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par MB » jeu. 08 juil. 2010, 13:53
Bonjour
J'avais écrit un article sur la question, je me permets de le reproduire in extenso, si cela peut donner des arguments et répondre à quelques interrogations.
"Première fois que j'écris un article ici, motivée par un événement comique à force d'être réactivé, à chaque fois, de manière automatique : le coup du Pape avec la capote. C'est que, comme le dit le Tonton, les journalistes et les agences de presse commencent à me les briser menues. Quelques simples observations :
- Le Pape ne passe pas son temps à parler de sexe. Eh oui, scoop ! Faites le compte de l'ensemble des ses interventions publiques, vous verrez que celles où il est question de cela ("capote" - "prêtres pédophiles" - "a-t-on le droit de sodomiser sa troisième maîtresse transsexuelle devant son fils adopté par son meilleur ami qui est un prêtre homo", etc.) ne doivent pas constituer, allez, plus de 5 pour cent du tout. Les agences de presse ne retiennent que ces 5 pour cent ; c'est plus facile à lire que des modifications de droit canon, des admonestations à des épiscopats nationaux, des textes philosophiques ou techniques, etc ; ça fait vendre ; les journaux adorent. Pourquoi ne retient-on de l'Eglise que ce qui touche à cette question ? Ce n'est pas le Vatican qui est plein d'obsédés sexuels, ici.
- Le préservatif n'a jamais été le centre des discussions morales du Vatican sur le sexe. Au fait, je crois qu'il n'a jamais été "interdit", il n'en est pas question. Très honnêtement, je ne connais pas de texte officiel qui en ait fait son coeur argumentatif. Le coeur de l'affaire justement, ici, c'est : "que faire pour endiguer l'épidémie de sida en Afrique" ? La réponse est simple : "modifier les comportements". En l'occurrence, une bonne part de l'épidémie est causée par le comportement de maris volages qui ramènent le sida à la maison après avoir fricoté ailleurs.
Quel est le meilleur comportement ? Aller voir ailleurs en mettant la capote (quitte à ce qu'elle craque de temps en temps, ou que, oh ! comme par hasard, on l'oublie, c'est tellement meilleur), ou rester fidèle à son conjoint ? Pas besoin d'être catholique pour trouver la bonne réponse ; je rappelle que la fidélité est une valeur républicaine, sanctionnée par la promesse que se font les époux devant le maire. Ce que je trouve extraordinaire, c'est que bien de ceux qui poussent des cris d'orfraie en écoutant le pape parler de cela, deviendraient fous en apprenant l'adultère de leur conjoint. Faudrait savoir !
- Les journaux présentent l'affaire comme si le préservatif avait une valeur fétiche. Comme si quelque chose de magique s'y attachait. Lu, quelque part, je ne sais plus où : "donc en gros, si je vais voir une prostituée, j'ai pas le droit de mettre la capote". Ben non, Ducon ! Ne va pas voir la prostituée !
Certes, à un niveau, disons, paroissial, le bon sens expliquerait que, tant qu'à faire, c'est "moins mal" d'enfiler le précieux latex dans ce cas, que de ne pas le faire ; mais cette question est évidemment secondaire : ce qui compte, en l'occurrence, c'est de ne pas courir les péripatéticiennes... c'est tellement difficile à comprendre, hein ! Heureusement qu'il y en a qui ont étudié le thomisme.
- Contrairement à ce que disent les médias, il n'est pas question d'interdire. D'abord parce que l'Eglise n'en a plus les moyens ni la volonté. Ensuite parce que la vie chrétienne ne consiste pas en l'observance d'une liste de courses à faire dans un supermarché spirituel (un peu à la façon de la confession du mort égyptien dans l'Antiquité :" Puissants dieux, prenez-moi dans votre paradis : je suis quelqu'un de très gentil, la preuve : je n'ai pas fait ceci, je n'ai pas fait cela", etc.). Les bouffeurs de curés se représentent la vie chrétienne comme un règlement à respecter ; on se demande s'il n'est pas heureux qu'ils ne soient pas chrétiens eux-mêmes : ils seraient vraiment trop mauvais.
Eh bien, la vie chrétienne, ce n'est pas cela. On aurait du mal à la résumer en quelques lignes, mais pour faire simple, je dirais : être chrétien, c'est tout faire pour s'oublier soi-même au profit de Dieu (et, en passant, au profit d'autrui). C'est se dévêtir de toutes ses couches d'égoïsme, sous quelque forme que ce soit.
Il se trouve que le domaine de la vie amoureuse est un lieu fréquent d'égoïsme : même l'amour terrestre le plus pur en comporte toujours quelques taches, heureusement lavables à coups de compréhension et de pardon mutuels. Comment faire en sorte que, à partir de l'amour terrestre, on parvienne à se rapprocher de Dieu qui est, lui, amour pur : voilà la vraie question.
Les enseignements de l'Eglise cherchent à répondre à cette question. On peut, dès lors, en contester la validité ; on peut aussi bien en accepter une partie du contenu, s'interroger sur l'autre, débattre, ne pas être d'accord aussi. On peut discuter les raisonnements qui sont à la base de tout cela, des prémisses théologiques et philosophiques. Dans tous les cas, avant d'en parler, il faut connaître et comprendre - c'est-à-dire, en général, ne pas faire comme les journalistes (mot synonyme d'analphabète professionnel).
Je conclus. On parle souvent de "problème de communication" entre l'Eglise et le monde : l'expression est à la fois mal vue et bien vue.
- Mal vue : comme si c'était juste une question de forme (sous-entendu : "ils ont toujours pas trouvé le moyen de faire passer la pilule", si je puis dire).
- Bien vue : il y a effectivement incompatibilité de fond entre, d'une part, langage ecclésial, entre raisonnement théologique (mais aussi philosophique, historique, sociologique, etc. bref, raisonnement complexe tout court) et d'autre part langage de la société médiatique post-moderne. Les ponts sont impossibles à réaliser. C'est donc bien plus facile de crier au loup réac que d'essayer de réfléchir un peu".