætitia que vous avez cité.
1) Qu'en est-il du mariage non sacramentel? Dans le cas où la réception du sacrement est impossible, tout acte sexuel accompli dans ce cadre est-il coupable? J'ai compris de François que la réponse ne devait pas être forcément oui. Ce qui ne veut pas dire que c'est forcément non. Cette réponse me paraît évidemment vraie. Serait-elle accusée d'hérésie?
Non, si vous excluez les cas où un mariage sacramentel valide a été précédemment contracté.
2) Les circonstances d'un acte peuvent-elles être prises en compte lors de l'évaluation d'une conduite? En bon jésuite, François nous dit que oui. Là encore, il me semble évident qu'il a raison. Serait-ce hérésie?
Il me semble au contraire que dire que tout acte sexuel est coupable relève du catharisme, et qu'il faille ignorer les circonstances pour juger un acte n'est pas tenable non plus ni conforme à la tradition de l'Eglise.
Voir plus haut. Il faut distinguer circonstances essentielles et accidentelles.

Je pense que la véritable question est : est-ce que l'acte sexuel hors-mariage dans certaines situations (ex. : relation monogame, etc.) peut être objectivement bon (dans sa matière, et non en raison des limitations subjectives des agents) ?
Deux autres questions se posent alors :
- s'agit-il bien de la pensée du Pape ?
- est-ce une hérésie ou bien cela devient-il un enseignement licite du fait même d'Amoris Laetitia ?

Bien à vous.

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Carhaix » sam. 11 mai 2019, 21:10

.
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par James » sam. 11 mai 2019, 22:41

Archidiacre a écrit :
sam. 11 mai 2019, 20:05
Personne n'a dit qu'il s'agissait ici de se complaire dans le péché puisse que le péché lui a été confessé, ni de réécrire le passé (?). Vous partez dans tous les sens au point d'attribuer des positions contraires à vos interlocuteurs. Ce n'est pas parce que le péché est pardonné que l'Evangile n'avait pas exigé son absence (circonstance dans laquelle la situation aurait été meilleure). Je pense que vous essayez à tout prix de déceler une hérésie, dans les messages du Pape, y compris en extrapolant mes propres messages. Il n'y a pas de contradiction à parler d'idéal, au contraire, les deux vont de pair, mais je ne peux l'expliquer plus clairement: il est des situations, même pardonnables, qui n'existeraient pas si on avait répondu sans faute aux exigences de l'Evangile. Elles sont donc tout à fait liés à ces "exigences générales", bien que vous pourriez tenter d'imposer votre sens strict du terme. Il en va de même pour les situations comme telles qui découlent d'un manquement à ses exigences, mais qui fatalement, demeurent (à la manière des peines du purgatoires). Vous partez du postulat qu'il se contredit en omettant volontairement le lien que j'ai donné (voir même le fait qu'il est Pape et qu'il sait ce qu'est le péché mortel et ce qu'il implique). La démarche étant présomptueuse, je n'y vois qu'une impasse au débat.
Cher Archidiacre,

Je ne pars pas dans tous les sens, je n'ai fait que vous expliquer étape par étape et en définissant chaque terme-clé pourquoi le passage en question d'amoris laetitia - puisque la discussion s'est focalisée dessus - pose problème. A mon sens, en l'état, il peut s'interpréter de telle manière à justifier des hérésies. Je ne dis pas que c'est la seule interprétation possible, vous avez le droit de ne pas être d'accord, mais de grâce, ayez l’élégance de m'accorder au moins le bénéfice de ma cohérence avec ma propre pensée.

Pensée que je vais vous reformuler comme suit quitte à me répéter.

Il n'existe pas de situation qui ne réponde pas aux exigences de l’Évangile dans lesquelles on ne pèche pas, contrairement aux situations répondant aux exigences de l’Évangile : là effectivement on ne pèche pas. Ayant un Dieu bon, cohérent et plein d'amour, Il ne veut pour nous que ce 2e cas de figure. Ces situations-là peuvent ne pas être idéales du fait des aléas de la vie mais quoiqu'il arrive, elles ne peuvent que répondre aux exigences de l’Évangile. L'exemple que vous me proposez comme la déclaration du conseil pontifical vont précisément dans ce sens. Le pape François quant à lui soumet à notre réflexion la possibilité du contraire.

La différence entre nos analyses respectives c'est que pour vous, les exigences de l’Évangile n'incluent que les situations idéales, alors que moi, j'y inclus celles-ci ainsi que toutes celles qui ne le sont pas (i.e. idéales) mais qui ont été corrigées précisément par le repentir et les mesures adéquates. Je n'ai donc pas de discours confus à tenir là où vous, vous êtes obligé d'amalgamer les 2 termes "exigence" et "idéal" pour retomber sur vos pieds.

Alors certes, personne n'a dit textuellement qu'il s'agissait de se complaire dans le péché mais le pape François dit des choses qui permettent à certains comme moi de penser que ce qui est un péché à l'heure où nous parlons puisse ne plus l'être prochainement. Je vous ferais remarquer au passage qu'il semblerait qu'au moins 2 personnes dans cette conversation (Prodigal et Carhaix) soient favorables à la chose, à savoir plus précisément de rendre solubles les liens du mariage pour des motifs précis. Votre présupposé qui consiste à prêter des intentions orthodoxes (au sens premier du temps) sont déjà contredits par la pluralité des points de vue ici-même, alors dans l’Église...

Reste encore à considérer le cas d'une erreur de traduction, auquel cas, qu'on me le prouve et je l'accepterai volontiers.

[+] Texte masqué

Quand je parlais de "réécrire le passé", c'était pour faire écho à ce que vous disiez il y a quelques messages au sujet des situations qui ne peuvent pas être "annulable", point sur lequel je vous suis pleinement

Que la Paix du Christ soit sur vous!
Dernière modification par James le sam. 11 mai 2019, 23:52, modifié 1 fois.

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Archidiacre » sam. 11 mai 2019, 23:38

Je dis que vous partez dans tous les sens en me projetant des suggestions que je n'ai pas faite au sujet du terme exigence (mais je comprend mieux à présent avec votre spoiler). Essayons de concevoir le texte comme ne parlant pas d'une situation de péché mortel (avec laquelle le Pape serait de toute évidence en désaccord): La situation peut ne pas être un péché mortel en vertu des circonstances (ce que le décret de l'Eglise précise bien). Jusqu'ici, nous sommes d'accord.

Ma proposition est que l'exemple que j'ai donné ne répondrait pas aux "exigences", car il dégrade l'image du mariage et de la famille (d'où d'ailleurs les règles de discernement "discret"). Ce n'est pas une situation voulue par l'Evangile pour autant et c'est ce que je considère être le sens de l'exigence ici. J'ai parlé d'idéal pour vous aider à comprendre cette idée, mais ce n'est pas une introduction étrangère au texte. En contexte, on peut lire directement après la citation que vous critiquez que:
"c’est, pour le moment, la réponse généreuse qu’on peut donner à Dieu, et découvrir avec une certaine assurance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-même demande au milieu de la complexité concrète des limitations, même si elle n’atteint pas encore pleinement l’idéal objectif. "
Or, le terme objectif était aussi associé aux exigences dans la citation. Tout porte à croire en contexte que c'est ce qu'il entend par là: un idéal. En fait, le Pape assimile dans le même texte les deux termes:
" le message de l’Église sur le mariage et la famille est un reflet clair de la prédication et des attitudes de Jésus, qui, en même temps qu’il proposait un idéal exigeant"
Il dit aussi que les conséquences du péché s'opposent à l'idéal:
"Maisautre chose est une nouvelle union provenant d’un divorce récent, avec toutes les conséquences de souffrance et de confusion qui affectent les enfants et des familles entières, ou la situation d’une personne qui a régulièrement manqué à ses engagements familiaux. Il doit être clair que ceci n’est pas l’idéal que l’Évangile propose pour le mariage et la famille"
https://press.vatican.va/content/dam/sa ... _TESTO.pdf
En bref, tout porte à croire que pour lui, l'exigence ne se limite pas à ne pas pécher mortellement, mais aussi à édifier une famille chrétienne cohérente avec ses idéaux.

J'ajouterai qu'il n'y a pas d'opinions de laïcs à quantifier pour porter un poids sur l'orthodoxie d'un texte du Souverain Pontife (en admettant que carhaix et prodigal aient dit quoi que ce soit à ce sujet, car je crois bien que prodigal a nié que la situation contraire aux exigences était un péché mortel également, le débat ne se situant alors pas à ce niveau là). S'il devait y avoir une présomption, elle irait forcément en faveur du Pape qui connaît le péché mortel et ses conséquences, et non de l'idée qu'il se contredit lui-même pour des choses qu'il a clairement décrétées.
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prodigal
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par prodigal » dim. 12 mai 2019, 10:37

Cher Fernand Poisson,
je voudrais dire d'abord que j'apprécie votre façon de mener la discussion ; j'ai moi aussi l'impression que vous essayez d'être objectif, et vous au moins ne me faites pas dire des choses que je n'ai pas dites, cela fait du bien!
Fernand Poisson
Mais vous avez raison, je soupçonne plutôt le pape François de tenir pour la deuxième position, celle qui dit que des actes traditionnellement considérés par la Tradition comme intrinsèquement peccamineux (l'adultère par exemple) puissent devenir louables dans certaines situations. C'est d'ailleurs ce dont la lettre l'accuse.
"Louables" ou au moins neutres moralement, non coupables si vous préférez. Mais l'adultère n'est pas un bon exemple. Je n'ai lu aucune justification de l'adultère dans Amoris Lætitia.
Fernand Poisson
Je pense que la véritable question est : est-ce que l'acte[ sexuel hors-mariage dans certaines situations (ex. : relation monogame, etc.) peut être objectivement bon (dans sa matière, et non en raison des limitations subjectives des agents) ?
Deux autres questions se posent alors :
- s'agit-il bien de la pensée du Pape ?
- est-ce une hérésie ou bien cela devient-il un enseignement licite du fait même d'Amoris Laetitia ?
Bien à vous.
Question 1:
Il me semble que la pensée du pape est qu'il existe des situations (plutôt que des actes) non conformes à la lettre de la règle traditionnelle (qui dit qu'il n'y a pour un baptisé de relations sexuelles licites qu'entre personnes sacramentellement mariées) qui ne relèvent pas nécessairement du péché mortel, et qui exigent du discernement.
Je crois bien d'ailleurs que c'est cela que certains lui reprochent, donc Amoris Lætitia n'est pas un texte si abscons qu'on veut bien le dire, puisque ses ennemis l'interprètent comme ceux qui en ont reçu l'enseignement. Mais on pourrait clarifier davantage, je le reconnais. A supposer que la clarté soit bien ce qui est souhaité.
Question 2 :
Ce n'est pas une hérésie. Du point de vue de l'autorité, c'est une exhortation apostolique. Il est donc permis d'en faire la critique, mais c'est bien le magistère qui s'est exprimé et a donné la position de l'Eglise. Du point de vue de la raison, ce texte est un apport théologique manifestement essentiel vues les réactions qu'il suscite, et, je parle bien du point de vue de la raison, l'absence d'argumentation contradictoire crédible (du moins je n'en connais pas, mais je reconnais qu'il se peut qu'il y en ait et que je n'en ai pas connaissance).
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Archidiacre » lun. 13 mai 2019, 15:14

(qui dit qu'il n'y a pour un baptisé de relations sexuelles licites qu'entre personnes sacramentellement mariées)
Mais il n'y a aucune raison de penser que c'est à des unions impliquant relations sexuelles qu'il fait référence quand il parle de situation non mortelles. Ces relations sexuelles seraient d'ailleurs des actes et non des situations. On a l'impression dans votre message que vous mélangez les deux, est-ce le cas?
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par prodigal » lun. 13 mai 2019, 15:25

J'ai seulement essayé de retranscrire le message du Pape François, plus précisément la partie qui pose problème à certains. Il est évident que les situations dont il parle impliquent relations sexuelles (ou si vous voulez être très rigoureux "vont de pair avec", car elles ne sont tout de même pas obligatoires), sinon qui aurait tiqué?
La différence entre un acte et une situation, c'est qu'un acte peut être isolé.
Comprenez-vous autrement que moi ce qu'a dit François?
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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par Carhaix » lun. 13 mai 2019, 15:55

.
Dernière modification par Carhaix le dim. 14 juil. 2019, 2:47, modifié 1 fois.

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Re: Des universitaires et théologiens catholiques accusent le pape François d'hérésie

Message non lu par prodigal » lun. 13 mai 2019, 18:33

Cher Carhaix,
je pense qu'il s'agit d'une illusion d'optique. Les relations sexuelles ne sont pas le problème le plus important en effet, mais c'est le fait qu'il y a des situations dont elles constituent une composante normale qui amène à en parler.
Le problème qui a motivé la rédaction d'Amoris Lætitia, pour moi, ce sont toutes ces personnes qui sont éloignées des sacrements, y compris du baptême, en raison de leur situation administrative.
L'abandon du conjoint est évidemment très douloureux, mais c'est très clair, avant comme après Amoris Lætitia : il est interdit aux chrétiens de divorcer. La démarche du pape, cela me paraît évident, n'est pas de supprimer l'indissolubilité du mariage, et je crois qu'en effet il n'en aurait de toutes façons pas le droit. Il est de traiter la brebis perdue. Je veux dire qu'une fois que le mal est fait il ne faut pas renoncer au bien, il ne faut pas se résigner à quitter l'Eglise, on a besoin d'être guidé, dans un chemin de conversion justement.
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