Bonjour Franck,
Voici le texte du communiqué :
Initiative contre la construction des minarets
La Conférence des évêques suisses dit non à l'initiative contre la construction des minarets. Elle s'exprime sur ce sujet parce que c'est une question politique qui porte sur une religion et sur les droits corporatifs des religions. Les minarets, comme les clochers des églises, sont un signe de la présence publique d'une religion.
Nous sommes conscients que les droits inhérents à la liberté religieuse et cultuelle ne sont pas respectés dans certains pays de religion islamique. Les chrétiens en particulier subissent des difficultés dans leur pratique religieuse et des restrictions dans la construction d'édifices sacrés. Nous réaffirmons notre proximité et notre solidarité avec les chrétiens subissant des limitations de tout genre et des persécutions.
En tant que évêques et citoyens suisses, nous nous réjouissons que la Constitution de la Confédération ne contienne plus d'articles d'exception et nous ne souhaitons pas qu'on en introduise de nouveaux.
L'interdiction générale de construire des minarets fragiliserait les efforts nécessaires pour établir une attitude d'accueil réciproque dans le dialogue et le respect mutuel. En la matière, la peur est mauvaise conseillère. L'édification et l'usage des minarets sont d'ailleurs aussi régis par les règlements de construction.
Nous invitons à repousser l'initiative, non par méconnaissance des difficultés réelles, mais parce que nous sommes cohérents avec nos valeurs chrétiennes et les principes démocratiques de notre pays.
Delémont, le 9 septembre 2009
Les évêques suisses
Je joins aussi ce communiqué de la COMECE du 4 juillet 2007 :
« Europe chrétienne » et islam en Europe
Comment l’Europe chrétienne reçoit-elle l’islam en Europe ? Comment répondre à la crainte d’une « islamisation de l’Europe » et quelles sont les chances d’une « européanisation » de l’islam ? Autant de questions qui ont été abordées à l’occasion de cette troisième rencontre de la série de séminaires de Dialogue consacrés à l’islam, le Christianisme et l’Europe organisés par la CEC, la COMECE et la Fondation Konrad-Adenauer, qui s’est tenue ce 3 juillet au Parlement européen.
Selon Sara Silvestri, Professeur à l’Université de Cambridge et à la City University de Londres, l’islam a clairement contribué à la culture et à la science en Europe, mais y a eu une influence mineure sur l’organisation politique et juridique de la société, contrairement au christianisme.
Les Musulmans y sont à présent des citoyens à part entière. Elle estime que nous devons abandonner l’idée que les identités sont fixées une fois pour toutes et que les Musulmans constituent une catégorie monolithique. Elle note d’ailleurs certains concepts communs à l’islam et au christianisme: le souci du bien-être de chaque être humain, le caractère sacré de la vie et l’engagement des croyants dans la sphère publique, rappelant que les Européens, qu’ils soient religieux ou non, ont des valeurs et préoccupations communes telles que la justice sociale. C’est plutôt la perte des valeurs et de la spiritualité qui préoccupe les Musulmans dans nos sociétés sécularisées. Elle conclut que le dialogue interculturel promu par l’UE ne prendra pleinement sens que s’il est mis en pratique pour le bien commun d’une communauté de citoyens.
Représentant de la communauté musulmane de Serbie, le Cheikh Abdullah Nu’man a mis en garde contre les mauvaises interprétations de l’islam, qui s’éloignent du Coran, par superposition de différentes traditions culturelles génératrices d’erreurs. D’un point de vue théologique comme démographique, la crainte d’une invasion musulmane et de l’imposition de la charia est infondée. Il dénonce par ailleurs l’islamophobie comme étant une excuse raciste qui permet à certains de haïr les Musulmans ou de les discriminer. Il s’agit de « se parler et de s’aimer »et il rappelle que les Musulmans « aiment l’humanité car elle émane de Dieu et aiment Dieu car il nous a crées ».
Le Métropolite Emmanuel de France, représentant du Patriarcat Œcuménique près l’UE, a estimé que les défis interreligieux sont inhérents à une société multiculturelle et se manifestent dans toutes les sphères de la société (travail, école).
En Europe, du fait de l’histoire, nombreux sont ceux qui ont une peur irréfléchie de l’islam. Celle-ci continue à être véhiculée par la représentation stéréotypée et partiale de l’islam dans les médias et par un manque de connaissance général de l’islam. Rappelant que l’islam a été et reste européen dans ses racines, le Métropolite Emmanuel estime que « nous n’avons pas besoin d’européaniser l’islam » mais plutôt d’une perception révisée des valeurs et traditions existantes dans leur diversité. La crainte de l’islam est un défi que les institutions européennes, les Eglises et les média doivent relever. Un nouveau point de départ pourrait selon lui être trouvé dans un traitement médiatique plus juste et l’enseignement de toutes les religions à l’école. En identifiant les points communs entre les religions plutôt que les divergences, il estime que l’on pourra identifier des priorités communes et proposer une vision à l’Europe.
Dans la conclusion du débat, la députée européenne Margrete Auken (Verts-Danemark) a souligné la nécessité d’écouter, d’apprendre et de transmettre afin de surmonter les incompréhensions. Dans ce contexte, le dialogue avec les religions intégré dans le Traité de Lisbonne est selon elle « une obligation en même temps qu’un privilège ».
Pour répondre à votre remarque, je crois qu'il ne s'agit pas de "préférer l'Islam", mais de 1/ préférer le "pluralisme" religieux au laïcisme athée, et 2/ de promouvoir la réciprocité en matière de liberté religieuse. Le cardinal Tauran oeuvre beaucoup dans ce sens, selon ces deux axes, il me semble. La COMECE également. Tout en dénonçant dans les pays musulmans le manque à la liberté religieuse pour les chrétiens, et les persécutions qui vont avec, le cardinal Tauran et les membres de l'Eglise engagés dans le dialogue inter-religieux évoquent surtout les points qui peuvent rassembler et faire se rencontrer les personnes. Voyez par exemple cet article sur un discours du Cardinal Tauran :
http://www.zenit.org/article-21378?l=french
Bref, on s'éloigne de la question migratoire, et surtout on la réduit trop souvent au "problème" de l'Islam, sans bien faire de distinction entre cultures, religions, immigration et colonisation (bon, je force le trait). Mais pour en revenir au stricte plan migratoire, justement la COMECE travaille dessus, et reste, non seulement par fidélité, mais surtout par analyse et expérience, dans la droite ligne de l'enseignement social de l'Eglise sur la question migratoire. Donc non, l'enseignement de l'Eglise là-dessus ne s'applique pas qu'à l'Afrique, qu'aux pays sud américains ou à l'Asie, il me semble.
Maintenant le discours de l'Eglise sur l'immigration ne peut bien se comprendre, je crois, que dans l'approche globale de son enseignement : c'est à relier absolument avec la nécessité de la solidarité internationale, par exemple. Et une solidarité fidèle au principe de subsidiarité, c'est-à-dire une solidarité qui concourt, par l'accompagnement fraternel, à rendre autonome économiquement les pays pauvres, et non pas leur jeter des pièces en leur disant de prendre ça et de se démerder avec, en restant chez eux. Ca ne se comprends bien aussi que par la nécessité d'un véritable respect de la dignité du migrant et du réfugié, par de gros efforts d'accueil et d'intégration mutuels. Bon bref, il me semble qu'on a déjà eu cette conversation.