Le chercheur Rodolphe de Koninck observe une nette progression de l'intégrisme musulman en Asie
L'Indonésie que vous fréquentiez depuis longtemps, n'a-t-elle pas toujours connu un islam plutôt ouvert et tolérant?
À Java, où la population est à 95 % musulmane, l’islam se caractérisait jusqu’à tout récemment par un syncrétisme assez exceptionnel. Certes, les Javanais étaient musulmans et respectaient les piliers de l’islam, mais avec une tolérance remarquable à l’égard des autres religions. [...]
Dès les années 1970, j’ai travaillé dans la province d’Aceh, qui est la province la plus strictement musulmane d’Indonésie. Cela s’explique parce que cette province est celle qui a le plus résisté à la colonisation néerlandaise. Et c’est aussi celle qui, par la suite, a le plus résisté au pouvoir central indonésien, jusqu’à obtenir un statut spécial.
J’ai évidemment été témoin d’un islam plus rigoriste à Aceh, mais qui était quand même très détendu et tolérant. Les populations non musulmanes étaient bien acceptées. Le voile n’était pas porté du tout. Certes, il n’était pas question de boire de l’alcool en public, mais on pouvait très discrètement et de façon acceptée par les musulmans boire autre chose que des jus de fruits. [...]
Quand les choses se sont-elles mises à changer ?
Après quelques années d’éloignement, vers 2004, j’ai recommencé à fréquenter plus assidûment l’Indonésie. Je travaillais à l’Université Gadjah Mada, à Yogyakarta, dans le centre de l’île de Java. C’est la capitale culturelle javanaise, le centre de la formation des dalang, qui sont les grands prêtres qui manipulent les marionnettes derrière un drap et font toutes les voix. Ce sont des artistes accomplis.
Tout doucement, on s’est mis à construire des mosquées qui n’étaient pas de style javanais, des mosquées financées par l’Arabie saoudite à coup de millions. On en a construit des centaines. Durant la dernière décennie, j’ai vu le port du voile se répandre alors qu’il était totalement inexistant. Aujourd’hui, plus de 80 % des femmes le portent. Seule une minorité ne le porte pas et elle est très ostracisée.
Et l’islam, dans tout ça ?
Je crois qu’il faut le dire, l’islam est une religion à la dérive. On assiste à la prise de contrôle d’une religion par des valeurs qui n’ont rien à voir avec la croyance en un dieu. C’est une dérive totalitaire. L’interdiction de l’apostasie en Malaisie est une loi totalitaire. On assiste à la progression d’une vision de l’islam qui est nihiliste. Disons-le, le régime saoudien est un régime voyou. Au moins, la Corée du Nord ne répand pas son poison ailleurs dans le monde.
http://www.ledevoir.com/international/e ... 96/un-isla
Rodolphe de Koninck rajoute :
Le chercheur dit la même chose que le Père Boulad en Égypte. Un refus de partager le pouvoir avec l'État.Il n’y a pas une forme unique de propagation de l’intégrisme musulman. C’est très différent dans les pays arabes, en France ou en Indonésie. Mais il y a un fond qui est commun. C’est que l’islam refuse le partage du pouvoir avec l’État.