La virginité de la Vierge Marie comprend trois aspects: la virginité avant l'enfantement, la virginité pendant l'enfantement ou virginitas in partu et la virginité après l'enfantement. La virginitas in partu est je pense ce qui vous pose problème. Il s'agit en effet d'un dogme même non défini et il fait partie du dépôt de la foi, universellement accepté par la Tradition depuis le 4eme siècle. Il est donc commun aux catholiques et aux orthodoxes. Pour l'anecdote, les chrétiens de cette époque étaient l'objet des railleries des paiens à cause de ce dogme, ce qui ne les a pas empêchés d'y croire fermément.Libremax a écrit :
J'ai découvert aujourd'hui à la suite de discussions sur un autre forum que l'Eglise, par la voix de plusieurs papes, a exprimé sa foi en la virginité physique perpétuelle de Marie.
Cela m'a beaucou étonné.
Jusqu'ici il était clair pour moi que le Christ avait eu une naissance semblable à tout homme et que la virginité perpétuelle de Marie ne tenait que dans l'absence de relation conjugale physique et spirituelle avec un homme et n'avait rien à voir avec l'état de son hymen.
Saint Augustin (354-430) dans un de ces sermons rappelait justement ce dogme:
« Réjouissons-nous, mes frères ; que les peuples tressaillent de bonheur et d'allégresse. Ce n'est pas ce soleil visible, mais son invisible Créateur qui a fait pour nous de ce jour un jour sacré ; quand, devenu visible pour l'amour de nous, l'invisible Créateur de sa mère est né de son sein fécond sans aucune atteinte à sa pureté virginale ; car elle est restée Vierge en concevant son Fils, Vierge en l'enfantant, Vierge en le portant, Vierge en le nourrissant de son sein, Vierge toujours. [...] Il se créa donc une Mère tout en demeurant dans le sein de son Père ; et naissant d'elle, il ne cessa de demeurer en Lui. Et comment aurait-il cessé d'être Dieu en se faisant homme puisqu'il accordait à sa Mère de ne pas cesser d'être Vierge, tout en l'enfantant ? Aussi en se faisant chair le Verbe n'a point péri, il ne s'est point transformé en chair ; c'est la chair qui s'est unie au Verbe pour ne point périr. »
« [L'ange répondit à Marie : ] Vous resterez Vierge ; croyez seulement la vérité, conservez votre virginité, recevez même ce qui la complétera. Votre foi étant intègre, votre virginité restera sans tache.»
La Constitution dogmatique Lumen Gentium de Vatican II en son § 57 reprend ce dogme lorsqu'elle dit que:
Pour repondre à tes questions, je me servirai du livre de René Laurentin, Court traité sur la Vierge Marie que d'ailleurs je te recommande.Cette union se manifeste ensuite à la nativité, lorsque la Mère de Dieu, toute joyeuse, montra aux bergers et aux Mages son Fils premier-né, lui qui n'a pas lésé sa virginité, mais l'a consacrée
Pourquoi cette doctrine de la Virginitas in partu suscite tant de gêne aujourd'hui?
Pour René Laurentin, cela est dû à
René laurentin continue en expliquant quenotre culture plus ou moins marquée par l'influence de Platon ou de Descartes. Sous cette mouvance idéaliste, nous avons du mal à croire concrètement à la resurrection des corps et demeurons peu sensibles à la morale quoique séduits par la mystique. La racine de ces déficiences, c'est une méconnaisance plus ou moins profonde de l'unité substantielle de l'âme et du corps. Suivant des présentations trop courantes, qui ont trouvé domicile jusque dans certains catéchismes, l'âme est presentée comme un double et un au-delà du corps, alors qu'elle en est la forme substantielle et constitutive. Le corps est fâcheusement conçu comme un vêtement, voire une "guenille" ou "une prison de l'âme", alors qu'il en est l'organe vivant et transparent, le signe connaturel. Nos contemporains pensent facilement que ce qui advient au corps n'a pas d'importance pour l'"âme". Quoi d'étonnant que le mystère corporel et spirituel de la virginité en général et de la virginité dans l'enfantement en particulier, paraisse dépourvu de signification religieuse et qu'on bute également sur la transfiguration du Christ chère à l'orient, et, plus généralement sur tous les mystères qui impliquent un rayonnement des réalités spirituelles au niveau du corps?, Laurentin, pp. 177-178.
la virginité de Marie ne doit pas être affirmée au détriment de sa maternité. Selon la Tradition, en effet, elle est parfaitement "Mère" en même temps que parfaitement vierge. La virginité ne diminue pas plus la maternité comme telle, que la divinité du Christ ne diminue son humanité. Il ne faut donc pas hésiter à dire: Marie, intégralement Mère, a mis au monde par ses forces naturelles, avec ce sentiment de don de soi, de maîtrise de soi, et de liberté qui convient à une authentique maternité [...], Laurentin, p. 178.
De quelle manière la puissance, ou la providence de Dieu a t-elle eu à intervenir pour assurer cette intégrité, qui suppose la perfection, non seulement essentielle, mais accidentelle de la virginité, l'intégrité du corps en même temps que de l'esprit? Les Pères estiment qu'il y a là quelque chose d'exceptionnelle, sinon de strictement prodigieux. Ils s'expriment à ce sujet dans une langue religieuse et poétique, non en termes cliniques. Nous imiterons cette discrétion qui tient à ce qu'ils expriment le droit fil du mystère, et entendent nourrir la foi, non la curiosité. Nous dirons avec eux que Dieu a respecté le sceau de la virginité, mais sans entrer dans aucune sorte de description matérielle ou médicale qui serait au-délà de ce que la Révélation nous fait connaître avec certitude.
Quelle est la signification religieuse de mystère?
Pour les Pères, il est moins un privilège de Marie qu'un apanage de la naissance du Christ. ils étaient pénétrés de l'unité dogmatique et symbolique qui lie entre elles les trois naissances du Verbe: il naît du Père de toute éternité; de la Vierge Marie dans le temps; en toute âme chrétienne, par la foi et le baptême. La deuxième naissance a valeur de signe pour les deux autres: elle est l'attestation et la réplique temporelle de la première, le gage et l'exemplaire de la dernière. Aussi Dieu a t-il fait participer cette naissance corporelle à la condition surnaturelle et spirituelle des autres naissances: en l'affranchissant sous certains rapports, des servitudes et déterminismes de la chair: cet affranchissement se manifeste au principe dans le miracle de la Conception virginale (ex fide et Spiritu Sancto), et au terme, dans l'enfantement virginal. La naissance du Christ atteste que le Fils né de Marie selon l'humanité est le fils de Dieu de toute éternité. Elle atteste que la création déchue est reprise au principe. Elle annonce le triomphe de l'Incarnation rédemptrice jusque dans l'ordre de la chair.
A cet égard, elle est une anticipation eschatologique: et cette anticipation eschatologique s'harmonise avec celles que l'Evangile nous décrit explicitement dans le récit de la Nativité: l'étoile "signe dans le ciel" (Mt. 2,9; cf. Mt. 24, 31). Dieu se plaît à manifester au principe de ses oeuvres, de façon humble, restreinte et passagère quelque chose de la perfection et de la joie qu'elles atteindront, de façon triomphante, universelle et permanente, lorsque après le circuit des labeurs et vicissitudes crucifiantes accomplies dans le temps, elles parviendront au terme.
Secondairement, le signe de la naissance virginale se rapporte aussi à Marie. Il convenait, en effet, que Dieu conserve intégralement la virginité en celle qui en est l'exemplaire. Si la virginité eût été altéré dans l'odre corporel, l'essence n'en aurait san doute pas été ternie: mais elle ne serait plus parfaite dans l'ordre du signe, Marie ne serait plus la Vierge par excellence, l'icône de la virginité et, selon la perspective profonde des Pères, l'icône parfaite de la foi qui est l'âme de la virginité. Il faut dire plus: Marie n'est pas seulement l'idéal des vierges consacrées, mais le prototype de la virginité de l'Eglise. Selon une pensée dont nous trouvons de nombreuses expressions à partir de saint Ambroise , elle réalise corporellement ce que l'Eglise réalise sprituellement dans sa foi, c'est-à-dire la virginité dans la fécondité, elle qui a conçu Dieu en son coeur avant qu'en son corps (Augustin). Nier son intégrité corporelle, ce serait atteindre en son signe la foi de l'Eglise, cette foi sans tache, ni ride, cette fides incorrupta dont la Virgo incorrupta est l'icône. Le symbole manifesté dans les réalités de la chair.
Enfin, le miracle de la naissance virginale manifeste la plénitude du mystère de l'Immaculée Conception et prélude au mystère eschatologique de l'Assomption. La grâce préservatrice qui exempte Marie du péché originel l'affranchit également de ses principales conséquences personnelles: non seulement dans l'âme (concupiscentia), mais dans le corps. Marie, la nouvelle Eve, point de départ de la nouvelle création, n'a encouru ni le péché originel, ni les peines promises au péché de la première Eve (Gen. 3): servitude de la libido (3, 16b), douleurs de l'enfantement (3, 16a) et corruption du tombeau (3, 19). Si elle reste soumise aux servitudes extérieures du monde de péché où elle est née 8la crèche de Bethléem en témoigne), elle est affranchie de celles que les séquelles du péché font sourdre de l'intérieur. Le signe de la naissance virginale répond au dessein qui se manifestait dans la conception par l'Esprit-Saint et qui s'achèvera dans l'Assomption: le triomphe de la rédemption qui sauve et transfigure, non seulement les âmes, mais les corps. C'est ce que les Pères entendaient à travers la notion à la fois morale et physique d'incorruptibilité.
Ainsi, le mystère de la virginité in partu, comme celui de l'Assomption, nous rappelle des vérités méconnues et pourtant essentielles au mystère chrétien: le corps est partie intégrante de l'homme, il est sauvé par le Christ, associé à tout l'accomplissement du salut, promis à une destinée éternelle. Des ici-bas, le corps est atteint par l'oeuvre de la grâce, car les ressorts de la nouvelle création sont à l'oeuvre (Rm. 8, 22), et Dieu ne s'est pas interdit de manifester parfois en son corps des signes en forme de miracles (Mc 6, 45-49): la marche des eaux (9,1); la transfiguration (Lc 4, 30, Jn 6, 21; 18, 6) et pour finir la résurrection. La virginité intégrale de la Mère de Dieu appartient à l'ordre de ces signes.
Certes, ces signes sont difficiles à apprécier. Bien plus, ils répugnent à la mentalité contemporaine. Et pourtant, on ne peut ramener l'ensemble des signes et prodiges de l'Evangile, ni ceux qui se manifestent dans la vie de l'Eglise à de pures constructions mythiques au sens péjoratif de ce mot. A ce degré de laicisation, le mystère du salut et ses racines: le mystère de l'Incarnation rédemptrice, seraient trahis. Laurentin, pp. 180-181.
J'espère que ces quelques extraits du livre de René Laurentin te permettrons de mieux comprendre ce mystère.