Un viol est un acte de pénétration, en l'absence de consentement de la personne qui le subit. Une fellation imposée par la force ou la manipulation est un viol. Une pénétration digitale dans le vagin ou l'anus est également un viol. Tout le reste est diversement qualifié, attouchement, agression. Il y a une qualification juridique précise en oeuvre dans le droit, ce n'est pas sans conséquence. Certains des faits reprochés à Jean Vanier sont certainement des attouchements mais je crains qu'il y ait bien aussi des viols.
Voici la déclaration d'une des victimes, extraite du rapport de 11 pages :
C'est exactement ça : cette femme seule et sans doute vulnérable psychologiquement ou socialement, se trouve face à un intouchable, un saint vivant. Elle sait très bien qu'on ne l'écoutera pas, qu'on ne la croira pas, en raison de sa fragilité et sans doute aussi, de sa féminité. Quand le piège s'est refermée sur elle, il était déjà trop tard, elle n'avait plus qu'à subir. Cela s'appelle "la sidération" : le cerveau disjoncte et le corps ne répond plus (je simplifie).J’étais comme figée, je réalisais que Jean Vanier était adoré par des centaines de personnes, comme
un Saint vivant, qu’il parlait de son soutien aux victimes d’abus sexuel, ça avait l’air d’un
camouflage et j’ai trouvé difficile de soulever la question.
Le vrai mot, c'est "camouflage". Ce genre de personnalité sait très bien se construire une image aux antipodes de sa personnalité réelle. L'Arche aura fait partie de ce que la psychiatre Muriel Salmona appelle la "stratégie agresseur", celle qui vise à lui garantir l'impunité : vous la trouverez à l'oeuvre chez Jean Vanier et le dominicain Philippe, comme chez Matzneff ou Preynat. C'est typique du modus operandi de ces prédateurs.
Le Dr Salmona parle aussi de la "colonisation agresseur", de la façon dont l'agresseur prend l'ascendant sur sa victime pour la conduire à ne pas s'opposer à lui et même...à prendre sa défense. Nanimo a raison, c'est une relation bourreau-victime qui met en jeu des mécanismes psychologiques difficile à concevoir pour tout un chacun.
Ces crimes, viol, attouchement, agression, dévastent le psychisme des victimes, les enfants comme les adultes. En fait, le plus difficile à comprendre, c'est que ces agressions ne laissent pas tant de trace au niveau des organes sexuels qu'au niveau du cerveau (voir les imageries médicales sur des personnes souffrant de stress post-traumatique qui montrent une hyperactivité de l'amygdale cérébrale). Ce que les victimes ressentent, les combats qu'elles doivent mener est au-delà des mots.
J'ai lu le rapport de 11 pages qui est effroyable : l'Arche n'aurait même jamais dû voir le jour tant cette belle organisation qui a fait tant de bien apparaît comme la résurgence de ce groupe sectaire qu'était "l'Eau vive". Les deux hommes n'ont eu de cesse de contourner la sanction ecclésiastique (et dès 1956 ! on ne peut pas dire que l'Eglise a tardé), sans doute pour y assouvir leurs petits délires mystico-partouzeux (ce que le dominicain Philippe fait dire à la Très Sainte Vierge, j'en ai la nausée !). Aussi zinzin l'un que l'autre.
Teano
P.S. : il me semble que pour avoir une vision complète des façons de faire de ces prédateurs, il faudrait aussi entendre la parole des femmes et des enfants qui, ayant été approchés par ce genre de dingo, ont réussi à échapper au piège. La proie échappe parfois au prédateur.