Riou a écrit : ↑lun. 27 juil. 2020, 14:52
ademimo a écrit : ↑lun. 27 juil. 2020, 14:06
Peut-être pourrait-on étudier la reconversion des églises et cathédrales d'avant 1905 en musées ? Si une telle mesure avait été prise à Nantes, l'orgue Clicquot serait encore là, pour la joie des amoureux du patrimoine et de la musique. On aurait pu affecter l'orgue au conservatoire, par exemple. La cathédrale aurait pu servir de salle de concert. Quant aux catholiques, il ne seraient pas lésées, puisque de toute façon, ils ont une préférence pour des lieux de culte modernes, plus conformes à leurs idées en matière de liturgie et de spiritualité. Tout le monde serait gagnant, finalement.
Une église est tout de même un lieu de recueillement. C'est aussi un lieu où se déroule la messe. C'est là la finalité fondamentale d'une église et de toutes les cathédrales louer Dieu. Vous dissociez complètement la cathédrale de sa finalité spirituelle réelle. C'est assez étrange.
Je ne vois pas non plus de preuves marquantes qui attesterait que "les catholiques" préfèrent les "lieux de cultes modernes", qui seraient plus conformes à leurs idées liturgiques et spirituelles. Que des catholiques pensent comme ça et se fassent les chantres de la modernité à tout va, sans doute, mais je doute qu'ils soient nombreux en la matière (notamment concernant les idées que vous leur prêtez en matière de lieux de culte).
Je connais bien les pratiques liturgiques, ayant été organiste dans le passé. Je connais les débats qui opposent les Modernes aux Anciens, sur l'organisation de l'espace sacré, ou bien l'utilisation de l'orgue. Personne n'ignore le problème que pose, depuis la réforme liturgique, la position des anciens maîtres-autels, des tabernacles. La plupart du temps, aujourd'hui, le maître-autel est désaffecté et laissé à l'abandon, et on a aménagé un nouvel autel à la croisée de transept (dénaturant le lieu). Parfois, on a modifié le maître-autel, en le coupant en deux, pour en rapprocher la table de la foule. Je me demande s'il n'y a pas eu, même, des destructions. On pourrait évoquer aussi la délimitation du choeur, matérialisée par des grilles dans certains anciens édifices. Parfois ces grilles ont été vandalisées, comme à Saint-Saturnin en 1997.
Je ne résiste pas à l'envie de vous citer un passage de cette aventure rocambolesque, qui a attiré l'attention à cause de la célébrité des protagonistes :
https://www.lemonde.fr/a-la-une/article ... _3208.html
Le Monde.
"Zizanie religieuse en Auvergne. A Saint-Saturnin, village auvergnat jusqu’ici paisible, le retable de l’église sème la zizanie. Une véritable bataille des "anciens" et des "modernes" dans laquelle s’opposent les familles Giscard et Hortefeux. "
Par Marion Van Renterghem Publié le 31 mai 2013 à 20h28 - Mis à jour le 01 juin 2013 à 13h01
Des rancoeurs remontent à la surface. Comme le mystère, jamais élucidé, de ces grilles de communion en fer forgé et situées entre le choeur et la nef qui disparurent, une nuit de l'année 1997, sciées à la base sans explication. Le lendemain matin, le village était sous le choc, on ne parlait que de ça. Que sont-elles devenues ? Nul ne répond. "Le camp Marie-Claude" est soupçonné d'avoir fait le coup : les grilles qui fermaient l'enceinte sacrée pouvaient contrarier l'esprit de Vatican II. "Où sont les grilles ?", demande-t-on à Jean-Pierre Tixerond, agriculteur et retraité de chez Michelin, un des fidèles de Marie-Claude Hortefeux. Il hésite. Puis se lance : "Les grilles ? Dans la chaufferie !" "C'est vous qui les avez sciées ?", hasarde-t-on. "Oh, je n'étais pas seul…", dit-il.
A son tour, Marie-Claude Hortefeux passe aux aveux. "Ah, les grilles ! Je reconnais que ce n'était pas tout à fait dans la légalité, mais elles nous renvoyaient au XIXe siècle, ça n'allait pas, il fallait bien les enlever ! Nous étions une dizaine, le curé était là. Il était 10 heures du soir, nous sortions d'un conseil paroissial et nous nous sommes dit : ce serait vraiment beau sans les grilles. Nous pensions juste les déboîter mais elles étaient scellées, alors on a scié un peu."
Quant à l'orgue, il n'est plus guère à l'honneur, la plupart du temps. Il n'est pas rare, en province, qu'il soit même complètement réduit au silence.
Ce n'est pas tout. Le patrimoine musical de l'Eglise est plutôt méprisé. J'ai déjà lu des jugements très négatifs sur l'ancienne liturgie (réputée dater de la Renaissance, c'est-à-dire de la Contre-Réforme, comme si c'était en soi une marque infâmante).
Donc en résumé, les catholiques d'aujourd'hui (non pas une minorité, mais l'écrasante majorité, puisque les traditionalistes sont marginaux), ont une mauvaise opinion de :
- leur patrimoine musical (chant grégorien, polyphonie des anciens maîtres, anciens chants populaires tels que les Noëls, les chants de Carême, Pâques, etc.)
- l'organisation de l'espace sacré des anciennes églises (maître-autel, tabernacle, choeur, clôtures...)
- l'usage de l'orgue dans la liturgie.
Ils sont parfois allés jusqu'à détruire ou se séparer du mobilier ancien (confessionnaux, bancs de communion), des linges d'autel, vêtements du sacerdoce, etc.
Et lorsqu'ils construisent des édifices neufs, ils construisent la cathédrale d'Evry, qui est le prototype de ce qu'ils souhaitent réellement aujourd'hui (pour l'organisation de l'espace sacré, essentiellement).
Mais ils auraient besoin des anciens édifices pour prier ?
Je ne comprends pas. Ce n'est pas logique.
Mon impression est plutôt que les anciennes églises ne répondent plus à leurs voeux, qu'elles les encombrent plus qu'autre chose. Pour le bien de tous, il me paraît plus logique de les en soulager, et de leur permettre d'utiliser de nouveaux bâtiments (tels que la cathédrale d'Evry), plus conformes à leur idée de la liturgie, de l'organisation de l'espace (se mettre en cercle autour de la table, etc.). Cela n'empêche nullement de prier. Et d'ailleurs, ils recommandent bien plus de "participer" que de prier seul dans son coin, qui est plutôt un signe de repli sur soi. Il faut au contraire chanter la louange en communion avec ses frères et soeurs. Donc, se tapir dans un coin obscur d'une cathédrale n'est pas du tout conforme à la spiritualité actuellement défendue par l'Eglise.
Et pendant que les catholiques libèreront ces édifices d'un autre temps pour aller chanter la louange dans de nouveaux bâtiments de type Cathédrale d'Evry, les passionnés d'art, les amoureux de patrimoine pourront visiter (sans déranger les catholiques) ces vieux témoins du passé, ou bien organiser des concerts d'orgue.
Tout le monde devrait être logiquement satisfait.